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Saturday night fever et La nuit des prolétaires. Jingle bells.

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Borges
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Message par Invité Ven 30 Déc 2011 - 17:03

Stéphane Pichelin a écrit:
Tony le Mort a écrit:En somme il y un seul marxisme mais plusieurs Marx...
je ne suis pas sûr de comprendre. disons qu'il n'y a ni un seul ni plusieurs marxisme et qu'il y a certainement autant de Marx que de lecteurs de Marx - et de lecteurs de lecteurs de Marx, etc.... Wink


C'était de l'ironie. Tu as sans doute raison de critiquer le choix du mot statique. Même quand Arendt discute l'émancipation du travail chez Marx elle parle plus d'une indétermination (à partir de laquelle il est possible de penser et d'agir) qu'une fin de l'histoire. Par contre ta distinction entre "programme" et "téléologie" chez Marx me semble casuistique, il faudrait la développer pour voir si elle est cohérente et a de la consistance..elle risque de ramener à des représentations et des hypostases que Marx a justement critiqué chez Stirner et Feuerbach.


Dernière édition par Tony le Mort le Ven 30 Déc 2011 - 17:14, édité 1 fois

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Message par Borges Ven 30 Déc 2011 - 17:10

-Deleuze a parfaitement compris qu'il n'y a pas de prolétariat en soi quand il pose le prolétaire en limite interne du capitalisme et qu'il l'identifie au schizophrène (dans L'AO). mais "le" prolétaire est là l'actualisation du prolétariat, comme le schizo est l'actualisation du collectif qui le précède et qu'il porte, comme Kafka avec les Juifs de Prague.
il faut rappeler que le problème du schizo deleuzien, ce n'est jamais de s'évader mais c'est de trouver une issue par où faire fuir. et ce qu'il fait fuir, et avec quoi il fuit, c'est toujours le collectif. délirer les races, les classes, ce n'est pas s'en extraire, au contraire : le mouvement se fait vers l'intérieur, l'issue est dedans. on dévisagéïfie le visage dans le visage et par grossissement (MP). le prolétaire schizo ne trahit pas sa classe en la fuyant : il y rentre encore plus vite et encore plus loin qu'on veut l'y enfermer, comme dans son terrier.

-je voudrais bien savoir où D/G ont identifié le prolétariat à ce mythique "schizo"...

-le traître, je vois pas ce qui le lie plus que n'importe qui à la figure du "traître"; les exemples de D/G sont plutôt empruntés au "guerrier", à la mythologie indo-européenne, à la bible, luther, à shakespeare, richard III contre les autres rois tricheurs... C'est là l'essentiel, en fait, le traître, c'est le contraire du tricheur, et si on lit un peu deleuze, ça vient de nietzsche, le tricheur c'est celui qui veut la reconnaissance, les valeurs établies (l'esclave de la dialectique, en un sens) à l'inverse du traître... En cinéma deleuze comme aguirre...

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Message par Borges Ven 30 Déc 2011 - 17:21

ce que arendt reproche à marx c'est d'avoir défini l'essence de l'homme par la travail, comme homo faber/laborans, et d'avoir introduit par là, la violence dans la politique, comme mode de production de l'histoire, c'est pas plus compliqué que ça...en ça marx est en-deçà des grecs, qui s'étaient toujours méfiés du domaine de la fabrication, pour bien des raisons, dont l'une est essentielle : le domaine de la fabrication est par définition utilitariste, violence, il fonctionne à partir de la distinction forme-idée/matière; la matière doit-être formée, violemment...pour répondre à l'idée, idée qui est aussi finalité... le concept de fin, de finalité est aussi emprunté au domaine de la fabrication, c'est l'une des 4 causes d'aristote... pour faire une table, il faut de la matière, un ouvrier, l'idée de la table, et celui à qui/ce à quoi elle est destinée... c'est le schéma général de toutes les "dictatures" : soumettre les gens à des idées pour réaliser des fins, qui sont bien entendu celles des maîtres... les gens ne sont que de la matière à former, diriger, orienter, éclairer...

quand les grecs pensaient la politique dit arendt ils empruntaient leurs images aux domaine des arts de la performance : la danse par exemple...




