Vincere (Bellocchio) : Invictus (?)
Vincere (Bellocchio) : Invictus (?)
Nous n'avons pas évoqué "Vincere", le film de Bellocchio par ici ?!
(Et merde pour le film de Eastwood, il faudra trouver un autre titre de topic !)
(Et merde pour le film de Eastwood, il faudra trouver un autre titre de topic !)
Dernière édition par JM le Dim 27 Déc 2009 - 18:26, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Vincere (Bellocchio) : Invictus (?)
On pourrait faire un double topic: on consacre 10 posts au Bellocchio puis dix posts à Invictus et à l'avatar de Nelson Mandela. Et ainsi de suite...
Qu'en penses-tu, JM ?
lorinlouis- Messages : 1691
Re: Vincere (Bellocchio) : Invictus (?)
les topics ne meurent pas, ils se multiplient !
pas facile comme film le Bellocchio, il ne donne guère de piste évidente, je suis partagé, je sens qu'il y a plus que l'histoire de la femme cachée de Mussolini qui, aussi tragique soit-elle, me passionne pas des masses en tant que spectateur. J'ai pas mal pensé à l'histoire de la deuxième femme de Mao qu'il avait abandonnée, prétendument folle, en Russie. C'est assez à la mode de revenir sur le parcours des femmes de chefs, de tyrans, il y a aussi une littérature abondante autour de ces femmes.
Peut-être, avant de se lancer plus avant dans le film, partir de Badiou qui nous dit à la fin d'Eloge de l'amour à propos de Sarkozy et ses femmes :
pas facile comme film le Bellocchio, il ne donne guère de piste évidente, je suis partagé, je sens qu'il y a plus que l'histoire de la femme cachée de Mussolini qui, aussi tragique soit-elle, me passionne pas des masses en tant que spectateur. J'ai pas mal pensé à l'histoire de la deuxième femme de Mao qu'il avait abandonnée, prétendument folle, en Russie. C'est assez à la mode de revenir sur le parcours des femmes de chefs, de tyrans, il y a aussi une littérature abondante autour de ces femmes.
Peut-être, avant de se lancer plus avant dans le film, partir de Badiou qui nous dit à la fin d'Eloge de l'amour à propos de Sarkozy et ses femmes :
"Ce phénomène peut être lu de deux manières différentes. Dans une grille politique, vous allez rapidement conclure qu'il s'agit d'une imposture. On amuse les gens, on les fascine avec ces histoires et cela les détourne absolument du fond de l'affaire. En politique, quel intérêt peut bien avoir le fait que Carla succède à Cécilia ? Evidemment aucun. Mais vous pouvez aussi tenter de lire autrement la publicité faite à ces épisodes en vous demandant : pourquoi ça marche ? C'est parce qu'il y a un intérêt générique pour les histoires d'amour. On a toujours vu que les amours des gens d'en haut étaient mises en scènes à destination des gens d'en bas. Et pourquoi ? A cette question aussi la réponse est double. On peut alléguer directement l'universalité de l'amour. Même Sarkozy peut souffrir, attendre désespérément un texto qui ne vient pas. L'ennemi politique, si on change d'échelle de mesure, si on passe des vérités politiques aux vérités amoureuses, finit quend même par vous ressembler, ce qui n'est pas glorieux mais reposant. Qu'un roi puisse souffrir d'amour le fait en un certain sens communiquer avec le manant. A cette échelle, le manant est aussi roi. C'est le côté romance de la chose, l'amour toujours et partout. Mais, et c'est la deuxième lecture, cette communauté apparente dans la passion démontre aussi qu'ils n'ont rien de si extraordinaire que ça, le roi, le président, le Fûhrer, le Père des peuples. Ils peuvent être cocus, eux aussi. Et donc il n'y a pas de raison essentielle ni de les vénérer ni d'en avoir peur. Par où nous retrouvons la politique, ou du moins son substrat subjectif élémentaire. (..)"
Invité- Invité
Re: Vincere (Bellocchio) : Invictus (?)
