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La Fille du RER, un film plutôt abject ?!

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Message par balthazar claes Sam 7 Nov 2009 - 18:31

On est d'emblée frappé par l'effroyable nullité de ce film, son esthétique publicitaire bas de gamme, son naturalisme qui ne s'embarrasse d'aucun scrupule à déformer, chasser le réel. Est proprement horripilante la manière qu'a la caméra, toujours portée, de se déplacer erratiquement, épileptiquement ; insupportable, ce découpage qui ne tient aucun compte de l'espace et du rythme des scènes. Ces mouvements intempestifs sont là pour faire naturel, pris sur le vif, et d'autre part pour indiquer, par leur précipitation, la présence surplombante du drame sur le récit, comme si le caméraman tremblait d'émotion en direct. Cela atteint des sommets de grotesque rarement vus. A un moment, la caméra suit nerveusement un personnage qui se baisse pour attraper une bouteille d'eau dans le frigo ; plus loin, la caméra est frappée de la même hystérie pour capturer l'image de la Deneuve en train de rempoter ses bégonias ; bref travelling latéral pour souligner la tension latente de la scène : ce ne sont pas simplement d'innocents bégonias, ils sont pris malgré eux dans l'histoire terrible qui se joue sous nos yeux.

Aussi consternants que la prise de vue, les dialogues. L'héroïne à son futur petit ami, à peu près :
« - J'aime pas les dragueurs.
- Moi, je drague jamais. Mais là, c'est différent. (!)
- Ah ouais, tu vas me faire croire au coup de foudre ?
- Pourquoi pas ?
- Mais alors, il faudra me le prouver ! »

On apprécie l'emploi du futur ; voilà une fille qui ne cède pas facilement.


Mais toute cette médiocrité, ce manuel exhaustif de l'esthétique la plus rance, doivent bien avoir leur raison, doivent bien servir une certaine fin. Le sujet se veut crucial : l'antisémitisme. Voilà ce que le film fait semblant, pauvrement, de dire : « l'antisémitisme est, en effet, instrumentalisé par les pouvoirs et les medias pour jeter le discrédit sur les banlieues, alimenter le sentiment d'insécurité et la méfiance envers l'Islam. L'antisémitisme n'est pas encore tout à fait un fléau, on n'est pas encore au stade de l'épidémie, sauf dans certaines cervelles un peu affaiblies ». Mais voilà ce qu'il dit vraiment : « l'antisémitisme est bel et bien de plus en plus virulent, et sa recrudescence est causée par l'acculturation des jeunes, la drogue, les trafics, la pornographie, l'absence de repères moraux. Etre antisémite est la résultante de l'abandon des traditions, de la culture, du respect pour la famille et des valeurs morales. Dans un futur imminent, l'antisémitisme sera le fléau, l'épidémie est à nos portes ».

Si la pauvre héroïne invente cette histoire d'agression antisémite, si elle trace des croix gammées sur son ventre, c'est dans un élan de martyre, en retournant contre elle la violence antisémite par laquelle elle a été contaminée au contact de la « sauvagerie ». Voilà ce qu'on nous invite à comprendre : elle a été souillée, pervertie par la violence qu'on lui a fait subir, par son petit ami brutal, qui a l'air de l'obliger à faire des choses dégoûtantes sur webcam, parle avec grossièreté à sa mère la Deneuve, trempe dans de vilains trafics (même si lui aussi n'est qu'une victime) et finit en prison ; alors elle se prend pour Jeanne d'Arc, s'invente malhabilement le moyen d'avouer sans avouer qu'elle a été salie ; c'est elle qui trace les croix gammées, mais elle dira que ce sont « les autres » qui ont commis ce blasphème.

Le film déroule son petit bonhomme de chemin : un espoir de rédemption survient. La mère, qui a perdu son mari, mort au front en Afghanistan, rien que ça, n'a hélas pas été capable de tenir sa fillette (Dequenne a l'air d'avoir trente ans environ, mais bon, passons) et d'empêcher sa chute ; mais c'est tout de même la Deneuve, une dame comme il faut, elle a des contacts avec des gens très bien. On nous présente une famille juive au bonheur écoeurant comme celui des Schtroumpfs, le grand-père (Michel Blanc) est un avocat archi-milliardaire spécialisé dans la lutte contre l'antisémitisme ; son fils et sa belle-fille, frôlés par la tentation du divorce de la rupture, sont trop bien eux aussi pour tomber aussi bas, on assiste longuement à leur touchante réconciliation, dans un cadre absurdement luxueux ; le petit-fils, un cabotin de treize ans, essaie de se faire la Dequenne déstabilisée (malgré qu'elle ait l'air d'avoir trois fois son âge) en l'entraînant dans son petit chalet privé ; tiens, on dirait l'affaire Polanski à l'envers. On imagine déjà le défenseur du film se lever : « Vous ne supportez pas de voir des Juifs réussir ! Antisémite ! » Tout cela est confondant. L'avocat invite la mère et la fille perdue dans son domaine paradisiaque, avec toute la famille, car plus on est de fous plus on rit, et règle en se jouant la question de la rétractation embarrassante. Pendant que ces gens merveilleux fêtent la bar-mitzvah du petit dernier, la vie des gens bien continue, la Dequenne entre en taule ; fin du film.


Alors, quoi ? Ce serait un film intolérablement pro-juif ? Comme s'il s'agissait de ça. Ce serait plutôt le contraire. C'est-à-dire, un film qui trahit à chacun de ses plans son indifférence de l'Autre. Pendant que la fille du RER et son amant sont traités avec un colossal mépris, - ils sont bas, ils sont beaufs, ils sont menteurs, ils sont malhonnêtes, ils sont brutaux -, la famille juive est présentée comme idéalement sereine, équilibrée, intelligente. Le problème c'est que tout cela est martelé selon les lois précédemment évoquées de l'esthétique publicitaire ; c'est-à-dire que tout ici est mensonge, ce qui revient à dire que malgré la bar-mitzvah et les quelques éléments mis dans le décor, les quelques mots prononcés en Hébreu, ces Juifs-là ne sont pas Juifs, pas une seconde. Est-ce que Michel Blanc est Juif ? C'est ce que la forme du film, en fin de compte, avoue : cette histoire d'une fille qui fait croire qu'on a cru qu'elle était Juive, pour en tirer des bénéfices. L'histoire que raconte le film est l'histoire qui raconte le film. C'est une position bien facile, prendre la pose de la Victime en soi de la Brutalité, de la Férocité et de la Haine. Au nom de quoi ce film, ce réalisateur s'arrogent-ils le droit d'occuper cette place ? Tout ça pour faire semblant de conclure qu'il n'y a rien à dire, rien à penser de cette histoire : une jeune fille un peu dérangée, c'est tout. Alors, au nom de quoi s'emparer de cette histoire ? A la place de qui ?

On appréciera la rhétorique finale, ces mots qui apparaissent au générique pendant un bref instant : certes, le point de départ est réel mais l'histoire est entièrement fictive, ne pas chercher la moindre ressemblance avec des faits réels, etc. Que veut dire ce genre d'énoncé ? C'est un tour de passe-passe : on se donne la caution du réel, du fait divers authentique, puis on prétend que la « liberté de l'artiste » en a fait tout autre chose, et qu'il n'y a rien à comparer. Circulez, y a rien à voir, Flaubert en faisait autant. On se donne le privilège de tenir ensemble la réalité et la fiction : c'est très pratique, on est ainsi parfaitement inattaquable. On vient parler d'un sujet bien au-dessus de ses moyens (la haine de l'autre), on ne s'embarrasse pas de l'avouer, mais évidemment qu'on en a parlé puisque tout est vrai. Et évidemment qu'on en a bien parlé, puisqu'on en a fait de l'art : du subtil, de l'ambigu, du nuancé, du culturel pur sucre. On est un héros, deux fois, pour le même prix ! C'est sûr, il n'est point besoin de s'appliquer en ce qui concerne l'exécution du film proprement dit, il sera toujours bien assez bon pour remplir son office. Simplement : occuper une place, celle de qui ?


