Aperçus sur la psychiatrie dans le Nord de la France, en 2014
Aperçus sur la psychiatrie dans le Nord de la France, en 2014
Mon frère est hospitalisé depuis un mois et demi dans l’hôpital de secteur de la principale ville du Nord de la France. Il présente des symptômes de schizophrénie assez grave, qui se sont développés depuis la mort de notre mère (et me semblent en partie liés à l'historie familiale, aux interactions qui se sont produites dans la famille depuis l'enfance, qui font que moi et l'ensemble de mes frères a connu ce type d'hospitalisation), et que malheureusement il n'a pas voulu soigner. Il a été hospitalisé après avoir tenté de disparaître, en errant dans le Nord de la France. Je n'ai pu le voir qu'après 15 jours, car il a été placé en isolement à son arrivée, souvent attaché. Jusqu'à la semaine passé je pouvais le visiter avec le reste de ma famille. Cela se passait bien.
J'ai appris hier que mon frère a été remis dans un régime sans visite et sans sortie pour la raison par son psy le trouvait "nerveux". Je suspecte une forme d'abus où on fait payer à mon frère son attitude réticente. J'ai voulu lui rendre visite jeudi mais je n'ai pas pu le voir (comme il n'a accès à son portable qu'une heure par jour, que les infirmiers le garde, difficile de convenir d'un rendez-vous) . D'après mon père la vraie raison pour laquelle les sorties lui sont refusées, est qu'il n'avait pas l'autorisation expresse du médecin pour les sorties précédentes (mais nous avions l'accord oral des infirmières), lesquelles se sont toujours bien passées. Le médecin s'en est plaint mercredi devant mon père. Mon père m'a aussi raconté que mon frère a fait une "fausse route" alimentaire (l'alimentation qui va dans le système respiratoires) et que le médecin se serait moqué de lui, sans prendre en compte le fait que les fausses routes étaient un des symptômes particulièrement marquant de la maladie de ma mère -la maladie de Charcot-, et que mon frère l'a vu plusieurs fois s'étouffer (et l'a souvent aidé à cracher la nourriture pour survivre).
C'est quand-même un manque de sensibilité qui interpelle. Il y a d'autres choses qui clochent : le médecin aurait présenté à mon frère la phase initiale l'hospitalisation comme ayant eu depuis plus longtemps que la réalité, pour lui reprocher ensuite d'être dans le déni)
De plus mon frère a demandé il y a une semaine à un juge une audience pour une sortie anticipée de l’hôpital, qui lui a été refusée. Il m'indiquait que le psy (à vrai dire il semble que ce ne soit pas un psy, mais un généraliste qui coordonne une équipe) l'invitait à faire cette démarche au cours du traitement, sans doute parce que mon frère en contestait le bien fondé. Mon frère m'a indiqué avoir écrit une lettre où il indiquait que l'institution médicale l'enfermait en ayant fait "une mauvaise évaluation de sa personnalité" . Même si je n'était pas d'accord avec lui et avait peur qu'il sorte sans demander de soin du tout, son expression n'était pas délirante.
Or depuis ce refus j'ai l'impression qu'il a un régime de médicament plus fort qui l'éteint. Je me demande si le psy ne l'aurait pas encouragé à effectuer cette demande en sachant pertinemment que la "jurisprudence" invaliderait de toute manière cette requête, pour avoir un deuxième avis négatif du juge qui confirme l'hospitalisation et lui permette de décider d'un traitement plus strict. Par ailleurs mon frère n'a toujours pas accès à une psychothérapie, on ne lui pose apparemment aucune question sur sa famille, son histoire (c'est difficile d'avoir ces infos, car mon frère conteste une partie du traitement et parle peu de son traitement). Il serait sur une liste d'attente. Je me rends compte qu'une des particularité de la psychanalyse c'est qu'elle intègre les résistances et le déni du malade dans le traitement normal, tandis que mon frère est dans une institution qui entend au contraire les écraser. Je suis en train de lire "le Travail du Négatif" un livre intéressant d'André Green sur le traitement des psychoses par les psychanalystes, mais assez déprimant, car il élabore beaucoup sur le fait que la psychanalyse, depuis Freud et surtout Lacan, s'est surtout constituée par un certain mépris pour les psychotiques. Green situe lui-même les psychotiques comme incapable d'une relation d'objet (donc en dessous des relations sociale et et de l'altérité): le psychotique élit lui-même l'objet qu'il veut détruire sans y parvenir, et auquel il se soumet ensuite. C'est un discours essentiellement moral et métaphysique que tient Green (la dialectique hégélienne lui permet d'approcher un fondement physiologique-neurologique mal connu des psychoses). Et il s'agit apparemment du versant de la psychanalyse le plus sensible à la souffrance des psychotiques...
