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docteur Jerry et mister Hulot :

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docteur Jerry et mister Hulot : Empty docteur Jerry et mister Hulot :

Message par Borges Dim 5 Fév 2012 - 9:09

jerzy P a écrit:
- Jacques Tati, son style de "comique", ne m'a absolument jamais arraché un seul sourire. A part peut-être Jour de fête et Les vacances de Mr Hulot. Mais je le trouve trop franchouillard, vieille France, sinon.

Ce qui m'exaspère dans la suite ne fait qu'un avec cette sorte de musique-musak façon "bal musette" ou "piano bar" nostalgineuse et fantômatique qui me donne des sueurs froides. La seule chose que je peux rapprocher de cette véritable torture sonore, c'est... Bobby Lapointe, peut-être (takatitakité takitékatati, avanie et framboiiiiise. Ouille).


Jerry Lewis, dans l'enfance surtout, mais plus tard aussi, également pour certaines séquences, rarement pour un film complet:
- Jerry la grande gueule: un de ses moins cotés, je crois. Mais y a plusieurs trucs qui m'ont tué dans ce film.

- le tombeur de ces dames. Plusieurs séquences dont une, dantesque, qui ne marche peut-être que sur moi: le perchman qui lui beugle un truc dans l'oreille avec un porte-voix, sur le plateau de tournage installé dans la pension. En réplique à un hurlement de Lewis dans le micro pour un test (: "géronimo", cri qui a brisé ses lunettes). Puis il se demande où a pu passer Lewis. Il découvre Lewis dans un canapé juste à côté. Je dis bien "dans": allongé, raide, en dessous des coussins - bien en ordre - qu'il enlève un par un. Tous ces trucs qui ne sont plus drôles du tout quand tu essaies de les raconter, of course.

Le principe lewissien de la catastrophe prévisible, de la destruction matérielle d'absolument tout dans le décor, c'est une des choses aussi qui chez lui me fait monter au plafond, impossible de m'y soustraire.
Dans Le tombeur des ces dames, par exemple: il doit passer le plumeau sur des bibelots en cristal hyper-rares, auxquels la matrone tient comme à la prunelle de ses yeux. Des trucs impossibles: des espèces de cigognes ou flamands roses, à longue pattes toutes fines.
La rapidité stupéfiante avec laquelle il réduit ça en pures miettes, sans aucun suspense possible, c'est un processus qui, à chaque fois, même en y pensant, m'atteint physiquement et nerveusement.
C'est inexorable et pourtant toujours surprenant. Surprenant parce qu'inexorable ou le contraire (cette logique que les deux Suisses, là, appliquent dans leur court métrage expérimental "le cours des choses").

Alors, les fameuses "grimaces" de J.L., qu'on a parfois sévèrement raillé (mauvais acteur, etc), pas toutes réussies, loin de là. Mais c'est la même logique du cataclysme: c'est une fractale, ou un sismographe. Qui figure, en se dé-figurant, le chaos matériel d'une situation a-sensique. Quand elle est réussie, c'est du pur génie. La recherche, audacieuse autant que casse-gueule, de Lewis, ne concernant plus du tout le "jeu d'acteur", mais le prolongement mutant du dessin animé, de Chuck Jones, Avery, dans le corps et l'espace photo-cinétiques.

JL et le jazz, une grande affaire - west coast; le corps, la danse, la syncope. "Je chante le corps électronique". Lewis précurseur du break et du smurf.

Belles pages de Deleuze dans Image-temps ("autant de ratés de danse, un degré zéro prolongé et renouvelé, varié de toutes les manières possibles, jusqu'à ce que naisse la danse parfaite (the pasty). Il faudrait citer les deux pages en totalité. Flemme.

La musique, dans ces extraits, est sublime (enfin, pour moi), elle ne fait pas "rire".
Les scènes en question, du point de vue de l'humour, ne sont pas forcément convaincantes (quoique, quoique... La séquence en NB avec Basie, je la trouve géniale), mais je ne pense pas que l'humour ait jamais été leur but premier. C'est sous un autre angle que ça se passe, qui se diffuse depuis la musique et déplace, en le divisant, le contenu de ces scènes vers un horizon émotionnel autre, plus secret. Et sous cet angle musical/corporel, qui est peut-être leur seule destination véritable, elles sont grandes.










Count Basie:










gershwinesque:





"This is a rarity", comme il dit:







Stéphane Pichelin a écrit:
Il y a un plan-séquence incroyable dans Jour de fête.
François le facteur rentre dans une maison. Je ne me souviens plus très bien si le plan commence porte fermée et qu'il l'ouvre immédiatement, ou s'il est déjà en train de l'ouvrir au début. Peu importe. L'important, c'est qu'on ne voit pas, on n'a pas le temps de voir ce qu'il y a derrière la porte. Mais la porte donne sur une petite pièce, basse de plafond (ou est-ce une illusion du cadrage ?), dans laquelle se trouve un bonhomme un eu âgé, assis, immobile, habillé de noir, qui tourne la tête vers François pour l'écouter. Premier contraste entre ce bonhomme sans mouvement, muet, et François, volubile et éléctrique, réjoui par la fête qui se prépare. Second contraste entre la pénombre de la pièce, les vêtements noirs des deux hommes qui y participent, et le pan éclairé, blanc, de la porte à gauche de l'image. Puis François sort en fermant la porte derrière laquelle on découvre un cadavre sur un lit.