Dernière édition par balthazar claes le Jeu 12 Nov 2009 - 14:57, édité 2 fois

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Message par Borges Sam 7 Nov 2009 - 19:01

Je ne comprends pas, ou alors c'est le film que j'ai pas compris.
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Message par balthazar claes Sam 7 Nov 2009 - 19:06

Je ne sais pas, j'ai écrit ça sous le coup de ma première impression, ce n'est pas clair ; ce qui m'a d'abord marqué, et je ne risque pas de changer d'avis là-dessus, c'est que c'est vraiment très mauvais.

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Message par Largo Sam 7 Nov 2009 - 20:09

J'avoue que je ne comprends pas non plus ce texte :S
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http://www.raphaelclairefond.com/

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Message par Borges Sam 7 Nov 2009 - 20:50

Que ce ne soit pas terrible, et même mauvais, ça ne se discute pas.
J'ai vu ça à sa sortie; et je sais même pas l'impression qui m'en reste; mais je suis pas d'accord avec cette idée d'abjection...
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Message par Borges Sam 7 Nov 2009 - 21:05

Sur le film, un texte (qui vaut pas plus que ça), mais"psylacanien".

La vérité comme fiction

À propos du film d’André Téchiné, La fille du rer
Didier Castanet

« Je m’amuse à vous montrer comme elle est belle, belle, très belle, cette histoire d’un mensonge dévoilé. »

Luigi Pirandello, Vêtir ceux qui sont nus.

C’est avec cet extrait de Luigi Pirandello qu’André Téchiné nous présente son dix-neuvième long-métrage.

La fille du rer n’est pas un film sociologique. Tout comme ne l’avaient pas été Les témoins en 2007. Si La fille du rer trouve son argument dans un fait de 2004 : une jeune femme affirme avoir été victime d’une agression antisémite dans le rer par des individus de couleur, c’est davantage sur les conséquences de ce mensonge sur chacun des personnages que le film va porter – sur le dire de chacun des personnages ou encore sur le rapport de chacun à son dire.

Ce dire est à resituer dans le contexte général du film : c’est le dire de la mère, Louise, inquiète de voir sa fille Jeanne sans emploi ; c’est le dire de Jeanne, de Franck, mais aussi celui du dealer, c’est-à-dire de toute une génération, avec ses origines sociales, nationales, communautaires et idéologiques diverses.

Le film est construit en deux mouvements, avec deux vitesses, rendues parfaitement par les déplacements des personnages (Jeanne et ses rollers), par le passage du rer ou par la pluie qui ruisselle sur Jeanne dans la nuit. Il y a aussi le temps où les personnages se retrouvent autour du repas, le temps de la parole, le temps subjectif. Il existe un lien entre la vitesse des images, le déroulement des faits et le temps des personnages rendu par leur parole. Le premier mouvement du film est consacré aux circonstances du mensonge, le second à ses conséquences.

Dans la première partie, André Téchiné nous dépeint le contexte de la construction du mensonge de Jeanne. D’abord le contexte de sa vie : elle vit chez sa mère, Louise, qui dans la journée garde des enfants et qui a l’espoir de lui trouver un emploi. Louise rencontre au cours de ses recherches sur le Net le nom de Bleistein. Ce nom sera déterminant dans tout ce qui se passera par la suite. Louise avait oublié ce nom, et à ce moment-là il refait surface. Ce nom juif est le point de départ de toute l’histoire qui suivra.

Il y a la rencontre de Jeanne et de Franck, rencontre qui se construit par le biais de la webcam, c’est-à-dire sans que les regards puissent se croiser. La présence est à la fois virtuelle et réelle.

C’est Jeanne par qui le scandale arrive. André Téchiné nous déclarera : « C’est le caractère scandaleux et monstrueux qui m’a poussé à faire le film. »
Jeanne est très attachée à Franck, son compagnon, sportif de haut niveau qui a l’espoir de devenir un champion de lutte, mais aussi à sa mère. Et lorsqu’on interrogera Jeanne sur les motifs de son acte, elle répondra : « Pour exister davantage », aux yeux de Franck et de sa mère.
C’est juste après la rupture avec Franck que la jeune femme se lancera dans le mensonge qui lui donnera ce caractère inhumain, extraordinaire. Elle s’est sentie abandonnée par Franck, rejetée, niée dans son être, et victime comme ont pu l’être les juifs.

Il s’agit là non pas d’une identification, mais de la rencontre d’une souffrance, des effets de cette souffrance, la sienne avec la position de victime, plutôt que de ne plus être aimée. C’est à partir de cette position de jouissance que chez Jeanne surgira son mensonge. Par l’introduction de cette catégorie de jouissance, en tant que rapport singulier de chacun à sa propre existence, le personnage de Jeanne devient plus lisible. Et c’est aussi cela qui va faire lien entre tous les personnages du film.
Pour Jeanne se posera en plus la question du sens, pas seulement de son acte mais aussi de ce qui oriente son existence.

La mère de Jeanne peut répondre aux besoins des enfants qu’elle garde, mais, malgré sa volonté, elle ne peut percer le mystère, l’énigme du désir de sa fille. Il y a un hiatus entre les deux femmes, un malentendu qui fait que Jeanne se sent avec elle aussi abandonnée.

Avec les personnages de Jeanne et de Franck, cette première partie du film nous dépeint l’état du malaise contemporain dans les banlieues, l’exclusion des nouvelles générations en quête d’intégration, l’éviction du sujet au profit d’une jouissance immédiate… mais pas accessible à tous.
Dans la deuxième partie du film, l’accent est mis sur les conséquences du mensonge de Jeanne. C’est le personnage de l’avocat Bleistein qui constitue la charnière entre les deux parties de cette fiction. C’est comme si un second film commençait là, au-delà de la poursuite de l’étude de la société, avec notamment un brin de drôlerie, comme l’emballement médiatique. Avec un brin de drôlerie, car le film joue avec des éléments de tragique comme de comique. En effet, l’histoire est tragique mais l’exagération qui s’ensuit est presque comique. André Téchiné nous dira : « Ce qui rend cette affaire si intéressante et si riche, c’est qu’elle est non seulement le reflet de toutes nos peurs mais aussi le danger de notre ordre moral. »

Le film expose les étapes de l’emballement, mais il laisse le spectateur libre de sa réponse. Chacun devra essayer de comprendre pourquoi cette affaire a pris une telle ampleur.

André Téchiné montre comment les personnages de cette fiction se situent face au mensonge de Jeanne. Chacun est concerné par ce mensonge, chez chacun ce mensonge provoque un écho sur sa propre vérité. C’est cela à notre avis la thèse du film.

Avec la famille Bleistein, ce qui se transmet, ou plutôt le transgénérationnel est traité par André Téchiné dans l’étude de ses personnages. Il illustre que ce qui se transmet relève non pas du fait mais d’une répétition symptomatique, d’un reste : entre l’avocat et Louise, entre le fils Bleistein et son père (le fils ne veut pas adhérer aux valeurs de son père), entre le père de Nathan (le fils Bleistein) et sa femme. La vérité de la déchirure de ses parents n’échappe pas à Nathan, pas plus que la vérité de Jeanne ne lui échappe, dans cette scène très dense de la cabane au fond du jardin où il pose cette question à Jeanne : « Pourquoi tu as menti ? » Cette scène n’est pas une révélation, pas plus une vérification, mais une ouverture sur une autre étape du film.

