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Les Neiges du Kilimandjaro (R. Guédiguian - 2011)

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Message par adeline Dim 11 Déc 2011 - 20:15

Tout d'abord ce qui saute aux yeux, c'est la nullité. Du jeu, des dialogues, des scènes, de tout. La première demi-heure est une souffrance, à tous points de vue. Pourtant, on n'a pas envie de le détester, ce film, mais c'est impossible de ne pas être atterré. Puis, il y a le braquage. Quelque chose se noue. C'est toujours aussi mauvais, mais on croyait ne rien pouvoir sauver, alors qu'au milieu de toute cette niaiserie, quelque chose que le film ne maîtrise pas résiste au reste. L'indécision. Que pense le film du personnage de Darroussin ? L'absolue inanité de la dernière scène (happy end merveilleux qui n'exclut que ceux qui n'ont pas mérité d'être sauvés, les enfants égoïstes) rend la fin du film inexistante. Les "bons" ne sont pas sauvés par cette scène. Et la lucidité de Darroussin lui rend-elle sa force politique ? Il semble que non. Tout ce qu'il est capable de faire, c'est d'"aider", et non plus de se battre. Entre Jaurès et spiderman, finalement, il n'a pour lui que sa bonne conscience. Mais cette incertitude, l'impression que le film malgré lui condamne Darroussin et donne politiquement raison au frère des gamins, le sauve un petit peu. Les deux seuls personnages qui existent sont le frère braqueur, qui énonce les seules paroles vraiment politiques du film, et sa mère, qui est l'opposé absolu d'Ariane Ascaride. Alors que Darroussin cherche du politique partout, jusque dans les cadeaux de son ami, il n'y en a presque nulle part dans le film.
C'est un film sur la vieillesse, peut-être, et sur une zolie histoire d'amour :


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Message par Invité Lun 12 Déc 2011 - 10:51

Kilimanjaro, j'ai beaucoup aimé ce mot, exuberance is beauty comme disait je ne sais plus qui. Hemingway y renforçait sa force de travail, se remettait en forme, éliminait toute la graisse de son âme. Kilimanjaro. Un mot rêvé, contraire de paresse, d'indolence, de mauvaise foi.

Les Neiges du Kilimandjaro (R. Guédiguian - 2011) Kilimandjaro

Et puis un beau jour, sans doute un des pires souvenirs de télévision pour moi, exuberance is beauty accolé à ce mot allait devenir aridité, banalité, devant un reportage où une fille genre la nana au joli petit minois qui présente Echappées belles, arpente le Kilimanjaro avec son baton de ski, son guide noir et porteur de culture tanzanienne francophone, et puis derrière eux et devant des touristes en nombre, des mamies et papis en shorts décathlon. D'ailleurs la présentatrice en question ne disait pas Kilimanjaro, mais "Kili", "les éléphants du Kili", etc. Le must du trekking, le kili draine chaque année des milliers de randonneurs.


Reste la nouvelle d'Hemingway, sa carcasse de léopard dans les neiges éternelles du Kilimanjaro trop orgueilleux pour crever dans les plaines.

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Message par Borges Lun 12 Déc 2011 - 15:15

j'ai une question, à propos de ce film;

je me demande pas trop comment opérer la synthèse de jaurès et spiderman, deux univers qui devraient s'opposer, le super héros solitaire, le vigilant, en général plutôt présenté comme un truc "fasciste", dans les lectures "idéologiques",et le héros d'une certaine action "collectif", mais quel est le numéro de strange dont il est question, je crois avoir reconnu cette couverture...

Les Neiges du Kilimandjaro (R. Guédiguian - 2011) 144

si c'est ce numéro, on peut se poser des questions sur la vraisemblance de la reconstitution historique du film, et son manque de sérieux...

(notons que électro, le mec qu'affronte dans cet épisode spiderman, est un ancien ouvrier... )



(on pense au texte de daney sur je ne sais plus quelle revue ou magazine, dans je ne sais plus quel film français; mais c'est autre chose ici;)


(notons que j'ai lu strange toute mon enfance, et une partie de mon adolescence; jamais, jaurès, mais j'aime beaucoup la chanson de brel...)




les douze mois s'appelaient décembre






Dernière édition par Borges le Lun 12 Déc 2011 - 15:38, édité 1 fois
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Message par Borges Lun 12 Déc 2011 - 15:35

l'autre question bien entendu, c'est le sens à donner à l'utilisation de cette chanson; la première réponse, bien entendu : ça fait vrai, c'est une chanson populaire, du temps d'avant, du passé, de nos héros, et tout ça,

mais par le titre, y a aussi un écart entre les deux référents, deux univers, et même trois, la chanson, le film de vidor, si je me trompe pas, et l'origine de tout ça, la nouvelle de EH, terrifiante, à moins bien entendu que l'origine de tout cela ne soit la montagne même...l'afrique...

la chanson est inspirée de la nouvelle, qui n'a rien de marrant ; un mec, qui a renoncé à son idéal d'écriture, d'écrivain, pour une vie confortable, en épousant une fille hyper riche, dont il se fout, se meurt comme on dit.. lors d’un safari, la jambe gangrénée, après une stupide égratignure… il monologue et tout ça, sur sa vie ratée, lâche, accuse sa femme, un avion vient ou ne vient pas le chercher, je sais plus, il fantasme, qu'il s'envole au sommet de la montagne... c'est de cette mort que parle la chanson, rien à voir avec un voyage dans la merveilleuse afrique, dormir, ici, comme dans hamlet, c'est mourir...

