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El sicario, room 164 (Gianfranco Rosi)

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El sicario, room 164 (Gianfranco Rosi) Empty El sicario, room 164 (Gianfranco Rosi)

Message par adeline Sam 9 Juil 2011 - 18:10

Largo, tu avais déjà parlé de ce film, mais comme le module "rechercher" du forum ne marche pas du tout, je n'arrive pas à retrouver l'endroit où tu en parlais et ce que tu en disais.

Dans la chambre 164 d'un hôtel, un "sicario" (homme de main d'un cartel au Mexique), raconte son métier. Le visage dissimulé par un tissus noir, un cahier et un crayon à la main, il décrit et raconte. Comment on l'a recruté et acheté. Sa formation, son entrée à la police mexicaine. Ses actions, les techniques. Il se sert de son cahier pour tracer des schémas rapides. Comment tuer quelqu'un qui conduit une voiture, où vont les balles : il dessine la voiture, le conducteur, les impacts. De temps à autre, il se lève, pour mimer, dans la chambre, la scène de torture qui y a eu lieu et à laquelle il a participé. Dans la baignoire, il a fait ça et ça à l'homme qu'ils avaient enlevé. Sur le lit, autre chose. Il se rassied, continue à décrire. Puis il raconte comment il en a soudainement eu marre, comment il a voulu arrêter, sachant qu'il serait tué. Comment il s'est enfui, et a été recueilli par un ami. Et comment, enfin, par cet ami, il a découvert Dieu et la religion, comment il a vécu sa révélation. Quelques cartons noirs concluent le film : sa tête est mise à prix (250 000 dollars), Juarez, la ville du Mexique où il vivait, est la ville la plus dangereuse au monde, avec 5 000 homicides par an, et le film est tiré d'un article du journaliste Charles Bowden publié dans le Harper's Magazine.

Le film est très fort. Très tenu et en tension, parfaitement réalisé. C'est un monologue en huis-clos, et tout tient parfaitement. Il y a une montée de la tension à la fin, car l'homme revit l'excitation de sa révélation, et cette tension dramatique fonctionne très bien.

On peut lier le film à beaucoup de choses. Evidemment, à d'autres films sur une mafia ou un gangster (Gomorra, A Very British Gangster). Il est bien meilleur que ces deux films, bien mieux réalisé que A Very British Gangster par exemple. Et la fascination morbide qui se cachait sous le pseudo réalisme de Gomorra n'existe pas dans El sicario. Je viens d'y penser, mais la question du masque, du témoignage à visage recouvert, lie peut-être le film à Z 32, de Mograbi, que tu as vu Largo. Qu'en penses-tu ? Les deux ont été produits par les Films d'Ici d'ailleurs.

Mais surtout, le film me fait penser à S 21, la machine de mort khmer rouge. Dans les deux cas, pour un documentaire, un réalisateur demande à un bourreau de mimer, sur les lieux exactes où elle se sont produites, les tortures qu'il a infligées à d'autre hommes. Les dimensions politiques ne sont pas les mêmes bien sûr. Mais l'idée de mise en scène liée au témoignage est la même. À la différence de S 21, dont je pense que le film n'est pas à la hauteur de la sincérité et de la volonté de son réalisateur, qui ne laisse aucun doute sur la culpabilité des bourreaux puisqu'il s'inscrit dans un travail qui dépasse le film (conserver la mémoire du génocide, et faire juger les criminels), El sicario ne garantit nullement sa réalité documentaire. L'homme pourrait être un acteur, rien ne nous permet dans le film d'identifier le personnage que l'on voit à l'écran et l'homme qui a commis les actes décrits. Evidemment, je suis sûre que c'est le même homme, là n'est pas la question. Mais le film est aussi constitué de cet élément de doute. La question se résout par le fait que ce sicario est aussi bon acteur qu'un acteur, et qu'il est magistralement mis en scène. Il joue son propre rôle. Mais d'autres questions se posent. Cet homme, au visage caché, a toujours obéi à quelqu'un. El patron, tout d'abord, qui lui donnait des ordres auxquels il devait aveuglément obéir en échange d'argent, de biens de toutes sortes, et de la certitude de ne pas se faire descendre. Puis Dieu, qui attend de lui exactement l'inverse qu'El patron, c'est-à-dire qu'il ne tue pas, en échange sans doute d'une rédemption et d'une vie éternelle. Que fait-il ensuite devant la caméra ? Il répond à la demande du réalisateur. En quelque sorte, il obéit encore une fois à un ordre. Quelle serait alors la contrepartie ? Une autre manière d'absolution par l'image ? Mais son visage reste caché. Le film, dans la simplicité de son dispositif, ne résout pas ces questions, pourtant essentielles. Il ne joue sur aucun sensationnalisme, et répond bien aux attentes de son réalisateur, dénoncer la situation de cette ville et du Mexique. Mais il aurait aussi pu travailler en son propre sein les questions qu'il pose, travailler encore plus la situation de cet homme, au service de quelqu'un.

