Thunderbolt & Lightfoot (M. Cimino)

La poursuite du bonheur d'après Michael Cimino.



C'est un western qui se passe dans les années 1970 (des hennissements hors-champ dès la première séquence).
Une citation biblique pour commencer le film : le lion couchera près de l'agneau, le léopard près du chevreau.
Donc un lion : Thunderbolt (Clint Eastwood), vieux dur à cuire sur le retour, se retrouve associé à un agneau : Lightfoot (Jeff Bridges).
Ils sont rejoints par un autre duo lion/agneau : Leaky et Goody, pour préparer un casse.
Mais Thunderbolt et Lightfoot sont les gentils. Le vieux est fidèle et un peu désabusé et le jeune est fidèle et enthousiaste, les deux sont futés. Alors que Leaky et Goody sont méchants et stupides et traîtres.

Tout ça veut parler des USA. Quand Lightfoot donne son nom, Thunderbolt demande s'il est Indien : No, just american.
Leaky et Goody sont en costumes sombres, avec une vieille bagnole. Ils sortent des états-Unis des années 50, rigoristes et sans esprit. Lightfoot et Thunderbolt sont en chemisettes colorées, tournés vers un côté hippy et ce sont eux qui sont porteurs de l'idéologie américaine véritable. Ce sont des pionniers errant dans ce qui reste de contrées sauvages. Et, conformes au préambule de la Constitution américaine, ils poursuivent leur bonheur.

C'est quoi, le bonheur de Lightfoot. Pas tel ou tel mode de vie, ni abondance de fric, mais pouvoir bouffer, se taper des filles et continuer sa route. Il a quand même un grand but dans la vie : s'offrir une cadillac décapotable blanche payée cash. La poursuite du bonheur, c'est d'abord la poursuite de la consommation. Un programme politique très ambitieux, n'est-ce pas ?
Mais l'ambition réelle de Lightfoot et de Thunderbolt est ailleurs. Il s'agit de bien faire son boulot, de bien faire ce que l'on fait, que ce soit soldat (Thunderbolt est un héros de la guerre de Corée), pasteur, voleur à la tir, dragueur, jardinier, métallo ou braqueur. Le héros, c'est celui qui fait son job convenablement. Pas par hasard, si le braquage merde finalement, c'est à cause des erreurs de Leaky et Goody, les américains par erreur, même s'ils ne sont pas les seuls à en payer les conséquences.
L'idéologie qui sous-tend tout le film, c'est l'éthique protestante du beruf, de la vocation, comme l'a décrit Max Weber. Il faut être bon et excellent dans l'état dans lequel dieu nous a placé. C'est tout ce qui compte. Et Cimino ne fait qu'en tirer les conclusions extrêmes, opposant la Loi divine (la direction donnée à nos existences) à la loi civile : braqueur est un état comme un autre et l'héroïsme véritable est de l'assumer sans chichi et sans question. Ibid pour le désir de consommation ou son absence, qui est avant tout une position individuelle.

Tout ça n'est pas sans rapport avec ce que Borges écrit de Deer Hunter dans le topic sur Essential Killing : ici.