On rit, mais de quoi ?

D'abord, sûrement, de l'impropriété des paroles du facteur tout à sa joie et ignorant du drame dans lequel il s'impose. Genre : « Quel gaffeur ! Il n'en fera jamais d'autre. » Mais on rit aussi de façon rétrograde. Souvent, chez Tati, le gag est préparé si loin en amont qu'il est déjà joué quand il survient. On ne rit pas de la surprise mais par reconnaissance. C'est un vieux trope du burlesque. Par exemple, chez Charlot devenu horloger confronté à un client vindicatif et ne cessant pas de rapprocher de lui un marteau, comme s'il était prêt à en donner un coup sur la tête de l'autre. Mais il ne le fait pas, c'est ce qui nous fait rire. À la place, il défonce un réveil avec le même marteau et on rit encore. On rit de l'horreur avortée et qui n'a lieu que dans notre imagination, et de nouveau quand cette horreur est convertie dans une destruction bénigne. Tati reprend cette façon de faire mais il la pousse un peu plus loin : on va d'abord rire de l'imagination du gag, puis de ceci, que ce que nous avons imaginé se réalise bel et bien. Dans la séquence en question, ça ne suffit pas de dire qu'on rit du contraste entre l'énergie aveugle de François et l'immobilité du mort. Cette différence finale en recouvre beaucoup d'autres : entre la fête et le deuil, entre l'énergie de François et l'immmobilité du veilleur, entre le pan blanc de la porte et l'obscurité de la pièce. Et tout ça ne se recouvre pas. François vient de l'extérieur, il en participe comme la porte, mais il est aussi sombre que le veilleur ; il vient et est de la fête mais il va et est du deuil. D'autre part, le deuil n'est évidemment pas la mort : la fête est en contraste avec la mort par la joie et le mouvement mais le deuil est en contraste avec la fête par retirement social (le veilleur est chez lui, enfermé après que François ait tiré la porte) et le veilleur est aussi dissocié du cadavre car on lui parle et non au cadavre et il regarde et pas le cadavre – plastiquement, les visages de l'un et de l'autre sont à deux bouts opposés de l'image.
Alors quand François ferme la porte, ce qu'il découvre, c'est tout bonnement le principe de toutes les différences que le plan a organisées ; principe qui est la mort comme déchirement existentiel, déchirement dans le tissu social et déchirement plastique des zones éclairées ou ombrées. On retombe sur une vision assez classique, je crois, du comique comme rupture d'un ordre. Mais ce que je trouve intéressant, c'est la temporalité donnée par Tati à cette rupture.

Ce qui est drôle, ce qui nous fait rire, y compris d'un rire « de bonheur », c'est cette rupture de l'ordre suivi de son rétablissement (François continue sa tournée, la fête se prépare. Ce n'est pas très original d'écrire ça. On rit face à l'abîme, face au non sens qui menace de tout faire craquer, s'effondrer, mais au moment où on échappe à cet effondrement. On rit d'une syncope.
Que la musique ne signifie rien, c'est très possible. Par contre, je crois qu'elle exprime quelque chose : elle s'exprime elle-même comme continuité gagnée sur le bruit chaotique. Comme disait Varese, elle est « bruit organisé », gestion du bruit ou de l'intensité, ou : comment faire monter le bruit sans tomber dedans ? Or la syncope est rupture de la continuité. Dans la syncope, il y a le risque que toute la musique vienne s'engouffrer pour retomber dans l'anomie du bruit. La musique peut-elle être comique ou humoristique selon une intention personnelle ou impersonnelle ? Pour l'instant, je ne sais pas. Mais elle peut être drôle, en tant que musique. Et un instrument, ou plutôt une condition de cette drôlerie, est dans la gestion de la syncope. c'est à dire dans le rapport de la continuité musicale et du bruit qu'elle survole.

docteur Jerry et mister Hulot : Jour_d10



Stéphane Pichelin a écrit:continue de rire, Jerzy, car ce n'est pas fini. Wink
et puisque tu n'aimes pas Bobby Lapointe :


