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Richard Linklater

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Message par Invité Jeu 3 Sep 2009 - 12:45

Hello,

Le_comte m'a pas mal parlé récemment de "Fast Food Nation" de R. Linklater, j'ouvre ici un sujet à propos du cinéaste.

Je n'ai pas encore vu ce film mais j'ai regardé récemment "Before Sunset" et j'ai trouvé ça pas mal du tout malgré le typage un peu lourd des personnages. Le cinéaste ne part de presque rien, un couple qui se retrouve, pour faire un film court de dialogues. La bonne idée est de jouer les déplacements des personnages chevillés à ces dialogues, ce qui manque parfois aux séries TV conçues autour de ceux-ci qui ne connaissent que le champ-contrechamp. Ainsi les déambulations du couple dans la ville (Paris) sont totalement liées à la liberté de ton où au choix des mots que chacun va pouvoir renvoyer à l'autre. Le "tunnel" de dialogue (comme on dit) est ici littéralement accepté par RL qui use à fond du travelling pour suivre le couple dans sa promenade verbale. C'est la concentration, les relâchements dans la continuité, les pas de côté, les passages dans les voies d'urgence, les impasses qu'il enregistre ainsi grâce à ses deux acteurs géniaux (Ethan Hawke, Julie Delpy). Les premiers moments des retrouvailles sont en particulier très bien vus, la caméra se polarise sur le couple qui parle en marchant, échangeant les premiers mots, totalement dans la discussion, cela pourrait être n'importe quel endroit au monde, l'américain est emporté dans l'échange, le cinéaste nous (les spectateurs) fait bien passer dans quelques jolies endroits typiques de la capitale mais toute la concentration de JesseRichard Linklater, l'attention est dans sa bouche et non dans ses yeux. Plus tard, lorsque quelque chose sera déjà un peu retombé (l'émotion des retrouvailles inattendues) il évoquera bien sûr la beauté de la ville devant Notre Dame. Mais à ce moment-là, tout n'est pas retombé encore, chacun est encore sur la défensive, il faudra l'acte sur le bateau et dans la voiture pour que, dans un second temps, les masques des apparences tombent. Dans le final, les deux apaisés de cette longue marche, débarrassés de tous les mots (parlé, criés, chantés) peuvent envisager l'amour. Commence un autre jeu, celui des regards, et le film s'arrête là...    

La liste de ses films sur wiki :

   * 1991 : Slacker
   * 1993 : Dazed and Confused
   * 1995 : Before Sunrise
   * 1996 : SubUrbia
   * 1998 : The Newton Boys
   * 2001 : Waking Life
   * 2001 : Tape
   * 2003 : Live from Shiva's Dance Floor
   * 2003 : Rock Academy (The School of Rock)
   * 2004 : $5.15/Hr.
   * 2004 : Before Sunset
   * 2005 : Bad News Bears
   * 2005 : Fast Food Nation
   * 2006 : A Scanner Darkly

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Message par Eyquem Jeu 3 Sep 2009 - 13:07

Un critique qui a toujours défendu Linklater, c'est J.Rosenbaum (que j'aime bien citer).

Sur son site, on trouve plusieurs pages d'archives, de Slacker à A Scanner darkly :
http://www.jonathanrosenbaum.com/?s=linklater&paged=8

Juste pour info.
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Message par Borges Jeu 3 Sep 2009 - 13:50

2003 : Rock Academy (The School of Rock)
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Message par ^x^ Jeu 3 Sep 2009 - 14:16

Oui, c'est ce que je viens de voir. Je suis très surpris d'apprendre, là, que c'est la même personne derrière ce ptit film réjouissant avec Jack Black en prof de musique (rock) , Dazed and Confused, A Scanner Darkly et Before Sunset.

Pr moi, le réa de The School of Rock (à voir uniquement en VO) était le même que Napoléon Dynamite et Super Nacho.
En fait, le scénariste est le même pr School of Rock et Super Nacho à savoir Mike White.(le colocataire de J.Black ds School of Rock)
Bref on s'en fout de tout ça. C'était juste pr dire ma surprise de voir de tels grands écarts ds la filmo de Richard Linklater.
Embarassed

edit:
The School of Rock est ds mes cartons en 3 exemplaires. Pr mes 3 futurs bambins Twisted Evil lol
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Message par Invité Jeu 3 Sep 2009 - 15:12

Careful a écrit:C'était juste pr dire ma surprise de voir de tels grands écarts ds la filmo de Richard Linklater.

