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A l'ouest des rails (Wang Bing)

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A l'ouest des rails (Wang Bing) Empty Re: A l'ouest des rails (Wang Bing)

Message par Van Stratten Jeu 21 Jan 2010 - 20:57

Vu (sur les conseils de certains camarades du forum, alors que l'on échangeait au sujet de 24 City) : À l'ouest des rails.

Le cinéma est devenu un art d'équilibriste. Pour faire un film, il faut apprendre à marcher sur des oeufs.
Autrefois on avait le choix. On avait le choix par exemple entre Lumière et Méliès, comme on disait alors. Certains le croient toujours. Il croient encore l'avoir, le choix. Il croient le tenir entre leurs mains, le cinéma. Et ils sont exclaves de l'image. De leur propre image, évidemment.
Il y a autant de différence entre Wang Bing et Jia Zhang Ke, qu'entre... ah là là, trouver une comparaison proustienne... disons qu'entre un Na'vi et un Toon. C'est une question d'esprit.
Jia Zhang Ke fait 24 city trois ou quatre ans après À l'Ouest des rails... non, évidemment pas sur le même sujet, mais dans les mêmes lieux, ou presque... Au point que l'un des tout premiers plans de Rouille, que je viens d'entrapercevoir sur mon écran (je le confesse : comment voir ce film à Clermont-Ferrand autrement qu'en dvd ?), l'un des tout premiers plans du film est presque une copie, photocopie, enfin d'une analogie sidérante, d'un plan de 24 City. Bien sûr, cela vient du lieu, et de ce qu'y font les hommes qui les occupent : c'est cela qui est identique, le matériau "profilmique", et non pas "l'idée" du plan. (Il s'agit, au début du plan, d'un homme seul accoudé à une immense table en bois brut, dans une pièce sombre, basse de plafond, et dont les murs suintent de crasse et d'humidité, mais peu importent les "motifs"...)
Parce que justement, un abîme sépare ces deux plans, qui commencent pourtant par les mêmes "photogrammes", par la même image.
D'un cinéaste à l'autre, d'un plan à l'autre, les lieux, et ce qu'y font les hommes qui les occupent, ne doivent sans doute pas différer de beaucoup. En revanche, ce qu'y amène Wang Bing n'a rien, absolument rien à voir avec ce que cherche Jia Zhang Ke.
Wang Bing pousse les portes, en malotrus qui est partout chez lui. Il commence donc par faire le tour du propriétaire, avec une franche brutalité.
Une brutalité pourtant qui s'gnore, qui croit effacer ses traces sous de langoureux travellings, au long desquels la brutalité ne semble aucunement celle de la caméra (si douce, si limpide) mais celle du monde extérieur, représenté alors, le long de ces travellings sur rails de chemin de fer enneigés, par la bande-son.
La bande-son, contrepoint de l'image, est faite de stridences métalliques et de chocs durs et lourds, tandis qu'à l'image la neige et le mouvement continu parviendraient sans cela à nous bercer.
C'est le cinéaste qui se leurre, peut-être, mais le spectateur n'est pas dupe : la brutalité n'est pas tant celle de ce monde en sursis où des hommes des cavernes surgissent nus de leur antre, pour se vautrer, ivres morts, les uns sur les autres : la brutalité est celle de cet homme qui les filme avec la certitude d'en avoir le droit, avec la certitude d'être du côté de l'art, ou de la vérité. Mais au passage, il aura "flouté" le sexe de l'ouvrier nu, au sortir de la douche.
Pourquoi flouter les attributs masculins des ouvriers ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Si c'est une décision de la censure chinoise, alors il fallait peut-être abandonner ce plan, choisir d'en montrer un autre, plutôt que de se soumettre à cet acte autoritaire.
Pudeur, ou brutalité ? Douceur, ou castration ? Pour qui se prend Wang Bing ?
Lors de la bagarre qui suit, où est-il ? Derrière sa caméra ? Et il ne tremble pas ? Et il se pense encore dans son bon droit d'artiste lucide, à qui on ne la fait pas, qui en a vu d'autres ?
Wang Bing pointe du doigt la brutalité du monde pour essayer de masquer la sienne. Je ne crois pas que ce soit un cinéaste très intéressant, quoique son film dure neuf heures. D'ailleurs, il ne sait même pas maîtriser le diaphragme de son objectif.
Ce qui distingue Jia Zhang Ke de Wang Bing est plus vieux que le cinéma : c'est la mise en scène. Wang Bing croit qu'on peut filmer sans mettre en scène. Mais il se met le doigt dans l'oeil. Les choses sont là : encore faut-il savoir les manipuler.
Wang Bing n'a rien vécu. Rien préparé. Il débarque, mais il filme en connaisseur, comme s'il savait déjà tout, ponctuant ses déambulations de petits intertitres qui nous situent les lieux, comme une visite guidée.
Wang Bing n'est pas du tout innocent. Mais il n'est pas sérieux. Il est brouillon, confus, mais sûr de lui. Il n'a rien préparé, mais il sait déjà tout avant d'appuyer sur la gâchette de sa petite caméra à diaph automatique. Ce diaph automatique, qui intervient à tout bout de champ, rend beaucoup de plans très laids.
Wang Bing est un mauvais cinéaste. Mais il passe pour un grand artiste.
(On en a vu d'autres : par exemple, ça me fait penser à Herzog...)