Quelques articles et interviews :

http://festival-mostra-venise-2010.critikat.com/index.php/2010/09/10/22-el-sicario-room-164-de-gianfranco-rosi-orizzonti

http://www.octopuswebzine.com/magazine/2011/13/dans-la-tete-dun-narco-%E2%80%93-un-documentaire-graphique/

http://mubi.com/notebook/posts/direct-address-iffr-2011-gianfranco-rosis-el-sicario-room-164-and-ben-russells-trypps-7-badlands

adeline

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Message par Invité Sam 9 Juil 2011 - 20:21

adeline a écrit:
Ses actions, les techniques... Comment tuer quelqu'un qui conduit une voiture, où vont les balles...


salut Adeline
j'ai essayé de regarder ce film, qui m'a peu intéressé. Mais je me souviens avoir fait deux captures parce que je trouvais cette "chose", ce sicario vraiment délirant, marrant(?). Clairement, je n'ai pas compris le film, son environnement, qu'est-ce que ça disait jusqu'à la révélation(?!) de ce sicario en homme de bien qui raconte sans trembler ses anciennes techniques de torture à la caméra... Ce sociopathe qui explique à quel point il était "pro" tout en faisant les dessins d'un enfant de 5 ans avec ses bonnes mains d'artisan qui ont bien bossé, je trouvais que c'était un attardé. Mais non, c'était un "pro", la violence avait presque une explication scientifique(où vont les balles..) et une distinction. Il y a en effet cette sorte de tension dont tu parles à décrire la violence comme un acte très contrôlé, estimable en comparaison de "ce que ferait un imitateur quelconque". C'était peut-être ça l'enjeu du film, dire que le marché du flingage est en danger, que l'embauche pour une tuerie est nettement sous-professionnalisée aujourd'hui. Smile

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Message par Invité Dim 10 Juil 2011 - 10:08

je tenterais un parallèle moi-aussi(sûrement pas avec Rithy Panh), je pense être parti dans les mêmes errements que toi, Adeline(s'il est possible de dire ça)... C'était avec le docu sur Tyson par Toback. Tyson y est montré comme un sommet de l'humanité, à aucun moment de la vie du boxeur le réalisateur envisage sérieusement que Tyson est peut-être complètement débile, tout s'explique très bien pour Toback dans un sens où Tyson en ressort magnifié ; Tyson n'est pas une brute narcissique dopée aux stéroïdes... Le film de Toback est très spectaculaire, hyper-tendu, à ce point "en tension" que les agressions, l'alcoolisme, le viol, la prison ne pèsent rien dans ce portrait. Et on gobe tout, toute cette violence contrôlée sur le ring, les poings de Tyson sont aussi méticuleux que les trajectoires des balles du sicario, Toback insiste... "c'est une technique, un art..."