Trois générations sont présentes. Le grand-père, le père et le fils. Chacun avec sa singularité qui apparaît au fur et à mesure par l’intermédiaire de l’histoire de Jeanne. Cette histoire joue le rôle de révélateur de chacun des personnages.

Une rupture se produit dans le film lorsque Franck est blessé d’un coup de couteau par un dealer venu chercher la drogue dans le local que Franck était censé surveiller.

La fin du film, avec les deux personnages de Jeanne et de Nathan, repose la question de l’identité. Pour Jeanne, nous formulerons la problématique sous forme de question : y aurait-il chez elle le désir de devenir « juif » par l’adoption d’un mode persécutif ? Pour Nathan, la question se pose autrement, avec la cérémonie de la bar-mitsva. Dans sa famille, cela fera polémique. Pour lui, l’appartenance à une collectivité passe par la cérémonie religieuse, qui le rattache à une communauté.

Le film se termine sur la liberté que cette question de l’identité pose.
La fille du rer est une fiction. Mais au-delà du romanesque André Téchiné illustre avec brio que la vérité a aussi un statut de fiction, c’est- à-dire de semblant. Si le point de départ du film est un fait de mensonge, sa trame est le statut de la vérité pour chacun des personnages.

Les personnages parlent beaucoup, mais La fille du rer n’est pas un film sur leurs échanges. Il porte sur le rapport de chaque personnage à sa parole en tant que cette parole dépasse le parleur – le parlêtre. En effet, si le réel dit la vérité, il ne parle pas.

Par ailleurs, nous n’avons affaire qu’à des effets de vérité, comme nous le montre le film, par la répétition ou dans le symptôme. En ce sens, les deux personnages, Louise et Jeanne, sont emblématiques.

Paradoxalement, le problème est qu’il faut parler pour dire. Et la parole qui est énoncée ne « dit » que des mensonges. Cela signifie qu’il y a une disjonction entre la vérité du discours, qui est aussi discours de vérité et qui passe par le mensonge du symbolique (c’est-à-dire le support de cette parole), et la vérité en jeu dans le réel, que l’on ne retrouve que par ses effets.

Tout en leur laissant leur part de secret, André Téchiné fait émerger chez chacun de ses personnages leur doute, leur questionnement, leur impasse. De la fuite au choix, à la dérobade, à la lâcheté même, les personnages du film sont paradigmatiques de la position du névrosé face à son désir, à son symptôme et à la jouissance qui le tenaille.

C’est à partir de l’expression métaphorique de la vérité du refoulé inconscient, de ce nœud de sens, qu’André Téchiné, tel un rhéteur, nous renvoie chacun face à notre propre questionnement. Que disons-nous lorsque nous parlons ? Que voulons-nous ne pas savoir ? Autrement dit, où nous dupons-nous avec notre parole ?
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Message par balthazar claes Dim 8 Nov 2009 - 15:18


Tout en leur laissant leur part de secret, André Téchiné fait émerger chez chacun de ses personnages leur doute, leur questionnement, leur impasse. De la fuite au choix, à la dérobade, à la lâcheté même, les personnages du film sont paradigmatiques de la position du névrosé face à son désir, à son symptôme et à la jouissance qui le tenaille.

Mais il est aussi mauvais que le film, cet article. Les personnages du film comme tous représentants "paradigmatiques" de la position du névrosé ? Comment peut-on ne rien dire à ce point ? Tout le monde est supposé être névrosé, selon Freud, n'est-ce pas ; donc tous les personnages du film sont paradigmatiques de la situation de tout le monde... On ne peut pas mieux qualifier le désolant naturalisme du film.

Cela dit, moi je dis ça, je vois bien que c'est un peu gros mon argument. C'est peut-être l'énormité de l'idée qui m'a séduit : Téchiné n'est pas supposé être comparable au réalisateur de la Journée de la jupe. Si Catherine Deneuve venait me voir et me regardait dans les yeux en disant "Allons, mon garçon, qu'est-ce que c'est que cette histoire ?", je pense que je fondrais en larmes et que je dirais "Pardon, Madame".

Je ne suis qu'un pauvre forumeur qui s'écoute parler, certes. Mais tout de même je ne vois pas où est mon erreur, je vois ce film comme excessivement finkielkrautien, en somme.

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Message par balthazar claes Lun 9 Nov 2009 - 14:42

Je me demande bien ce qui me prend de m'engager sur un terrain aussi glissant. Evidemment ce sont là de graves accusations, dont, je l'avoue, je ne saurais peser toutes les implications.


J'ai l'impression que je pourrais écrire un article de cinquante pages sur le film, en détaillant chaque scène et chaque ligne du scénario ; est-ce que ça en vaudrait la peine, ce n'est pas sûr. Je pense bien qu'on pourrait mieux expliquer ce que j'essaie de dire. J'aimerais par exemple savoir mieux mettre en avant le problème qui se pose avec l'avertissement final, cette histoire de « fait vrai » qui n'a plus rien de vrai en fin de compte ; il me semble que ça concentre tout le vice de forme du film. Ça m'a fait penser à un cas analogue : l'étonnant Eric Zemmour écrivant un « roman », Petit frère, à partir d'un fait-divers (un Arabe tue un Juif de ses amis), fait réel présenté de la même manière par l'auteur comme complètement réécrit, réinventé ; réinventé à tel point, avec une telle finesse artistique, que la mère de la victime a fait un procès à Zemmour pour diffamation. Il faut l'entendre répliquer, qu'en gros cette pauvre idiote de mère ne comprend rien à ce qu'est la liberté de l'artiste, et que Flaubert lui-même, etc.

Le « roman » de Zemmour est consacré à la courageuse dénonciation du multiculturalisme, de l'immonde « relativisme » culturel, du navrant masochisme de l'Occident, de la « honte de l'homme blanc », face à la barbarie qui vient d'ailleurs. Ici comme ailleurs, Zemmour se bat pour le titre de valet le plus hargneux de la réaction ; dans son cas, contrairement à Téchiné, il n'y a pas à se demander longtemps ce dont il s'agit – encore que, ami de Ruquier, il serait sans doute, à l'instar de Val, à mettre dans la case de ceux qui partent d'un certain « gauchisme » pour soutenir leur position de zélotes de l'idéologie régnante.

Dans le livre de Zemmour donc, un Juif meurt pour de vrai ; c'est son ami et voisin d'enfance, un Arabe, qui le tue parce qu'il est jaloux de son succès ; les Juifs paient le prix, en tant que modèles de la réussite occidentale, du désordre engendré par le relativisme et la perte des valeurs morales. Dans le film de Téchiné, une fausse Juive est faussement agressée, certes ; mais c'est pour exactement les mêmes raisons. Le fille du RER, Jeanne est bel et bien jalouse de la réussite de l'avocat Juif : quand elle ment à son petit ami en lui disant qu'elle a été embauchée par l'avocat, elle ne voit pas là un mensonge parce qu'elle estime avoir droit à la réussite de ce Juif ; c'est bien là le principe de la mythomanie ; et tout le mécanisme du récit de Téchiné est basé là-dessus.

Et il faudrait dérouler tous les détails de l'intrigue pour en voir toute la mocheté ; si Jeanne a postulé à un emploi de secrétaire chez l'avocat spécialisé dans la lutte contre l'antisémitisme, c'est parce que sa mère avait été autrefois courtisée par lui, et qu'elle espère avoir encore droit à un peu d'intérêt de sa part ; elle écrit pour sa fille (à moitié illettrée dixit le scénario) une lettre de motivation qui prétend que Jeanne se sent concernée par le problème de l'antisémitisme ; c'est déjà impliquer que la mère elle-même considère qu'on peut toujours s'arranger avec cette question, que tout ça n'est pas si important ; c'est en somme le premier mensonge de la mère qui déclenchera la série de mensonges de la fille.