quel sens alors donner à la scène du cadeau, avec ces gosses qui chantent sans s’en rendre compte une chanson de mort à leurs grands-parents ? l’insu travaille-t-il, ici, l’inconscient des enfants du couple ? c’est une question ; que le don soit empoisonné, la suite de l’événement le montre ;

le ton, la tonalité de la chanson, donne au film une étrange morbidité… un côté pourriture… on sent presque l’odeur de la jambe de GP…

-de la nouvelle, on retrouve dans le film, l’idée d’embourgeoisement, de renoncement à l’idéal…mais aussi la blessure ; encore un blessé, un handicapé, comme on dit, une remise en cause de la complétude du sujet, une mise en scène du manque; le personnage de G s’en tire mieux que celui de béla tarr… le plus à plaindre finalement ; on pense aussi au type de « intouchables »…. Dans les trois films, il s’agit de solidarité… de refaire du lien ; de l’incomplétude…de l’être…
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Message par Invité Lun 12 Déc 2011 - 18:48

je me suis toujours demandé si c'était Sembène Ousmane qui sauvait la peau du Silver Surfer?

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Message par Borges Lun 12 Déc 2011 - 18:57

breaker a écrit:je me suis toujours demandé si c'était Sembène Ousmane qui sauvait la peau du Silver Surfer?

Les Neiges du Kilimandjaro (R. Guédiguian - 2011) SURFER






je souviens d'une aventure de superman, lue, quand j'étais gosse, où "la petite amie" de superman, LL, qui vient de découvrir que les Noirs n'étaient pas bien traités aux USA, lui demande quelque chose du genre "et si j'étais Noire, cela changerait quelque chose entre nous"; superman super classe super marrant répond : comment peux-tu me poser pareille question, moi qui suis l'être le plus étranger sur terre"...(tout ça de mémoire, bien entendu);
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Message par Borges Lun 12 Déc 2011 - 19:01

si erwan est dans le coin, s'il a vu le film, il peut peut-être m'aider a identifier le numéro de strange du film... est-ce bien le numéro 144?
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Message par Invité Lun 12 Déc 2011 - 19:22

Borges a écrit:
je souviens d'une aventure de superman, lue, quand j'étais gosse, où "la petite amie" de superman, LL, qui vient de découvrir que les Noirs n'étaient pas bien traités aux USA, lui demande quelque chose du genre "et si j'étais Noire, cela changerait quelque chose entre nous"; superman super classe super marrant répond : comment peux-tu me poser pareille question, moi qui suis l'être le plus étranger sur terre"...(tout ça de mémoire, bien entendu);

marrant en effet, beaucoup mieux que les blagues du Jamel comédie Club(quelle bande de nazes) sur Superman qui vole au-dessus de l'Afrique.
https://www.dailymotion.com/video/xd8y55_thomas-ngijol-un-superman-noir_fun

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Message par Invité Lun 12 Déc 2011 - 19:26

il me semble que oui Borges; je crois me souvenir avoir repéré Electro (ou alors son nom est évoqué) quand les gamins le lisait dans le bus ou à un autre moment; j'ai quelques numéros de cette période mais pas celui ci donc je ne serai pas catégorique.
La chronologie me parait surprenante également vis à vis de l'âge de Darroussin etc ...


Dernière édition par erwan le Lun 12 Déc 2011 - 19:31, édité 1 fois

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Message par Borges Lun 12 Déc 2011 - 19:26

Robert Guédiguian :
"François Mitterrand a incarné la possibilité du socialisme en France et en Europe au moment même où les pays socialistes s’effondraient dans le monde entier. Il a, qu’on le veuille ou non, qu’elles qu’aient été, dans son destin, les parts de conviction et d’ambitions personnelles, rendu le rêve socialiste crédible pendant une longue décennie. Cette décennie, je l’ai vécue avec obstination. Poser à nouveau, aujourd’hui, la question d’une alternative au capitalisme mondialisé à travers un personnage historique me semble être en droite ligne (devrais-je dire en gauche ligne) avec tout ce que j’ai tenté de faire jusqu’à présent : c’est-à-dire participer à travers le cinéma aux interrogations de notre époque."

je savais rien de ce gars, n'avais rien vu de lui avant, je croyais que c'était un type un peu sérieux, c'est un comique, en fait; un socialiste, comme on dit, pire un admirateur de Mitterrand; la jolie blague...

1981, comme le savent ceux qui savent quelque chose de la politique, par exemple badiou ou rancière, c"est la fin de tout...

"
ce qui commence avec les années 80, avec l’élection de Mitterrand en 81, c'est au fond la ré-installation d’une vision générale du champ politique qui, de façon pratiquement dominante, en tout cas exclut l’idée révolutionnaire comme telle. Et c’est absolument clair que le début des années 80 va marquer l’envoi de l’expansion, finalement comme pensée politique dominante unique, du couple formé par le capitalisme déployé et la démocratie représentative parlementaire. Et ces thèmes vont être articulés philosophiquement dans la doctrine des droits de l’homme. Et donc c’est vraiment une nouvelle période qui s’ouvre."
(Badiou)


en fait ce film, c'est pas très différent de polisse : il s'agit de sauver les enfants, pas ceux des tziganes, ceux de ce pauvre gars sans boulot, et banlieusard... à aucun moment ces gosses ne se posent de questions, ne demandent après leur frère, une fois recueilli par nos "petits bourgeois"... quel intérêt : ils vont pouvoir regarder la télé, manger à leur faim, de bonnes saucisses et du tiramisu, le paradis pour des gars qui avaient pas de quoi se payer un bon pot de chocolat de bonne qualité...ces gosses sont traités un peu comme de petits africains recueillis avec toute la bonne conscience du monde par un couple aux idées généreuses...



