Rubber (Q. Dupieux)
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Rubber (Q. Dupieux)
Après le "Non-film", voici donc le "No Reason" film de Dupieux.
Tout le monde a relayé le "pitch" : l'histoire d'un pneu tueur sur la route au milieu du désert américain, entre motels miteux et stations essence désertes.
D'abord l'anthropomorphisme de l'objet qui ne repose pas sur son aspect physique est assez réussie : pas de pseudo-visage à la Wall-E et pourtant on est presque ému de le voir "regarder" une course de F1 à la télévision, seul sur lit.
Mais le problème pour moi, est le même que pour la Vénus noire dans un tout autre registre : le film, comme son héros, tourne en rond, sur lui-même ; incapable de dépasser son postulat de départ pour nous amener vers autre chose.
Alors, je sais qu'ici on est dans le registre de l'absurde et que le film travaille contre les conventions narratives d'Hollywood. Mais quand même. En fait, le dernier plan du film, c'est une petite armée de pneu tueurs menée par un tricycle qui s'approche, menacante, des lettres perchées sur la colline : "H O L L Y W O O D". C'est évidemment par là que tout aurait dû commencer. Avec un tel programme : dézinguer La Mecque du cinéma, on aurait alors pu s'imaginer un grand jeu de massacre qui irait crescendo : de la bouteille en plastique écrasée par le pneu au début jusqu'à de grandes explosions apocalyptiques (sur ce point, Kaboom tenait plus ses promesses)
Sans aller jusque-là, Dupieux se revendique de Bunuel et de Dali, du surréalisme, il adore Le Chien Andalou, les cadavres exquis... Alors, on aurait peut-être aimé qu'il reprenne vraiment le principe du "marabout-bout de ficelle" pour faire fructifier son point de départ soit-disant tellement absurde. A l'inverse, la mécanique semble bien huilée, les images bien léchées, c'est bien trop peu foutraque pour être honnête...
En fait, on sent bien que Dupieux a compris que son idée de départ "un pneu tueur télépathe" ne suffirait pas à porter un film de long-métrage. Du coup, il y a adjoint une mise en abîme des spectateurs (qui contemplent l'histoire dans leurs jumelles du haut d'une colline) et c'est étrangement ce qui amène les scènes les plus drôles, les plus originales : le discours introductif du shérif, le pneu qui finit par tuer le dernier spectateur...
Tout ça ne suffit pas, parce que ce dispositif reflexif on l'a déjà vu ailleurs. J'attendais sans dout trop de ce Rubber.
Il est toutefois intéressant de constater qu'avec 3 francs 6 sous (le film est tourné avec un appareil photo à 3000€) il est possible d'obtenir les mêmes images flamboyantes qu'un blockbuster. Ainsi, la tentative de "subversion" (le mot est sans doute trop fort) de la mythologie américaine s'opère à l'intérieur même du régime d'image remis en cause, à armes égales serait-on tenté de dire.
Tout le monde a relayé le "pitch" : l'histoire d'un pneu tueur sur la route au milieu du désert américain, entre motels miteux et stations essence désertes.
D'abord l'anthropomorphisme de l'objet qui ne repose pas sur son aspect physique est assez réussie : pas de pseudo-visage à la Wall-E et pourtant on est presque ému de le voir "regarder" une course de F1 à la télévision, seul sur lit.
Mais le problème pour moi, est le même que pour la Vénus noire dans un tout autre registre : le film, comme son héros, tourne en rond, sur lui-même ; incapable de dépasser son postulat de départ pour nous amener vers autre chose.
Alors, je sais qu'ici on est dans le registre de l'absurde et que le film travaille contre les conventions narratives d'Hollywood. Mais quand même. En fait, le dernier plan du film, c'est une petite armée de pneu tueurs menée par un tricycle qui s'approche, menacante, des lettres perchées sur la colline : "H O L L Y W O O D". C'est évidemment par là que tout aurait dû commencer. Avec un tel programme : dézinguer La Mecque du cinéma, on aurait alors pu s'imaginer un grand jeu de massacre qui irait crescendo : de la bouteille en plastique écrasée par le pneu au début jusqu'à de grandes explosions apocalyptiques (sur ce point, Kaboom tenait plus ses promesses)
Sans aller jusque-là, Dupieux se revendique de Bunuel et de Dali, du surréalisme, il adore Le Chien Andalou, les cadavres exquis... Alors, on aurait peut-être aimé qu'il reprenne vraiment le principe du "marabout-bout de ficelle" pour faire fructifier son point de départ soit-disant tellement absurde. A l'inverse, la mécanique semble bien huilée, les images bien léchées, c'est bien trop peu foutraque pour être honnête...