Prends l'exemple de Loïc Wacquant qui a écrit un bouquin passionnant sur son apprentissage de la boxe dans un gym des quartiers populaires. Voilà quelqu'un qui a intellectualisé la boxe, qui en a assimilé toutes les techniques, qui est rigoureux à l'entraînement. Et pourtant Wacquant se fait démolir à tous ses combats, il manque de se faire tuer. Alors quoi, un bon technicien ne fait pas la différence?
Peut-être on peut dire que le boxeur qui s'essouffle plus rapidement que son adversaire sur le ring, à cause du manque d'entraînement, du stress ou de ses inaptitudes, se fait pulvériser... Que toute cette violence déchaînée comme technique, art, c'est du pipeau...
On parle d'ouverture, de tactique, d'enchaînements, alors que les poids lourds ont toujours été des gros bourrins, et aussi dans les catégories inférieurs...
Je ne sais pas si ce parallèle est bien clair.. Smile

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Message par Invité Dim 10 Juil 2011 - 11:40


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Message par adeline Dim 10 Juil 2011 - 19:17

Salut Breaker,

je vois ce que tu veux dire, et je comprends tout à fait. Ce film, El sicario, je ne l'ai pas aimé. Il est très maîtrisé, à l'image peut-être de la maîtrise professionnelle du mec, comme tu dis. Et en effet, le réalisateur le dit lui-même, dans son désir d'être "objectif" (mais je ne sais pas très bien ce que ça peut vouloir dire en l'occurrence), il en vient à considérer le mec avec sympathie.


La seule manière de travailler comme cinéaste est la confiance. Je lui faisais confiance. Je savais que ce qu’il me racontait était vrai. Et il savait que moi, avec ma caméra, je ne le jugeais pas. Bien sûr, je suis assis face à un homme qui a tué et torturé des gens. C’est pour ça que j’ai gardé la caméra si simple. Le cadre juste, la distance qu’il faut, pour raconter l’histoire de façon objective. D’une manière, j’ai tourné ce film à l’envers. J’ai réalisé plus tard que ce que raconte El Sicario est un monde à l’envers. La vérité, les mensonges, l’Etat, les criminels, tout est à l’envers. Ça a un sens que nous voyions ces dessins la tête en bas.

Le jugement moral est là, bien sûr, en parlant de ces milliers de gens qui ont été tués, mais comme cinéaste tu dois toujours trouver une manière de garder ton objectivité. Je fais des documentaires, je ne suis pas un moralisateur, ni la police, même pas un journaliste. Mon travail est de raconter des histoires. C’est une histoire sur la fragilité humaine. Il change d’un chef qui lui demande de tuer à un chef qui lui demande de ne pas tuer. Mais, à la fin, il s’agit toujours d’un certain type d’être humain. Une personne qui a besoin que quelqu’un lui dise quoi faire… C’est pour ça que ça m’intéresse. De faire le portrait d’une âme. C’est une sorte d’archétype. Ce film a des éléments universels. Il est humain et il nous explique d’une manière très forte ce qu’il a fait. C’est pour cela que ça devient presque cinématographique. C’est pour ça que les gens pensent qu’il est acteur. Parce que tu es assis pendant 80 minutes face à cet homme, sans le juger. Je demande ça à mon public. Cet homme, je l’aime bien d’une manière, c’est ce que je déteste le plus dans ce film.

Ne se rend-il pas compte de l'extraordinaire adéquation de son film et du travail du Sicario ? Même précision, même absence de jugement moral… Je sais que je pousse le trait un peu loin, mais c'est aussi ce que tu dis du film sur Tyson. Le film se construit autour d'une caractéristique du personnage, ici la méticulosité, la tension, la rigueur, et oublie tous les autres traits.

Et tu as raison, les croquis sont d'un gamin de cinq ans, et, en réalité, n'expliquent rien, n'apportent rien de plus au récit. C'est un truc de mise en scène, je crois, pour faire passer le plan fixe, le huis clos. Je ne sais d'aillleurs pas ce qui fait que l'identification ne se fait pas. Pourquoi on doute rapidement du fait que ce soit réellement el sicario qui nous parle et non un acteur.