Dernière édition par Borges le Sam 31 Déc 2011 - 10:54, édité 1 fois
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Message par Invité Ven 30 Déc 2011 - 17:24

L'identification du prolétariat à un schizo elle figure indirectement plutôt dans le texte sur Bartleby, avec l'idée que le schizo est légitime pour reprendre un discours collectif après son premier désavoeu.

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Message par Borges Ven 30 Déc 2011 - 17:25

Stéphane Pichelin a écrit:
Au XIXe siècle, les ouvriers révolutionnaires dont j'ai étudié les textes disaient : « Nous ne sommes pas une classe. »
come la scrivi... Wink mais je me trompe peut-être.


qu'est ce que tu lis dans les mots soulignés...?


Dernière édition par Borges le Ven 30 Déc 2011 - 17:31, édité 1 fois
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Message par Borges Ven 30 Déc 2011 - 17:31

Tony le Mort a écrit:L'identification du prolétariat à un schizo elle figure indirectement plutôt dans le texte sur Bartleby, avec l'idée que le schizo est légitime pour reprendre un discours collectif après son premier désavoeu.


une citation, je veux...
pq ne pas se contenter de ce que D/G disent directement des prolétaires...?
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Message par Invité Ven 30 Déc 2011 - 17:36

Borges a écrit:ce que arendt reproche à marx c'est d'avoir défini l'essence de l'homme par la travail, comme homo faber, et d'avoir introduit par là, la violence dans la politique, comme mode de production de l'histoire, c'est pas plus compliqué que ça...


Je ne crois pas que ce soit "aussi simple que cela" et ta lecture est complètement fantaisiste, j'espère que tu n'es pas enseignant, ou sinon tes étudiants ont intérêt à remonter au texte et à ruser à l'examen pour faire semblant de n'avoir rien lu.
Dans la condition de l'Homme Moderne elle développe aussi sa propre analyse du lien entre travail et citoyenneté qui est elle-même historiciste et qui se met en place -largement- avant Marx (avec la fin de l'esclavage et l'émergence parallèle de la notion de "société" qui selon elle n'existe pas chez les Grecs, tout comme d'ailleurs celle de salut). Le lien entre l'essence de l'homme et le travail, il me semble qu'elle l'impute au christianisme et à un mouvement de séparation de la sphère de la société du pouvoir politique paradoxalement issu du contenu universaliste du christianisme. Mais le but du livre est justement de déployer pensée de l’universalisme politique dégagé de la notion de Salut et d’eschatologie . En tout cas elle définit cette promotion du travail dans la détermination de la condition humain (et non l'essence; le titre anglais est "la Condition humaine") comme fait culturel plutôt que produit d'une théorie. Par contre dans mon souvenir elle reproche surtout à Marx l'indétermination de son concept d'émancipation du travail, mais élabore sa propre notion de l'action comme excédent la praxis "politique" à partir de cette critique .
Elle dit bien plus que "Budapest est au-dessus de Marx" que "Marx est-en dessous des Grecs".


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Message par Borges Ven 30 Déc 2011 - 17:37

"Histoire et conscience de classe" de Lukács est un grand livre...
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Message par Borges Ven 30 Déc 2011 - 17:46

ce que je dis d'arendt lectrice de marx est tellement élémentaire, essentiel, que ne pas le comprendre c'est ne rien comprendre à la distinction : travail, oeuvre, action...
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Message par Borges Ven 30 Déc 2011 - 17:48

notons que je suis pour ainsi dire un spécialiste d'arendt, bien que je ne la lise plus depuis un temps, depuis sa récupération par les républicards...(cf les critiques de badiou, et rancière)

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Message par Invité Ven 30 Déc 2011 - 18:50

Stéphane Pichelin a écrit:allez, Jerzy, j'ai pris le temps de lire ta réponse.
pas trop de surprise.
le truc de popper "contre le marxisme scientifique" est intéressant. ça m'a pas mal fait penser à mes souvenirs du Lénine de Empirisme et empiriocriticisme - mais c'est loin, cette lecture.
te fais pas trop mal.
tshuss !



Je te lis, Stéphane, de loin, mais je te lis, t'inquiète. Tu commences à littéralement me fasciner.