Cela revient à montrer une espèce d'antisémitisme galopant, universel, une épidémie à laquelle il n'y a guère qu'être Juif pour pouvoir échapper ; et cette maladie, cette souillure est à mettre en relation avec la mort (au front) du père en Afghanistan ; ce décès causé par les Arabes, a détruit l'équilibre familial, fait manquer l'éducation de Jeanne en coupant le lien de la transmission des valeurs. A l'inverse, on voit dans la famille de l'avocat une idéale transmission intergénérationnelle ; du grand-père au petit-fils on se chamaille bien un petit peu, mais c'est à peu près sur le ton plaisant et pacifié de la sitcom ; ce qui d'ailleurs provoque une rupture complète de ton dans le récit, mais au point de désastre esthétique où on est rendu, ça se remarque à peine.



Mais le plus symptomatique à mon avis, c'est le problème de cette caution du réel, ce fait-divers qui vient authentifier toute la rhétorique, comme dans le roman de Zemmour. Tous les autres arguments seraient sans doute facilement retournables, réductibles à une question de point de vue et de perception. Mais je suppose qu'en linguistique, en analyse de la rhétorique, il y a un terme pour qualifier ce genre d'énoncé, qui constitue une espèce de chausse-trappe.

« Les personnages et événements décrits dans ce film sont totalement fictifs. Seul le point de départ de cette fiction s'inspire d'un fait divers réel. Dès lors, toutes similitudes entre des personnes existant ou ayant existé et les personnages du film seraient purement fortuites. »


On nous propose une fiction qui se livre à tous les sous-entendus, toutes les « libertés de l'artiste » possibles, toutes les confusions imaginables, et on revendique en même temps – mieux, on prouve – la véracité de ce qu'on avance, du moins la véracité du « point de départ ». La fille existe, le RER existe : donc tout est vrai.


Il faudrait aussi réfléchir sur ce qu'est un « fait-divers ». Le film se donne l'air de penser à cette question : c'est en regardant le journal télévisé et ses faits-divers que Jeanne a l'idée d'inventer son agression. Le fait-divers est condamné comme manipulable et manipulé par les medias ; c'est là sans doute la principale caution que se donne le film vis-à-vis d'une réflexion sérieuse sur son sujet. Le fait-divers est tellement manipulable qu'il peut même être manipulé, non seulement par les pouvoirs, mais aussi par les particuliers, on peut bricoler soi-même son propre fait-divers et c'est une fort mauvaise chose : drôle de conclusion. Et encore une fois, le film se mord la queue et le discours se dénonce lui-même, puisque c'est ce qu'il fait lui-même : mais « l'artiste » a le droit de manipuler des faits-divers, lui, ce serait même, à la limite, sa fonction ; les autres devraient s'abstenir, ils n'en ont pas le talent (cette pauvre sotte de Jeanne a prétendu que ses agresseurs avaient trouvé dans son sac la carte de visite de l'avocat ; pas de chance, l'avocat millionnaire est hostile au principe de la carte de visite, il n'en a jamais fait imprimer). Laissez les professionnels manipuler l'information (les journalistes et les artistes – c'est un peu la même chose - principalement ; à la limite, un avocat peut faire l'affaire) ; c'est une matière dangereuse, inflammable : voilà toute la morale qu'on peut trouver là-dedans. Soumettez-vous au contrôle sans faire d'histoires. En gros.


Flaubert, je suppose, faisait tout autre chose de la question du fait-divers. Je dirais qu'il montrait des individus réduits à l'état de gouttelettes dans la vaste mer de l'Histoire, des êtres rendus minuscules et dont l'existence ne devient perceptible qu'à l'instant de leur perte. L'opération de Téchiné (et celle de Zemmour) équivaut au contraire à poser une égalité entre l'Histoire et l'histoire, entre le point de vue des minuscules événements privés et celui du vaste cours de la scène publique – ce qui revient à nier, à refouler la grande Histoire. Les deux points de vue deviennent réversibles. Ce naturalisme qui pose l'adéquation entre la petite histoire et la grande, entre la réalité et la fiction, est de l'espèce la plus dangereuse.

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Message par Borges Lun 9 Nov 2009 - 15:11

la mort (au front) du père en Afghanistan ; ce décès causé par les Arabes, a détruit l'équilibre familial, fait manquer l'éducation de Jeanne en coupant le lien de la transmission des valeurs

-Les Afghans ne sont pas des Arabes, même si ce sont des musulmans.






Je commence à suivre ton raisonnement.
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Message par Borges Lun 9 Nov 2009 - 15:36

Flaubert, je suppose, faisait tout autre chose de la question du fait-divers.
Je dirais qu'il montrait des individus réduits à l'état de gouttelettes dans la vaste mer de l'Histoire, des êtres rendus minuscules et dont l'existence ne devient perceptible qu'à l'instant de leur perte.

(C'est pas Foucault, et les hommes infâmes tout de même)



Je ne pense pas du tout que tu puisses rapprocher Téchiné de Zemmour; aussi simplement.
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Message par balthazar claes Mar 10 Nov 2009 - 0:15

Oui, je crois que je m'égare. Je déroule mes idées au petit bonheur la chance. Il faudrait remplacer "abject" par "pas top", je présume. J'effacerai sans doute tout ça dans quelques jours.

balthazar claes

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Message par Borges Mar 10 Nov 2009 - 11:24

balthazar claes a écrit:Oui, je crois que je m'égare. Je déroule mes idées au petit bonheur la chance. Il faudrait remplacer "abject" par "pas top", je présume. J'effacerai sans doute tout ça dans quelques jours.

Pourquoi effacer?
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Message par balthazar claes Jeu 12 Nov 2009 - 14:49

La Fille du RER, un film plutôt abject ?! Nous entendons ici abject dans le sens de « digne du plus profond mépris » ; alors, c'est sans doute beaucoup trop, il faudra envisager la possibilité d'un mépris modéré, superficiel ; une accusation d'hypocrisie, de jésuitisme : La fille du RER, un film plutôt jésuite ?


1. Le fait-divers : indéfini, échangeable, muet, intempestif


Sans doute mon indignation face à la transformation d'un fait-divers n'est pas justifiable en général. Après tout on fait bien ce qu'on veut. Mais il faut voir ce qui est gardé et ce qui est laissé. Ici, « fille-RER-2004-agression antisémite simulée », ces coordonnées ancrent un fait précisément situé dans le temps, dans l'espace et dans l'histoire. Il y a des « faits », et il y a des « faits-divers ». Ce qu'impliquerait ce terme de « divers », c'est qu'on a un fait qui serait échangeable avec un autre ; comme dans « divers et variés » ; et puisqu'il s'agit d'abord d'une catégorie médiatique, disons qu'il y a des nouvelles qu'on peut mettre en relief parce qu'elles présentent un caractère de rareté, d'événement exceptionnel, mais dont le propos peut tout de même être « échangeable ». Par exemple, imaginons : « scoop : un homme a mangé son chien », s'il avait mangé son chat, ou le chien de son voisin, ou si son chien l'avait mangé, que ça se soit passé un lundi ou un jeudi, à Paris ou en province, ne changerait pas fondamentalement la nature du fait-divers. Le dictionnaire dit : « événement d'importance secondaire », on pourrait dire : événement dont le détail est indifférent, ne donne rien à penser ; qui ne vaut que par son caractère de rareté en soi.

