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Barbara (C. Petzold) : raison d'Etat et sentiments

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Message par Eyquem Dim 20 Mai 2012 - 18:22

Un peu longuet pour le projet que le film se propose : réussir un champ-contrechamp.

Qu’est-ce qu’un champ-contrechamp réussi ? C’est deux amoureux qui se regardent, qui se font face, c’est un champ-contrechamp à hauteur de visages, c’est-à-dire de sentiments humains. Mais si.

C’est comme ça en tout cas que le film s’achève, c’est vers ce champ-contrechamp qu’il va tout entier : Barbara regarde André, André regarde Barbara, et il s’aiment. Ca paraît rien, mais c’était pas gagné d’avance.

Oh Barbara, pour aller jusqu’à toi, quel drôle de chemin il aura fallu prendre…

Je spoile ?
Allez, je spoile ; de toute façon, le film semble peu intéresser.

Si le chemin est si long et si étrange pour aller jusque là, jusqu’à ce champ-contrechamp à hauteur de visages, c’est qu’on est en RDA. Or, en RDA, personne ne se regarde à hauteur de sentiments : tout le monde se surveille, s’épie, et l’axe de la surveillance, c’est la plongée, en surplomb, comme nous le signifient les tout premiers plans du film : à peine Barbara est-elle descendue du bus qui la conduit à l’hôpital où elle vient d’être affectée, que la caméra la cueille du haut d’une fenêtre, où deux espions sont déjà là, à l’observer, pour leurs rapports de police.

Barbara (C. Petzold) : raison d'Etat et sentiments Barbar11
Barbara (C. Petzold) : raison d'Etat et sentiments Barbar10


Le truc qui fait durer l’histoire, c’est qu’André lui-même est un espion, celui dont Barbara va devoir tomber amoureuse avant la fin du film, si tout va bien.


Entre les deux (le champ-contrechamp au début, selon l’axe de la surveillance d’Etat, et celui à la fin, à hauteur d’amoureux), le film offre un petit moment réflexif, une leçon sur le regard, en méditant sur un tableau de Rembrandt : « La leçon d’anatomie du docteur Tulp ».

Barbara (C. Petzold) : raison d'Etat et sentiments Rembrandt_lecon_anatomie_1632

C’est André qui fait la conférence : il essaie de séduire Barbara et pour séduire une intellectuelle, rien de tel que de lui dire des trucs épatants sur un tableau de Rembrandt. Il lui fait donc un cours sur ce tableau, qu’il a affiché dans son labo.


Qu’est-ce qu’on voit ? Un professeur, un livre, des disciples, et un mort.
Or, remarque d’abord André, personne ne regarde le mort : le mort fait le sujet du tableau, le mort est l’objet d’étude de tous ces savants, mais personne le regarde. Les savants regardent le livre (un bouquin d’anatomie), ils regardent le spectateur du tableau, ou ils regardent ailleurs, on ne sait trop où, pour la beauté de la composition. C’est embêtant : le professeur fait une leçon de choses, fonde sa science sur l’observation, et pourtant, observer le sujet d’observation, personne le fait. Premier accroc.
Ensuite, qu’est-ce qui ne va pas ? Il n’y pas quelque chose qui cloche ?
- « La main, dit Barbara ; elle est trop grande ». Oui la main gauche, la main écorchée est trop grande. C’est même plus que ça, renchérit André : elle ne va pas du tout, elle est fausse anatomiquement. En principe et en vérité, on devrait voir la main gauche paume tournée vers le haut, alors que si on regarde le détail des muscles, ce qui est représenté, c’est en fait une main droite paume tournée vers le bas. Une deuxième main droite donc, car le mort en a déjà une, à sa place. Le mort a deux fois la même main droite : la réelle, et puis l’écorchée, représentée telle que la voient ces savants, quand ils écorchent des mains, sans regarder le mort à qui elle appartient.
Pourquoi une telle déformation, un mort avec deux mains droites, une vraie et une fausse ? C’est un problème de regard, dit André : comment regarder le mort ? qui le regarde, un peintre ou un savant ? Les savants ne voient qu’une main d’écorché, un sujet d’anatomie : Rembrandt a représenté cette main d’écorché comme les savants la voient ou comme elle figure sans doute dans le livre qu’ils regardent : elle est vraie dans le livre, mais elle est fausse dans le tableau. Parce que ce qui intéresse Rembrandt, c’est le mort sans intérêt, ni scientifique ni d’aucune sorte, le mort sans intérêt que personne regarde, mais que le peintre fait voir.