C'est un peu l'histoire du type qui s'est ligoté tout seul dans ses "concepts", pendu par les pieds au plafond avec la colle super-U qu'il s'est bricolée, et qui, depuis sa cellule verrouillée à double-tour dont il a perdu les clefs, avise un passant depuis une lucarne grillagée: "ahahahahahah, te fais pas trop mal, mon gars!".


Infalsifiable.

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Message par Invité Sam 31 Déc 2011 - 14:40

Borges a écrit:
-je voudrais bien savoir où D/G ont identifié le prolétariat à ce mythique "schizo"...
"Le schizophrène se tient à la limite du capitalisme : il en est la tendance développée, le surproduit, le prolétaire et l'ange exterminateur" (L'AO, p43)
dans tout le premier chapitre, les machines désirantes, le processus schizo, est face au Capital là où le prolétariat se tient chez Marx. mais chez Marx, le prolétariat s'effectue dans son propre mouvement alors que chez D&G il doit d'abord, il ne peut que s'actualiser dans le prolétaire.

Time nearly exhausted... désolé. à bientôt.


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Message par Borges Sam 31 Déc 2011 - 16:03

"Le schizophrène se tient à la limite du capitalisme : il en est la tendance développée, le surproduit, le prolétaire et l'ange exterminateur."

oui, mais c'est l'inverse, il identifie le schizo au prolétaire...et à l'ange exterminateur...

(allusion à bunuel?)


ailleurs, ils identifient le prolo au monomaniaque, finalement, je vois pas tellement l'intérêt de tout ça, parce que FG explique aussi les croisades comme un vaste mouvement schizo...

faut pas confondre et ne pas ignorer les effondrements...



Félix Guattari. - La schizophrénie est indissociable du système capitaliste lui-même conçu comme une première fuite: une maladie exclusive. Dans les autres sociétés, la fuite et la marginalité prennent d'autres aspects. L'individu asocial des sociétés dites primitives ne se fait pas enfermer. La prison et l'asile sont des notions récentes. On le chasse, il s'exile à la lisière du village et en meurt, à moins qu'il n'aille s'intégrer au village voisin. Chaque système a d'ailleurs sa maladie particulière : l'hystérique des sociétés dites primitives, les manies dépressives-paranoïaques dans le grand Empire ... L'économie capitaliste procède par décodage et par déterritorialisation : elle a ses malades extrêmes c'est-à-dire les schizophrènes qui se décodent et se déterritorialisent à la limite, mais aussi ses extrêmes conséquences, les révolutionnaires (...) On nous a reproché, dans la mesure où nous avons utilisé le mot schizo-analyse, de confondre le schizophrène et le révolutionnaire. Pourtant nous avions pris beaucoup de précautions pour les différencier. Un système comme le capitalisme fuit de tous les côtés, il fuit, et puis le capitalisme colmate, il fait des noeuds, il fait des liens pour empêcher que les fuites soient trop nombreuses. Un scandale par-ci, une fuite de capitaux par-là, etc. Et il y a aussi des fuites d'une autre sorte : il y a les communautés, il y a les marginaux, les délinquants, il y a les drogués, les fuites des drogués, il y a des fuites de toutes sortes, il y a des fuites schizophréniques, il y a des gens qui fuient de façon très différente. Notre problème (nous ne sommes pas complétement stupides, nous ne disons pas que cela suffira à faire la révolution) est : étant donné un système qui fuit vraiment de tous les côtés et qui, en même temps, ne cesse d'empêcher, de réprimer, ou de colmater les fuites par tous les moyens, comment faire pour que ces fuites ne soient pas simplement des tentatives individuelles ou de petites communautés, mais qu'elles forment vraiment une machine révolutionnaire?


et puis que faire de ce rapprochement...en quoi ça aide à penser le prolétaire?


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Message par Invité Dim 1 Jan 2012 - 13:52

Le truc assez peu vu sur ce forum c'est qu'il ya une différence importante entre "penser quelque chose" et avoir "le dernier mot mot sur la pensée de cette chose".
Le premier est intéressant, le second non.
On pourra en effet toujours reprocher à qui voit qu'il y a de la folie dans le capital de ne saisir ni le sens du capital, ni celui de la folie, et de n'avoir rien vu.