J'ai l'impression qu'il y a deux hiatus en France, plus forts qu'en Belgique: d'un côté culturellement la psychose est associée à une forme de prestige culturel de la folie (Nerval, Baudelaire, etc...) mais l'institution médicale se positionne justement comme institution en la traitant comme un fait social devant obéir à une logique de contrôle et de prophylaxie sécuritaire (ls mettent souvent en avant que mon frère pourrait être un danger pour lui-même, ce que je pense et la société, ce qu'en revanche je ne croie pas, mais il est vrai qu'il a pu agresser verbalement les docteurs et les pompiers qui l'on trouvé au moment de sa crise), d'autre part l'opposition entre approche médicale académique (physiologique-neurologique) de la folie et psychanalyse est plus radicale qu'en Belgique:il n'y pas d'institution au milieu. Le médecin aurait ainsi dit que mon frère ne réagit pas de la manière normale au médicament, comme si c'était de sa faute.
Un truc qui me frappe, c'est que l'hôpital a justifié les 15 jours d'isolement et d'attachement qu'il a eu au début par le fait qu'il aurait menacé un infirmier avec un bic. Lui dit toujours qu'il a voulu prendre un bic pour écrire, dans la poche d'un infirmier. Même si le geste de mon frère était irrationnel et maladroit, il n'avait pas forcément le sens d'une agression. C'est l’institution qui lui confère un sens symbolique que justement mon frère ne voyait pas. Je me demande si un incident réel n'aurait pas été exagéré n'aurait pas été monté en épingle pour justifier ensuite une prise en charge sévère d'un cas difficile, mais pas forcément dangereux. Comme l'institution n'a pas de moyen (pas de psychothérapie) elle utilise un discours "sécuritaire" pour transférer elle-même son manque d'infrastructure sur les symptômes du patient (cela débouche sur un tableau où ces symptômes sont accusés). Peu avant de l'enfermer, à nouveau, on parlait de le transférer dans un hôpital de jour, parlait de sortie libre, tout en mentionnant que l'absence de proches dans la région lilloise était un problème.
Ce soir, mon autre frère dit qu'il a pu lui remettre des vêtements, mais pas le voir. Il aurait été placé en "chambre d'apaisement" (c'est à dire cellule d'isolement) mais "ça irait mieux" (il dort). je doute que ces euphémismes et cette coercition soient de nature à inviter un paranoïaque a accepter plus facilement un traitement. Je me demande quel est la situation des patients qui ne reçoivent aucune visite (il y a beaucoup de petits vieux dans l'aile où il est hospitalisé), même si je doute aussi que le terme "hospitalisé" soit adéquat.
