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Louisiana Story ( Flaherty)

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Message par Borges Jeu 10 Jan 2013 - 13:23

Dr. Apfelgluck a écrit:"Louisiana Story" de Flaherty, célèbre de ce côté de l'Atlantique pour avoir servit d'exemple à Bazin dans son article "Montage interdit".

Cette fois Flaherty prend d'emblée ses précautions pour qu'on ne lui fasse pas les mêmes reproches que pour "Nanouk". Il annonce dès le générique qu'il conte une histoire, que tout ce que le spectateur va voir est fiction ("script by Frances H. Flaherty and Robert J. Flaherty") et qu'il s'agit bel et bien d'acteurs. Le "Story" du titre est d'ailleurs on ne peut plus explicite. Des images du tournage défilent également pendant le générique de fin, montrant Flaherty et sa femme diriger.
Le film est scindé en deux mouvements très distincts et antagonistes. Dans ce que j'appelle "la première partie", le bayou est montré comme une sorte de jardin d'Eden, de paradis sauvage où hommes et bêtes vivent en harmonie. Puis arrivent les ouvriers de la Standard Oil Company et leurs machines destructrices. Le derrick gigantesque est montré d'une manière démoniaque (toujours entouré de fumées sur une musique menaçante). Il semble fasciner et happer l'enfant de l'histoire. Flaherty couple cela avec l'arrivé d'un crocodile dans le territoire de l'enfant ; qui vient dévorer les oiseaux et tuer le raton laveur mascotte du môme. La notion de territoire revient plusieurs fois (le coin où s'installe le derrick appartenait au père de l'enfant).

Alors que les ouvriers creusent et forent dans l'espoir de tomber sur la nappe de pétrole, l'enfant cherche à venger son raton laveur en essayant d'attraper et de tuer le crocodile. Quand il l'a attrapé, il n'a pas la force pour le retenir. Il appelle son père à l'aide, en vain car ce dernier arrivera trop tard. Le petit est triste et dit à son père : "Il a tué mon raton laveur". Réponse de ce dernier : "T'inquiète pas, fils, on l'aura". Oeil pour oeil, dent pour dent.

Ils l'ont finalement et montrent fièrement la peau de ce dernier aux ouvriers du Derrick. On serait tenter de penser qu'il s'agit d'un avertissement destinés à ces derniers : "nous aussi on aura votre peau". Surtout que, quelques séquences plus tard, le puit explose. La nature indomptable qui reprend ses droits ? Non, car la "deuxième partie" arrive.

Là c'est totalement le twist intégral dans les 15 dernières minutes du film. Le fils pleure car les forains ne sont pas arrivés à toucher la nappe et veut les aider à tout prix. Ils utilisent quelques rites et secrets ancestraux du bayous pour porter chance aux ouvriers et tuer "la chose", nom dont il affuble une force surnaturelle (donc plus grande que la nature elle même) qui empêcheraient les ouvriers d'arriver à leur fin. Tout le monde se fiche évidemment de lui. Même son père, qui le traite de bon à rien et d'illuminé. Mais finalement le miracle arrive : le pétrole jaillit. Hourrah hourrah. Tout le monde est heureux et la situation familiale est apaisée. En "récompense", le père offre au fils une carabine. Ce dernier est totalement subjugué, comme possédé par les pouvoirs (bien réels cette fois) de l'arme. Le tout avec une jouissance à peine voilée :"Oh c'est beau ! C'est pour moi ? Oh ca c'est un beau fusil. Oh oui c'est beau". Quand à la mère, elle reçoit une belle cafetière : "Oh c'est beau, c'est droit ce dont j'avais besoin". La famille, le deuxième amendement, tout est là. Même le raton laveur, que l'on croyait bouffé par le croco, revient à la vie ! Le dernier plan du film montre d'ailleurs le fils et le raton laveur perchés sur un "arbre de Noël" (nom que donne les forains à la pompe qui reste après le départ du derrick), saluant tout sourire le bateau emmenant le derrick au loin. Les scènes de destructions ne sont plus qu'un lointain souvenir, on a dompté la nature pour le bien commun ! Le derrick, montré comme surgissant des enfers au début, est là glorifié comme un espèce de totem phallique.