Bobby Lapointe, ni comme auteur ou chanteur, mais comme compositeur. La musique de Lapointe qui reprend le plus souvent des styles syncopés : tango, salsa.. . Même ses imitations de rock psyché sont plein de syncopes. C'est une musique qui est comique par intention. Qu'elle soit effetivement drôle, ou jamais drôle, ou parfois, n'est pas la question. Elle veut soutenir une drôlerie, et elle le fait d'abord par la syncope. Mais elle le fait aussi comme pastiche. Je veux dire que ce qui est pastiché chez Lapointe, c'est justement l'usage de la syncope imité du tango, de la salsa, etc... Chaque syncope d'un morceau renvoie au style pastiché, toujours le même et toujours de la même façon, sans variation. Et le nombre de styles pastichés dans tout l'oeuvre est très réduit. C'est même la grande différence avec Zappa, qui multiplie d'album en album, voir au sein d'un seul album ou d'un seul morceau, les références stylistiques. Chez Lapointe, les références sont peu nombreuses. Et la façon de faire référence est invariable d'un morceau à l'autre. La répétition est sans différence – ou vise à l'être. C'est toujours face à la même rupture qu'il se place et toujours la même manoeuvre d'évitement, ou le même retour à la continuité, qu'il opère. Réitération continue qui ressemble à celle del'autiste, beaucoup trop pour qu'il s'agisse d'un pur hasard. L'autisme, la glissade dans le bruit, est la tentation permanente de Lapointe et en permanence conjurée. Il se passe avec sa musique exactement ce qui se passe avec ses textes, ces enfilades de calembours creux, gratuits, où le langage risque à tou moments de se dissoudre. En dehors de la volonté comique, Lapointe me semble moins proche de Zappa que de Piper at the gate of dawn, le premier Pink Floyd, ou il faudrait dire le premier Syd Barrett – et on sait ce qu'il est advenu de Barrett. Les « rocks » saturés de l'un sont la version dégradée des descentes astronomiques de l'autre. Les moyens ne sont bien sûr pas les mêmes. Barrett travaille beaucoup la stéréophonie, la spatialité et la pénétration de la matière sonore. La syncope, ce n'est pas trop son affaire. Mais c'est qu'il file tout droit vers l'enfer alors que Lapointe essaie de le conjurer. Pour le dernier, la syncope est une manière de faire un pas en arrière au dernier moment face à l'abîme qu'on désigne. Dans ce sens, elle est le geste de Charlot ramenant à lui un marteau qu'il n'utilisera pas et pour dire qu'il ne l'utilisera pas. (Ce n'est pas le seul rapprochement possible à mes yeux entre Lapointe et Chaplin : ils cèdent tous les deux facilement à une sentimentalité larmoyante : A film with a laugh – and perhaps with a tear.)

Pas étonnant de retrouver ensemble la syncope musicale et le burlesque qui est le cinéma le plus rythmique, le plus syncopé.
(et pour ceux qui se poseraient la question, je n'écoute plus Bobby Lapointe mais toujours Zappa et Piper at the gate of dawn.)




jerzy P a écrit:Ah mais, je n'ai jamais contesté que la musique de Bobby Lapointe se fonde sur la syncope.
J'ai juste dit que c'était une syncope molle - au sens de non tonique, sans tonus. Et j'ajouterais une syncope très a-rythmique, suscitée d'ailleurs par la dimension un peu "machine autiste" (tout à fait, je te remercie de le souligner) du dispositif à jeux de mots en question.

Il y a syncope et syncope. La syncope en jazz - brisure dans le flux, ou flux dans la brisure, c'est pas vraiment cette manière, clairement.

Ces différences de syncopes donnent des styles burlesques très différents, forcément. Relis ce que dit Deleuze à propos de Lewis: le nouveau burlesque de Lewis, ce n'est plus l'âge de la machine et de l'outil se déréglant, comme chez Keaton ou Chaplin, c'est le signe optique-sonore pur comme énergie ondulatoire, une "nouvelle manière de danser et de moduler", se substituant au schème sensori-moteur du burlesque fondé sur le dérèglement de la machine...
"Le comique n'est plus le mécanique plaqué sur du vivant, mais du mouvement de monde emportant et aspirant le vivant".
Il est vrai qu'il associe Tati aussi à ce "nouvel âge" du burlesque, tant pour la nouvelle situation optique que sonore. Tout en soulignant les différences.
Il semblerait voir certaines similitudes entre Lewis et Tati. Pour ma part, je vois et ressens toutes les différences.

La musique, chez Tati, si elle ne participe plus à l'ordre de la mécanique déréglée par le sujet-agent, a cet aspect de musique-automate "en boucle" a-rythmique, en rapport avec le style de corps, de danse, de modulation, de Tati, sa syncope qui est de l'ordre du pas haché, un oscillographe buggé. Plus du côté de l'automate que du danseur.

Quelque chose qui serait davantage du côté du tragique, de l'égarement, de la perte, tu vois? C'est pour cela que je parle de "nostalgisme". Nostalgie d'un âge ancien, humaniste, où le sujet-agent avait encore prise sur la "machine", impersonnelle et anonyme; nostalgie infinie de la présence ou phonè perdues. Un nostalgisme qui, à mon sens, est chez lui authentiquement réactionnaire dans sa complainte sur la perte d'une authenticité première (qui n'a jamais eu lieu).

Tout le personnage de Hulot, son imper, son chapeau, sa pipe, sa courtoisie anachronique, ne se signifie-t-il pas comme le fantôme d'un âge d'antan, d'un ordre révolu, et dont il souhaite nous faire partager la nostalgie?

ça devient central, cette question du "monde d'avant", à partir des Vacances, mais c'était déjà très sensible dans Jour de fête, et le court-métrage d'avant, l'Ecole des facteurs: l'opposition entre la lenteur française, artisanale, ce charme du petit village, et la vitesse technologique des "Américouwains". Tout la mécanique burlesque repose sur l'écart ou l'inadéquation entre d'une part la vitesse propre au vélocipède, destiné à la distribution du courrier, ancré sur la terre et ses chemins, mais ici poussé dans ses derniers retranchements, pris dans une accélération folle, et d'autre part la vitesse propre aux machines américaines de circulation de l'information (motorique, aérienne, "déterritorialisante" si on peut dire).