Virtuellement tout peut faire l'objet d'un à quoi bon: Plotin (c'est intéressant, mais sa pensée est inutile car l'ontologie reste un théologie chez lui), le cinéma (en train de mourir), l'anti-psychiatrie (la vague réactionnaire actuelle l'a séparée d'un discours sur la société perçue qui considère la sécurité comme l'expression d'une norme, donc elle est vaincue théoriquement et politiquement). Enzovoort...
L'a quoi bon est la forme ontologique radicale de la falsifiabilité des énoncés scientifiques, il montre juste qu'un discours a un enjeu.


Comme dirait l'autre on est tout à fait "libre" de se placer au niveau ce dernier mot, mais l'argument de la liberté est alors le dernier qui tienne, après il n'y en a plus d'autres qui en soit pas un mensonger...

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Message par Borges Lun 2 Jan 2012 - 18:27

Tony le Mort a écrit:
Borges a écrit:ce que arendt reproche à marx c'est d'avoir défini l'essence de l'homme par la travail, comme homo faber, et d'avoir introduit par là, la violence dans la politique, comme mode de production de l'histoire, c'est pas plus compliqué que ça...


Je ne crois pas que ce soit "aussi simple que cela" et ta lecture est complètement fantaisiste, j'espère que tu n'es pas enseignant, ou sinon tes étudiants ont intérêt à remonter au texte et à ruser à l'examen pour faire semblant de n'avoir rien lu.
Dans la condition de l'Homme Moderne elle développe aussi sa propre analyse du lien entre travail et citoyenneté qui est elle-même historiciste et qui se met en place -largement- avant Marx (avec la fin de l'esclavage et l'émergence parallèle de la notion de "société" qui selon elle n'existe pas chez les Grecs, tout comme d'ailleurs celle de salut). Le lien entre l'essence de l'homme et le travail, il me semble qu'elle l'impute au christianisme et à un mouvement de séparation de la sphère de la société du pouvoir politique paradoxalement issu du contenu universaliste du christianisme. Mais le but du livre est justement de déployer pensée de l’universalisme politique dégagé de la notion de Salut et d’eschatologie . En tout cas elle définit cette promotion du travail dans la détermination de la condition humain (et non l'essence; le titre anglais est "la Condition humaine") comme fait culturel plutôt que produit d'une théorie. Par contre dans mon souvenir elle reproche surtout à Marx l'indétermination de son concept d'émancipation du travail, mais élabore sa propre notion de l'action comme excédent la praxis "politique" à partir de cette critique .
Elle dit bien plus que "Budapest est au-dessus de Marx" que "Marx est-en dessous des Grecs".



Hello tonylemort, il ne faut pas seulement être sérieux, il faut être simple…

Il ne s’agit pas d’avoir le dernier mot, mais d’avoir les mots justes (pas juste des mots), aussi justes que possible, avec comme règle, la chose à penser.

Nous sommes sur un forum, on peut dire n’importe quoi, c’est évident… On peut même croire ou feindre de croire, essayer de faire croire, comme tu le fais que je dis n’importe quoi… c’est ton droit, je te laisse libre… j'y peux rien… mais si tu vises à te perfectionner, sans chercher à te vexer ni rien dans le genre, je pense que je peux t’aider à comprendre certaines choses, si tu fais attention à ce que j’écris ; on me comprend très facilement. Je fais un effort pour ne jamais jargonner, sans raison. Je dis des choses très simples...

Quand je parlais de Marx lu par Arendt, sans tout dire de ce qu'elle en dit, je n'étais pas dans l’interprétation, j’essayais de tracer un cadre pour la discussion, en partant du plus évident, de ce qu'on ne peut pas ignorer si on veut discuter le rapport entre les deux.

Interpréter, critiquer, déconstruire, ça vient après… Au début, il faut être très simple, et puis à travers un mouvement de complexification des idées, des choses, regagner la simplicité du début, changée, puisque devenue…


Arendt compte parmi les penseurs les plus évidents, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne donne pas à penser, ou que tout ce qu'elle pense, écrit, soit hors de toute critique ; mais avant la critique, avant l'interprétation, il faut dire les choses qu'elle dit, les répéter, tout bêtement…

je vais pas corriger tout ce que tu dis, bien entendu, mais mettre au point deux ou trois choses; l'essentiel est de ne pas chercher à être abstrait, ça ne trompe personne l'abstraction vide...