Et pour clore tout cela, un petit détour (il faut en faire souvent parfois) par Wikipedia : "Louisiana Story was commisionned by the Standard Oil Company". The End.
Borges
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Message par Sibelius Ven 11 Jan 2013 - 13:33

L'épouse du réalisateur citait volontiers l'influence du haïku sur l'esthétique du cinéma de Flaherty, et ce film esthétiquement souvent extraordinairement beau en porte certainement la trace. Difficile ensuite de faire de Louisiana Story le film d'un renouveau esthétique, capable de proposer un mélange harmonieux entre l'organique et la fonte. Si tel est bien le cas, ce n'est pas très convaincant.

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Message par Dr. Apfelgluck Sam 12 Jan 2013 - 14:34

Tous les plans de l'arrivé et du départ du derrick sont beaux esthétiquement parlant (car idéologiquement, c'est une horreur évidemment). Pas mal de plans du bayou font également penser à l'ambiance fantomatique de la "Nuit du chasseur". Toute la première partie du film montre une nature forte, sublimée et claustrophobie (il y a une scène où le garçon cherche son raton laveur au milieu d'arbres gigantesques qui le toisent). La nature s'éclipse dans le dernier quart d'heure, vu que c'est le derrick qui a "gagné" le combat.

Je devrais relire le texte de Bazin, mais il me semble qu'il se moque ouvertement du montage de la séquence de la chasse au crocodile. Jamais une fois on ne voit ce dernier et le garçon ensemble dans le plan. Pareil quand le crocodile chasse le raton laveur. Le film est, dans son ensemble, monté avec un rythme très rapide. Sans vouloir dire de bêtises, il me semble qu'il n'y aucuns plans qui dépassent les 50 secondes.
Helen van Dongen, la monteuse de "Louisiana Story", travaillait aux actualités de l'US State Departement pendant la guerre. Elle devait assembler et réarranger des bobines en provenance du front Est.

Il faudrait aussi se pencher sur le rôle de la langue dans le film. Si le père et le fils sont bilingues, il semble que la mère ne parle que le cajun. De toute façon, elle n'est là que pour représenter l'idéal de la mère de famille bien tranquille (le 90% des plans où elle apparait elle fait la cuisine). Elle semble coupé du monde linguistiquement et aussi physiquement, car c'est le mari qui va aux commissions au village. Elle lui demande d'ailleurs s'il s'y est bien comporté.
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Message par Invité Dim 24 Fév 2013 - 11:31

salut Doc,
Je devrais relire le texte de Bazin, mais il me semble qu'il se moque ouvertement du montage de la séquence de la chasse au crocodile. Jamais une fois on ne voit ce dernier et le garçon ensemble dans le plan.
ce qui est une connerie de la part de Bazin : on voit bel et bien des plans du crocodile et de la jambe du gamin, au moins par deux fois. bon, c'est vrai qu'il faut regarder très attentivement. mais c'est amusant que Bazin oppose la valeur documentaire de la chasse au phoque, où Nanouk et le phoque se trouvent dans le même plan, et le manque de cette coprésence dans LS. en fait, le phoque de Nanouk est déjà mort quand il sort du trou alors que le crocodile a vraiment été pêché par le gosse (van dongen le raconte dans son journbal du tournage). le documentaire est du côté où il y paraît le moins.