C’est un très beau moment du film. On apprend des choses. J’ai lu d’ailleurs que cette interprétation n’est pas de Petzold, ni d’Harun Farocki (son coscénariste), mais de GW Sebald (pas encore lu Les Anneaux de Saturne, d’où cette lecture est tirée) :

"La main difforme témoigne de la violence qui s’exerce à l’encontre d’Aris Kindt. C’est avec lui, avec la victime et non avec la guilde des chirurgiens qui lui a passé commande du tableau, que le peintre s’identifie. Lui seul n’a pas le froid regard cartésien, lui seul perçoit le corps éteint, verdâtre, voit l’ombre dans la bouche entrouverte et sur l’œil du mort." (Les Anneaux de Saturne)
http://imagesrevues.revues.org/409 (Sur Sebald et ses liens avec Benjamin)

via :
http://revuedebordements.free.fr/spip.php?article65


Evidemment, ce problème de regard, c’est aussi la question du film (faire en sorte que Barbara, médecin, porte sur les autres un regard qui ne les réduise pas à un objet d’étude, d’observation, ou d’intérêt).


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Message par Invité Dim 20 Mai 2012 - 18:56

ah tu aimes aussi ce qui est didactique !

je change de sujet ( enfin pas tellement, c'est aussi une histoire d'écoutes ) pour raconter cette histoire de Godard sur le plateau d'apostrophes à qui on avait mis un micro dans la poche poitrine de sa veste. il y avait rangé précédemment des fiches qu'il semblait sortir pour s'amuser et brouiller d'un crkcrkcrk une intervention tierce.

avec internet nous sommes revenus à la préhistoire du cinéma muet : on lit les cartons ....

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Message par py Mer 23 Mai 2012 - 20:18

Eyquem a écrit:
Evidemment, ce problème de regard, c’est aussi la question du film (faire en sorte que Barbara, médecin, porte sur les autres un regard qui ne les réduise pas à un objet d’étude, d’observation, ou d’intérêt).

Je ne comprends pas bien. Le film nous montre ostensiblement l'inverse (sauf peut-être avec le médecin chef): Barbara en empathie avec les malades jusqu'au sacrifice de soi et en même temps, cible des regards amoureux ou inquisiteurs, sous surveillance permanente, jusqu'au plus profond de son anatomie.
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Message par Eyquem Jeu 24 Mai 2012 - 16:22

'soir py,
Le film nous montre ostensiblement l'inverse (sauf peut-être avec le médecin chef)
oui, c'est sans doute trop vite dit ce que j'écris à la fin, mais ses rapports avec André, c'est l'essentiel du film, non ?
On n'est pas certain au début qu'André soit seulement amoureux, vu qu'il est aussi chargé de la surveiller pour la police.
L'image qui me reste du film, c'est celle de cette blonde longiligne, au regard dur.

Le trajet du personnage, si on s'en tient à la fin, c'est quand même ça : accepter d'être amoureuse, et sauver cette jeune fille autrement que comme médecin.
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Message par Invité Dim 27 Mai 2012 - 23:16

Eyquem a écrit :
Si le chemin est si long et si étrange pour aller jusque là, jusqu’à ce champ-contrechamp à hauteur de visages, c’est qu’on est en RDA. Or, en RDA, personne ne se regarde à hauteur de sentiments : tout le monde se surveille, s’épie, et l’axe de la surveillance, c’est la plongée, en surplomb, comme nous le signifient les tout premiers plans du film : à peine Barbara est-elle descendue du bus qui la conduit à l’hôpital où elle vient d’être affectée, que la caméra la cueille du haut d’une fenêtre, où deux espions sont déjà là, à l’observer, pour leurs rapports de police

ah bon tout le monde se surveille en rda ? c'est comme chez nous alors.

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Message par Invité Dim 3 Juin 2012 - 16:48

c'est un film banal, banal au genre, un mix d'idéalisme et de résistance, hum pas trop, et banal par le lieu où tout du début à la fin converge, cet hôpital dont le réalisateur semble penser qu'il est au coeur des passions, qui viennent y mourir et rien moins qu'un dispensateur d'air anesthésiant.

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