Salut,

On peut toujours s'amuser à essayer de réduire le grand écart entre les films !?

Sur "Before Sunset", "School of rock" et "Scanner Darkly" j'ai l'impression qu'il est souvent question de crever des baudruches, de travailler à faire "éclater" les masques. Aussi bien de la trivialité des simulacres du langage dans les retrouvailles du couple, des gamins coincés de l'école, de la réalité qui entoure les personnages drogués de "Scanner Darkly" (pour ce dernier il faudrait que je le revois pour être plus précis, j'avais beaucoup aimé mais je ne m'en souviens assez mal).

Dans un sujet du forum des CDC, nous avions évoqué avec DB un goût prononcé chez RL pour la "représentation du dialogue" à propos de "A Scanner Darkly", ceci devient une évidence en aillant vu "Before Sunset" (que DB avait déjà vu, à mon avis ?!).

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Message par Le_comte Jeu 3 Sep 2009 - 16:13

Très bon cinéaste, ce Linklater (d'où mon dialogue avec JM lol, notamment sur Fast food nation et la représentation de la minorité mexicaine. Pas certain que ce soit totalement réussi sur ce point, j'attends le commentaire du chef Smile ).

Je ne peux pas encore écrire sur lui, je dois (re)voir ses films (facilement téléchargeables sur Mininova en torrent. Oups, pas bien !). En tout cas, il y a quelque chose chez lui, un touche personnelle assez unique dans le cinéma indépendant US. De plus, je vois son nouveau, Me and Orson Welles, ce dimanche à Deauville (+ sa conférence de presse si tout va bien). Je vous dirai quoi !

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Message par DB Jeu 3 Sep 2009 - 17:53

Oui je les ai pratiquement tous vu JM et c'était bien à BS que je pensais.

Fast food nation ne m'a pas vraiment marqué, je l'avais trouvé trop didactique en fait, un peu comme la grande mode des films à thèse des 70's ; on sent sa verve plus libre et débridée dans Scanner darkly ou bien School of rock.

Grande influence pour Julie Delpy aussi dans son film sur Paris.
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Message par Borges Mer 23 Sep 2009 - 19:53


Céline: What's your name?

Jesse: My name? Uh, It's Jesse. It's James, actually, but everybody always calls me Jesse. (offers hand)

Céline: You mean, Jesse James? No.

Jesse: No, no. Just Jesse.

Céline: I'm Céline.


La classe.




Devant les affiches de l'exposition Seurat :


CELINE
Ah, there's an exhibition. Yeah, I guess we'll miss it. Doesn't start until next week.
JESSE
Yeah, I think so.
CELINE
(Indicates art shown in poster. Poster is of exhibition of art work by Seurat.) I actually saw this one a few years ago in a museum. I stared, and stared at it. Must have been 45 minutes. I love it. La voie ferée. Ah. (Points to another work on poster) I love the way the people seem to be dissolving into the background. (Indicates another) Look at this one. It's like the environments, you know, are stronger than the people. His human figures are always so transitory. Its funny. Transitory?
JESSE
Yeah. Transitory.

Jesse: Yeah. Transitory.
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Message par Invité Jeu 8 Juil 2010 - 16:46

Voilà quelques notes après avoir vu plusieurs films de RL (que je vous recommande!), j'espère que vous y trouverez matière à rebondir ! Wink



Waking Life

Film qui livre sa propre "critique", "analyse" plutôt. Discussion sur les "strates" du réel à mettre en lien avec, par exemple, la séquence du début à la sortie du train. Le réel pourrait être envisagé comme un wagon, avec différents niveaux, différents compartiments perceptibles. L'artiste rend compte de son travail dans son oeuvre, dans son "poème" et le sauve (Agamben). Lien de cette scène d'ouverture en train de "WL" avec le début de "Before sunrise" dans un train (contre la statique de la scène de rencontre dans le faux train de "Lettre d'une inconnue" de Ophüls), même position du regard par la fenêtre. Début de "OWAM" aussi dans un train.

Nappage de paroles sur des images (parfaitement analysé dans le film mais pas d'hermétisme). Pas un cinéma contemplatif, Linklater ne trouve pas dans le réel des décors qui l'entourent la beauté suffisante (pas de long plan large, pourtant attendu car la beauté du paysage est évoquée par les personnages, dans la séquence du baiser en haut de la grande roue dans "Before Sunrise").