-L’approche de Arendt n’est pas historiciste; c’est une insulte, ce terme. Elle retrace l’histoire de quelques concepts où s’est faite, dévoilée, l’expérience grecque, romaine, chrétienne, moderne… du monde… "Action", "œuvre", "contemplation", "privé", "public"… "histoire"...

Comme chez Heidegger, la traduction d'un terme d'une langue dans l'autre est un changement de monde, d'humanité... la polis grecque, c'est pas la civis romaine, par exemple... de même pour le mot, "histoire"... Le sens et l'expérience du mot sont très différents chez Hérodote et chez Hegel-Marx, par exemple… L’histoire chez Hérodote, c’est la mémoire des hauts faits, des grandes actions, des grands hommes; c’est une expérience de la mémoire, de la sauvegarde hors de l’oubli, un truc qui remonte bien entendu à Homère ; ce concept d’histoire est lié à celui d’action, de politique…

Chez Hegel et Marx ce ne sont plus les hommes, les grandes individualités (l'exemple d'arendt c'est souvent achille) qui en se manifestant font l’événement, le haut fait, le fait glorieux, c’est l’histoire qui fait les hommes, qui les détermine, ce qui agit, c’est l’esprit, ou la puissance matérielle anonyme des intérêts vitaux...pour Arendt, marx est vitaliste; c'est un penseur de la vie, en tant que tel, il a manqué l'essence de la politique.


Arendt c’est pas de l’historicisme, l’historicisme, implique une affirmation de la relativité des cultures, des valeurs, des vérités… C’est du relativisme, un truc que les philosophes n’aiment pas trop en général, surtout s’ils sont issus comme Arendt de l’école phénoménologique, surtout quand on est heideggerien comme elle… Sa manière de faire l’histoire doit se penser en terme d’oubli, de recouvrement, et de réactivation… Il y a un sens originaire… comme chez Heidegger, qui s’est perdu, nécessairement… il s’agit de le réactiver…

Les Grecs, chez Arendt, sont supérieurs aux Modernes, dans le domaine politique, tout le monde le sait… les modernes ne valent souvent que par leurs proximités à l'expérience originaire grecque de la politique… C’est son côté heideggérien ; avec elle :c'est la question de l‘être politique qui est tombée dans l’oubli. Comme chez Heidegger, le sommet de la pensée de l'expérience grecque du monde, c'est Aristote.

Cette pensée oubliée, par les Romains, avec les Chrétiens, a été « retrouvée » par quelques Modernes, Kant (dans la troisième critique, l’analytique du beau), Machiavel, les penseurs américains de la Révolution... On sait la place qu’elle accorde à la révolution américaine, bien supérieure à la française, à cause de la question sociale…

(parmi les pires penseurs, les plus éloignés de l’expérience politique grecque, y a Hegel, Spinoza, Rousseau… Marx… même si…)


La politique, chez Arendt, ne peut pas se comprendre sans la saisie de quelques distinctions : privé/public, action-œuvre-travail, action/contemplation…







Pour le dire schématiquement, ce qui s’est produit avec les modernes, c’est le renversement des relations hiérarchiques des domaines d’activités humaines (action, œuvre, travail, vie active, vie contemplative… privé-publique…) La grande question grecque fut la détermination du propre de l’homme, de l’homme libre évidement. Qui n’est pas libre est soumis à la nécessité, à la vie… celle de la nature, celle du Maître…(les femmes, les enfants, les barbares, les esclaves…). La question de la vie la plus digne de l’homme implique la liberté, la citoyenneté…

Seul l’homme libre peut atteindre l’essence de l’homme, la manifester… la pensée politique d'Arendt est une ontologie, une phénoménologie... une affaire de visibilité...(point commun avec rancière, et aussi avec Badiou...)

Quand est-on le plus homme, le plus conforme à l’essence humaine… ?

Il y a deux réponses, la contemplation, rare, et puis plus évident, l’action et la parole politique… (la praxis, qui n’a rien à voir avec ce que Marx entend par ce terme. Marx comme Hegel confond l’action, le travail, et l’œuvre… Il ignore donc la spécificité de l’expérience politique...)

