Ajami - Copti/Shani
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Eyquem
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Ajami - Copti/Shani
La salle soupirait beaucoup : un mort, deux morts, trois morts, quatre morts… A la fin, elle soupirait dès qu’une scène devenait tendue : « Oh non, ils vont encore se taper dessus, il va encore y avoir un mort ». C’est un film accablant, à force d’enfoncer toujours le même clou : haine, vengeance, coups foireux, acharnements du sort, rien d’autre.
Comme film d’action, c’est très efficace et on n’est pas trop dépaysé : aucun mal à reconnaître un certain savoir-faire éprouvé dans les séries américaines, ou dans ces films à tiroirs qu’on dit « choraux » maintenant, type « De l’autre côté » de F. Akin. Multiplicité des intrigues et des personnages, qui finissent toujours par se nouer en un nœud fatidique ; les retours en arrière, l’éclatement du point de vue, s’empressent d’y faire des doubles et des triples nœuds, histoire qu’on ne puisse accuser le scénario de n’être pas bien ficelé.
Cette épaisseur romanesque a quelque chose de séduisant, mais elle réduit un peu vite les personnages à n’être que des fonctions obéissant à un code simpliste : celui de l’honneur, celui de l’amour, celui de la haine intercommunautaire – et le scénario écrase de son fatalisme accablant tous ceux qui ne jouent pas le jeu (le petit garçon qui préfère la bande dessinée aux affaires de vendetta ; l’amoureux qui veut quitter Jaffa pour Tel-Aviv). D’où, soupirs.
Rien dans le film qui ne réponde à un critère de stricte utilité narrative : pas un objet qui n’ait tôt ou tard sa fonction dans les péripéties. Telle montre, tel sachet de drogue, tel flingue dissimulé, ressortiront forcément comme des diables de leur boîte pour donner un dernier tour d’écrou au récit – et provoquer la mort d’un des héros, car tel est le destin qui les attend tous. Ce principe a quelque chose de lassant – du moins, quand on est sensible au cinéma qui passe entre les mailles du filet du scénario. Le choix d’acteurs non professionnels ne change rien à l’affaire : il apporte de l’énergie, une certaine électricité, mais rien qui s’apparente à de l’information documentaire, comme j’ai pu le lire ici ou là.
Puis la volonté de brosser une fresque complète de la ville conduit le film dans le cul-de-sac de scènes purement illustratives, comme cette séquence dans le quartier orthodoxe, où la famille à la recherche du soldat perdu vient coller des affiches, et qui n’a pas d’autre sens que d’épingler ce quartier à son tableau de chasse topographique, histoire de le dire exhaustif.
Evidemment, comme le film vient d’Israël, qu’il est co-réalisé par un juif et par un arabe, ses origines informent le cadre dans lequel on le reçoit. Quelques textes se réjouissent ainsi de voir un film israélien qui ne parle pas de « ça » (le conflit israélo-palestinien, bien entendu)(1). C’est un luxe qui ne se refuse pas, mais dont on devrait avoir un peu honte, surtout si c’est pour s’enchanter au final de ce que les divisions de la société arabe se prêtent aussi merveilleusement au polar à rebondissements.
(1) : « Enfin un film israélien qui ne parle pas du conflit » (Christophe Ayad, Libération) ; « Pour tous ceux que lassent les films israéliens ou arabes qui traitent du conflit israélo-palestinien, ou qui rêvent de voir ce sujet abordé par des angles renouvelés, avec plus de cinéma et moins de sociopolitique prévisible, Ajami est vraiment un ami. » (Serge Kaganski, Les Inrockuptibles)
Comme film d’action, c’est très efficace et on n’est pas trop dépaysé : aucun mal à reconnaître un certain savoir-faire éprouvé dans les séries américaines, ou dans ces films à tiroirs qu’on dit « choraux » maintenant, type « De l’autre côté » de F. Akin. Multiplicité des intrigues et des personnages, qui finissent toujours par se nouer en un nœud fatidique ; les retours en arrière, l’éclatement du point de vue, s’empressent d’y faire des doubles et des triples nœuds, histoire qu’on ne puisse accuser le scénario de n’être pas bien ficelé.
Cette épaisseur romanesque a quelque chose de séduisant, mais elle réduit un peu vite les personnages à n’être que des fonctions obéissant à un code simpliste : celui de l’honneur, celui de l’amour, celui de la haine intercommunautaire – et le scénario écrase de son fatalisme accablant tous ceux qui ne jouent pas le jeu (le petit garçon qui préfère la bande dessinée aux affaires de vendetta ; l’amoureux qui veut quitter Jaffa pour Tel-Aviv). D’où, soupirs.
Rien dans le film qui ne réponde à un critère de stricte utilité narrative : pas un objet qui n’ait tôt ou tard sa fonction dans les péripéties. Telle montre, tel sachet de drogue, tel flingue dissimulé, ressortiront forcément comme des diables de leur boîte pour donner un dernier tour d’écrou au récit – et provoquer la mort d’un des héros, car tel est le destin qui les attend tous. Ce principe a quelque chose de lassant – du moins, quand on est sensible au cinéma qui passe entre les mailles du filet du scénario. Le choix d’acteurs non professionnels ne change rien à l’affaire : il apporte de l’énergie, une certaine électricité, mais rien qui s’apparente à de l’information documentaire, comme j’ai pu le lire ici ou là.