Van Stratten

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Message par wootsuibrick Ven 22 Jan 2010 - 4:20

Wang Bing ne filme absolument pas en connaisseur, il ne filme absolument pas comme s'il savait déjà tout. La question des intertitres est un peu plus délicate parcontre, comme celle des caches sexes, j'ai l'impression que c'est aussi une affaire qui a avoir avec la diffusion...
Je crois sincèrement que t'es passé à côté du film.
wootsuibrick
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Message par Invité Ven 22 Jan 2010 - 10:26

Salut,

et sinon c'est quoi cette histoire de diaphragme mal utilisé ? Quelqu'un peut-il faire la lumière là-dessus, expliquer un peu techniquement parce que perso je n'y connais pas grand chose. Et du coup VS peux-tu nous expliquer plus clairement pourquoi tu considères que WB "ne sait pas maitriser le diaphragme de son objectif" ?

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Message par Borges Ven 22 Jan 2010 - 12:48

Van Stratten is back


cheers

Que dire? Rappeler ce qu'écrivit Rohmer?

"Van Stratten est coupable d'une faute moins morale que métaphysique".

(Rohmer, le goût de la beauté, 221)
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Message par Van Stratten Sam 30 Jan 2010 - 14:08

Réponse à JM.

Au sujet du diaph automatique des petites caméras.
En fait c'est un vrai piège à con. Le diaph n'arrête pas de bouger en cours de prise : le seul moyen de l'en empêcher, c'est de filmer par temps homogène (ou bien sûr en intérieur) et de ne faire que des plans fixes. Limitant tout de même, et paradoxal quand on filme avec un objet soi-disant aussi maniable.
Avantage notable cependant : je trouve, pour avoir expérimenté la chose, et après avoir pesté tant et plus, et déversé toute ma bile contre ledit piège à con, je trouve donc que l'avantage du diaph automatique est qu'il oblige à penser ses mouvements : ainsi, lorsque l'on veut bien prendre son temps, faire des mouvements lents et cérémonieux, choisis, donc, alors les changemets de diaph, quoiqu'inévitables et détestables, interviennent de façon beaucoup plus douce, et l'on peut alors parvenir, sinon à les maîtriser, du moins à les prévoir, et à en prévoir la conséquence en termes de lumière.
Enfin, il est toujours possible de corriger ces variations intempestives de diaph à l'étalonnage sur ordinateur (adobe première est très fluide pour ça), mais encore faut-il avoir la patince de changer, image par image, à la fois le contraste et la luminosité (voire la saturation, mais là ça devient l'enfer !). Pour être un habitué de l'exercice, je peux dire que l'opération, justement parce qu'elle requiert un temps énorme, présente ce nouvel avantage de ne jamais oublier quel artifice est à l'origine de l'opération du cinématographe. Photogramme par photogramme, la lumière doit être corrigée artificiellement : (re)lire Technique et idéologie, la somme de jean-Louis Comolli, et comprendre que c'est seulement en pensant cette opération que l'on peut prétendre faire un peu de cinéma.

Pour en revenir à Wang Bing, lui, n'a non seulement rien [i]pensé[i] avant, ni pendant les prises, mais pas même après : résultat, chaque fois qu'il fait le moindre mouvement d'appareil (et c'est fréquent !) le diaph s'ouvre ou se ferme et la luminosité varie de façon tout à fait flagrante (et à mon sens, de façon catastrophique). Wang la catastrophe Bing, Calamity Bing : ce sont les seules épithètes qu'il mérite, lui qui filme à la truelle, et guère mieux que son tonton en maillot de bain à Argelès. En tout cas, et c'est ce que dénonce le diaph automatique : les mouvements d'appareil de Wang Bing ne sont jamais choisis, pas plus qu'ils ne sont ressentis. Il ne pense pas le cinéma, il ne vit pas le cinéma : un mauvais cinéaste, quoi.
Enfin, à part ça, à chacun son idée du cinéma.

Van Stratten

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Message par Invité Sam 30 Jan 2010 - 15:04

Hello VS,

En fait les changements de diaphragme se produisent mécaniquement dès que la lumière ambiante change, c'est bien ça ?

On peut trouver que ce choix de garder l'enregistrement tel qu'il l'a été par la caméra utilisée permet de proposer une forme plus "brut" dans les transitions, les passages d'une luminosité à une autre (notamment dans les intérieurs/extérieurs). Après tout, la lumière n'est-elle pas quelque chose d'"intempestif" sur un tournage de cinéma ? Et pourquoi ne pas faire partager ce caractère intempestif aux spectateurs ?

