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Une balle signée X (Jack Arnold)

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Message par gertrud04 Mar 12 Mai 2015 - 6:56

La filmographie de Jack Arnold compte 28 films dont deux pour la seule année 1959 : La souris qui rugissait et Une balle signée x. On trouve les 2 films en DVD.

Je déconseille le 1er qui est une comédie poussive avec Peter Sellers (je n'ai pas pu le terminer).
En revanche, je vous recommande chaudement le 2nd , un western.

Attention toutefois : si vous voulez des grands espaces, des indiens, des chevauchées fantastiques ou ordinaires, passez votre chemin. Le film a pour cadre une ville de l’ouest et ses habitants, tous blancs, et s'en tiendra à cette configuration jusqu’à la fin.
 
Pour les paysages grandioses, il faut se contenter du générique. Sur fond de montagnes californiennes, on y voit un cavalier chevaucher tranquillement sa monture : il se dirige vers la ville de Lordsburg. 

Qui est-il ? Un tueur à gages, c’est l’alien du film. Il est venu pour tuer quelqu’un mais on ne sait pas qui. Du coup, c’est la panique dans les rues de Lordsburg.

La seule présence de cet étranger (joué par Audy Murphy un héros de la seconde guerre mondiale ; cf. wiki) suffit à affoler les notables de la ville, au bord de la crise de nerfs. Car comment savoir que ce tueur n’a pas été envoyé pour eux ? Comme le dit le sheriff : « It’s a rare man that hasn’t made an enemy sometime in his life ».

Heureusement, quelques types conservent leur sang-froid, le docteur par exemple, qui essaie tant bien que mal de raisonner ses compatriotes.

C'est d'ailleurs la seule personne que le tueur apprécie dans cette ville. Il aime échanger avec lui, ça lui donne l’occasion de philosopher sur le sens de l'existence. Ainsi, au cours d’une partie d'échecs, il dira par exemple au médecin : « Dit it ever occur to you that you might be wasting your life ? They’re gonna die anyway. Best you can do is drag out their miserable lives ». Comme on le voit, c’est pas l'empathie envers ses concitoyens qui l'étouffe.
 
Quelqu'un sur IMBD a évoqué Le septième sceau à propos de cette scène des échecs. C'est bien vu je trouve. Le tueur c'est évidemment l'incarnation de la Mort opposée à la Vie représentée par le médecin (sans le côté un peu compassé du film de Bergman). Le docteur a d’ailleurs raison de remettre les pendules à l’heure quand le tueur lui dit " We ‘re in related fields : I cure things too". Non, nous n’avons rien en commun, moi je suis là pour rallonger la vie, vous pour l'abréger, lui rétorque t-il en substance.

Concernant le tueur, on se dit parfois que l’acteur est trop terne, pas assez expressif, pour rendre son personnage vraiment inquiétant. On pense notamment à Marlon Brando dans Missouri Breaks, qui interprétait lui aussi un ange de la mort autrement plus troublant.

D’un autre côté, quoi de plus perturbant qu’un visage impassible sur laquelle il est impossible de déchiffrer quoi que ce soit ? Surtout quand l’intéressé est avare de paroles sur ses intentions.

Car c’est ça qui terrorise les habitants : la présence-absence du tueur. Il est là mais ne laisse rien paraître.

Et moins il en fait, moins il en dit, plus les gens ont peur de lui. Un véritable délire d’interprétation s’empare d’eux : le moindre de ses actes devient un signe, la moindre parole un message. Ca serait presque comique si ce n'était pas tragique car pour une attitude du tueur mal interprétée, un mot de lui compris de travers, les gens se tuent ou s'entre-tuent à Lordsburg. 

Ainsi, c’est de leur folie que les gens meurent et non de l’action du tueur. Finalement, on aura rarement vu au cinéma un tueur aussi peu soucieux de tuer : même la personne qu’il est venu assassiner ne tombera pas sous ses balles.

En revanche lui tombera bien par terre à la fin, blessé par un coup (de marteau) du docteur. Et en refusant que celui-ci soigne son bras blessé, celui avec lequel il tire, il accepte d’être à la merci de ses ennemis qui profiteront de son handicap pour lui régler son compte. 

Là encore, cette façon d’accepter sa fin (« Everything comes to a finish » sont ses derniers mots), ça fait moins penser à l’attitude d’un tueur à gages, qu’à celle d’un philosophe, genre Socrate buvant son verre de ciguë.