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Message par Invité Dim 24 Fév 2013 - 11:53

Tous les plans de l'arrivé et du départ du derrick sont beaux esthétiquement parlant (car idéologiquement, c'est une horreur évidemment).
d'abord, qu'est-ce que ces plans du derrick représentent idéologiquement à l'époque du tournage ? ensuite, qu'est-ce qu'ils représentent dans le film de RF ? et puis, est-ce qu'il s'agit bien d'une soumission au cahier des charges fixé par la Standard Oil qui commissionne le film ?

pour commencer par la fin, en restant sur un plan historique, il faut déjà signaler que le contrat de commission prévoit une entière liberté pour le réalisateur. autrement dit, il n'y a pas de cahier des charges explicites. et il n'y a pas non plus de possibilité d'une pression implicite : la suite de la carrière de RF ne dépend pas de la satisfaction de la S-O.
alors, pour dire si il y a un rapport direct de la conclusion du film avec son financeur (ce que tu sembles suggérer à la fin de ton premier post), il faut voir ce que RF y raconte et si c'est déjà présent dans ses autres films.

prends Man of Aran, 1934. la famille sur Inishmore désolée et la lutte contre le requin. c'est apparemment la parfait illustration de ce qui se dit généralement des thèmes de RF : la lutte de l'homme pour survivre dans un milieu hostile. mais il y a quelque chose de particulier. il y a un déséquilibre incroyable entre l'ampleur de la chasse et la petitesse du résultat. les Araners ne vont pas chasser le monstre et risquer leur vie pour manger. ils y vont pour récupérer l'huile du foie du requin pour alimenter leurs lampes.
je passe sur le côté reconstitution, mensonge si on veut, de cette chasse, abandonnée depuis la fin du XIX° siècle. l'important est que cet enjeu est donné sur l'écran, et qu'il est donné dans sa petitesse : la flammèche s'élevant au dessus d'une coquille quelconque. aucun rapport, encore une fois, avec les dangers et les "splendeurs" surhumaines de la chasse. l'enjeu véritable est ailleurs : c'est la maîtrise de la mer, l'affirmation de la surhumanité comme maîtrise unilatérale de la nature. à comparer avec l'accord homme/nature dans Nanook. L'homme d'Aran, dans un sens, c'est déjà un homme industriel qui impose sa volonté à la force naturelle brutale. pas un hasard si il a été primé à Venise en plein fascisme mussolinien.

prends après The Land, documentaire de chez documentaire, griersonien et didactique dans sa forme. tourné pour la NSA, comme les photos de D. Lange etc... RF, géologue de formation, filme la terre dévastée par des techniques agricoles industrielles non-maîtrisées, non réfléchies, imposées à la terre. il filme la catastrophe provoquée par l'homme d'Aran. et il conclut par un appel à une agriculture industrielle pensée pour la terre et réparatrice de la terre.
LS, c'est exactement pareil. l'industrie pétrolière ne peut pas survivre en méprisant la nature et la magie de la nature que porte le gosse. pour survivre, elle doit en venir à ceci que "l'arbre de Noël" puisse devenir un arbre pour le gamin et son raton. ou encore : l'industrie doit se comprendre elle-même comme nature pour atteindre son but.

on peut trouver l'application de cette idée à l'industrie pétrolière très naïve aujourd'hui. ce n'était pas le cas en 1946, avec l'industrialisme triomphant partout sur le globe et porteur apparent de promesses de libération. mais l'idée elle-même, la question que le film pose malgré son happy-end, et notamment en se donnant dès le départ comme un conte (comme tu le soulignes), en affirmant son irréalité, son utopie, tout ça ne me paraît pas tout à fait désuet.


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Message par Invité Dim 24 Fév 2013 - 11:58

Je devrais relire le texte de Bazin, mais il me semble qu'il se moque ouvertement du montage de la séquence de la chasse au crocodile. Jamais une fois on ne voit ce dernier et le garçon ensemble dans le plan. Pareil quand le crocodile chasse le raton laveur.
Bazin a écrit:la pêche au crocodile visiblement réalisée "au montage" dans Louisiana Story est une faiblesse. En revanche, dans le même film, le plan-séquence du crocodile attrapant le héron, filmé en un seul panoramique, est simplement admirable.


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Message par Invité Dim 24 Fév 2013 - 15:21

Il y a pas mal de choses sur ce film chez Kracauer (cf "Théorie du film").

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Message par Invité Lun 25 Fév 2013 - 23:05

merci jm. ça m'intéresse beaucoup.


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