Puis la volonté de brosser une fresque complète de la ville conduit le film dans le cul-de-sac de scènes purement illustratives, comme cette séquence dans le quartier orthodoxe, où la famille à la recherche du soldat perdu vient coller des affiches, et qui n’a pas d’autre sens que d’épingler ce quartier à son tableau de chasse topographique, histoire de le dire exhaustif.
Evidemment, comme le film vient d’Israël, qu’il est co-réalisé par un juif et par un arabe, ses origines informent le cadre dans lequel on le reçoit. Quelques textes se réjouissent ainsi de voir un film israélien qui ne parle pas de « ça » (le conflit israélo-palestinien, bien entendu)(1). C’est un luxe qui ne se refuse pas, mais dont on devrait avoir un peu honte, surtout si c’est pour s’enchanter au final de ce que les divisions de la société arabe se prêtent aussi merveilleusement au polar à rebondissements.
(1) : « Enfin un film israélien qui ne parle pas du conflit » (Christophe Ayad, Libération) ; « Pour tous ceux que lassent les films israéliens ou arabes qui traitent du conflit israélo-palestinien, ou qui rêvent de voir ce sujet abordé par des angles renouvelés, avec plus de cinéma et moins de sociopolitique prévisible, Ajami est vraiment un ami. » (Serge Kaganski, Les Inrockuptibles)
Eyquem- Messages : 3126
Re: Ajami - Copti/Shani
Eyquem a écrit:
Evidemment, comme le film vient d’Israël, qu’il est co-réalisé par un juif et par un arabe, ses origines informent le cadre dans lequel on le reçoit. Quelques textes se réjouissent ainsi de voir un film israélien qui ne parle pas de « ça » (le conflit israélo-palestinien, bien entendu)(1). C’est un luxe qui ne se refuse pas, mais dont on devrait avoir un peu honte, surtout si c’est pour s’enchanter au final de ce que les divisions de la société arabe se prêtent aussi merveilleusement au polar à rebondissements.
(1) : « Enfin un film israélien qui ne parle pas du conflit » (Christophe Ayad, Libération) ; « Pour tous ceux que lassent les films israéliens ou arabes qui traitent du conflit israélo-palestinien, ou qui rêvent de voir ce sujet abordé par des angles renouvelés, avec plus de cinéma et moins de sociopolitique prévisible, Ajami est vraiment un ami. » (Serge Kaganski, Les Inrockuptibles)
ces braves gens sont fatigués par le conflit israélo-palestinien, les pauvres, comme on les plaint..
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Re: Ajami - Copti/Shani
j'ai entendu l'autre jour que l'endroit du monde où la démographie était la plus élevée était ... la bande de gaza comme pour exorciser la crainte de la mort imminente et régénérer toujours régénérer
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Re: Ajami - Copti/Shani
ghost writer a écrit:j'ai entendu l'autre jour que l'endroit du monde où la démographie était la plus élevée était ... la bande de gaza comme pour exorciser la crainte de la mort imminente et régénérer toujours régénérer
bonjour,
passionnant, surtout l'analyse.
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Re: Ajami - Copti/Shani
J'imagine
Dernière édition par careful le Sam 24 Avr 2010 - 18:36, édité 1 fois
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Re: Ajami - Copti/Shani
ce cher ghost writer n'est autre que ccamille, il va donc nous quitter prématurément, sans avoir eu le temps de nous sortir d'autres saloperies. Désolé pour les amateurs : je sais qu'il y en a.
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Re: Ajami - Copti/Shani
J'imagine
Dernière édition par careful le Sam 24 Avr 2010 - 18:34, édité 1 fois
^x^- Messages : 609
Re: Ajami - Copti/Shani
Je ne sais pas si le film fait l'économie du conflit israelo-palestinien. Il y a même une scène qui, sous couvert d'un déménagement et d'un emménagement avec une petite amie israélienne, aborde l'idée d'une fierté arabe et la renvoie à la face de l'amoureux comme une sorte de "trahison". Et il y a le soldat disparu, aussi. D'accord, c'est discret, mais tellement symptomatique de ce film qui n'évacue pas le conflit, mais l'instrumentalise pour sa propre intrigue.
Dans ce film, le conflit est infiltré, je trouve.
Ce qui est intéressant, c'est la langue, aussi, ces passages d'un registre à un autre, d'une langue à une autre, sans que le relief culturel et politique qu'elles pourraient véhiculer n'apparaisse. La cruelle différence entre ceux qui pratiquent les deux, arabe et hébreux, et ceux qui, dans leur clandestinité, n'en entendent qu'une...
Dans ce film, le conflit est infiltré, je trouve.