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Message par Borges Lun 12 Déc 2011 - 19:35

hello erwan, merci; oui, le type aurait acheté son premier numéro de strange, vers la vingtaine... j'ai aussi le sentiment qu'il y a en fait deux numéros, si je me trompe pas de couverture, si c'est bien le 144, y a pas d'electro dans le numéro, de plus ce truc n'est absolument pas rare, on le trouve partout, enfin, sur ebay, pour quelques euros... c'est pas un numéro de collection ; je me demande si ce numéro n'a pas été choisi parce que c'est paru en 1981; les socialiste au pouvoir et blabla... y a trois dates dans le films symboliques et tout ça, le programme commun, les congés payés, et 1981...



(j'ai plus aucun de mes "strange", hélas; quand je serai riche, je me rachète les premiers numéros...)


les couvertures des premiers numéros étaient vraiment incroyables :

http://www.comics-france.com/22.editeur.lug.collection.strange.html



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Message par Invité Lun 12 Déc 2011 - 19:47

j'ai le premier en fac similé si tu veux lol

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Message par Eyquem Lun 12 Déc 2011 - 20:44

Au générique, il est dit que le scénario est librement inspiré des "Pauvres gens" de Hugo. J'ai lu, par curiosité.
Le Guédiguian s'inspire surtout des dernières strophes : il est question d'une mère de famille de pêcheurs pauvres qui recueille les deux enfants de la voisine, morte pendant la nuit. Au matin, elle se demande comment l'annoncer au mari ; mais celui-ci réagit comme Darroussin, et sans savoir que sa femme a déjà caché les deux gamins dans la maison, il lui dit qu'il n'y a pas d'autre solution que de les recueillir. Tout est bien qui finit bien :

Les pauvres gens

Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close.
Le logis est plein d'ombre et l'on sent quelque chose
Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur.
Des filets de pêcheur sont accrochés au mur.
Au fond, dans l'encoignure où quelque humble vaisselle
Aux planches d'un bahut vaguement étincelle,
On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants.
Tout près, un matelas s'étend sur de vieux bancs,
Et cinq petits enfants, nid d'âmes, y sommeillent
La haute cheminée où quelques flammes veillent
Rougit le plafond sombre, et, le front sur le lit,
Une femme à genoux prie, et songe, et pâlit.
C'est la mère. Elle est seule. Et dehors, blanc d'écume,
Au ciel, aux vents, aux rocs, à la nuit, à la brume,
Le sinistre océan jette son noir sanglot.

II

L'homme est en mer. Depuis l'enfance matelot,
Il livre au hasard sombre une rude bataille.
Pluie ou bourrasque, il faut qu'il sorte, il faut qu'il aille,
Car les petits enfants ont faim. Il part le soir
Quand l'eau profonde monte aux marches du musoir.
Il gouverne à lui seul sa barque à quatre voiles.
La femme est au logis, cousant les vieilles toiles,
Remmaillant les filets, préparant l'hameçon,
Surveillant l'âtre où bout la soupe de poisson,
Puis priant Dieu sitôt que les cinq enfants dorment.
Lui, seul, battu des flots qui toujours se reforment,
l s'en va dans l'abîme et s'en va dans la nuit.
Dur labeur ! tout est noir, tout est froid ; rien ne luit.
Dans les brisants, parmi les lames en démence,
L'endroit bon à la pêche, et, sur la mer immense,
Le lieu mobile, obscur, capricieux, changeant,
Où se plaît le poisson aux nageoires d'argent,
Ce n'est qu'un point ; c'est grand deux fois comme la chambre.
Or, la nuit, dans l'ondée et la brume, en décembre,
Pour rencontrer ce point sur le désert mouvant,
Comme il faut calculer la marée et le vent !
Comme il faut combiner sûrement les manoeuvres !
Les flots le long du bord glissent, vertes couleuvres ;
Le gouffre roule et tord ses plis démesurés,
Et fait râler d'horreur les agrès effarés.
Lui, songe à sa Jeannie au sein des mers glacées,
Et Jeannie en pleurant l'appelle ; et leurs pensées
Se croisent dans la nuit, divins oiseaux du coeur.

III

Elle prie, et la mauve au cri rauque et moqueur
L'importune, et, parmi les écueils en décombres,
L'océan l'épouvante, et toutes sortes d'ombres
Passent dans son esprit : la mer, les matelots
Emportés à travers la colère des flots ;
Et dans sa gaine, ainsi que le sang dans l'artère,
La froide horloge bat, jetant dans le mystère,
Goutte à goutte, le temps, saisons, printemps, hivers ;
Et chaque battement, dans l'énorme univers,
Ouvre aux âmes, essaims d'autours et de colombes,
D'un côté les berceaux et de l'autre les tombes.

Elle songe, elle rêve. - Et tant de pauvreté !
Ses petits vont pieds nus l'hiver comme l'été.
Pas de pain de froment. On mange du pain d'orge.
- Ô Dieu ! le vent rugit comme un soufflet de forge,
La côte fait le bruit d'une enclume, on croit voir
Les constellations fuir dans l'ouragan noir
Comme les tourbillons d'étincelles de l'âtre.
C'est l'heure où, gai danseur, minuit rit et folâtre
Sous le loup de satin qu'illuminent ses yeux,
Et c'est l'heure où minuit, brigand mystérieux,
Voilé d'ombre et de pluie et le front dans la bise,
Prend un pauvre marin frissonnant, et le brise
Aux rochers monstrueux apparus brusquement.
Horreur ! l'homme, dont l'onde éteint le hurlement,
Sent fondre et s'enfoncer le bâtiment qui plonge ;
Il sent s'ouvrir sous lui l'ombre et l'abîme, et songe
Au vieil anneau de fer du quai plein de soleil !

