Reprise (si c'était à refaire)

Regardé en DVD hier "Reprise" de Hervé le Roux. Equipé d'un court film d'étudiant tourné dans la rue avant la reprise du travail aux usines Wonder en 68, le cinéaste part à la recherche d'une jeune femme ouvrière en grève aperçue dans le film, qui l'a touché. La recherche de cette femme s'avère être un véritable Mc Guffin, comme on dit pour certains films de fiction, un prétexte pour rencontrer les anciens ouvriers de l'usine.

A proprement parler, il y a semble-t-il assez peu de mise en scène dans le film, le cinéaste s'efface aussi bien derrière la caméra (même s'il a dû choisir des choses au montage mais pour des raisons pratiques, faire plusieurs prises pour les dialogues, il ne cache pas parfois les coupures) que "devant", il n'intervient que très rarement, laissant la parole à ses interlocuteurs sans chercher à juger qui que ce soit, c'est parfois assez cruel mais en même temps touchant car on sent que l'objectif de Le Roux n'est pas de nous demander de juger les gens qu'il filme et avec qui il s'entretient. S'en suit un véritable instantané passionnant de trois heures, en différé, d'une époque qui semble révolue comme le suggère la liste d'usines fermées du quartier évoquées par l'un des personnes. Le Roux privilégie le témoignage, s'attache à l'humain, quelques images de l'usine et du quartier mais pas de long travellings dans les usines vides à la Wang Bing.

C'est probablement un film qui intéresse les sociologues, on a l'impression que chacun joue à la perfection son "rôle". Un peu comme cette ouvrière qui décrit tout le processus de fabrication de la pile Wonder dans l'usine, les différents postes de travail des ouvriers, un peu comme si pour "fonctionner", l'"usine sociale" avait besoin de toutes ces personnes, de tous ces rôles à des postes bien précis pour huiler les mécanismes du système. Pourtant, seul l'ancien maoïste affirme qu'il avait l'impression de jouer un rôle à l'époque, même lorsque le Roux le filme, il dit qu'il est "à fond dedans" lorsqu'il se souvient.