On peut aussi avoir l'impression, comme toi, que le cinéaste ne se pose pas de question là-dessus, qu'il règle le problème au plus simple (c'est-à-dire en l'ignorant). Je ne sais pas. Wang Bing serait, selon toi, "guère mieux que son tonton en maillot de bain à Argelès", mais il filmerait quand même sans garder ses lunettes de soleil en quelque sorte..

je crois que Comolli s'intéresse de très près au travail de Wang Bing.



Au passage, trouvé et vu ceci :



C'est le film de Wang Bing pour "L'état du monde" sorti au ciné la semaine dernière. Dossier de presse ici mais ça mériterait quand même précisions sur le tournage... faire un lien avec le film de Rithy Panh, éventuellement ouvrir un topic WB..

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Message par Invité Sam 30 Jan 2010 - 18:19

JM a écrit:ouvrir un topic WB..

évidemment "WB" pour Wang Bing, pas pour Walter Benjamin ou qui sais-je encore..

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Message par Van Stratten Dim 31 Jan 2010 - 16:57

Bonjour, JM,
Assurément, j'ai dû mal m'exprimer. Le changement de diaph n'intervient pas "mécaniquement" : c'est le contraire ! Un diaphragme est ouvert ou fermé "mécaniquement" lorsqu'il peut être gouverné par la main de l'opérateur. Dans tous les cas, il faut toujours choisir l'ouverture du diaphragme de son objectif. Le problème du diaphragme automatique, c'est qu'il règle automatiquement l'ouverture, et la quantité de lumière acquise, déniant toute possibilité de "choix".
Je suis un piètre photographe, et je ne connais cela qu'en pratique : mais justement je n'en suis que plus sensible au problème. Le diaphragme automatique est une calamité, si l'on est attaché avant tout, comme c'est mon cas, à la lumière. Il reste bien possible de choisir la "luminosité" de son plan, mais en revanche si la lumière de la scène vient à changer en cours de prise, le diaphragme "s'adapte" automatiquement pour conserver la même "exposition", la même "luminosité" si tu veux. Cela empêche, purement et simplement, toute relation charnelle à la lumière : c'est même une négation de la lumière.
Donc pour en revenir à ta proposition, encore une fois, c'est le contraire : le "changement de lumière intempestif" est évidemment une bénédiction, c'est le hasard, c'est la vie, c'est l'essence même du cinéma, dont justement le diaph automatique constitue la négation. Le diaph automatique ne souligne pas les changements de lumière : il les efface, il tâche de les "compenser". Le problème majeur n'est pas que les prises obtenues avec un diaph automatique soient particulièrement moches, mais c'est justement qu'elles ne permettent pas de suivre les variations de la lumière.
Bon j'espère que cette fois je suis parvenu à me faire comprendre. En tout cas voici deux exemples. Pour Wang Bing d'abord, le fait qu'il ne se pose pas du tout la question du diaphragme prouve qu'il ne se pose à aucun moment la question de la lumière : pour un cinéaste, je trouve que c'est un sacré symptôme, non ?

Pour finir, un souvenir : il est un film au sujet duquel je posterai un jour un billet sur ce forum. Il s'agit du Voyage du ballon rouge de Hou Hsiao Hsien. Il est dans ce film un plan, qui est une ode à la lumière, et à la ville de Paris. La caméra, en une très sombre plongée, regarde d'abord le pavé parisien. Il fait plein jour, mais nous ne le savons pas encore : l'image est presque noire, on devine à peine les variations de nuances du bitume, qui est plongé dans l'ombre. Lorsque la caméra pivote du bas vers le haut, et de gauche à droite, l'image peu à peu s'illumine, nous découvrant une rue, et au-dessus le pont du métro aérien, qu'elle longe alors juqu'à une ligne de fuite. Puis le mouvement ascendant se poursuit jusqu'à filmer le ciel, bleu et lumineux. Au début du plan, l'image est très largement sous-exposée. À la fin, elle est légèrement surexposée. Voilà un plan que n'a pas décidé le chef-opérateur (autrement il aurait changé d'ouverture en cours de prise, afin que le début du plan fût moyennement exposé, davantage éclairé) : Hou Hsiao Hsien aime la lumière, il la respecte et la choie. Il en apprécie chaque variation, et sait lui laisser la place, le champ pour évoluer, pour changer, pour aimer, le temps pour vivre et pour mourir. Il aime autant la lumière que ses comédiens (c'est le plus beau rôle de Juliette Binoche à ce jour). Il aime tellement la lumière, qu'il refuse parfois de changer de diaph en cours de prise.

Van Stratten

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Message par Invité Dim 31 Jan 2010 - 18:19

Hello VS,

Je te remercie pour ces précisions techniques (je n'avais en effet pas compris du tout la première fois) et ton emballement pour HHH fait plaisir à lire, il semble être à la mesure de ton dégoût pour le film de Wang Bing !

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