Ce qui est intéressant, c'est la langue, aussi, ces passages d'un registre à un autre, d'une langue à une autre, sans que le relief culturel et politique qu'elles pourraient véhiculer n'apparaisse. La cruelle différence entre ceux qui pratiquent les deux, arabe et hébreux, et ceux qui, dans leur clandestinité, n'en entendent qu'une...
lorinlouis- Messages : 1691
Re: Ajami - Copti/Shani
Oui, il est dans l'angle mort ; il est là, tout près, il détermine toutes les situations, sans qu'il soit jamais évoqué directement.Je ne sais pas si le film fait l'économie du conflit israelo-palestinien.
En plus de l'amoureux et du soldat disparu, il y a les clandestins, les check-points, le fait que les disputes de voisinage se terminent par un couteau dans le coeur, etc.
Plus le temps passe, moins j'aime ce film. Je n'aime pas ce qu'il dit, ce qu'il montre, les histoires qu'il choisit de raconter, les formes qu'il adopte pour le faire.
La critique du Monde commençait par une image très parlante : "ce film est un missile". Et c'était dit en bonne part. C'est pas malin mais ça résume bien pourquoi je ne l'aime pas, ce film.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Ajami - Copti/Shani
En tout cas, merci de ton retour, car tu m'épargnes la vision du genre de film que je n'aime absolument pas. Merci
Le_comte- Messages : 336
Re: Ajami - Copti/Shani
Eyquem a écrit:
Plus le temps passe, moins j'aime ce film. Je n'aime pas ce qu'il dit, ce qu'il montre, les histoires qu'il choisit de raconter, les formes qu'il adopte pour le faire.
C'est plutôt juste. Une dispersion, aussi -en plus de celle qui est voulue par le film- qui ne mène pas à grand chose, sinon à un simulacre de sens. Oui, comme un missile qui frappe grossièrement, sans réelle chirurgie comme on aime à dire, jouant plus sur la forme que sur le fond. Il y a une certaine méprise sur la manière dont on pourrait prendre le film, ce pour quoi on pourrait le prendre, comme ces hommes de main qui abattent celui qu'ils avaient pris pour un autre. J'ai trouvé cette introduction très coïncidente, a posteriori.
Je ne sais pas. Cette conversion discrète du conflit en "angle mort", comme tu le dis Eyquem; le fait que cette relégation ait été applaudie par la critique, tout ça me gène. Je ne veux pas instituer un tabou, imposer à chaque réalisation de la région le traitement du conflit, mais là, les réalisateurs composent tellement avec qu'on a du mal quand on veut nous le présenter, nous le vendre sans.
lorinlouis- Messages : 1691
Re: Ajami - Copti/Shani
un texte carrément affligeant sur le cinéma israélien dans le Diplo de Mai.
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Re: Ajami - Copti/Shani
Oui j'ai lu et je suis d'accord. La fin, le passage sur le cinéma palestinien est assez incroyable de leur part. Si je me souviens bien, le mec fait un peu comme si la Palestine était un état indépendant qui aurait les même moyens techniques et financiers que son voisin...
Re: Ajami - Copti/Shani
ouais, derrière tout ça, en filigrane, il y a ce discours d'opinion totalement vide qui stipule que "indépendamment de ce qu'on peut penser du conflit israélo-palestinien, le cinéma israélien, est globalement bon."
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Re: Ajami - Copti/Shani
Attention post sans grand intérêt, mais si ça peut faire sourire, parce que là, je me marre...
J'évite de lire les discussions sur un film avant de l'avoir vu ou d'avoir d'abord pensé que je n'irai pas le voir. Mais je jette un oeil, comme ça, en diagonale, aussi pour affiner où se concrétisera mon désir, et parfois, bien sûr, le déclencher.
Et là, je ne sais pas par quel tour de passe-passe, je m'étais noté d'aller voir Ajami parce qu'Eyquem défendait le film.
Je l'ai vu ce soir. Et cela m'a été très pénible. Mais je pensais : ça va m'intéresser de lire Eyquem en rentrant ; peut-être que j'ai raté plein de choses parce que ce n'est pas mon goût, comme on dit.
Alors, quand j'ai lu le topic, j'ai un peu explosé de rire. (Je viens de me fader aussi l'article de Libé que je trouve consternant, hors même la question du "enfin un film qui..." ).
Bref, rien à ajouter. Je serais encore plus dur, je crois. Et je suis d'accord avec tout ce que dit Lorin, aussi.
Re: Ajami - Copti/Shani
D&D a écrit:
J'évite de lire les discussions sur un film avant de l'avoir vu ou d'avoir d'abord pensé que je n'irai pas le voir. Mais je jette un oeil, comme ça, en diagonale, aussi pour affiner où se concrétisera mon désir, et parfois, bien sûr, le déclencher.
Et là, je ne sais pas par quel tour de passe-passe, je m'étais noté d'aller voir Ajami parce qu'Eyquem défendait le film.
Je l'ai vu ce soir. Et cela m'a été très pénible. Mais je pensais : ça va m'intéresser de lire Eyquem en rentrant ; peut-être que j'ai raté plein de choses parce que ce n'est pas mon goût, comme on dit.
je vois que nous avons les mêmes habitudes !
Invité- Invité
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