Le plus important c'est que c'est c'est le journal qui fait le fait-divers. Une histoire privée peut donner lieu à différentes formes de récit, on peut à la limite raconter n'importe quel histoire sur le mode du fait-divers. Quand Jules César est assassiné, l'histoire contient aussi son propre fait-divers, « un élu assassiné par son gendre ». On voit par là que ce qui caractérise le fait-divers, c'est le genre indéfini.

On peut toujours hasarder cette première définition : le fait-divers est un mode d'écriture caractérisé par le genre indéfini et l'échangeabilité de ses éléments.


Mais les détails de l'affaire de la fille du RER, ou plutôt les détails conservés par Téchiné, constituent un événement défini précisément en termes de lieu et de date, et où le lieu et la date forment un contexte qui n'est pas indifférent : « banlieue parisienne-années 2000 » ; et d'autre part dont le trait principal, celui de l'agression antisémite, n'est pas tout à fait échangeable. Ou plutôt, disons que le débat justement fait rage à ce sujet. Certains diront que remplacer « antisémite » par « raciste » ou « xénophobe » change quelque chose, et d'autres diront que ça ne change rien. Sans chercher à trancher cette question, on peut voir que Téchiné à cet égard met son fait-divers au carré, pour ainsi dire, en y impliquant un élément qui n'est pas dans le fait original : à savoir que Jeanne invente la présence d'un nom juif sur une carte de visite se trouvant dans son sac à main, carte de visite qui devient le motif de l'agression dans son récit. Téchiné semble souligner la singularité de l'antisémitisme, liée à la question du nom juif.

A la limite, dans une certaine vision des enjeux politiques actuels, ce fait est autre chose qu'un fait-divers : il est le révélateur d'une crise, un événement annonciateur. Peut-être peut-on dire cela de tout fait-divers, il faudrait rajouter ça à sa définition : il est le fait inerte, muet d'une époque, le micro-événement sur lequel la pensée n'a pas de prise, recelant pourtant sourdement une dimension d'imprévu, d'intempestif, de surgissement. Le fait-divers « stupéfie », il ne dit rien et il fait taire, ne laisse la place à nulle parole, seulement au bavardage, à la rumeur qui n'est que le bruissement produit par sa propagation. Mais dans notre cas, il s'agirait plutôt d'un fait bavard, et qui tiendrait un discours précis : « à la limite », encore une fois, on aurait là un fait qui contiendrait déjà toute une idéologie.


Ainsi, le fait-divers est d'abord un certain mode de récit, et la question est de savoir si le film de Téchiné s'appuie ou non sur un fait-divers ; en quelque sorte c'est presque lui qui choisit d'en faire ou non un fait-divers. On pourrait choisir de filmer un fait-divers comme tel ; il faudrait alors développer des prodiges d'invention pour inventer un style neutre, indéfini ; sans doute la littérature est-elle mieux armée pour cette tâche. (Je voulais réfléchir à Flaubert, mais on peut s'arrêter à ceci : s'il y a quelque chose d'indéfini dans le fait-divers, alors la littérature lui est tout particulièrement liée. Il n'y a qu'à lire Marthe Robert pour apprendre les rapports entre le roman et le genre indéfini.) On peut choisir de commenter un fait-divers, d'en proposer une interprétation ; on risque alors de tendre à faire un film à thèse. Ou on peut-faire un film sur le fait-divers en soi, en étudiant les particularités de ce mode de discours.


Ici Téchiné commente son fait divers, il en propose une explication. Téchiné voit l'écueil du film à thèse, il propose une explication qui se veut peu conclusive ; il veut faire « résonner » une question, déplier ses implications, étaler ses aspects comme un jeu de cartes. Il va se contenter de peindre une typologie, sociale et psychologique, autour de ce fait-divers, un encadrement dans lequel il pourrait se loger. Rien que de bien innocent. Evidemment, en faisant ceci, il ne peut guère que naturaliser son fait-divers, lui faire perdre sa bizarrerie. « Naturaliser » ne veut dire ici rien d'autre que : rendre normal, plausible, vraisemblable, compréhensible : non singulier. Téchiné a l'air modeste : il ne cherche pas à apporter la compréhension au sujet de l'antisémitisme, mais simplement sur le fait qu'une jeune fille française ait fait croire qu'elle avait été victime de l'antisémitisme.



2. « C'est-pas-de-chance »



Il faut aller encore plus loin dans l'analyse de ce fait-divers : on verra alors que son statut est plutôt particulier. Il est aisé de voir que l'acte de la jeune fille contient deux messages en un, deux mouvements : d'une part le mécanisme victimaire, « j'ai été agressée, on m'a fait du mal, on me veut du mal », d'autre part le mécanisme de dénégation « ce n'est pas moi qui ai été attaquée, ce sont les Juifs qui ont été attaqués, je ne suis pas Juive ». Elle concentre ainsi, dans sa fiction, les deux tendances opposées qui la déchirent. L'ensemble donne « Je suis une martyre, une Jeanne d'Arc de la judéité ». Mais en décomposant le message, on trouve « je suis le bouc émissaire du bouc émissaire, ce qui m'arrive est un scandale ».


Jeanne a perdu son père quand elle avait cinq ans, nous dit Téchiné ; quand elle perd son petit ami, le choc émotionnel la fait retomber sur son propre roman familial ; comme dit Marthe Robert il n'y a que deux types de roman, celui du bâtard et celui de l'enfant trouvé ; Jeanne n'est qu'une petite orpheline qui se rêve un père royal. Elle s'invente un lien de filiation avec le riche avocat qui passe à la télé et qui a courtisé sa mère autrefois. Bon, très bien : la confusion d'une jeune orpheline, voilà de quoi il est question. Tout va bien.


La fille, par son acte, cherche un moyen d'avouer sans avouer sa culpabilité inconsciente, son désir inconscient. Elle ne fait que projeter, cas classique de psychologie, son propre désir. Evidemment, dans le récit de Téchiné, le roman familial de la jeune fille rend les choses plus ambivalentes. C'est bien elle qui trace les croix gammées, mais elle dira que ce sont « les autres » qui ont commis ce blasphème. Un délire est toujours, dit Lacan, l'expression d'un désir refoulé, désir ayant peu ou prou rapport avec l'homosexualité. La forme du message caché, c'est toujours un « je l'aime », qui peut être transformé en un « non, je le hais », ou un « non, c'est lui qui m'aime », ou un « non, c'est lui qui me hait ». Il n'y a pas 36 solutions.

L'objet du désir interdit, dans l'histoire que nous raconte Téchiné, c'est l'avocat Juif ; c'était l'objet du désir de la mère mariée à un militaire. Comme la petite n'est pas bien nette, ce que nous prouve son acte, elle doit sûrement, pensez à Psycho, avoir un peu de mal à faire la séparation entre elle et sa mère. Elle a donc ce désir pour l'avocat, désir rendu d'autant plus pathogène qu'il s'agit du père royal de son roman familial.


Crise psychotique de la petite, double salto : « je l'aime » devient « je le hais », elle en passe nécessairement par cette phase, enchaînée ex abrupto, rectifiée à cause du roman familial, en un « non, ce sont eux qui le haïssent », « ils le haïssent et c'est PAR HASARD que je me retrouve dans cette histoire, je n'ai rien à y faire ». Mon baratin est vague, inutile et inexact mais l'important sera la conclusion, juste parce qu'évidente : le PAR HASARD.

Le PAR HASARD c'est bien l'essence du... fait-divers. Le fait-divers, indéfini, échangeable, muet, intempestif, c'est en quelque sorte le mode d'écriture du hasard, le hasard médiatisé.