J'ai l'impression que le message que l'institution veut faire passer c'est: vous voulez que votre frère ou votre fils soit soigné, démerdez vous pour trouver une institutions privée, nous c'est les médocs et éviter d'avoir à rendre compte de faits divers, dans une époque où on parle des "laxistes" comme McCarthy parlait ces communistes. A part cela l’hôpital dispose d'une aile "Franco Basaglia"
J'ai appris hier que mon frère a été remis dans un régime sans visite et sans sortie pour la raison par son psy le trouvait "nerveux". Je suspecte une forme d'abus où on fait payer à mon frère son attitude réticente. J'ai voulu lui rendre visite jeudi mais je n'ai pas pu le voir (comme il n'a accès à son portable qu'une heure par jour, que les infirmiers le garde, difficile de convenir d'un rendez-vous) . D'après mon père la vraie raison pour laquelle les sorties lui sont refusées, est qu'il n'avait pas l'autorisation expresse du médecin pour les sorties précédentes (mais nous avions l'accord oral des infirmières), lesquelles se sont toujours bien passées. Le médecin s'en est plaint mercredi devant mon père. Mon père m'a aussi raconté que mon frère a fait une "fausse route" alimentaire (l'alimentation qui va dans le système respiratoires) et que le médecin se serait moqué de lui, sans prendre en compte le fait que les fausses routes étaient un des symptômes particulièrement marquant de la maladie de ma mère -la maladie de Charcot-, et que mon frère l'a vu plusieurs fois s'étouffer (et l'a souvent aidé à cracher la nourriture pour survivre).
C'est quand-même un manque de sensibilité qui interpelle. Il y a d'autres choses qui clochent : le médecin aurait présenté à mon frère la phase initiale l'hospitalisation comme ayant eu depuis plus longtemps que la réalité, pour lui reprocher ensuite d'être dans le déni)
De plus mon frère a demandé il y a une semaine à un juge une audience pour une sortie anticipée de l’hôpital, qui lui a été refusée. Il m'indiquait que le psy (à vrai dire il semble que ce ne soit pas un psy, mais un généraliste qui coordonne une équipe) l'invitait à faire cette démarche au cours du traitement, sans doute parce que mon frère en contestait le bien fondé. Mon frère m'a indiqué avoir écrit une lettre où il indiquait que l'institution médicale l'enfermait en ayant fait "une mauvaise évaluation de sa personnalité" . Même si je n'était pas d'accord avec lui et avait peur qu'il sorte sans demander de soin du tout, son expression n'était pas délirante.
Or depuis ce refus j'ai l'impression qu'il a un régime de médicament plus fort qui l'éteint. Je me demande si le psy ne l'aurait pas encouragé à effectuer cette demande en sachant pertinemment que la "jurisprudence" invaliderait de toute manière cette requête, pour avoir un deuxième avis négatif du juge qui confirme l'hospitalisation et lui permette de décider d'un traitement plus strict. Par ailleurs mon frère n'a toujours pas accès à une psychothérapie, on ne lui pose apparemment aucune question sur sa famille, son histoire (c'est difficile d'avoir ces infos, car mon frère conteste une partie du traitement et parle peu de son traitement). Il serait sur une liste d'attente. Je me rends compte qu'une des particularité de la psychanalyse c'est qu'elle intègre les résistances et le déni du malade dans le traitement normal, tandis que mon frère est dans une institution qui entend au contraire les écraser. Je suis en train de lire "le Travail du Négatif" un livre intéressant d'André Green sur le traitement des psychoses par les psychanalystes, mais assez déprimant, car il élabore beaucoup sur le fait que la psychanalyse, depuis Freud et surtout Lacan, s'est surtout constituée par un certain mépris pour les psychotiques. Green situe lui-même les psychotiques comme incapable d'une relation d'objet (donc en dessous des relations sociale et et de l'altérité): le psychotique élit lui-même l'objet qu'il veut détruire sans y parvenir, et auquel il se soumet ensuite. C'est un discours essentiellement moral et métaphysique que tient Green (la dialectique hégélienne lui permet d'approcher un fondement physiologique-neurologique mal connu des psychoses). Et il s'agit apparemment du versant de la psychanalyse le plus sensible à la souffrance des psychotiques...