Ces mornes visions troublent son coeur, pareil
A la nuit. Elle tremble et pleure.

IV
Ô pauvres femmes
De pêcheurs ! c'est affreux de se dire : - Mes âmes,
Père, amant, frère, fils, tout ce que j'ai de cher,
C'est là, dans ce chaos ! mon coeur, mon sang, ma chair ! -
Ciel ! être en proie aux flots, c'est être en proie aux bêtes.
Oh ! songer que l'eau joue avec toutes ces têtes,
Depuis le mousse enfant jusqu'au mari patron,
Et que le vent hagard, soufflant dans son clairon,
Dénoue au-dessus d'eux sa longue et folle tresse,
Et que peut-être ils sont à cette heure en détresse,
Et qu'on ne sait jamais au juste ce qu'ils font,
Et que, pour tenir tête à cette mer sans fond,
A tous ces gouffres d'ombre où ne luit nulle étoile,
Es n'ont qu'un bout de planche avec un bout de toile !
Souci lugubre ! on court à travers les galets,
Le flot monte, on lui parle, on crie : Oh ! rends-nous-les !
Mais, hélas ! que veut-on que dise à la pensée
Toujours sombre, la mer toujours bouleversée !

Jeannie est bien plus triste encor. Son homme est seul !
Seul dans cette âpre nuit ! seul sous ce noir linceul !
Pas d'aide. Ses enfants sont trop petits. - Ô mère !
Tu dis : "S'ils étaient grands ! - leur père est seul !" Chimère !
Plus tard, quand ils seront près du père et partis,
Tu diras en pleurant : "Oh! s'ils étaient petits !"

V

Elle prend sa lanterne et sa cape. - C'est l'heure
D'aller voir s'il revient, si la mer est meilleure,
S'il fait jour, si la flamme est au mât du signal.
Allons ! - Et la voilà qui part. L'air matinal
Ne souffle pas encor. Rien. Pas de ligne blanche
Dans l'espace où le flot des ténèbres s'épanche.
Il pleut. Rien n'est plus noir que la pluie au matin ;
On dirait que le jour tremble et doute, incertain,
Et qu'ainsi que l'enfant, l'aube pleure de naître.
Elle va. L'on ne voit luire aucune fenêtre.

Tout à coup, a ses yeux qui cherchent le chemin,
Avec je ne sais quoi de lugubre et d'humain
Une sombre masure apparaît, décrépite ;
Ni lumière, ni feu ; la porte au vent palpite ;
Sur les murs vermoulus branle un toit hasardeux ;
La bise sur ce toit tord des chaumes hideux,
Jaunes, sales, pareils aux grosses eaux d'un fleuve.

"Tiens ! je ne pensais plus à cette pauvre veuve,
Dit-elle ; mon mari, l'autre jour, la trouva
Malade et seule ; il faut voit comment elle va."

Elle frappe à la porte, elle écoute ; personne
Ne répond. Et Jeannie au vent de mer frissonne.
"Malade ! Et ses enfants ! comme c'est mal nourri !
Elle n'en a que deux, mais elle est sans mari."
Puis, elle frappe encore. "Hé ! voisine !" Elle appelle.
Et la maison se tait toujours. "Ah ! Dieu ! dit-elle,
Comme elle dort, qu'il faut l'appeler si longtemps!"
La porte, cette fois, comme si, par instants,
Les objets étaient pris d'une pitié suprême,
Morne, tourna dans l'ombre et s'ouvrit d'elle-même.

VI

Elle entra. Sa lanterne éclaira le dedans
Du noir logis muet au bord des flots grondants.
L'eau tombait du plafond comme des trous d'un crible.

Au fond était couchée une forme terrible ;
Une femme immobile et renversée, ayant
Les pieds nus, le regard obscur, l'air effrayant ;
Un cadavre ; - autrefois, mère joyeuse et forte ; -
Le spectre échevelé de la misère morte ;
Ce qui reste du pauvre après un long combat.
Elle laissait, parmi la paille du grabat,
Son bras livide et froid et sa main déjà verte
Pendre, et l'horreur sortait de cette bouche ouverte
D'où l'âme en s'enfuyant, sinistre, avait jeté
Ce grand cri de la mort qu'entend l'éternité !

Près du lit où gisait la mère de famille,
Deux tout petits enfants, le garçon et la fille,
Dans le même berceau souriaient endormis.

La mère, se sentant mourir, leur avait mis
Sa mante sur les pieds et sur le corps sa robe,
Afin que, dans cette ombre où la mort nous dérobe,
Ils ne sentissent pas la tiédeur qui décroît,
Et pour qu'ils eussent chaud pendant qu'elle aurait froid.

VII

Comme ils dorment tous deux dans le berceau qui tremble !
Leur haleine est paisible et leur front calme. Il semble
Que rien n'éveillerait ces orphelins dormant,
Pas même le clairon du dernier jugement ;
Car, étant innocents, ils n'ont pas peur du juge.

Et la pluie au dehors gronde comme un déluge.
Du vieux toit crevassé, d'où la rafale sort,
Une goutte parfois tombe sur ce front mort,
Glisse sur cette joue et devient une larme.
La vague sonne ainsi qu'une cloche d'alarme.
La morte écoute l'ombre avec stupidité.
Car le corps, quand l'esprit radieux l'a quitté,
A l'air de chercher l'âme et de rappeler l'ange ;
Il semble qu'on entend ce dialogue étrange
Entre la bouche pâle et l'oeil triste et hagard :
- Qu'as-tu fait de ton souffle ? - Et toi, de ton regard ?