Le délire de la petite c'est d'inventer ce PAR HASARD, d'inventer, précisément, un fait-divers, pour dissimuler un problème qui n'a, quel qu'il puisse être, et justement je ne veux pas le savoir, rien à voir avec le hasard. Dès lors, ce n'est plus un fait-divers, ou alors c'est l'essence du fait-divers. « Une jeune fille simule un fait-divers » ; il y avait un fait, mais il n'était pas suffisant pour en parler, elle s'est fait mal au genou en roller ou que sais-je ; elle a fait croire que c'était un fait-divers.


En justifiant ce PAR HASARD qui est l'invention de la jeune fille, en lui donnant les raisons les plus sûres, les plus raisonnables, les plus nuancées, Téchiné fait comme s'il cherchait à rendre plausible, vraisemblable, un simple fait-divers innocent ; ah, mais tu es pris, jésuite, parce que ce fait-divers n'est pas un fait-divers comme les autres ; ce n'est pas un simple fait hasardeux, mais la prétention, la simulation d'un fait hasardeux.

Car d'une part le fait est transparent, à la lettre, la fille est antisémite. Point. Ce que tu essaies d'escamoter, de faire passer clandestinement, Téchiné ; vu de loin, ton personnage est à peu près une brave petite, la fille de Deneuve, pensez.

Et d'autre part, ce n'est pas un « fait-divers » mais une simulation de fait-divers. C'est-à-dire que quand Téchiné explique toute l'histoire, quand il croit seulement la clarifier, la rendre visible, compréhensible, en introduisant son avocat juif dans le roman familial de la jeune fille, il ne fait que doubler l'invention de la jeune fille, il la répète, il lui fait concurrence avec ses moyens de réalisateur expérimenté. Il la copie, oui ! Ah, il a le nez creux, mais elle l'a eu avant lui, pour sentir qu'inventer « antisémite » au lieu de « raciste » par exemple, ça paraîtra plus vrai, plus vraisemblable, mais surtout, plus intéressant ! Tout le monde dressera l'oreille ! Tout le monde fera ooh.

Voilà où est la fameuse essence que je cherchais : la question qui se pose sous cet angle, ce n'est pas l'essence du Juif, de l'antisémitisme, et de savoir si la question du Juif et de l'antisémitisme sont la question essentielle ou pas ; l'essence qu'on a ici c'est l'essence du fait-divers, le cas-limite de la figure du fait-divers, sa forme absolutisée ; voilà ce qui rend la position de Téchiné nécessairement contradictoire. Il fait mine de ne pas voir que ce fait-divers n'est pas comme les autres ; il fait comme si tout était simple et naturel ; il va se contenter d'une gentille démonstration psychanalytique pour montrer que ce fait-divers, quoique saisissant, est en fait une affaire toute simple. Or l'affaire n'est pas simple, car ce qu'il invente, la jeune fille l'avait inventé avant lui ; et à cet égard, Téchiné n'est qu'un plagieur ; parce qu'il s'attribue la paternité de l'invention de la jeune fille, il lui vole son scénario ; et il légitime finalement ce vol par la « gravité de la question », par l'enjeu qui est si important, etc. C'est parce qu'il y a vol qu'on peut prouver qu'il met de l'essentiel dans son naturalisme ! Il y a un mobile, à présent !

Elle a inventé « antisémitisme-par-hasard » et Téchiné dit non, ce n'est pas ça, je vais vous expliquer, il s'agit en fait d' « antisémitisme-par-hasard », mais c'est là qu'il se trahit, cette dénégation prouve que comme elle, il ne croit en réalité nullement à ce par-hasard ;

car sinon il n'aurait nullement éprouvé le besoin d'inventer une fiction pour justifier une fiction ; et ce faisant, se donnant l'air de naturaliser, normaliser ce qui pourrait sembler être une question d' « essence », il fait exactement le contraire, il « essentialise » ce délire d'une fillette pour en faire une « vérité ».

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Message par Borges Jeu 12 Nov 2009 - 15:17

Et si on partait du désir de la jeune fille, qui invente son histoire pour exister, être aimée, pour que l'on s'intéresse à elle? L'idée de son mensonge lui vient après une émission télé, parlant des actes antisémites, et du génocide nazi, je crois. Il y a évidemment aussi la mère, et sa vie ratée, et son Juif idéal. Cela veut dire quoi? Très simplement ceci : pour qu'on s'intéresse à vous, il faut être juif; c'est la fameuse lutte pour le statut de victime; être juif, c'est valorisant, c'est positif, de même qu'en connaître, qu'être lié à eux, ce sont de bon objets de désir; nous sommes loin de l'antisémitisme. C'est l'inverse même de l'antisémitisme, on imagine pas que dans une société antisémite les gens se fassent passer pour des juifs pour attirer l'intérêt...au contraire, le Juif cacherait qu'il est juif. A côté de ça, y a le désir de la mère, qui se dit qu'elle a été conne de ne pas avoir plutôt choisi l'avocat juif; et l'image qu'on nous donne de la réussite juive la constitue en objet d'envie, de désir, et de ressentiment; les Juifs réussissent; c'est une image naturellement antisémite. D'un côté y a ces pauvres françaises, de l'autre cette réussite. Où se place alors Téchiné, dans cette histoire? Je ne sais plus quel comique juif disait quand je vois l'image que les antisémites du ressentiment se font des juifs, j'ai bien envie d'être juif : "nous sommes riches, intelligents, nous avons tous les pouvoirs, les médias..."


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Message par balthazar claes Jeu 12 Nov 2009 - 15:45

Rhaa Borges tous mes absurdes efforts n'ont pour but que d'essayer de trancher la question du film en faisant l'impasse sur toutes les grandes questions... En faisant ça je fais sûrement la même chose que Téchiné, je fais l'autruche, je ne regarde que la conséquence, faisant mine de ne pas me tourner vers la cause. (Et en même temps, ça ressemble à la tentative héroïque de battre le record du monde du 100 mètres sur le papier) Je suis aussi jésuite que Téchiné, mais moi je le dis. Il faudrait arriver à savoir parler simplement.

Téchiné donne son brevet d'ouverture d'esprit, il est ouvert, il n'a pas peur de regarder sous la table et dans le placard, les vieux secrets dégoûtants de la famille. A mon avis l'attaquer ça revient à attaquer ceux qui se parent d'une certaine idéologie qu'on pourrait à peu près appeler « psychanalytique », pour dire que ce sont d'affreux libéraux, des cyniques, etc. C'est comme quand Rancière parle du désenchantement de gauche et des vociférations de droite, qui se rejoignent sur le même consensus... On pense, on fait des phrases, on prend parti, et puis finalement on tombe d'accord sur ce qu'il y a à voir. Evidemment ce n'est malgré tout pas du tout la même chose.

Téchiné fait mine de défendre tout le monde, de donner à chacun ses raisons, là où Zemmour se vautre dans la haine de l'autre. Il ne fait pas seulement mine, d'ailleurs, il veut vraiment bien faire. Mais en ménageant la chèvre et le chou, il finit par perdre de vue les deux, quelque chose comme ça.

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Message par Largo Jeu 12 Nov 2009 - 18:27

Mister Pivot nous dirait certainement qu'il n'y a point de tiret entre "fait" et "divers". What a Face

Le maître du fait divers, en littérature, c'est Félix Fénéon et ses nouvelles en trois lignes.