J'ai l'impression qu'il y a deux hiatus en France, plus forts qu'en Belgique: d'un côté culturellement la psychose est associée à une forme de prestige culturel de la folie (Nerval, Baudelaire, etc...) mais l'institution médicale se positionne justement comme institution en la traitant comme un fait social devant obéir à une logique de contrôle et de prophylaxie sécuritaire (ls mettent souvent en avant que mon frère pourrait être un danger pour lui-même, ce que je pense et la société, ce qu'en revanche je ne croie pas, mais il est vrai qu'il a pu agresser verbalement les docteurs et les pompiers qui l'on trouvé au moment de sa crise), d'autre part l'opposition entre approche médicale académique (physiologique-neurologique) de la folie et psychanalyse est plus radicale qu'en Belgique:il n'y pas d'institution au milieu. Le médecin aurait ainsi dit que mon frère ne réagit pas de la manière normale au médicament, comme si c'était de sa faute.
Un truc qui me frappe, c'est que l'hôpital a justifié les 15 jours d'isolement et d'attachement qu'il a eu au début par le fait qu'il aurait menacé un infirmier avec un bic. Lui dit toujours qu'il a voulu prendre un bic pour écrire, dans la poche d'un infirmier. Même si le geste de mon frère était irrationnel et maladroit, il n'avait pas forcément le sens d'une agression. C'est l’institution qui lui confère un sens symbolique que justement mon frère ne voyait pas. Je me demande si un incident réel n'aurait pas été exagéré n'aurait pas été monté en épingle pour justifier ensuite une prise en charge sévère d'un cas difficile, mais pas forcément dangereux. Comme l'institution n'a pas de moyen (pas de psychothérapie) elle utilise un discours "sécuritaire" pour transférer elle-même son manque d'infrastructure sur les symptômes du patient (cela débouche sur un tableau où ces symptômes sont accusés). Peu avant de l'enfermer, à nouveau, on parlait de le transférer dans un hôpital de jour, parlait de sortie libre, tout en mentionnant que l'absence de proches dans la région lilloise était un problème.
Ce soir, mon autre frère dit qu'il a pu lui remettre des vêtements, mais pas le voir. Il aurait été placé en "chambre d'apaisement" (c'est à dire cellule d'isolement) mais "ça irait mieux" (il dort). je doute que ces euphémismes et cette coercition soient de nature à inviter un paranoïaque a accepter plus facilement un traitement. Je me demande quel est la situation des patients qui ne reçoivent aucune visite (il y a beaucoup de petits vieux dans l'aile où il est hospitalisé), même si je doute aussi que le terme "hospitalisé" soit adéquat.
J'ai l'impression que le message que l'institution veut faire passer c'est: vous voulez que votre frère ou votre fils soit soigné, démerdez vous pour trouver une institutions privée, nous c'est les médocs et éviter d'avoir à rendre compte de faits divers, dans une époque où on parle des "laxistes" comme McCarthy parlait ces communistes. A part cela l’hôpital dispose d'une aile "Franco Basaglia"
Invité- Invité
Re: Aperçus sur la psychiatrie dans le Nord de la France, en 2014
salut Tony.
Message touchant, inquiétant... Dur combat à mener.
Impossible de te répondre à partir de ton témoignage... et je ne sais pas si c'est une bonne chose d'en parler sur le forum(qui peut être bien fruste, blessant, tu le sais très bien)... est-ce que tu n'exposes pas trop la situation difficile de ton frère?
Sur les films que je connais(et sans aucun rapport avec ce que tu écris) qui m'ont touché ou appris des choses sur la psychiatrie, il y a "Histoires autour de la folie" de Paule Muxel et Bertrand de Solliers, j'en avais posté certains extraits très forts il me semble... tu connais ce documentaire?
Message touchant, inquiétant... Dur combat à mener.
Impossible de te répondre à partir de ton témoignage... et je ne sais pas si c'est une bonne chose d'en parler sur le forum(qui peut être bien fruste, blessant, tu le sais très bien)... est-ce que tu n'exposes pas trop la situation difficile de ton frère?
Sur les films que je connais(et sans aucun rapport avec ce que tu écris) qui m'ont touché ou appris des choses sur la psychiatrie, il y a "Histoires autour de la folie" de Paule Muxel et Bertrand de Solliers, j'en avais posté certains extraits très forts il me semble... tu connais ce documentaire?