Pour les grecs, le sommet de l’existence humaine, c’est la liberté se manifestant dans la parole (discussion, persuasion, séduction, pas la force, pas la violence ) et dans l’action (immanente, finalité sans fin) parmi les égaux, parce que la liberté politique nécessite la pluralité... Je ne peux pas être libre seul, je ne suis libre que parmi mes égaux, les autres libertés… dans l’espace public de la cité… La polis, c'est pas un espace empirique, un lieu, un régime politique, un gouvernement, c'est la manifestation active de la liberté singulière d'hommes libres, par l'action et la parole… La politique est en acte, jamais en puissance… Ainsi un homme libre, un citoyen grec, une fois rentré chez lui, dans sa maisonnée, dans l'espace privé de l’oikos (maison-privé-économie) perd sa liberté, il devient Maître, il règne par la force, la violence, sur sa femmes, ses esclaves, ses gosses…

Ce domaine privé de l’oikos, c'est ce qui deviendra la société, plus tard, quand la pensée politique sera essentiellement une gestion de la vie, une bio-économie-politique, comme dirait l'autre... le privé, pour les Grecs, c'est pas le lieu où je suis moi-même, mais le lieu où je suis privé de moi-même, de mes pairs, de la possibilité de me montrer dans ce que je suis, de montrer qui je suis…

L’homme n’est lui-même qu’en tant qu’il peut manifester à ses égaux qui il est dans l’espace public, dans l’action commune… Qui, pas Quoi…

C’est impossible dans le travail, qui appartient à la sphère du privé, de la nécessité vitale. On ne travaille pas librement, on ne travaille jamais librement, on travaille parce qu’on est des vivants, qui doivent vivre, donc produire des objets de consommation, transformer violemment la nature, selon leurs besoins. C’est un domaine où l’homme ne se différencie pas des autres vivants, des autres animaux, en ce sens, comme le disait Aristote, on ne peut pas définir l’homme par la société, parce que les animaux aussi vivent en société… Je suis un vivant comme les autres quand je travaille…
Qui bosse n'est pas citoyen, ne peut pas être citoyen... c'est une contradiction absolue... L'essence de l'homme résidant dans l'action et la parole publique, qui bosse, qui est soumis à la nécessité n'est pas homme ; on sait le fameux énoncé d'Aristote : l'esclave n'est pas un homme ; c’est pas de la méchanceté, mais un norme d’essence. Soumis à la violence de la nécessité, de la vie, de son maître, le travailleur, comme l'artisan est aussi agent de violence, violence à la nature... Leur mentalité est nécessairement utilitariste, dominée par le schéma de la fin et des moyens...

Dans le monde moderne, les domaines du social (vie, économie, privé... travail) et de la politique (action et parole) ne se distinguent plus, mieux le rapport s'est renversé... "politics is nothing but a function of society... action, speech, and thought are primarily superstructures upon social interest... (Marx et toute la pensée moderne...) the rise of society (...) is the rise of the "household" (oikia) or of economic activities to the public realm, housekeeping and all matters pertaining formerly to the private sphere of the family have become a "collective" concern... The disappearance of the gulf that the ancients had to cross daily to transcend the narrow realm of the household and "rise" into the realm of politics is an essentially modern phenomenon."


(Arendt, the human condition)


Qu'est-ce qui distingue l'action-la parole, de l'œuvre (la main) et du travail (le corps), en plus de la norme utilitariste, de la violence ? Le travail et l'activité de production artisanale artistique (œuvre, produit, monde) ont leur finalité en dehors d'eux. Le but, la fin, la finalité, c'est le produit à faire... L'artisan a sa fin en dehors de lui-même ; ce qui compte c'est la statue pas le sculpteur, le pain, pas le boulanger... Bien entendu, c'est pas la même chose, parce que l'un vise la reproduction sans fin de la vie, le pain n'est pas fait pour durer, rester, mais pour être consommée, alors que l'œuvre d'art, stabilise le monde... L'une des tendances avec l’extension de la société, donc de la vie, est que la consommation déborde vers des domaines qui en étaient jusque là protégés (cf ses analyses du rewriting à hollywood) : le domaine de l'œuvre tend lui-même à devenir pur consommation... disparition du monde, de sa stabilité

Dans l'action et la parole, dans la politique, par contre, l'activité est immanente, je ne produis rien en dehors de moi, je me montre, je me révèle, la finalité de ces deux activités est sans fin dirait l'autre... La politique échappe aux schémas fin-moyen, aux idées d'échecs, de succès, de réussite, on ne peut jamais la mesurer du dehors, par des valeurs qui la précèdent, par ses conséquences, elle m’échappe nécessairement… La politique est l'essence de l'homme, parce qu'elle est le seul domaine de l'expérience humaine où je peux me manifester en tant que moi-même… dans l'action et la parole politique se montre le "qui", le "who" : l'homme n'est pas espèce, classe, race... ou je sais pas, mais d'abord la singularité d'un moi non empirique.