En fait, on sent bien que Dupieux a compris que son idée de départ "un pneu tueur télépathe" ne suffirait pas à porter un film de long-métrage. Du coup, il y a adjoint une mise en abîme des spectateurs (qui contemplent l'histoire dans leurs jumelles du haut d'une colline) et c'est étrangement ce qui amène les scènes les plus drôles, les plus originales : le discours introductif du shérif, le pneu qui finit par tuer le dernier spectateur...
Tout ça ne suffit pas, parce que ce dispositif reflexif on l'a déjà vu ailleurs. J'attendais sans dout trop de ce Rubber.
Il est toutefois intéressant de constater qu'avec 3 francs 6 sous (le film est tourné avec un appareil photo à 3000€) il est possible d'obtenir les mêmes images flamboyantes qu'un blockbuster. Ainsi, la tentative de "subversion" (le mot est sans doute trop fort) de la mythologie américaine s'opère à l'intérieur même du régime d'image remis en cause, à armes égales serait-on tenté de dire.
Re: Rubber (Q. Dupieux)
Il est toutefois intéressant de constater qu'avec 3 francs 6 sous (le film est tourné avec un appareil photo à 3000€) il est possible d'obtenir les mêmes images flamboyantes qu'un blockbuster.
Florilège :
Pour la faire courte : quand on aborde la façon de faire des films, il y a désormais un avant et un après Rubber. En détournant un appareil photo domestique en caméra de cinéma, en prouvant qu’il pouvait obtenir à l’image, entouré d’une équipe technique résumée à l’essentiel (trois personnes), des résultats voisins de son imaginaire de cinéma (foncièrement ancré dans le nouvel Hollywood seventies), Dupieux vient de pousser sous une voiture cette vielle dame bourgeoise connue sous le nom de Cinématographie de France. (Libé)
Armé d'un appareil photo numérique Canon 5D Mark II pourvu d'une fonction vidéo très satisfaisante, Dupieux a visiblement bénéficié d'un tournage si léger qu'il en devient poreux au réel, ceci précisément parce que les artifices sont montrés comme tels. (Chronicart)
Le film fait un usage savant de ce nouvel outil dont on n'a pas fini d'entendre parler, cet appareil photo Canon avec option cinéma... (Cahiers du cinéma)
Quentin Dupieux réussit son coup : les cadrages sont d'une élégance folle (signalons que le film a été tourné avec un appareil photo numérique, le Canon EOS 5D Mark II) (Fluctuat)
Impeccablement filmé (avec un appareil photo numérique !),(Critikat)
Tourné aux Etats-Unis avec une Canon 5-D, Rubber ressemble à un mélange de ces deux tonalités avec d'un côté, l'histoire du pneu, tueur en série par l'esprit, qui s'acharne sur des bestioles ; et, de l'autre, celle de spectateurs passifs qui attendent le film avec leurs jumelles dans le désert, comme des vautours la gueule ouverte. (Excessif)
Ce long-métrage dont chaque plan est remarquable a été filmé entièrement avec la fonction vidéo d'un appareil photo (un Canon 5D). (France 2)
Merci les gars (Canon Magazine)
Et sinon, dans le sac à titres, y a qu'à piocher :
Dupieux : Un drôle d'oiseau - Un oiseau rare * **
Rubber : Un pneu gore - Un pneu déjanté - Un pneu n'importe quoi - Un film qui tient la route - Un film qui manque pas d'air - Un film gonflé - Un suspense qui ne se dégonfle pas - etc
* pour les nuls, Dupieux officiait avant comme DJ sous le nom de Mr Oizo.
** marche aussi pour une chronique rock sur Andrew Bird, une bio de Brad Bird, etc
Eyquem- Messages : 3126
Re: Rubber (Q. Dupieux)
hm, Eyquem, je reconnais pas trop là le style de www.canonmagazine.org ...
balthazar claes- Messages : 1009
Re: Rubber (Q. Dupieux)
hé, hé. Toujours premier sur la revue de presse, Eyquem & BC
Oui, la remarque n'était pas franchement originale, mais n'empêche que cette histoire d'appareil photo peut changer pas mal de choses je pense.
Oui, la remarque n'était pas franchement originale, mais n'empêche que cette histoire d'appareil photo peut changer pas mal de choses je pense.
Re: Rubber (Q. Dupieux)
Mais oui, la preuve ; c'est encore mieux que la Nouvelle Vague. Finis les blockbusters sans âme. Des tas de gens partout dans le monde vont enfin pouvoir raconter leur histoire personnelle à eux avec leur propre pneu.cette histoire d'appareil photo peut changer pas mal de choses je pense.
Viva la vida !
Eyquem- Messages : 3126
Re: Rubber (Q. Dupieux)
Pour mémo, la première mise en abime, encore plus expérimentale du cinéma c'était "Nonfilm" :
Un film sur le tournage d'un film "muet et aveugle" qui parle du tournage d'un film, qui parle...
Un film sur le tournage d'un film "muet et aveugle" qui parle du tournage d'un film, qui parle...
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