Je ne faisais le parallèle avec S 21 qu'en raison de l'idée de départ, faire mimer à un bourreau les actes qu'il a commis dans les lieux mêmes où il les a commis. Et je commence à me demander si ce n'est pas justement là que je trouve la limite de S 21, qui sinon n'est comparable en rien à ce film, évidemment. (Entretemps, j'ai vu le premier film de Rithy Panh Site 2, qui était vraiment très fort, et dont je garde beaucoup d'images.)





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Message par Invité Lun 11 Juil 2011 - 10:15

cette prétention à l'objectivité ouvre un boulevard à ce sicario, et en plus de ça le réalisateur répond qu'il n'est pas moralisateur, ou flic, et plus dément encore, "c'est une histoire sur la fragilité humaine(!)... avec des éléments universels"
Tu résumes parfaitement en écrivant: ne se rend-il pas compte de l'extraordinaire adéquation de son film et du travail du Sicario ?

tu es assis pendant 80 minutes face à cet homme, sans le juger. Je demande ça à mon public.
oui, et avec ça tu manges ton dsk-saucisse.

http://www.staragora.com/news/le-dsk-sa-saucisse-ne-laisse-personne-indifferent/427545saucisse

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Message par adeline Lun 11 Juil 2011 - 11:26

Shocked le dsk-saucisse !


L'extrait, c'est Misumi ? C'est vraiment ça "il n'y a qu'une vérité, dégainer, tuer, rengainer".
C'est bizarre, cette idée que ne pas être moralisateur, ne pas faire de moral, c'est toujours un plus, c'est un gage de sérieux, de qualité, de bonne distance.

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Message par Largo Lun 11 Juil 2011 - 14:05

Yep, intéressant ce que vous dites du film et de ses limites. J'avais pas fait le lien entre le personnage et la démarche du réalisateur à l'époque. Je retrouve pas où sont passées mes quelques notes du reste.

En tout cas pour les curieux le film est à Paris Cinéma, 21h ce soir, MK2 Bibliothèque. Wink
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Message par Invité Mar 12 Juil 2011 - 12:18

adeline a écrit:
L'extrait, c'est Misumi ? C'est vraiment ça "il n'y a qu'une vérité, dégainer, tuer, rengainer".

La trilogie du sabre de Kenji Misumi, qui comprend Tuer, Le sabre, et La lame diabolique.
Dans Tuer, il y a bien une technique qui est mise en avant, inspirée d'un joueur de luth... et ça en devient une botte imparable. Smile





Le Top de la boxe concernant la tactique de combat, c'est le rumble in jungle Foreman-Ali au Zaïre en 74. On ne peut pas dire qu'Ali capitalise sur l'avenir avec son idée de rester dans les cordes et d'encaisser la puissance de Foreman, mais sa tactique à l'instant du combat pour le gain du match est très rusée, et aussi très risquée. Au bout du 7ème ou 8ème round, Foreman n'a plus de souffle, il est incapable de lever les bras.

On peut voir aussi et lire Bruce Lee, tout son parcours avec la technique pour en arriver à une méthode de combat qu'il appelle Jeet Kune Do. Bruce Lee a toujours beaucoup critiqué les arts martiaux, ses rythmes calibrés et prévisibles, en affirmant qu'ils manquaient d'ancrage dans la réalité.
Cela dit, je m'éloigne un peu du sujet!

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Message par Invité Mar 12 Juil 2011 - 12:44

je ne comprends véritablement pas comment on peut aimer les films d'arts martiaux : pour moi c'est d'une autre galaxie ...

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Message par Invité Mer 13 Juil 2011 - 19:37

slimfast a écrit:je ne comprends véritablement pas comment on peut aimer les films d'arts martiaux : pour moi c'est d'une autre galaxie ...

même pas Le samouraï de Jean-Pierre Melville?
Melville est le meilleur adaptateur du Hagakuré.

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Message par Invité Mer 13 Juil 2011 - 20:09

je ne sais pas si je l'ai vu mais je suis imperméable au genre, pire j'ai un à-priori contre, je ne connais rien aux codes de ses films et je ne peux viscéralement pas les voir.

je ne suis pas un bon client ...

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