L'opposition, dans Mon Oncle, tellement signifiée et lourde, entre le "quartier" de Hulot, les palissades et les terrains vagues de l'enfance, espace du rêve et du jeu, la musique qui va avec, accordéon-bal musette, du vieux Paris gavrochien, et la maison des parents, vaste circuit électronique dans lequel on est finalement piégé, assiégé, enfermé. Alors il faut "repoétiser" tout ça: Hulot, par son inadéquation aux objets techniques, mais aussi aux œuvres d'art abstraites, encombrantes, inutiles, leur assigne, bien sûr, plus agi qu'agissant, sans volontarisme (mais je prétends que c'est tout le contraire), un autre usage, plus poétiquement archaïque, de l'ordre du geste premier, artisanal. Tout en ne cessant de s'effacer, poliment, comme un souvenir, sous la forme omniprésente d'un regret jamais prononcé. Car même sa langue, c'est la langue d'avant, inadéquate à la nouvelle langue, technique, froide.


Dans Playtime (ce qui me plait dans Playtime, c'est la poétique de la modernité, du lisse, des perspectives, du vitrage, etc, et le rapport plus ambivalent qu'il a à cette dernière). Subsiste cependant, et c'est tout aussi fondamental, la trace fantomatique et mélancolique, du monde d'avant, celui de la proximité et de la présence, des moindres distances, non séparé par des cloisons, fussent-elles des vitrages transparents, le monde de la parole vive, où on prenait le temps de se parler entre voisins, le monde à visage humain, à hauteur de main d'homme, le petit paris pré-améliepoulinien. Qui sent un peu la naphtaline.
Le bon goût des pâtisseries d'antan est gâché par le néon verdâtre de la pharmacie d'à côté, qui diffuse le sentiment de la maladie, du pourrissement des corps et des choses.

Puis le chaos du dancing/restaurant. Espaces traditionnellement séparés, mais téléscopés ici en une zone indistincte et confuse, marque du néo-habitat préfabriqué, en contreplaqué qui s'effondre de partout, et où personne ne trouve jamais sa juste place. Comme dans le stand commercial, où les boxs privatifs sont constamment violés, empiétés, bafoués (Hulot, en toute innocence, sème ce désordre aux yeux du représentant en portes silencieuses, justement: il l'accuse d'avoir fouillé dans ses tiroirs, etc).

Cette scène du resto/dancing, c'est pour moi la scène la plus laborieuse et languissante du film: c'est long, lent, interminable, bruyant, jacassant, pénible, et surtout jamais drôle. Espace indistinct, donc. Les espaces indistincts, chez Tati, sont toujours indexés comme anxiogènes, jamais propices à la rêverie ou à la contemplation, à la poétique du vide ouvert, comme ce serait plus le cas dans les premier Wenders par exemple. Il leur oppose systématiquement - toujours son insistance lourde là-dessus (l'insistance lourde, pour moi, ça ne fait pas vraiment rire) - le petit espace convivial chaleureux, familial, fragile rémanence de l'âtre du foyer. Et, forcément, la ritournelle bal-musette qui ne manque jamais de se radiner pour nous le rappeler.

Les espaces vides, eux, c'est de préférence les bruits électroniques a-communicationnels mais agressifs: bip bip, tzoooing, allo allo, voix incompréhensible déformée par le répondeur, semelles de chaussures qui claquent dans les longs couloirs, matière du fauteuil dans la salle d'attente, qui fait "bloppp pfshhhh" avant de retrouver sa forme originelle, stylo qui crisse et qui claque, etc (mais ces deux trucs, c'est drôle).

Le resto/dancing donc, division sans cloison, faisant ressortir l'atomisation des groupes, les dineurs, les danseurs, et les buveurs, agglomérés en séries confuses qui ne cessent de se percuter. Horreur de la danse, de sa mécanique. Refus de la "danse moderne" chez Tati: elle remplace le contact aimable des corps par la froide bousculade, ou la solitude inexorable.
Là encore, l'Américain brailleur est le facteur dispersif, entropique. La perte de soi, dans l'ivresse, la perte du chez-soi, du foyer: on erre, indéfiniment, sur la boucle circulaire des flèches directionnelles (qui ont remplacé les écriteaux "entrée" et "sortie" - la modernité comme réduction à l'abstraction du signe), qui font tourner en rond sur soi-même, sans jamais trouver la sortie.
La modernité est et ne peut être que dissolution du sens, entropie, dissémination, aliénation, éloignement par rapport un centre/arche pensé non pas selon une temporalité paradoxale ou disjointe, mais celle, fort classique et traditionnelle, de la ligne du temps non équivoque allant du passé perdu (où tout était meilleur) vers un avenir inéluctable (où tout sera pour le pire). Coincé entre le passé déjà passé et un avenir sans avenir. Comme les automobiles de l'embouteillage tournant inlassablement sur la place de Paris, poétisées là encore à titre de vieux manège de chevaux de bois des attractions d'antan.

La "ritournelle" tatienne entêtante du "home sweet home perdu" nous tient bien loin, difficile d'en douter, de Varèse, chantre du "modernisme", loin de ses Amériques, mêmes rêvées, des Déserts, d'Arcana, des sirènes urbaines et autres machines à vents.