Hélas! aimez, vivez, cueillez les primevères,
Dansez, riez, brûlez vos coeurs, videz vos verres.
Comme au sombre océan arrive tout ruisseau,
Le sort donne pour but au festin, au berceau,
Aux mères adorant l'enfance épanouie,
Aux baisers de la chair dont l'âme est éblouie,
Aux chansons, au sourire, à l'amour frais et beau,
Le refroidissement lugubre du tombeau !

VIII

Qu'est-ce donc que Jeannie a fait chez cette morte ?
Sous sa cape aux longs plis qu'est-ce donc qu'elle emporte ?
Qu'est-ce donc que Jeannie emporte en s'en allant ?
Pourquoi son coeur bat-il ? Pourquoi son pas tremblant
Se hâte-t-il ainsi ? D'où vient qu'en la ruelle
Elle court, sans oser regarder derrière elle ?
Qu'est-ce donc qu'elle cache avec un air troublé
Dans l'ombre, sur son lit ? Qu'a-t-elle donc volé ?

IX

Quand elle fut rentrée au logis, la falaise
Blanchissait; près du lit elle prit une chaise
Et s'assit toute pâle ; on eût dit qu'elle avait
Un remords, et son front tomba sur le chevet,
Et, par instants, à mots entrecoupés, sa bouche
Parlait pendant qu'au loin grondait la mer farouche.

"Mon pauvre homme ! ah ! mon Dieu ! que va-t-il dire ? Il a
Déjà tant de souci ! Qu'est-ce que j'ai fait là ?
Cinq enfants sur les bras ! ce père qui travaille !
Il n'avait pas assez de peine ; il faut que j'aille
Lui donner celle-là de plus. - C'est lui ? - Non. Rien.
- J'ai mal fait. - S'il me bat, je dirai : Tu fais bien.
- Est-ce lui ? - Non. - Tant mieux. - La porte bouge comme
Si l'on entrait. - Mais non. - Voilà-t-il pas, pauvre homme,
Que j'ai peur de le voir rentrer, moi, maintenant !"
Puis elle demeura pensive et frissonnant,
S'enfonçant par degrés dans son angoisse intime,
Perdue en son souci comme dans un abîme,
N'entendant même plus les bruits extérieurs,
Les cormorans qui vont comme de noirs crieurs,
Et l'onde et la marée et le vent en colère.

La porte tout à coup s'ouvrit, bruyante et claire,
Et fit dans la cabane entrer un rayon blanc ;
Et le pêcheur, traînant son filet ruisselant,
Joyeux, parut au seuil, et dit : C'est la marine !

X

"C'est toi !" cria Jeannie, et, contre sa poitrine,
Elle prit son mari comme on prend un amant,
Et lui baisa sa veste avec emportement
Tandis que le marin disait : "Me voici, femme !"
Et montrait sur son front qu'éclairait l'âtre en flamme
Son coeur bon et content que Jeannie éclairait,
"Je suis volé, dit-il ; la mer c'est la forêt.
- Quel temps a-t-il fait ? - Dur. - Et la pêche ? - Mauvaise.
Mais, vois-tu, je t 1 embrasse, et me voilà bien aise.
Je n'ai rien pris du tout. J'ai troué mon filet.
Le diable était caché dans le vent qui soufflait.
Quelle nuit ! Un moment, dans tout ce tintamarre,
J'ai cru que le bateau se couchait, et l'amarre
A cassé. Qu'as-tu fait, toi, pendant ce temps-là ?"
Jeannie eut un frisson dans l'ombre et se troubla.
"Moi ? dit-elle. Ah ! mon Dieu ! rien, comme à l'ordinaire,
J'ai cousu. J'écoutais la mer comme un tonnerre,
J'avais peur. - Oui, l'hiver est dur, mais c'est égal."
Alors, tremblante ainsi que ceux qui font le mal,
Elle dit : "A propos, notre voisine est morte.
C'est hier qu'elle a dû mourir, enfin, n'importe,
Dans la soirée, après que vous fûtes partis.
Elle laisse ses deux enfants, qui sont petits.
L'un s'appelle Guillaume et l'autre Madeleine ;
L'un qui ne marche pas, l'autre qui parle à peine.
La pauvre bonne femme était dans le besoin."

L'homme prit un air grave, et, jetant dans un coin
Son bonnet de forçat mouillé par la tempête :
"Diable ! diable ! dit-il, en se grattant la tête,
Nous avions cinq enfants, cela va faire sept.
Déjà, dans la saison mauvaise, on se passait
De souper quelquefois. Comment allons-nous faire ?
Bah ! tant pis ! ce n'est pas ma faute, C'est l'affaire
Du bon Dieu. Ce sont là des accidents profonds.
Pourquoi donc a-t-il pris leur mère à ces chiffons ?
C'est gros comme le poing. Ces choses-là sont rudes.
Il faut pour les comprendre avoir fait ses études.
Si petits ! on ne peut leur dire : Travaillez.
Femme, va les chercher. S'ils se sont réveillés,
Ils doivent avoir peur tout seuls avec la morte.
C'est la mère, vois-tu, qui frappe à notre porte ;
Ouvrons aux deux enfants. Nous les mêlerons tous,
Cela nous grimpera le soir sur les genoux.
Ils vivront, ils seront frère et soeur des cinq autres.
Quand il verra qu'il faut nourrir avec les nôtres
Cette petite fille et ce petit garçon,
Le bon Dieu nous fera prendre plus de poisson.
Moi, je boirai de l'eau, je ferai double tâche,
C'est dit. Va les chercher. Mais qu'as-tu ? Ça te fâche ?
D'ordinaire, tu cours plus vite que cela.