Alors de cette histoire, Téchiné aurait-il dû faire un court-métrage ?
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Message par balthazar claes Ven 13 Nov 2009 - 8:37

Largo a écrit:Mister Pivot nous dirait certainement qu'il n'y a point de tiret entre "fait" et "divers". What a Face

Hé oh serait-tu en train d'insinuer que ma méthode n'est pas rigoureusement scientifique ? Sur ce point-là du moins, mon petit Larousse dit : "Fait divers OU fait-divers : événement sans portée générale qui appartient à la vie quotidienne/Rubrique de presse comportant des informations sans portée générale relatives à des faits quotidiens".

D'ailleurs ce serait maître Capello qui chicanerait un truc pareil ; Pivot dirait plutôt : "Mais alors, j'aimerais comprendre : est-ce que vous êtes en train d'accuser Téchiné d'avoir trafiqué son fait-divers ?" Et je répondrais : "Mais non, Bernard : ce fait-divers contient le piège d'être un faux, non au sens où il aurait une portée générale mais au sens où sa portée non générale, le par-hasard qui le détermine, est un simulacre, une fiction ; au sens où la jeune fille a "écrit" elle-même son fait-divers ; et AT tombe dans le piège d'inventer une fiction pour justifier une fiction, de surdéterminer le hasard ; son énoncé à lui revient à dire "c'est par hasard que c'est arrivé par hasard" ; disant ceci il ne fait que redoubler, confirmer le délire de la jeune fille ; il le valide ; ce qui révèle que pour lui ce n'est pas un fait-divers, mais il refuse de l'avouer, c'est un jésuite."

Et donc dans cette logique il ne fallait pas faire le film, ni court ni long. Il aurait pu faire à la limite "Le Garçon du tramway" et se passer de son avertissement et de toute référence à un fait réel.

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Message par Largo Ven 13 Nov 2009 - 12:04

Very Happy Autant pour moi.

A propos de faits divers "antisémites", Lanzmann, pas à la fête en Allemagne : http://www.lemonde.fr/europe/article/2009/11/12/allemagne-la-diffusion-d-un-film-de-claude-lanzmann-sur-israel-degenere_1266218_3214.html#ens_id=1266309
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Message par balthazar claes Ven 13 Nov 2009 - 12:34

Borges a écrit:
A côté de ça, y a le désir de la mère, qui se dit qu'elle a été conne de ne pas avoir plutôt choisi l'avocat juif; et l'image qu'on nous donne de la réussite juive la constitue en objet d'envie, de désir, et de ressentiment; les Juifs réussissent; c'est une image naturellement antisémite. D'un côté y a ces pauvres françaises, de l'autre cette réussite. Où se place alors Téchiné, dans cette histoire?

Téchiné se souvient d’un paragraphe de Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes. “Je n’ai pas relu ce texte au moment de l’écriture du film. Il m’est revenu en mémoire après. Et pourtant, c’est clair qu’il m’a travaillé.” Barthes y décrit la façon dont ce qu’il appelle “la catastrophe amoureuse”, à savoir la séparation contre son gré d’un être aimé, devient comparable avec la Shoah. “N’est-il pas indécent de comparer la situation d’un sujet en mal d’amour à celle d’un concentrationnaire à Dachau ?, écrit Barthes. (…) Ces deux situations ont ceci de commun : elles sont, à la lettre, panique ; ce sont des situations sans reste, sans retour. Je me suis projeté dans l’autre avec une telle force, que lorsqu’il me manque, je ne puis me récupérer. Je suis perdu, à jamais.

Il y a quelque chose d’obscène, c’est vrai, dans ce rapprochement, ajoute Téchiné. Mais j’ai voulu montrer comment l’identification à la plus grande des injures de l’Histoire pouvait devenir le seul rempart contre la désagrégation psychique.”

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Message par Borges Ven 13 Nov 2009 - 13:36

balthazar claes a écrit:
Borges a écrit:
A côté de ça, y a le désir de la mère, qui se dit qu'elle a été conne de ne pas avoir plutôt choisi l'avocat juif; et l'image qu'on nous donne de la réussite juive la constitue en objet d'envie, de désir, et de ressentiment; les Juifs réussissent; c'est une image naturellement antisémite. D'un côté y a ces pauvres françaises, de l'autre cette réussite. Où se place alors Téchiné, dans cette histoire?

Téchiné se souvient d’un paragraphe de Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes. “Je n’ai pas relu ce texte au moment de l’écriture du film. Il m’est revenu en mémoire après. Et pourtant, c’est clair qu’il m’a travaillé.” Barthes y décrit la façon dont ce qu’il appelle “la catastrophe amoureuse”, à savoir la séparation contre son gré d’un être aimé, devient comparable avec la Shoah. “N’est-il pas indécent de comparer la situation d’un sujet en mal d’amour à celle d’un concentrationnaire à Dachau ?, écrit Barthes. (…) Ces deux situations ont ceci de commun : elles sont, à la lettre, panique ; ce sont des situations sans reste, sans retour. Je me suis projeté dans l’autre avec une telle force, que lorsqu’il me manque, je ne puis me récupérer. Je suis perdu, à jamais.

Il y a quelque chose d’obscène, c’est vrai, dans ce rapprochement, ajoute Téchiné. Mais j’ai voulu montrer comment l’identification à la plus grande des injures de l’Histoire pouvait devenir le seul rempart contre la désagrégation psychique.”


Oui.

On peut voir dans ces textes le passage de Dachau à Shoah; Barthes ne parle pas de camps d'extermination, mais du camp concentrationnaire à Dachau. C'est d'ailleurs ces camps dont on a d'abord parlé, après la libération. Dachau n'était pas spécialement destiné aux Juifs.




http://fr.wikipedia.org/wiki/Dachau_%28camp%29
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Message par Invité Mar 24 Nov 2009 - 23:51

Salut,

Vous en êtes où avec ce film au juste ? Le dernier texte de BC était pas mal, je trouve.

J'ai vu le film et j'en pense pas grand chose à part que j'ai trouvé ça effectivement assez laid dans l'ensemble, un côté naturalisme publicitaire avec quotas au casting et tout, on sent Téchiné pas à l'aise avec son sujet, son "environnement" (ça ressemble au film d'un gars qui fait semblant de filmer la banlieue parisienne, le rer, tout en voulant nous faire croire qu'on y est vraiment, mais qui, par contre, est un peu trop à l'aise dans les grands apparts et les maisons bourgeoises), il y a quelque chose qui cloche et le dernier texte de BC se rapproche sans doute assez prêt de ce qui va pas dans ce film, l'idée est en effet plutôt roublarde de sortir les gros sabots psy pour chercher à expliquer ce fais divers. "Faut comprendre pourquoi machin a fait tel truc", comme on dit dans les médias.

Je suis intrigué par un détail, c'est tout ce qui touche à l'écriture de la fille dans le film, les remarques de sa mère ("je vais pas écrire un roman", qu'elle ose répondre à sa mère) puis celles de la secrétaire de l'avocat à propos de sa lettre de motivation, les scènes où elle chat avec son copain, la scène où elle écrit la lettre que lui dicte l'avocat. Y'a quelque chose qui colle pas dans tout ça il me semble, qui trahi quelque chose de pas forcément très honnête dans la démarche de Téchiné.

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Message par DB Mar 5 Jan 2010 - 11:20

Quelle pauvreté d'imagination dans la mise en scène, le type sait pas du tout filmer le train, le RER, ça reste super plat.

Mis du temps à en parler, mais je vois rien d'autre à ajouter que le fait que ce soit très plat.

Je pense à toute cette première partie policière....