C'est un film qui se passe en grande partie parmi les "déséquilibrés", ceux que l'on voit actuellement en Italie s'en "prenant" au pape, ou à Berlusconi. C'est peut-être de ce côté-là que l'on peut trouver une actualité au film de Bellocchio, peut-être mais rien n'est moins sûr. Bellocchio s'intéresse surtout à Ida, à la machine qui essaye de la broyer (qui n'est pas ici une machine à proprement parler "politique", il s'agit surtout de briser Ida en tant qu'elle revendique être la femme du chef de l'Etat et la mère du fils qu'il a reconnu) et bien peu aux autres habitantes des lieux. Bellocchio aurait pu en faire un véritable lieu habité par les spectres du régime mais il n'en fait rien, il en fait surtout une histoire de famille, avec la femme, puis le fils à la fin.
Cependant il y a cette scène avec le psychiatre qui parle à Ida, il lui explique qu'il vaut mieux qu'elle arbore un masque, qu'elle courbe l'échine en attendant que le régime tombe plutôt que de se lancer tête baissée contre un système contre lequel elle ne pourra lutter seule, il semble suggérer qu'une certaine forme de schizophrénie se déploit, partout, dans la population des opposants, à l'extérieur de l'asile. Une forme de "résistance passive". Est-ce de la lâcheté ? du bon sens ?
Il y a un plan que j'aime beaucoup, c'est celui, subjectif, où l'on voit dans les yeux de Ida lorsqu'elle se réveille pour la première fois à l'asile. Il y a dans le plan tout ces visages de femmes névrosées qui la regardent (et du coup nous regardent) et qui disparaissent d'un seul coup pour laisser la place au médecin et aux soeurs du lieu. J'ai pensé à cette photo de NK et EP que vous aviez posté ailleurs sur le forum.
Pourquoi chercher une "actualité" dans "Vincere" ?
C'est un film qui croit à la puissance de révélation du cinéma (du film et de la salle). Il suffit de voir toutes les séquences qui font appel au cinéma dans le film. Il est donc naturel de penser que Bellocchio réalise un film qui devrait nous faire prendre conscience de quelque chose pour aujourd'hui devant ses images, à moins que cette reconstitution costumée, entrecoupée d'extraits de films d'actualité, n'ait pour seul intention que de cerner au plus près les personnages auquel s'intéresse le cinéaste dans "Vincere", qui sont intimement liés au duce.
Vous l'aurez compris, c'est cette intimité qui me gêne un peu, dont je ne sais pas trop quoi faire. S'agit-il d'une arme pour faire vaciller l'"extraordinaire" (comme dit Badiou dans l'extrait cité au-dessus) de Mussolini ? Certainement, mais cette "arme" semble aussi la dernière à vouloir la perte du Duce dans sa subjectivité, dans l'amour qu'elle éprouve pour lui. Je pense à la phrase de Mussolini au début du film, lorsqu'il s'oppose à ses anciens compagnons communistes à la réunion, il leur hurle : "vous me détestez, cela veut juste dire que vous m'aimez encore !" Bellocchio semble s'en tenir à ceci, il dépeint une femme qui a aimé le duce jusqu'à l'aliénation (car sa lutte est effectivement synonyme de l'aliénation la plus totale), sans jamais atteindre le stade de la détestation, au contraire de ses opposants politiques. Cette petite phrase de Mussolini, bien sûr, suppose de revenir à Badiou, à sa notion d'"ennemis" en politique qui fait de celle-ci un espace qui ne peut pas se confondre avec celui de l'amour.
Et puis, très tôt dans le film, il y a l'amour, la politique mais aussi la religion. C'est contre Dieu et en public, admiré par Ida justement, que le jeune Mussolini fait son premier duel.
Cependant il y a cette scène avec le psychiatre qui parle à Ida, il lui explique qu'il vaut mieux qu'elle arbore un masque, qu'elle courbe l'échine en attendant que le régime tombe plutôt que de se lancer tête baissée contre un système contre lequel elle ne pourra lutter seule, il semble suggérer qu'une certaine forme de schizophrénie se déploit, partout, dans la population des opposants, à l'extérieur de l'asile. Une forme de "résistance passive". Est-ce de la lâcheté ? du bon sens ?