- Tiens, dit-elle en ouvrant les rideaux, les voilà!"
J'aime bien le film, avec ses défauts.
Eyquem
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Message par Invité Lun 12 Déc 2011 - 20:50

Borges a écrit:
1981, comme le savent ceux qui savent quelque chose de la politique, par exemple badiou ou rancière, c"est la fin de tout...

"
ce qui commence avec les années 80, avec l’élection de Mitterrand en 81, c'est au fond la ré-installation d’une vision générale du champ politique qui, de façon pratiquement dominante, en tout cas exclut l’idée révolutionnaire comme telle. Et c’est absolument clair que le début des années 80 va marquer l’envoi de l’expansion, finalement comme pensée politique dominante unique, du couple formé par le capitalisme déployé et la démocratie représentative parlementaire. Et ces thèmes vont être articulés philosophiquement dans la doctrine des droits de l’homme. Et donc c’est vraiment une nouvelle période qui s’ouvre."
(Badiou)
ah? dans la cinquième VGE était un bourrin qui me paraît tout à fait en phase avec la politique années 80, et peut-être Pompidou aussi d'ailleurs... VGE nettement en tout cas, sur ce que tu cites de Badiou. Là, non?:


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Message par adeline Mer 14 Déc 2011 - 19:42

'lo Eyquem,

merci pour le poème. Guédiguian l'a quand même pas mal transformé… 
J'avais vraiment envie d'aimer le film. J'attendais de le voir, je me réjouissais même. Et c'est souvent dans ces cas-là que je suis le plus déçue. Ça me met en colère contre le film ; mais je comprends qu'on puisse bien l'aimer malgré ses défauts.

Mais la référence du poème, le titre et la chanson, tout ça est trop lourd. Le film ne tient pas la route du tout.

Il y a encore beaucoup de choses à en dire. Je trouve plein de trucs incohérents. La question que se pose Darroussin sur sa terrasse, est-ce qu'on est devenu bourgeois, est centrale. Comment les jeunes syndicalistes battants des années 70 sont devenus des "cadres" installés et "prospères". Comment dans la classe ouvrière la réalité des très jeunes générations n'a rien à voir avec celle des militants de 50 ans qui se sont battus pour améliorer leur situation, et comment cette scission la divise. Mais Darroussin et Ascaride ne sont même pas vraiment petit bourgeois. Il est soudeur, elle est assistante de vie, et à la fin ils se retrouvent à distribuer des prospectus. Ils sont propriétaires de leur maison, ok, et ont de quoi vivre correctement puisque leurs enfants sont indépendants. Evidemment, c'est important la sécurité de vie, la stabilité, etc. Mais est-ce que ça en fait des "bourgeois" incarnant l'opulence, la certitude ? Des nantis traitres à leur classe ? À mes yeux non, et c'est incohérent. Si on compare au couple bourgeois d'Another Year, on voit quand même que Darroussin et Ascaride font partie des gens qui n'ont pas des masses d'argent.
D'ailleurs, le bonheur de Darroussin et Ascaride n'est absolument pas insupportable, ni agaçant. Les Anglais faisaient honte aux gens de leur situation moins brillante, ils les écrasaient de leur bonheur, c'était effrayant. Ici rien de tout ça.

En fait, c'est sans doute la belle partie du film, la vraie belle histoire du film, l'histoire d'amour de Darroussin et Ascaride. J'aurais pas dû écrire "zolie", plus haut, car c'est une vraie belle histoire. Le chemin qui se sépare en deux, sans pourtant jamais que les deux voies ne s'opposent, chacun essayant de se dépêtrer de sa mauvaise conscience et de ses erreurs. Et puis ils se retrouvent, en douceur et plein de force, en comprenant qu'ils ont toujours marché en regardant dans la même direction. Tout ça est réussi, et c'est ce que dit Ascaride "ils diront que nous sommes heureux".

Et aussi, si on reproche à Darroussin de n'avoir pas été fidèle à sa classe, d'avoir oublié les difficultés dans son confort, qu'est-ce que ça veut dire être fidèle quand on est ouvrier ? Refuser d'avoir assez pour construire sa vie ? Refusez le confort, la stabilité ? C'est un sacerdoce alors. Mais toutes ces questions, le film ne les pose pas plus loin que ça. J'ai l'impression qu'il effleure des choses de très loin, et ne propose rien, ne résout rien, sinon gentiment, joliment, à la fin, un geste d'humanité qui réconcilie les deux couples avec leur histoire. Le grand frère est en prison, et les enfants, contents de manger du tiramisu, s'en foutent.

On est loin de "Non réconciliés", le film est plat.

adeline

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Message par Borges Ven 23 Déc 2011 - 17:37

comme j'avais du temps, un peu, j'ai un peu lu ce qui se raconte sur le film... des âneries, bien entendu; prenons ce passage de la critique de ballonatic, ou quelque chose dans le genre, on aurait peut prendre n’importe lequel...:

« Comment concilier l’idéal socialiste et les pouvoirs d’un superhéros? On connaît l’adage de l’Homme-araignée qui dit qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. C’est de là peut-être que vient la vocation syndicaliste de Darroussin. En tous les cas, ça touche à deux choses: la croyance et l’enfance (c’est l’aspect ravélien du film), deux choses qui, pour moi, irriguent le film du début à la fin. N'est-ce pas là finalement, dans ce qui peut apparaître aussi comme un ressourcement chez Guédiguian, que réside toute la richesse du film? »

http://theballoonatic.blogspot.com/search?q=kilimandjaro

que voulez-vous faire avec des trucs pareils?