Invité- Invité
Re: Aperçus sur la psychiatrie dans le Nord de la France, en 2014
Salut Breaker,
Merci pour ta réponse. D'un côté je me dis qu'en effet ça peut tomber dans le voyeurisme (mon frère ne m'a rien demandé et serait mécontent de lire cela) et la simplification, de l'autre que cela ne sert à rien de parler des films si je suis incapable de parler aussi de cela, qui est plus central. Mais je dois avouer, que peut-être par lâcheté, je ne sais pas comment mener ce combat. Il faut sans doute que j' en parle moins, et soutienne plus mon frère contre l'institution.
Pas vu le documentaire, mais je ressens très fort un décalage entre la manière dont la psychiatrie est représentée au cinéma (voire dans la culture) et la réalité. "Les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel" c'est un feel good movie extrapolant à partir d'une réalité glauquissime. La psychiatrie "de secteur" (mauvais mot car il recouvre en fait une centralisation) est un des points aveugles d'une société à la fois voulant être rassurée à tout prix, et qui se vante en même temps de plus en plus de sa dureté. On voir aussi la crise rien que dans la configuration des lieux ttrop grandà les bâtiments, les couleurs: une pratique qui s'est construite par rapport à des références sans doute progressistes dans les années 50-60, qui est en crise en en ayant conscence et en ne l'admettant pas tout haut et devient coercitive.
Merci pour ta réponse. D'un côté je me dis qu'en effet ça peut tomber dans le voyeurisme (mon frère ne m'a rien demandé et serait mécontent de lire cela) et la simplification, de l'autre que cela ne sert à rien de parler des films si je suis incapable de parler aussi de cela, qui est plus central. Mais je dois avouer, que peut-être par lâcheté, je ne sais pas comment mener ce combat. Il faut sans doute que j' en parle moins, et soutienne plus mon frère contre l'institution.
Pas vu le documentaire, mais je ressens très fort un décalage entre la manière dont la psychiatrie est représentée au cinéma (voire dans la culture) et la réalité. "Les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel" c'est un feel good movie extrapolant à partir d'une réalité glauquissime. La psychiatrie "de secteur" (mauvais mot car il recouvre en fait une centralisation) est un des points aveugles d'une société à la fois voulant être rassurée à tout prix, et qui se vante en même temps de plus en plus de sa dureté. On voir aussi la crise rien que dans la configuration des lieux ttrop grandà les bâtiments, les couleurs: une pratique qui s'est construite par rapport à des références sans doute progressistes dans les années 50-60, qui est en crise en en ayant conscence et en ne l'admettant pas tout haut et devient coercitive.
Dernière édition par Tony le Mort le Lun 24 Mar 2014 - 22:28, édité 5 fois
Invité- Invité
Re: Aperçus sur la psychiatrie dans le Nord de la France, en 2014
En deux mois, je ne crois pas que mon frère ait eu accès à de la musique, à un film. Le docteur dit "apportez lui des choses légères à lire, des romans d'amour". Lui me dit que cela l'a intéressé de lire un supplément du Figaro sur la vie de Poe et la préface d'un recueil sur Perec. Ses mots "l'institution fait une mauvaise évaluation de ma personnalité" sont en plein dans le mille.
De temps en temps il y a une excursion culturelle, des activités de jardinage. Si tu es sage tu récupères ton portable.
Il me dit que la télé est bloquée en journée sur une chaîne de clip pour éviter les disputes (en fait sans doute tout simplement les discussions) entre patients sur les programmes, et que les infirmiers gardent la télécommande. "Tu as compris le genre d'endroit que c'est?" Je vois des petits vieux silencieux qui n'ont que cela à regarder, qui ont l'air dépressifs plutôt que grabataires. Les plus jeunes qui tournent en rond entre le couloir de la chambre et la salle commune avec la télé, en partie parce qu'elle est mise à fond. Et ça c'est l'aile "douce", à son arrivée il était dans un autre service encore plus dur (d'ailleurs apparemment les ailes correspondraient aux quartiers de Lille d'où viennent les patients, alors qu'elles semblent quand-même structurées différemment, plus ou moins fermées selon l'état des patients).