Il y a un plan que j'aime beaucoup, c'est celui, subjectif, où l'on voit dans les yeux de Ida lorsqu'elle se réveille pour la première fois à l'asile. Il y a dans le plan tout ces visages de femmes névrosées qui la regardent (et du coup nous regardent) et qui disparaissent d'un seul coup pour laisser la place au médecin et aux soeurs du lieu. J'ai pensé à cette photo de NK et EP que vous aviez posté ailleurs sur le forum.
Pourquoi chercher une "actualité" dans "Vincere" ?
C'est un film qui croit à la puissance de révélation du cinéma (du film et de la salle). Il suffit de voir toutes les séquences qui font appel au cinéma dans le film. Il est donc naturel de penser que Bellocchio réalise un film qui devrait nous faire prendre conscience de quelque chose pour aujourd'hui devant ses images, à moins que cette reconstitution costumée, entrecoupée d'extraits de films d'actualité, n'ait pour seul intention que de cerner au plus près les personnages auquel s'intéresse le cinéaste dans "Vincere", qui sont intimement liés au duce.
Vous l'aurez compris, c'est cette intimité qui me gêne un peu, dont je ne sais pas trop quoi faire. S'agit-il d'une arme pour faire vaciller l'"extraordinaire" (comme dit Badiou dans l'extrait cité au-dessus) de Mussolini ? Certainement, mais cette "arme" semble aussi la dernière à vouloir la perte du Duce dans sa subjectivité, dans l'amour qu'elle éprouve pour lui. Je pense à la phrase de Mussolini au début du film, lorsqu'il s'oppose à ses anciens compagnons communistes à la réunion, il leur hurle : "vous me détestez, cela veut juste dire que vous m'aimez encore !" Bellocchio semble s'en tenir à ceci, il dépeint une femme qui a aimé le duce jusqu'à l'aliénation (car sa lutte est effectivement synonyme de l'aliénation la plus totale), sans jamais atteindre le stade de la détestation, au contraire de ses opposants politiques. Cette petite phrase de Mussolini, bien sûr, suppose de revenir à Badiou, à sa notion d'"ennemis" en politique qui fait de celle-ci un espace qui ne peut pas se confondre avec celui de l'amour.
Et puis, très tôt dans le film, il y a l'amour, la politique mais aussi la religion. C'est contre Dieu et en public, admiré par Ida justement, que le jeune Mussolini fait son premier duel.
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Re: Vincere (Bellocchio) : Invictus (?)
Gide disant qu'on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments aurait du mieux inspirer Bellocchio employé à parer son héroïne de tous les bons sentiments de la terre.
Ce film m'a assommé ( comme un coup de poing ). Maintenant il me dégoute.
Ce film m'a assommé ( comme un coup de poing ). Maintenant il me dégoute.
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Re: Vincere (Bellocchio) : Invictus (?)
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18935682.html
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Re: Vincere (Bellocchio) : Invictus (?)
JM a écrit:http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18935682.html
les propos anti-cléricaux du cinéaste peuvent s'appliquer aussi au discours du psychiatre dans le film. C'est finalement du même ordre d'idée : "attendez, ça ira mieux quand le régime de Mussolini sera tombé", et "attendez, ça ira mieux dans l'autre monde, quand vous serez morte". Mais bon, la bonne-soeur elle-aussi pleure quand même dans l'obscurité à la fin, quand elle aide et regarde Ida s'enfuir tout droit vers le dernier piège qui lui est tendu...
Le mélange esthétique de l'opéra et du futurisme (en mineur) est en effet bien présent dans le film, même si on ne sait pas trop si celui-ci a beaucoup de sens. C'est un peu comme faire un film qui s'inspire du cinéma de Vertov et de l'art dramatique, non ?
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