Le mec écrit ce qui lui passe par la tête, tous les clichés du monde, et croit que ça suffit à faire une critique...


la vocation syndicaliste du mec ne vient pas du tout de là ; pour bien des raisons, d’abord, et avant tout, et surtout, et encore premièrement, parce que cet adage n’a strictement rien d’égalitaire, de socialiste, de gauche ; son point de départ est l’inégalité des pouvoirs et des responsabilité : plus on a de pouvoir, de puissance, plus on est responsable; la puissance fonde la responsabilité, la superpuissance fonde la super responsabilité... super power, c'est le même mot, en usien... on ne distingue pas les super pouvoirs des super héros et la super puissance des USA...

la formule de spiderman, dont on peut retracer l'histoire, au-delà de stan lee, bien entendu, nous ramènerait très loin, aux évangiles, je pense... c'est la formule des supers puissances... elle est essentiellement impérialiste, elle résonne avec le fardeau de l'homme blanc, si on la pense dans le contexte colonialiste...

en la mettant dans la bouche de spiderman, sam raimi affirmait bien entendu la nécessité pour les usa de prendre leur responsabilité dans la direction du monde...sam raimi a soutenu bush, on le sait...


la formule est en soi, dans son sens, dans son histoire, essentiellement impérialiste...c'est la formule du pouvoir...

c’est contre cette formule que peut s’énoncer un idéal socialiste, de gauche ;


ce qui lie jaurès et spiderman dans l’esprit du syndicaliste, c’est l’idéal de justice ; il le dit clairement jaurès et spiderman sont animés par une idée, un idéal de justice ; les comics apparaissent alors comme une préparation, une introduction au sens de la justice. Au début du film,il y a un plan des deux images, celle de spiderman est sous celle de jaurès... en noir et blanc... ordre historique, dans la formation de la conscience du syndicaliste; il y a eu d'abord spiderman, et puis, après, jaurès... et le film, si on y fait attention, refait le chemin inverse... on revient à spiderman...à l'enfance...

quel sens donner à ce retour? à vous de voir...


jaurès disparait assez vite du film...
c'est spiderman, le numéro de strange, qui sera à l'origine du dénouement de l'enquête...

qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire?

on le verra...





sous jaurès, il y a spiderman... spiderman est venu le premier dans la vie du syndicaliste, il a ouvert la voie, préparé à jaurès... au sens socialiste de la justice : la justice sociale, la justice économique, la justice politique...

Spiderman a une espèce de primauté... il est à l’origine du sens de la justice, mais en même temps, il doit céder la place à la réalité... la fiction en un sens prépare à la compréhension de la réalité depuis l'idée...les comics sont pédagogiques...

la bd volée va revenir dans le film, alors que jaurès va plus ou moins en disparaître, à moins qu'il n'incarne dans le film l'idée invisible de la justice, celle qui doit être vécue...







Dernière édition par Borges le Ven 23 Déc 2011 - 19:55, édité 1 fois
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Message par Borges Ven 23 Déc 2011 - 18:01

l'un des problèmes du film, c'est de chercher à distinguer les deux sens de la justice, celle du super héros, celle du socialisme, sans vraiment y arriver; au fond, le mec, comme le montre la fin, est plus attiré par l'individualisme us, que par l'héritage du socialisme... sa dernière action, recueillir les deux gosses, nous conduit à la charité (madonna ou je sais pas qui adoptant des orphelins) rien de plus... et on retrouve alors la fameuse formule de la puissance du pouvoir fondant la responsabilité; celle qui commande l'action des milliardaires us...nous avons des sous, nous devons nous occuper des plus pauvres que nous... magnifique...

il y a un texte de barthes où il reprochait à chaplin de ne peindre charlot que comme pauvre (morale chrétienne) et jamais comme prolétaire (depuis marx)... c'est ça qui se joue dans le film, finalement, sous le prolétaire retrouver le pauvre, sous la plage les pavés...

ce qui explique hugo, et les pleurs de quelques critiques qui ne sont pas nécessairement gauchistes, par exemple, l'incroyable JM frodon...tout le monde se retrouve dans le sentimentalisme...même staline, qui pleurait beaucoup au cinéma, en regardant de pauvres petits orphelins, même hitler, qui avait pitié du pauvre charlot... qui ne lui demandait finalement aucune pitié...






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Message par Borges Ven 23 Déc 2011 - 18:25

donc il y a spiderman, strange, et jaurès... une photo, et un comics...

la photo disparaît du film très peu de temps après son début...spiderman par contre y reste très présent... jusqu'à la fin...

pq cette différence de traitement... je sais pas... mais on peut tenter de penser qu'au fond, plus qu'un film sur la justice sociale, la fin du socialisme, ou je sais pas, il s'agit d'un film sur la circulation d'une bd, d'un imaginaire, de l'imaginaire us...

la question serait : que devient l'imaginaire us, dans sa forme la plus idéologique, celle de la superpuissance, dans l'héritage égalitaire?

c'est une belle question... je pense; et c'est elle qui pense le film de RG, plus qu'il ne la pense...

s"agit-il de dire qu'un imaginaire l'a emporté sur l'autre... ou s'agit-il de nous aider à penser que les millions d'abrutis qui s'abrutissent devant les blockbusters us sont aussi, d'une certaine manière, d'une manière prépolitique, habités, animés, par l'idée de la justice...?

comme disait becket : la justice, nous y sommes...

faut juste se décider à savoir selon quel mode : celui du super héros ou celui de la politique d'émancipation?


je sais pas.


ce qui est évident c'est que jaurès s'éclipse du récit, de la vie des personnages, presque complètement, en image, et dans les mots... Les deux amis à la fin, ayant renoués leur vieille amitié, ne causent pas de jaurès, mais de "bd", du vol...c'est important...d'une certaine manière... ça nous dit quelque chose sur la propriété, et le vol... faudra voir quoi...

pq spiderman reste...?