En même temps il est paniqué si une sortie dure trop longtemps et qu'il rentre un peu en retard après l'heure des visites (je comprends d'ailleurs mieux pourquoi à présent). L'institution cherche en fait à soigner les malades en les rendant cons.
De temps en temps il y a une excursion culturelle, des activités de jardinage. Si tu es sage tu récupères ton portable.
Il me dit que la télé est bloquée en journée sur une chaîne de clip pour éviter les disputes (en fait sans doute tout simplement les discussions) entre patients sur les programmes, et que les infirmiers gardent la télécommande. "Tu as compris le genre d'endroit que c'est?" Je vois des petits vieux silencieux qui n'ont que cela à regarder, qui ont l'air dépressifs plutôt que grabataires. Les plus jeunes qui tournent en rond entre le couloir de la chambre et la salle commune avec la télé, en partie parce qu'elle est mise à fond. Et ça c'est l'aile "douce", à son arrivée il était dans un autre service encore plus dur (d'ailleurs apparemment les ailes correspondraient aux quartiers de Lille d'où viennent les patients, alors qu'elles semblent quand-même structurées différemment, plus ou moins fermées selon l'état des patients).
En même temps il est paniqué si une sortie dure trop longtemps et qu'il rentre un peu en retard après l'heure des visites (je comprends d'ailleurs mieux pourquoi à présent). L'institution cherche en fait à soigner les malades en les rendant cons.
Invité- Invité
Re: Aperçus sur la psychiatrie dans le Nord de la France, en 2014
Le pouvoir psychiatrique a toujours pouvoir de vie et de mort, le pouvoir psychiatrique ce sont des "discours de vérité" qui ont le pouvoir institutionnel de tuer parce qu'ils fonctionnent dans l'institution judiciaire.
Discours de vérité qui font rire, en vérité, discours grotesques dans le sens qu'ils ont la curieuse propriété d'être étrangers à toutes les règles les plus élémentaires de formation d'un discours scientifique, et d'être étrangers aussi aux règles de droit.
Foucault parle de terreur ubuesque :
« La souveraineté grotesque ou, en d'autres termes plus austères, la maximalisation des effets de pouvoir à partir de la disqualification de celui qui les produit : ceci, je crois, n'est pas un accident dans l'histoire du pouvoir, ce n'est pas un raté de la mécanique. Il me semble que c'est l'un des rouages qui font partie inhérente des mécanismes du pouvoir...
Il me semble qu'il y a là, depuis la souveraineté infâme jusqu'à l'autorité ridicule, tous les degrés de ce que l'on pourrait appeler l'indignité du pouvoir...
Théorie, donc, de l'Ubu-psychiatrico-pénal. »
Je t'ai parlé de ce film, Histoires autour de la folie, et j'ai remis en ligne cet extrait :
Discours de vérité qui font rire, en vérité, discours grotesques dans le sens qu'ils ont la curieuse propriété d'être étrangers à toutes les règles les plus élémentaires de formation d'un discours scientifique, et d'être étrangers aussi aux règles de droit.
Foucault parle de terreur ubuesque :
« La souveraineté grotesque ou, en d'autres termes plus austères, la maximalisation des effets de pouvoir à partir de la disqualification de celui qui les produit : ceci, je crois, n'est pas un accident dans l'histoire du pouvoir, ce n'est pas un raté de la mécanique. Il me semble que c'est l'un des rouages qui font partie inhérente des mécanismes du pouvoir...
Il me semble qu'il y a là, depuis la souveraineté infâme jusqu'à l'autorité ridicule, tous les degrés de ce que l'on pourrait appeler l'indignité du pouvoir...
Théorie, donc, de l'Ubu-psychiatrico-pénal. »
Je t'ai parlé de ce film, Histoires autour de la folie, et j'ai remis en ligne cet extrait :
- Spoiler:
- Le film est en deux parties, je te mets à disposition la partie 1 si ça t'intéresse...
http://we.tl/UjnLmlCeqP
Invité- Invité
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