Pour l’anecdote, je recopie ce que les Cahiers disaient très succinctement de ce film à sa sortie : 

 "Un tueur à gages débarque dans une petite ville du Far West pour y abattre un homme. Chacun se croit visé. Seul le spectateur, comme dans tout film de Jack Arnold, ne se sent pas concerné." lol

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Message par Invité Mar 12 Mai 2015 - 19:36

Hello Gertrud04; merci pour ce texte;
c'est un western que j'apprécie moi aussi. Il prend le contrepied de l'intrigue habituelle des westerns: le type esseulé qui s'intègre à une communauté.
Ici l'"union" est de façade, prête à imploser. Il y a d'ailleurs un couple de vieillards en uniforme qui jouent également aux échecs je crois?
Le lien médecin-maréchal ferrant est bien sûr très important.
Audy Murphy est intéressant dans les rôles moins sages, ambigus, chez Huston ou Siegel; dans son autobiographie, Fuller l'évoque succinctement afin de parler des difficultés psychologiques des vétérans de retour de la seconde guerre mondiale (il conservait parait il un flingue sous son oreiller pour pouvoir dormir ...).
J'aime beaucoup ce que tu dis de la présence-absence: cela pourrait se vérifier dans de nombreux films de Jack Arnold.

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Message par gertrud04 Mer 13 Mai 2015 - 7:24

Salut erwan, merci pour ton retour. Content que tu apprécies ce film aussi. D'ailleurs, je me demande, du temps où nous jouions sur le forum défunt, si tu n' avais pas posté certaines images de celui-ci (je me souviens d'ailleurs que c'est toi qui très gentiment avait pris le temps de m'expliquer comment poster pour jouer. Faut dire que j'étais nul en informatique, ce qui n'a pas beaucoup changé à vrai dire. Quand j'y pense, ça fera bientôt 10 ans qu'on se connaît sans se connaître. Bon, j'arrête là ma nostalgie à deux balles  Smile )

Moi qui croyais que Jack Arnold n'était qu'un réalisateur de SF, j'ai été agréablement surpris de voir qu'il pouvait réussir dans d'autres genres (sauf la comédie manifestement). ça m'incite à aller voir d'autres choses, tu as des films à me conseiller ?

Le lien du maréchal-ferrant et du docteur, oui il est important. On sent bien que ces deux là, au-delà de rapport père-fils qui les unit, sont très proches : les premières images du docteur sont trompeuses d'ailleurs puisqu'on le voit battre le fer avec ce qu'on prend pour son collègue. Son solide bon sens, la chose la moins bien partagée à Lordsburg, le docteur en a sûrement hérité de son père (j'aime bien quand  le doc, s'interrogeant sur ce qu'il peut faire pour enrayer l'épidémie de paranoïa, dit : "I wouldn't let a cold develop into pneumonia if I could help it", et que son père lui répond : "Why not ? You can't cure a cold but sometimes you can cure pneumonia). Son père est aussi toujours là pour l'épauler dans les moments chauds (scène du lynchage, la fin). Le docteur considère pendant tout le film que l'arrivée de l'étranger et les effets néfastes qu'elle produit peut être soignée comme une maladie, il utilise plusieurs fois cette métaphore. Pourtant, c'est avec un outil de maréchal-ferrant qu'il arrivera à soigner le mal (pas sûr que ce remède de cheval soit dans le serment d'Hippocrate mais c'est vrai qu'il dit, au début, qu'on l'emploie aussi comme véto).

Ce que je trouve remarquable dans ce film, c'est qu'il a beau être très court (1 H 14), au delà du tandem vedette, il arrive à faire exister très fort plein d'autres personnages annexes, le maréchal-ferrant, le juge, le shérif, un couple d'amants maudits...quand certains films qui font 2 fois cette durée n'arrivent à en faire exister aucun.

Pour Audie Murphy, j'avais effectivement lu cette histoire de flingue caché sous son oreiller. Ca fait froid dans le dos. Drôle de destin quand même : héros de guerre ultra décoré, acteur d'Hollywood puis disparition dans un crash d'avion relativement jeune. En lisant sa filmo, j'ai vu qu'il avait joué dans le film de Mankiewickz Un américain bien tranquille. J'ai vu le film il y a un moment (très bon souvenir) mais de lui j'avais presque tout oublié. Il serait peut-être temps de lui donner une seconde chance.