L'imagerie du vieux Paris sous cloche de verre, fragile, qui apparaît subrepticement reflété par les vitres ultra-modernes (la tour Eiffel de carte postale, souvenir déplacé jusqu'à l'aéroport d'Orly) .
Tout comme apparaît subrepticement, à l'angle d'un feu rouge, le bon vieux rémouleur d'antan. Alors que les gamins américanisés passent, avec leur blouson et leur transistor, mimant (ridiculement) la coolitude américaine.
Le bouquet de lilas offert à la touriste américaine, tendre amour platonique et fugace, et qui transpose poétiquement les poteaux lumineux de l'autoroute, comme le rappel discret d'une grâce ou galanterie perdue, un art français de vivre, oublié, dans l'inhumaine mégalopole, les lignes filantes de l'autoroute dénaturante et sans fleurs. Etc etc.



Quant à Traffic, on peut dire que la boucle de la nostalgie s'est définitivement bouclée sur elle-même, dans un refus massif et amer, qui tient presque du désespoir: le monde d'avant est définitivement perdu. Ce ne sont plus que bandes routières, les voitures-habitacles, la vie asphyxiée et réduite à des séries de tropes, circonvolutions, qui ne vont nulle part. Et l'humain survit comme il peut, réactivant ça et là des esquisses de rites conversationnels, qui là encore ont ce parfum perdu du petit monde ordonné où tout le monde était à sa juste place: le bon gros mécano sympa, couvert de cambouis, la jeune femme élégante, etc, qui échangent les amabilités convenues.



Lewis, ce n'est pas le même genre "d'effacement", car il y a un effacement aussi, de la disparition, de la perte. Mais ce serait plus du côté de ce "coup de dés", aléatoire, mais finalement gagnant, que j'évoquais hier en citant Deleuze: "autant de ratés de danses, un degré zéro prolongé et renouvelé, varié de toutes les manières possibles, jusqu'à ce que naisse la danse parfaite".

" "Il "en fait trop" (figure du looser, du perdant-né), mais voilà que dans la dimension du burlesque, ce trop devient un mouvement du monde qui le sauve et va le rendre gagnant. Son corps est agité de spasmes et de courants divers, d'ondes successives, comme lorsqu'il va lancer les dés ("Hollywood or bust") "

Je ne suis pas affecté, mais rebuté, par la ritournelle a-rythmique buggée de Tati, alors que je suis littéralement happé par le jazz/danse/corps/smurf-break lewissien.

Pourtant donc, par bien des aspects, Tati et Lewis s'entrecroisent, s'entrecroisent précisément au point nodal à partir duquel ils se séparent dans des directions opposées. Y compris dans leur fascination commune pour les circuits électroniques, mais il n'en ont pas la même perception ou approche. La musique, le style de musique, vient souligner tout ça. Et la "syncope" dont il est question, est d'une nature toute différente. Manifestation d'une adaptation sans issue, dans un cas, se bouclant sur elle-même, obstinée, comme un souvenir clôturé. Relancée dans un devenir ou sur une ligne créatrice, dans l'autre.
Donc, je témoigne de l'expérience physique que j'ai de ces deux manières de "syncope".
Donc, du rire, qui arrive ou pas. Toi, tu ris en regardant Tati, pour toutes les raisons, finalement tragiques et déprimantes (lol) que tu as bien exposées. Moi, ça me rend triste et marteau. That's all. Wink




Je ne nie pas non plus l'intérêt en soi du dispositif musical tatiesque - qui tend à cette ritournelle-boucle (au sens de DG ou pas - je préfère franchement Richard Pinhas) asthmatique - et qu'on retrouve chez Lapointe pour des motifs et une fonction assez voisine: et ça me fait plus penser à un rouleau mécanique qu'aurait inventé un Raymond Roussel - et cette filiation, dans le projet de Lapointe n'est certainement pas hasardeuse, je dis juste que, pour moi du moins, c'est une torture.


Mais je comprends et conçois que Lapointe, ce n'est pas rien.

Qu'elle soit effectivement drôle, ou jamais drôle, ou parfois, n'est pas la question. Elle veut soutenir une drôlerie, et elle le fait d'abord par la syncope.

Je pense, au contraire, que c'est bien toute la question. Qui ne sera en tout cas pas réglée par l'intervention de l'intention ou de la volonté de soutenir une drôlerie. Car ce vœu, cette volonté, indiquent déjà que ce n'est pas dans le phénomène musical lui-même, fut-il une "syncope" (et même après avoir distingué comme ici "les" types ou phénomènes de syncopes, qui ne sont pas du même ordre et qui produisent des styles burlesques différents), que résidera la drôlerie. Qui plus est, la volonté de soutenir une drôlerie est bien plus souvent le plus court chemin vers la non-drôlerie. Ah, la volonté d'être drôle... Difficile d'en sortir. Paradoxe insoluble, car la maîtrise ET la non-maitrise sont de la partie.
Je sens bien, trop bien même, chez Lapointe, l'intention ou la volonté d'être drôle, la trop grande maitrise et planification de cette intention même. Mais entre l'intention de drôlerie et la drôlerie effective, il y a tout un espace indéterminé, complexe, où se fomente, et d'où surgit la drôlerie. Le côté obsessionnel de Lapointe, c'est aussi la tentation de vouloir enclore le comique dans une "science exacte" (son amour des mathématiques, ce système bi-binaire qu'on lui attribue, censément précurseur de l'informatique).



La musique pauvre, l' esthétique de la pauvreté (comme réduction ou raréfaction du matériau).

Tout comme il y a "syncope" et "syncope", il y a "pauvreté" et "pauvreté".


