À l'origine - Xavier Giannoli

Le premier tiers du film est assez terrible. On doit se battre contre une espèce de peur tenace face à l'énormité du truc qui se met en place. Cluzet est impressionant (je me dis qu'il aurait mérité beaucoup mieux que l'acteur de IB le prix d'interprétation à Cannes). Ce premier tiers est assez sobre, même si je n'ai pas du tout aimé la manière de filmer.
Malheureusement, la suite du film colle à l'histoire de son personnage, nous embarque avec lui, et à grands renforts de musique et de plans un peu kitches, perd tout de la distance mystérieuse qui était très bien. Mais on est avec le personnage, on est vraiment embarqué dans son histoire, on oublie tout et on veut absolument qu'il réussisse.

Ce qui est somme toute assez pernicieux, puisque le film pose comme acquises des choses pas très chouettes. Le principal, c'est d'avoir un travail. Quand on travaille, tout s'arrange, et peu importent les conditions effectives du travail (de nuit, sous la pluie, en heures sup', dans le danger), ce qui est important c'est de faire œuvre ensemble. Le héros de Giannoli arrive presque comme un messie. L'envoyé, le magicien, celui qui d'un coup de baguette magique met les gens au travail en construisant des routes (ça rappelle des choses moins gaies).

Des gens qui ne demandent qu'à être trompés. Des gens qui viennent presque mendier pour un mensonge qui leur fera croire que la vie ira mieux. C'est terrible. Et finalement, l'histoire nous montre qu'un escroc devenu patron est un bon patron. Pourquoi un bon patron ? Parce qu'il a "réalisé" ce truc, qu'il a été un meneur d'hommes, qu'il est allé au bout, et que l'histoire, nous disent les cartons de la fin, s'est bien terminée, puisque le vrai chantier a repris avec pratiquement tous les ouvriers du faux chantier. Voilà, les choses sont bien : les patrons sont là pour donner du travail aux gens, ce que fait cet ancien escroc, qui va même jusqu'à s'amender en se ruinant pour sauver son aventure.