Ce qui se révèle, se manifeste, est rendu visible, aux autres, à mes égaux, dans la liberté politique, c’est un moi sans qualité, un moi transcendantale, pas la richesse, pas la beauté, pas mêmes les talents… mais des principes, des idées, comme la vertu, le courage, la lâcheté… le « qui » je suis…


Marx marque la fin de cette expérience grecque... C'est un énoncé de base de la pensée de Arendt... Suffit de lire par exemple, "la tradition et l'âge moderne", dans "la crise de la culture", qui commence ainsi :


"Notre tradition de pensée politique a un commencement bien déterminé dans les doctrines de Platon et d’Aristote. Je crois qu’elle a connu une fin non moins déterminée dans les théories de Karl Marx (…) il renverse, retourne la hiérarchie traditionnelle de la pensée et de l’action, de la contemplation et du travail, de la philo et de la politique. L’attitude de marx à l’égard de la tradition de pensée politique fut de rébellion consciente…"


Arendt résume la philosophie politique de Marx dans trois formules, inchangées selon elle, des débuts à la fin :


- le travail crée l’homme

-la violence est la sage-femme de toute vieille société grosse d’une nouvelle, ce qui implique selon Arendt que la violence est la sage-femme de l’histoire… donc de la politique, puisque les deux sont inséparables chez Marx…

-il ne s’agit plus d’interpréter le monde mais de le changer…


"Le travail crée l’homme" : cela signifie selon Arendt, en opposition à ce qui avait été tenu pour vrai jusque là par la tradition grecque, romaine, chrétienne :

- c’est le travail pas dieu qui crée l’homme,

- l’homme en tant qu’il est humain se crée lui-même, son humanité est le résultat de sa propre activité,

- ce qui différencie l’homme de l’animal, sa différence spécifique, c’est pas la raison, mais le travail ; il n’est pas un animal rationnel, mais laborans... Ce n’est pas la raison, jusque là le plus haut attribut de l’homme, mais le travail, l’activité humaine traditionnellement la plus méprisée qui contient l’humanité de l’homme

(crise de la culture, 33/34)

Les autres points sont développés dans les pages suivantes… l’identification de l’action à la violence…



pas le temps de relire, désolé, pour les fautes...



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Message par Dr. Apfelgluck Mer 4 Jan 2012 - 16:59

"Les films à grand succès comme le film de Travolta,"La fièvre du samedi soir", ou des choses comme ça, ce sont des films qui sont complétement vers le spectateur, où il n'y a à la fois rien sur l'écran, mais rien derrière la caméra si vous voulez ; ça ne veut pas dire que le spectateur n'est rien mais ce sont des films faits, et c'est le spectateur qui les fait, ils sont faits de telle manière que le spectateur est là pour les faire. Il peut les faire dans un sens ou dans un autre et en fait, vu la vie qu'il vit, et comment il travaille, et comment il aime, il est content de les voir comme ça, comme certains présidents. Il y a d'autres films au contraire, comme certains films que j'ai faits, qui n'arrivent pas à établir le rapport avec le spectateur, qui sont uniquement faits derrière la caméra et puis il y a ceux qu'on peut appeler des films plus intéressant..."