Il y a bien sûr toute une autre pratique, toute une autre tradition musicale de cette "pauvreté". Qui remonte même à Pérotin, Roland de Lassus, le canon ad infinitum, etc.

Je suis hyper-sensible, réceptif, aux pièces de piano de Satie, mais Satie, c'est l'exact contraire de cette clôture asphyxiante: tout est dans l'intervallaire, l'allusif, les mesures impaires.
Dans l'héritage, ça donne un Gavin Bryars, un Brian Eno. On rapprochera difficilement l'atmosphère musicale de Satie-Eno de la ritournelle Tati-Lapointe.


Je suis pas sensible du tout à Syd Barrett; ça confirmerait plutôt qu'on ne rit et ne s'émeut pas tellement des mêmes "syncopes". No problemo, donc.


Pour Zappa, les pièces de lui que je préfère sont celles où il ne multiplie pas les références stylistiques. Elles sont bcp plus nombreuses qu'on ne le croit généralement. Mais même quand il instille ces ruptures de styles, c'est à l'intérieur de la logique polyrythmique, toujours reconnaissable, qui sous-tend l'ensemble, fournit l'architecture cohérente, unifiée, des "collages".

Borges
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docteur Jerry et mister Hulot : Empty Re: docteur Jerry et mister Hulot :

Message par Borges Mar 7 Fév 2012 - 12:00

Hello jerzy :

pas trop d'accord avec le partage lewis-hulot, mais tu le sais; de "mon oncle", on avait parlé, une fois, dans le réel, dans la vie dite réelle, du temps où tu t'appelais pas jerzy, pas encore; je sais pas si tu te souviens...

(même si tout ce que tu dis avec et à distance de deleuze est juste)


Je dirai pas que hulot est supérieur à lewis, politiquement, humainement, mais si on se situe dans le partage "gagnant"/"perdant", je ne suis pas sûr que le personnage, les personnages de JL, soient réellement des losers. Il en fait trop, oui, par maladresse, emporté par sa volonté de bien faire, de plaire, sa gentillesse, c'est un type essentiellement bon (comme hulot, d'ailleurs, et contrairement à chaplin, ou keaton) mais il n'en reste jamais à ça; la perte est toujours suivie de son dépassement; rien ne se perd, finalement; tout sert, et finit par faire des personnages de lewis des gagnants. La modernité de son cinéma n'est pas du tout éthique, morale, politique; l'impuissance du personnage de lewis, les situations optiques et sonores pures ne sont pas celles du néoréalisme, par exemple; lewis garde du schéma image-action, la valeur héroïque. L'emportement, le détraquement des situations est toujours dépassés par le mouvement de formation du film, du récit. Le personnage triomphe toujours;

Le vilain petit canard se métamorphose en cygne, cendrillon en princesse, l'horrible professeur en monsieur love; le jazz, la danse, le corps dansant, swinguant, sont souvent le lieu où se réalise l'image du corps assumé; dépassement de l'incomplétude; lieu de la relève de la maladresse.

birth of the cool.

(là, il faudrait parler des rapports des corps-noirs-juifs au jazz; penser au chanteur de jazz)

cette relève de l'impuissance, c'est très américain ou conte de fée; idéologiquement, c'est pas différent de millions d'histoire où le petit gars qui n'avait rien pour lui finalement arrive au sommet; top of the world.



Tati-hulot n'est pas inscrit dans cette perspective; son personnage ne gagne ni ne perd, il ne joue pas , il ne participe jamais à la course, de lui-même, par lui-même. Tati le qualifie d’inadapté, et cela il l'est infiniment plus que les personnages de lewis; chez qui l'inadaptation est passagère. Le personnage de tati ne veut rien.

son rapport au passé, au temps, c'est pas tant une affaire de nostalgie que d'effacement, de travail de la mort; chez lewis l'action fait l'histoire, crée de l'avenir; le personnage de hulot est pris dans le mouvement du temps; pour moi c'est vraiment un personnage de la trace; c'est pas le passé qui est regretté, c'est le mouvement même du temps qui double le présent de sa propre mélancolie, de sa propre perte, de sa disparition, et de sa garde, sa mémoire. Lewis c'est un cinéma sans mémoire, son personnage est animé d'une terrible volonté de réussite; c'est un ambitieux (un esclave) qui malgré toutes ses insuffisantes fait sa propre histoire; y a pas chez lui de passivité, cette dimension du temps mise en évidence par levinas, par exemple; la temporalité du temps qui passe, la temporalité de la passivité. Le temps chez lewis fait le héros. Le temps chez tati ne fait rien, n'oeuvre pas dans le sens du sens, il ne travaille pas, il se fait en se défaisant.

Tu le dis d'ailleurs, c'est un cinéma de l'affect de deuil.

En ce sens, loin d’être un cinéma du refus de l’altération, c’est un cinéma de l’altération.


Chez lewis, la temporalisation est toujours de l’ordre du progrès, on va du pire au mieux, du pauvre idiot au gars reconnu ; le procès mène à la reconnaissance ; je dirai que c’est un temps hégélien, un temps qui fait sens, qui produit une œuvre, un héros ; à moins d'‘arrêter le mouvement sur les ratés, comme le fait deleuze, qui, de toute façon en arrive aussi à la "naissance de la danse parfaite » ;

et ce que j’adore chez lewis, c’est précisément cette coexistence dans un même personnage du sommet du raté, des ratés, et de la maîtrise la plus fantasmatique, la plus imaginaire, celle de monsieur love, du chef d’orchestre, du prince.