Message indispensable.
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Message par Invité Mer 6 Jan 2010 - 10:00

Notre critique (sur "le forum que vous savez") :

et sinon, pour lire un ramassis de conneries, toujours la meilleure adresse du net : https://spectresducinema.1fr1.net/conver ... t-t379.htm?

http://forum.plan-sequence.com/fille-rer-andre-techine-2009-t11274-15.html

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Message par Borges Mer 6 Jan 2010 - 11:38

JM a écrit:Notre critique (sur "le forum que vous savez") :

et sinon, pour lire un ramassis de conneries, toujours la meilleure adresse du net : https://spectresducinema.1fr1.net/conver ... t-t379.htm?

http://forum.plan-sequence.com/fille-rer-andre-techine-2009-t11274-15.html

dommage que BC ne soit pas trop dans les parages en ce moment :

l'est vraiment bizarre ce film... j'en attendais rien et j'en ressors avec l'envie d'en discuter, de comprendre de quoi il en retourne... à vrai dire j'ai un véritable plaisir scopique qui est presque gênant... la faute à la photo de Julien Hirsch, qui comme d'habitude est incroyable, tant de couleurs chaudes bordel, j'en avais pas vu autant dans un film français depuis quand? la scène de la pluie nocturne, toute violette, qui n'est pas loin d'humilier celle de Vinyan alors que, contrairement à Debie, que j'adore mais qui a toujours sa tendance à la bande-démo, Hirsch se contente de le faire, simplement, sans se la jouer, et fout tout le monde à l'amende tout tranquillement (là je regrette de pas l'avoir vu en salles, mais je suis déjà bluffé par ce qu'arrive à rendre le DivX de la palette über-large du film)... tu m'étonnes que Des Pallières avait envie de foutre son film à l'eau quand Hirsch a dû partir de Parc...

et puis la faute aussi à ce montage, dont vous parlez tous, et qui moi me fascine tant il est audacieux et surtout imprévisible, cette manière qu'il a d'engloutir le récit à grandes dents, d'ellipse en ellipse, ou d'oser des trucs qui pourraient etre kitsch et sont superbes, les fondus au noir, la géniale surimpression de la traînée de sang, c'est d'ailleurs avoir tout compris à la photo de Hirsch que de monter ainsi, sur des explosions de couleurs, sur de la vitesse, sur des variations de lumière et sur rien d'autre...

après faudrait se demander ce que raconte le film et j'avoue que j'en sais trop rien. Le fait divers en soi, non pas celui de l'agression mais celui du mensonge, n'a pas l'air d'intéresser Téchiné plus que ça... En fait je sais pas bien ce qui intéresse Téchiné. Les quelques dialogues, assez rares, sont hyper-convenus, récitent une espèce de leçon didactique d'éducation civique assez sournoise, toujours hypocrite en fait, parce que prononcée sans conviction par une faune petite-bourgeoise qui s'en branle pas mal.

le film a quelque part à voir avec le RAPT de Lucas Belvaux, en ce que son pitch, son argument de base, n'est pas du tout son sujet, qu'il s'agit plus de l'étude d'un malaise des apparences, des hypocrisies, de la manière dont l'homme à l'heure moderne de sa médiatisation (pas pour rien que Belvaux actualise) est un prédateur en vanité pour l'homme... ce qui me marque, c'est la morgue qui caractérise tous les rapports, comme Deneuve qui va voir Blanc en mode "souvenir d'une vieille amitié", essaie de jouer deux secondes à ça avant de lâcher l'affaire, de reprendre son masque de froideur et de lui dire qu'elle ne peut pas jouer ce rôle ; ou encore Blanc qui accueille l'aveu de Dequenne avec une condescendance tellement extrême qu'il n'a aucune réaction sensible, et se contente de dicter immédiatement, sur un rythme effréné, la lettre de confession comme un instit' en pleine dictée ; ou Blanc plus tard qui cause avec l'autre avocat, semble dire son indignation avec un peu de sincérité et puis finit sa phrase en lâchant un "faut bien insister sur ça hein? pas sur la pathologie de la petite"...

C'est plus fort je trouve finalement ce rapport au monde dans le Téchiné que dans le Belvaux, parce que la froideur était un peu trop générale, trop mécanique, dans RAPT, et que c'est je trouve plus fécond que cette désincarnation se déroule dans un monde presque Ricoré éclairé par Julien Hirsch.

Ceci dit, c'est plus fécond, mais c'est à discuter j'ai l'impression. Qu'une telle froideur se déniche sous un vernis si chaud me met, moi, extrêmement mal à l'aise. Je ne suis pas sûr de vouloir souscrire à cette vision du monde.

Le film se sauve cependant de la misanthropie via deux personnages, j'ai envie de dire deux beaux personnages masculins comme on dit "un beau personnage féminin" quand on veut glisser sur la tarte à la crème du "beau portrait de femme par un cinéaste homme oh comme c'est étonnant et sensible, il a vu l'intégrale d'Almodovar, nan?". Bah là les beaux portraits de femme, c'est des portraits d'homme, na, ta gueule, et pourtant les trois générations de femmes sont belles à mourir (Elkabetz est pas loin d'être à mes yeux la plus belle MILF du monde), mais c'est pas la question. Ce dont je parle, c'est la plénitude, l'intensité, l'honnêteté et la sincérité des personnages de Duvauchelle (son plus beau rôle, sans hésiter) et du gamin, qui lui est juste génial. C'est tous les deux qui permettent à Dequenne de s'extraire un peu elle aussi de cette vision terrible de l'humanité, de devenir, elle, la menteuse, à son tour, à leur contact, sincère et vraie -- et c'est ainsi qu'il me semble le film échappe, de peu, un peu in extremis, à la tentation de la misogynie. Je pense évidemment aux deux incroyablement belles scènes d'amour (la webcam et la maison dans les bois), platoniques et pourtant mille fois plus sensuelles que la très nulle scène de baise au ralenti (qu'est juste grotesque, c'était quoi cette idée, André?). Encore une fois, la mise en scène dit tout toute seule, le montage de la séquence de webcam est fou, absolument parfait, la disparition progressive des mots, le découpage en champs/contrechamps juste parfaits, le cadre pudique et en me^me temps bandant en diable, c'est d'un érotisme incroyable... Dans la cabane, c'est encore le découpage qui l'emporte, avec la photo encore, comme si seule la lumière singulière de ce moment rendait ce moment possible (chose tellement vraie, d'ailleurs, tellement juste, que la lumière et la couleur influent sur les âmes et les amours...) et ce fondu final qui laisse en suspens une question : ils ont baisé ou pas? Je jubilais quand plus tard Téchiné a la délicatesse de nous révéler que non, qu'on n'est pas tombé dans l'inceste Hamiltonien tellement französich... C'est juste l'instant qui était érotique, ce qui était dans l'air, puissance platonique des corps en présence...

Bon, je m'égare, mais voilà, c'est assez bizarre ce film, qui semble dire qu'il est tellement dangereux de parler quand vivre, être là, être un corps, dit déjà suffisamment de choses bien plus fortes que les mots. Je serais bien emmerdé s'il en restait là. Duvauchelle et le môme, qui eux disent uniquement des choses essentielles, prouvent qu'on le peut, ("il est direct, ce jeune homme", s'inquiète Deneuve lorsqu'elle rencontre Duvauchelle pour la première fois), permettent néanmoins in fine de ne pas prôner un retour à une espèce d'animalité, ce qui ne voudrait en somme rien dire. Juste à une vérité des corps et des mots. C'est assez admirable, voire brillant, de faire dire ça à une fiction qui s'inspire d'une fiction contaminant le réel.

Même si je serais méfiant si ça arrivait, j'aimerais vivre dans un monde éclairé par Julien Hirsch/6

(par ZadakaGM)
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Borges
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Message par DB Mer 6 Jan 2010 - 13:41

Personnellement s'insulter par forum interposé, ça m'intéresse pas hein.
DB
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