Godard dans sa conférence à Montréal : "Introduction à une véritable histoire du cinéma", 1978.
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Message par Invité Mer 4 Jan 2012 - 17:14

Borges a écrit:

Arendt c’est pas de l’historicisme, l’historicisme, implique une affirmation de la relativité des cultures, des valeurs, des vérités… C’est du relativisme, un truc que les philosophes n’aiment pas trop en général, surtout s’ils sont issus comme Arendt de l’école phénoménologique, surtout quand on est heideggerien comme elle… Sa manière de faire l’histoire doit se penser en terme d’oubli, de recouvrement, et de réactivation… Il y a un sens originaire… comme chez Heidegger, qui s’est perdu, nécessairement… il s’agit de le réactiver…


Merci pour le "recadrage", mais justement il ne me semble pas qu'il y ait justement une opposition entre "historicisme" et "saisie ontologique d'un oubli de l'être" chez elle. Ce n'est pas Paul Ricoeur (le préfacier de la traduction de "The Human Condition") déployant dans "la Mémoire l'Histoire l'Oubli" une riche explication de 1000 pages sur comment ne pas sortir de cette opposition, sinon via une sorte de deuil vis à vis de l'histoire (et surtout pas par Heidegger), ce qui est pour le coup l'opposé complet d'une démarche de "réactivation". Son problème n'est pas cette opposition, elle souligne et veut en effet retrouver la spécificité ontologique de la vie politique.

Mais dans la partie de 'l'Origine du Totalitarisme' consacrée à l'Impérialisme son analyse du colonialisme (par exemple l'implantation des Boers en Afrique du Sud) est bien historiciste, et le sens du mot correspond précisément à ta description. La critique qu'elle adresse à l'universalisme républicain français un peu plus loin et je crois son regard sur la Grèce dans la Condition Humaine le sont aussi.
Bien sûr ce qu'elle reproche à l'idéologie des droits de l'homme c'est justement d'être réductible à une compréhension historiciste (cela permettait sinon à l'idéologie républicaine du moins au courant politique de survivre à l'affaire Dreyfus, alors que l'ancrage social du républicanisme laïc était perdu au moment où ses défenseurs politiques arrivaient à maturité, et cette ,efficacité ne présupposait aucune représentation précise d ela digintié humaine), mais pour prouver factuellement cet oubli ou perte d'une notion plus fondamentale et plus "ontologique" de la dignité humaine elle doit justement déployer un discours historiciste.
C'est intéressant cette opposition entre historicisme et ontologie, mais elle n'essaimine pas à partir de la phénoménologie heideggerienne, j'ai l'impression qu'elle se retrouve bien plus chez quelqu'un comme Gramsci (tiens d'ailleurs ce qu'il dit sur les néo-kantiens a un ton très heideggerien) dont l'objet de la philosophie est la position de l'idéologie, qui provient quand-même du crocisme, que chez Arendt. Les concepts ne sont pas forcément des maladies sexuellement transmissibles.


Il y a un concept important chez Arendt, paradoxalement lié à celui de dignité, dont le déploiement conteste cette opposition, c'est celui d'intérêt, qui est à la fois lié à une particularité sociologique et à une exigence de caractère ontologique : un des traits les plus monstrueux de ceux qu'elle souligne dans le totalitarisme est la perte qu'il induit chez les hommes du sens de leur propre intérêt. La notion d'égalité dans l'espace public implique la reconnaissance de ces intérêts mais cette reconnaissance n'est pas chez elle à la source d'une réflexion sur le pouvoir, elle lui est presque rivale. "The Human Condition" est il me semble par ailleurs peu lu à l'Université française, l'enseignement se concentre sur les essais de la Crise de la Culture quand-même plsu proches du journalisme, où se manifeste un thème "décliniste" moins marqué dans son livre le plus systématique et programmatique, la partie la plus intéressante de son oeuvre est boudée...

Désolé pour l'imprécision du vocabulaire...

Et puis le travail bibliographique qu'elle fait dans "les Origines du Totalitarisme" est quand-même important et très différent méthodologiquement de la philosophie. Ce n'est pas la bonne femme qui va informer le monde entier qu'elle est post-kojévienne (fatalement) ou über-nietzschéenne après avoir terminé "la Phénoménologie de l'Esprit" ou "Ainsi parlait Zarathoustrah" mais quand-même un peu plus. Je ne suis déjà pas sûr qu'elle soit très lue par les historiens, dire qu'elle s'inscrit sans reste dans la phénoménologie heideggerienne sans reste ne va pas arranger les choses..


Mais on sort complètement du cinéma...

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Message par Borges Dim 8 Jan 2012 - 15:49

hello tony



salut breaker; y a un temps que t'es plus intervenu sur le forum, si je me trompe pas : j'espère que tu vas bien : Wink
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