Dans tous ces films, y a un moment où s’accomplit le miracle d’une perfection : le coup de dès gagnant, qui abolit les hasards, et donne naissance à la coolitude.

(le personnage de lewis réussit là ou ratent ceux de tarantino par exemple; toujours à la recherche du cool, le ratant toujours)

(jerry lewis est sartien : c'est le cinéma du projet, de l'avenir : hollywood or bust)

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Message par Borges Mar 7 Fév 2012 - 12:26

Hulot n’est pas lié à un lieu ; tous ses films raconte un mouvement, un départ, un voyage, une socialité nouvelle, qui se crée sans se créer, passagère, des communautés impossibles. C’est un être en route, en mouvement ; badiou, dans son texte sur le comique français, parle de personnage transversal, et il a raison ; hulot fait le lien, le crée plutôt.

Dans « mon oncle », on ne peut pas l’assigner à l’espace de la nostalgie, de la vieille France.

D’abord, il y passe très peu de temps et ensuite ce qui importe c’est pas le partage, mais le sens du partage, les valeurs mises en avant dans la construction d’un espace, d’un décor ; ce serait vraiment trop schématique de fixer les valeurs positives dans la modernité.

L’espace moderne n’est pas seulement celui de la science, du développement, des gadgets, de la voiture, c’est aussi l’espace de la réussite sociale, du couple, du travail, de la petite cellule familiale, de l’ordre, de la propreté, de la clôture ; en ce sens, il est plus proche de l’espace strié, que de l’espace lisse deleuzien.

C’est la forme, et son organisation ; de l’autre côté, c’est pas d’ordre qu’il est question, de communauté présente à elle-même, mais de bandes (de gosses), de meute (de chiens), de la solitude du célibataire (à la kafka), de la saleté, de mouvements désordonnés, d’une lenteur qui ne s’oppose pas à la vitesse, mais qui est sa propre vitesse.

Le personnage de hulot n’est pas lié à un territoire, dont il chanterait l’ancrage, la fixité.

Dans tous les films de tati, Il est principe de mouvement, voyageur, nomade; il est vraiment le seul à s’aventure hors de son espace, à ne jamais être pris dans un groupe, une communauté ; il n’appartient pas, ne fonde pas ; il est anarchique. Seul, il change de rythme. Il se laisse emporter par des mouvements qui ne sont pas ceux d’un moi, et qui parfois sont totalement étranger à son propre désir.

Tout le déchaînement de vitesse de « jour de fête » est déclenché par le cinéma, des actualités de propagande, l’emprise de l’imaginaire us, sur cette petite communauté. Le mec est lancé dans une confrontation avec la vitesse américaine, par ceux qui se moquent de lui, qui le trouvent ringard, dépassé (les informations, le pouvoir; les mots d'ordre de l'information).

On est dans une pensée de la mimétologie, vraiment.

Non pas les anciens qui refusent les modernes, mais les anciens qui imitent les modernes ; et bien entendu dans le ressentiment, de ceux qui veulent égaler les maîtres, les vainqueurs de la dernière guerre. C’est pas tant une affaire d’opposition entre le vieux monde et le nouveau. C’est la France qui cherche à se moderniser et qui trouve en dehors d’elle son modèle ; c’est un vieux truc de la rhétorique politique française, de son déclin, de son pétainisme ; chercher à s’égaler à un modèle ou l’autre ; les USA, ici ; il y a quelques années, c’était l’angleterre de blair, là c’est l’Allemagne ; badiou a parlé de ça dans son livre sur sarkozy.

Il y a modernité et modernité : la valeur de modernité est contextuel, historique, plus ou moins moderne ; elle n’est pas en elle-même de gauche ou de droite, progressiste ; actuellement, la défense de la modernité, de la modernisation est plutôt réactionnaire ; ce que les élites reprochent au peuple, aux dominés… c’est leur retard, leur attachement à des vieilleries (rancière), leur archaïsme, le refus de la modernité ; le « il faut être absolument moderne » de rimbaud n’est sans doute pas celui de ces élites.
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Message par Borges Mar 7 Fév 2012 - 13:02

Il ne faut pas faire une distinction trop tranchée, binaire, entre le territoire et la déterritorialisation ; surtout quand il est question de la ritournelle, qui est toujours liée au territoire ; il faut le territoire, c’est la vie, le début de l’art.


« Déjà, chez les animaux nous savons l'importance de ces activités qui consistent à former des territoires, à les abandonner ou à en sortir, et même à refaire territoire sur quelque chose d'une autre nature (l'éthologue dit que le partenaire ou l'ami d'un animal «vaut un chez-soi », ou que la famille est un « territoire mobile»). A plus forte raison l'hominien : dès son acte de naissance, il déterritorialise sa patte antérieure, il l’arrache à la terre pour en faire une main, et la reterritorialise sur des branches et des outils. Un bâton à son tour est une branche déterritorialisée. Il faut voir comme chacun, à tout âge, dans les plus petites choses comme dans les plus grandes épreuves, se cherche un territoire, supporte ou mène des déterritorialisations, et se reterritorialise presque sur n'importe quoi, souvenir, fétiche ou rêve. Les ritournelles expriment ces dynamismes puissants: ma cabane au Canada ... adieu je pars ... , oui c'est moi il fallait que je revienne ... On ne peut même pas dire ce qui est premier, et tout territoire suppose peut-être une déterritorialisation préalable; ou bien tout est en même temps. Les champs sociaux sont d'inextricables noeuds où les trois mouvements se mêlent; il faut donc, pour les démêler, diagnostiquer de véritables types ou personnages. L'art commence peut-être avec l'animal, du moins avec l'animal qui taille un territoire et fait une maison (les deux sont corrélatifs ou même se confondent parfois dans ce qu'on appelle un habitat). Mais toujours, si la nature est comme l'art, c'est parce qu'elle conjugue de toutes les façons ces deux éléments vivants : la Maison et l'Univers, le Heimlich et le Unheimlich, le territoire et la déterritorialisation, «




