A Better Tomorrow 1 & 2 (J. Woo - 1986)

Quand on est comme moi une fan superficielle de Tarantino, et qu'on ne connaît rien en cinéma de Hong-Kong, découvrir Le Syndicat du crime est une espèce de plaisir incroyable. Bon, de Tarantino, j'adore Jackie Brown, je trouve Kill Bill 1 et 2 du petit lait à regarder, mais je ne supporte pas Reservoir Dogs, j'aime moyennement Pulp Fiction et Death Proof et je n'aime pas du tout Inglorious Basterds. Je suis une fan très superficielle...



Voir Le Syndicat du crime, cet énorme classique, sans jamais en avoir entendu parler (mes copines ne sont que peu fans de cinéma hongkongais) c'était une gageure et une vraie surprise. Je ne m'attendais pas du tout à ça. Évidemment c'est très kitsch, c'est très grotesque, c'est très burlesque, c'est incroyable, c'est parfois n'importe quoi, mais quelle claque de cinéma ! Je sais qu'il y a ici de grands fans spécialistes (Woot ) et je n'ai pas du tout la prétention de dire des choses intéressantes, mais j'avais très envie d'ouvrir un topic dessus.

J'ai été étonnée que l'histoire soit celle du repentir d'un mafieux, qui finit par travailler pour la police. Ça va à contre-courant de ce que racontent les films de mafia habituellement, en tous cas les films américains. D'ordinaire, soit un ancien mafieux essaye de s'en sortir, et son passé finit par le rattraper, soit on s'en fout de s'en sortir, le truc c'est de survivre dans le milieu. Mais là, les héros sont ceux qui veulent en sortir, ou qui ne veulent pas entrer dans la mafia du tout, même si l'histoire les contraint à rester en lien avec le milieu. De plus en plus en lien avec la police surtout ceci dit. C'est très moral. Les valeurs importantes sont l'amitié, la fraternité, la fidélité à une parole tenue. La vengeance est vécue comme quelque chose de forcé, mais elle n'est pas le but du film, elle est la conséquence de la noirceur des "méchants".

Je me demandais comment Woo ferait revenir Mark Lee, j'imaginais mal un clonage à la Alien, et je dois dire que c'est assez fort, le frère jumeau émigré aux États-Unis. Un peu beaucoup tarabiscoté, mais top. Je n'ai pas compris par contre d'où est sorti le personnage du dessinateur de manga fan de Mark Lee dans le numéro 2. C'est une étrange mise en abîme, un clin d'œil au succès du film bizarroïde, mais émouvant...

J'ai évidemment tilté sur la scène de saut au-dessus du mur, la référence à Billoman est tout à fait revendiquée par John Woo :

I'm a big fan of Melville, Demy and, as you know, Chang Cheh is my mentor. But in fact, my biggest influence are the famous Japanese TV series also called Sentai. I just love those monsters and costumes! There is a kind of pure heroism, a real noble attitude in those young people fighting the invaders from outer space which has always touched me at the deepest of my soul you know. I was really glad to be able to pay tribute to Bioman in A Better Tomorrow II, when I make the characters jump over the wall. It's my favourite shot of all my movies.

L'incroyable scène des oranges, en bonne place sur les forums comme Mad Movies sur la liste de la scène la pire du numéro 2 qui fait que vraiment c'est pas possible, que je trouve géniale, est une référence au Parrain, à cause de l'importance symbolique des oranges dans Le Parrain. Pour une analyse complète (du rôle des oranges dans Le Parrain), voir ici. Information de haute importance, trouvée sur wikipedia

Et il en a vraiment filmé un !

Princess Chang Ping adapté d'un opéra cantonnais, "Di Nü Hua" 帝女花.

Bioman bien sûr ! J'ai buggé en écrivant. Et oui, Woot, John Woo a d'abord voulu être prêtre, mais il a été refusé par le séminaire. C'est du moins ce que dit la page allemande de wiki.

Je n'ai pas vu d'autres films de Woo, aucun. Une fois je zappais, et je suis restée un peu à regarder Windtalkers. Ce que j'en ai vu ne m'a plu du tout. Plein de clichés, et sans vie. Mais je n'ai pas vu le film en entier.

Et si je compare à ce que j'ai vu de Johnnie To, Election 1 et 2, je trouve ça incroyablement au-dessus. Justement, ce qui me plaît chez Woo, c'est que derrière la simplicité des personnages, des intrigues, je sens des choses, et souvent de belles choses. Et il y a débordement d'émotions. Ça me plaît autant qu'à Woot ! Chez To, tout était incroyablement noir, et jamais je ne sentais chez aucun personnage les motivations, les raison de leur action, de leur dureté. Surtout, j'ai très vite presque tout oublié du film. Alors que A better tomorrow, je me le repasse encore dans ma tête, et j'ai envie de retrouver l'univers de Woo. C'est en effet l'univers manga japonais qu'on sent partout, jusque dans la manière de filmer les expressions des visages en plan rapproché. Un truc incroyablement grotesque, enfantin, très concret, charnel (je pense au personnage de Lung lorsqu'il est malade).

En disant grotesque, ça me fait penser au romantisme :

Dans la pensée des modernes, au contraire, le grotesque a un rôle immense. Il y est partout ; d'une part, il crée le difforme et l'horrible ; de l'autre, le comique et le bouffon.

[La muse]sentira que tout dans la création n'est pas humainement beau, que le laid y existe à côté du beau, le difforme près du gracieux, le grotesque au revers du sublime, le mal avec le bien, l'ombre avec la lumière. Elle se demandera si la raison étroite et relative de l'artiste doit avoir gain de cause sur la raison infinie, absolue, du créateur ; si c'est à l'homme à rectifier Dieu ; si une nature mutilée en sera plus belle ; si l'art a le droit de dédoubler, pour ainsi dire, l'homme, la vie, la création ; si chaque chose marchera mieux quand on lui aura ôté son muscle et son ressort ; si, enfin, c'est le moyen d'être harmonieux que d'être incomplet. C'est alors que, l'œil fixé sur des événements tout à la fois risibles et formidables, et sous l'influence de cet esprit de mélancolie chrétienne et de critique philosophique que nous observions tout à l'heure, la poésie fera un grand pas, un pas décisif, un pas qui, pareil à la secousse d'un tremblement de terre, changera toute la face du monde intellectuel. Elle se mettra à faire comme la nature, à mêler dans ses créations, sans pourtant les confondre, l'ombre à la lumière, le grotesque au sublime, en d'autres termes, le corps à l'âme, la bête à l'esprit ; car le point de départ de la religion est toujours le point de départ de la poésie. Tout se tient.

C'est la Préface de Cromwell, de Hugo.

Et John Woo à mon avis est exactement en plein de dedans. Il refuse le vraisemblable (comme Bioman), l'unité (la rupture lorsque dans le 2 on part à New York et que toute l'intrigue y est bizarrement déplacée pendant longtemps), la bienséance, la mesure, etc. Tout ce qui est classique. Mais à côté de toute l'exagération, du burlesque, il y a un versant noble et beau. Les sentiments qui guident les personnages principaux, leur héroïsme. La présence de la religion aussi comme le dit Woot. Je ne sais pas si on peut vraiment dire que c'est un cinéaste romantique, mais il a plein de choses en commun avec le manifeste romantique de Hugo.

Pour le plaisir :