(je dis spiderman, c'est bien entendu strange, le journal des super héros; la version française d'un imaginaire us... "strange, vous avez dit strange...")

la bd est volée, lue par le voleur, par ses frères dans le bus ou le métro, me souvient plus... et elle revient tout à la fin... avant cela bien entendu, elle avait été acheté (je dis bien acheter) par le syndicaliste, dont hélas je retiens pas le nom, puis égarée (volée en fait, par son meilleur ami)...

(y a t-il vol entre amis ou comme disait je sais plus qui, tout est-il commun?)

c'est spiderman qui aide le mec a retrouver la trace des voleurs, du voleur, le plus sympa des deux...ce que n'aurait peut-être pas fait jaurès.. pq? peut-être parce qu'il est plus proche de la classe ouvrière, dont est issu spiderman, mais qu'il ne cesse de trahir, peut-être aussi parce qu'il est moins classe, moins apte à jouer le rôle de signe, de poster, moins attractif, moins séduisant...

Spiderman, c'est plus classe que jaurès, surtout pour des gosses...

ce qui trahit et aide les prolos, c'est d'une certaine manière toujours l'image... la fiction, l'imaginaire; elle les aide, et les trahit...

Jaurès ne raconte pas d'histoire... notons que le passage cité par le syndicaliste est extrait d'un discours adressés à des gosses... une remise de prix, si je me trompe pas... c'est essentiel; il y est question aussi de la mort; comme dans le titre finalement... de la chanson, de la nouvelle...

le film se joue dans l'écart entre les deux; écart entre la chanson populaire, et la nouvelle du grand écrivain, américain, plus ou moins de gauche...

écart, ici, doit s'entendre au sens de rancière...




si spiderman reste, revient, a le dernier mot, c'est que dans notre époque, jaurès ne parle plus à des gosses, il ne fait plus récit, il ne raconte plus d'histoire, ne donne plus des leçons de morale... ce rôle revient à spiderman, aux comics, aux usa, à son industrie de la fiction, à son cinéma; spiderman fait le mouvement, reconduit le bourgeois sur les traces de son passé, le ramène à sa jeunesse, à son enfance, à son ami...à ce jeune homme en colère qu'il a été, n'est plus...à peter parker, en quelque sorte... le prolo, qui n'avait jamais assez d'argent, pour s'amuser, sortir avec des filles, se payer de l'essence, une bonne bécane, ou plus tragiquement : payer des médicaments à sa vieille tante...qui l'adore en tant que peter parker, mais le hait en tant que spiderman...



Le mouvement de retour du bourgeois sur ses traces, les traces de celui qu'il a été est très différent du voyage de IB dans europe 51; tout finit bien, ou mal, c'est selon...

notons ceci : le mec s'est embourgeoisé, il a pris de la valeur, avec le temps, comme son numéro de strange...le numéro avait disparu, il est revenu, mais différent... Il a pris de la valeur, en devenant un objet de collection... sans avoir rien fait, finalement, sans avoir bossé; on peut parler d'investissement, en un sens....

perte des origines, de la valeur esthétique, d'émerveillement...

La première chose que dit le mec aux gosses quand il les rencontre dans le bus ou le métro lisant sa bd c'est : "faites attention, ça vaut de l'argent...

oui ça vaut de l'argent... la valeur du "strange", pour lui, c'est pas celle qu'y projettent les gosses ; elle n'est ni esthétique, ni d’émerveillement, ni d’enfance, mais avant tout l’argent...




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Les Neiges du Kilimandjaro (R. Guédiguian - 2011) Empty Re: Les Neiges du Kilimandjaro (R. Guédiguian - 2011)

Message par Borges Ven 23 Déc 2011 - 22:01

spiderman, hugo, hemingway... jaurès, la chanson populaire...ce sont des écrans, si on veut comprendre le film, il faut passer par eux, mais aussi les dépasser; pour aller où ? vers l'une des dates événements que le film célèbre sur le mode de la mélancolie : 1936, le front populaire...les congés payés... les vacances du prolétariat... un truc dit deleuze dont la bourgeoisie ne s'est jamais remise... des prolos en vacances, à la mer... oh, mon dieu...

le film de RG apparaît dans toutes ses lâchetés agencé à celui de renoir : "le crime de monsieur lange"; une telle audace n'est même plus pensable... si je parle de ce film, c'est que plusieurs éléments de notre temps y sont abordés et magnifiés... par exemple la reprise par des ouvriers de leur "société"... et ça marche, contrairement à tous les films qui nous montrent l'échec des coopératives... mais c'est pas là l'essentiel... l'essentiel est la place que joue dans ce film le héros de western : arizona jim... ce fut le spiderman de prévert, renoir... de l'époque...de 1935...





on verra les différences, ce qui sépare un monde révolutionnaire de la mélancolie de RG...




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Les Neiges du Kilimandjaro (R. Guédiguian - 2011) Empty Re: Les Neiges du Kilimandjaro (R. Guédiguian - 2011)

Message par Invité Dim 25 Déc 2011 - 20:47

les mères sont centrales dans ce film qui reste une grosse farce pathétique et attachante.

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