(D/G, qu’est-ce que la philosophie ; montage)

Les ritournelles expriment ces dynamismes puissants: ma cabane au Canada ... adieu je pars ... , oui c'est moi il fallait que je revienne ...

c'est marrant ces exemples :

ma cabane au canada, tout le monde connaît

adieu je pars






oui c'est moi il fallait que je revienne




avant je pensais que D/G faisaient allusion à :

oui, c'est moi





et à "je pars"

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Message par Borges Mar 7 Fév 2012 - 13:56

Ritournelle et « mon oncle » ;

Nécessité du territoire ; la ritournelle est fondamentale dans l'acte de naissance de la musique, selon deleuze ; c’est la musique d’avant la musique ; si la musique déterritorialise, la ritournelle fait naître le territoire ; naissance de la musique, musique d’avant la musique, la ritournelle est naturellement liée à l’enfance par D/G.

« Le chant non encore musical: tra la la. L'enfant qui a peur? Peut-être que le lieu d'origine de la petite ritournelle, c'est le trou noir. »

L'enfant qui tente de vaincre la peur du trou noir, en faisant naître par la ritournelle, par le « tra la la » le territoire, c’est très beau . On a tous eu un expérience de ce genre dans le Noir, face au "trous noirs", et on chante pour se rassurer, pour faire naître un espace, un abri, bien entendu absolument pas réel, mais sécurisant. C’est d’ailleurs un drôle de chose ; d’où ça vient que l’on chante, siffle dans le noir pour se rassurer? Est-ce vraiment une affaire de création de territoire ? la genèse d’une maison musicale, d’un abri ? je sais pas, mais je trouve ça intéressant, dans le cas de cette discussion autour de « mon oncle » ; ce lien de la ritournelle à l’enfance, à la naissance du territoire dans la peur de l’enfance, dans les peurs du trou noir, ça me permettrait presque de dire, de penser, d’avancer que le film « mon oncle », c’est la ritournelle de l’enfant, du neveu.


C’est lui qui chante, et ce qu’il chante, c’est pas le passé, ce passé, il ne l’a pas connu, mais, quelque chose qui serait lié à la perte de l’enfance du monde, non pas son enfance, mais une enfance, quelque chose de l’enfance ; et le modèle, le personnage qui incarne cette perte dans le film, c’est le père, que le monde, la société ou je sais pas oblige à se situer du côté de la vie sérieuse, oevrante, famille, travail, standing, et tout le reste.

Le père c’est la vie mutilée, que cela soit une affaire de modernité ou pas, c’est pas le problème ; le père n’a pas de vie ; et c’est là que situe la peur du gosse, le trou noir où il craint de tomber ; devenir comme le père, aussi mort, aussi esclave ; privé de vie.

C’est pour ça qu’il s’accroche à l’oncle et aux gosses de l’espace lisse, prolétaire, nomade ; avec eux, il trace à la fois des lignes de fuite, des errances et ses territoires.

La tristesse vient autant de ce qu’a perdu le père, sans le savoir, le sentir, et que le film va lui rendre, que de l’avenir, du refus du gosse de devenir ce père, que la vie se transforme de telle manière qu’elle ne laisse plus rien à vivre.

L’oncle c’est la ligne de fuite ; et le monde ne s’y trompe pas ; on veut l’enchaîner, le marier, le faire travailler, le rendre sérieux.

« Le thème le plus profondément musical, dit deleuze : « Un enfant meurt, et pas d'une mort tragique, la mort heureuse », voilà peut-être le vrai sujet de mon oncle ; c’est un enfant qui meurt, heureusement, sans s'accrocher, et d'un mort qui retrouve la vie; la fin du film est cruelle; très cruelle. Une fois le père ressuscité, l'oncle est congédié.

on peut dire à partir de la description de badiou du personnage de hulot comme personnage transversal-diagonal que le cinéma de tati pose la question de la vie : comment vivre? Jerry lewis ne pose jamais cette question; elle est toujours déjà résolue;



La question qu’est-ce que vivre? "C’est la restauration de la destination de la philosophie comme sagesse, comme possibilité de ne pas être sous les emblèmes dominants, et par conséquent d’être dans un rapport diagonal à l’ordre. Est-ce ainsi que les hommes vivent ? est-ce ainsi, c’est bien la question ! Ainsi, comment vivre ainsi ?"

"
toute figure affirmative d’une époque véhicule une alliance inattendue, incalculable, non prévisible, une diagonale dans le tissu de l’existence collective."

ça c'est vraiment Monsieur Hulot,


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