Quand même quand j'y repense, quel irrespect de la part des Cahiers pour le type qui a fait l'un des plus beau films fantastiques de tous les temps.


Dernière édition par gertrud04 le Ven 15 Mai 2015 - 9:03, édité 2 fois
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Message par Invité Mer 13 Mai 2015 - 18:39

Salut Gertrud04; j'avais sans doute posté quelques images de ce film en effet. Tu possèdes une meilleure mémoire que moi. Dix ans ... On aura bientôt droit au titre de vétéran tout comme Audie Murphy Smile.
Careful ou le Doc (qui avait écrit sur un film d'Arnold ici) sauraient sans doute mieux te conseiller que moi concernant sa filmographie. Je me rappelle que Jerzy avait parlé de Tarantula qui est très impressionnant.
J'aime bien ses deux autres westerns, Tornade sur le ville avec une photo de Russell Metty et surtout Crépuscule sanglant. Je ne crois pas qu'ils soient aussi réussis, synthétiques, qu'une balle signée X, mais c'est pas mal, ils proposent un écart. (Et puis il y a le salaire du diable avec Welles.)
C'est intéressant ce que tu dis sur les relations entre le médecin et son père; Borges m'avait un jour conseillé la lecture d'un ouvrage d'Eliade (forgerons et alchimistes), c’est à travers cet ouvrage que cette relation, cette proximité, me semble étonnante et faire sens; mais peut être que je me trompe ^^
(il y a en fait deux rapports de filiations, de parenté_ père-fils et père-fille, dans le film si je me souviens bien, qui le structure)

Cela fait longtemps que je n'ai pas vu un américain bien tranquille. Tout comme toi, il me tente assez de le revoir, en repensant au texte de Godard dans les cahiers de l'époque Wink

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Message par gertrud04 Ven 15 Mai 2015 - 8:54

Merci erwan pour tous ces conseils.
J'en ai profité pour corriger quelques fautes dans mon précédent message : maréchal-ferrant, Audie Murphy ...
J'avais écrit "Le bon sens, la chose la moins bien partagée à Lordsburg, le docteur le tire indubitablement de son père". J'ai mis à la place "Son solide bon sens, la chose la moins bien partagée à Lordsburg, le docteur en a sûrement hérité de son père", ça me semble quand même plus français.
On ne se relit jamais assez avant d'éditer.
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Message par 에르완 Dim 6 Jan 2019 - 16:55

je viens de voir la robe déchirée, un film rare de Jack Arnold, avec une certaine curiosité; il est sorti la même année que l'homme qui rétrécit et le salaire de la peur.
Dès l'entame Arnold sonde l'aspect pulsionnel de ses personnages que ce soit l'épouse infidèle d'un notable d'une petite ville du Névada, desert view, ou le personnage principal, avocat new yorkais talentueux qui se vend au plus offrant, de succès en succès, comme une fuite en avant.
Le désir sexuel et la frustration semblent essentiellement motiver les trajectoires des existences.  
Il n'y a pas à proprement parlé de personnage sympathique dans ce film parlé, film de conviction, film de procès; et les discours qui sont censés porter la vérité, une première fois légitime au regard de la loi un meurtre et la seconde fois adoube l'examen de conscience de l'avocat pris dans les rais de la justice, conscience corrompue que cette vérité crue semble sanctifier à nouveau au yeux des jurés.
Difficile de tirer l'épingle de la moralité à la fin du film. Le Shérif, hanté par le ressentiment et le désir de vengeance après le meurtre de son ami, fomente froidement un complot contre l'avocat New Yorkais.
Mais pourquoi pas contre le véritable assassin?
Le shérif et l'avocat ont tous deux un rôle, une partition (peut être complémentaire?), à jouer au regard de la communauté dans les films américains;
le scénario opère là, en ce lieu du discours, une forme de torsion, de substitution; les mobiles, les raisons d'agir deviennent étranges, à demi sus, symptomatiques d'une Amérique qui n'arrive plus à être à la hauteur de son image comme au temps de Capra.
Il n'y a plus adéquation entre la justice et la vérité. Ces deux termes entrent en contradiction dans le champ d'expression des images en mouvement de l'Amérique.
Les héros en sortent lessivés, rapetissés, mais comme dans l'homme qui rétrécie justement, ce processus, cet affaissement, ce déclin, les amènent face au Monde et en quelque sorte hors de l'imaginaire social.
Enfin je sais pas ...

에르완

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