Texte de Le_comte : les décors de "OWAM" enferment les personnages qui doivent s'en émanciper (aussi scène avec l'oiseau, à la fin -> ouvrir la cage). Dans l'un des "BS", il y a ce dialogue à propos des peintures de Seurat : "l'environnement est toujours plus fort que les gens, les personnages sont transitoires." C'est l'inverse il semble avec ses deux films BS qui se concentrent sur les personnages (on va le plus souvent du général, décors, au particulier, personnages). Mais plans à la fin du premier "BS", vides, sans le couple, sans personnage ? Brouillage des partages des âges : jeune garçon, vieille femme. Tendance à l'intellectualisation (art, politique, amour). Avant de faire l'amour : pourquoi on complique tout. Pour autant, effet de WL : simplifier la texture du réel par aplats de couleur.

Lien entre "WL" et "Limits of control" de Jarmush. Un homme déambule et reçoit la parole "éclairée" de divers personnes. Passages aussi en train. Jarmush choisi d'enregistrer les lieux qu'il filme et de leur donner une subjectivité par les prises de vue, les mouvements de caméra, quand Linklater préfère les peindre pour leur donner aussi sa propre subjectivité. Même exaltation de l'imagination, du rêve.

Comparer aussi la scène de Zombies (Klotz et Perceval) dans laquelle une femme pense en fermant les yeux à l'immolation d'une femme de prisonnier avec celle de WL où un homme s'immole également par le feu. Chez RL représentation imaginée de la scène avec la technique du film (rotoscoping), chez NK la scène est évoquée par l'oralité, les mots, mais rêverie quand même.

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Message par adeline Sam 11 Mai 2013 - 9:02

Ça fait longtemps qu'on n'en avait pas entendu parler, d'autant que ses deux derniers films n'ont pas été distribués en France.

"Before Midnight" sortira en juin, la suite de "Before Sunrise" et "Before Sunset", je me demande comment il s'en sortira. J'aimais vraiment le premier film, un peu moins le deuxième… Il paraît que "Me ans Orson Welles" et "Bernie" sont très bien, mais ils n'ont quand même pas des notes épatantes sur imdb. La non-distribution : une erreur des distributeurs idiots ou la marque que le film n'est pas si bien ?

Bref, il y a un documentaire sur l'amitié entre Linklater, Benning, le baseball, le cinéma en cours de post-production, je ne sais pas ce que ça vaudra, mais il fait partie de la série "Cinéma, de notre temps" de A. S. Labarthe :

http://mubi.com/notebook/posts/video-of-the-day-trailer-for-cinema-de-notre-temps-james-benning-and-richard-linklater




Ils sont en train de faire une levée de fonds pour achever la post-production :

http://www.kickstarter.com/projects/1337112764/james-benning-and-richard-linklater-cinema-de-notr


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Message par Invité Dim 12 Mai 2013 - 9:18

peut être tu as lu dans les cahiers le très bon dossier sur la pépinière des cinéastes d'Austin, son festival et les structures crées par Linklater ?

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Message par adeline Dim 12 Mai 2013 - 9:37

Ah non, ça je n'en ai pas entendu parler… dans quel numéro ? Mais je t'avoue que je ne lis plus du tout les Cahiers du cinéma, depuis des mois et des mois.

Tu parles de cette "society" :
http://www.austinfilm.org/



Dernière édition par adeline le Dim 12 Mai 2013 - 11:49, édité 1 fois

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Message par Invité Dim 12 Mai 2013 - 10:44

c'est dans le numéro de mai 2013.
Linklater a fondé la Austin Film Society, ciné-club et fondation d'aide au cinéma du coin et la Austin Film Studio, un grand complexe de tournage.
Austin a bénéficié de l'image qu'en a donné son film Slacker, ville sympa (jamais sorti en France).
Austin vit aussi de l'aura de Malick.

Linklater achève en ce moment un film avec un gamin qu'il a suivi sur un douzaine d'années, entre ses 7 et 18 ans.

Le festival s'appelle South by Southwest (SXSW).

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Message par Invité Dim 12 Mai 2013 - 19:41

moi aussi j'avais plutôt bien aimé Before sunrise.

je n'ai pas vu Génération rebelle un film de 93 qui semble-t-il n'est sorti qu'en dvd. Toi oui ?

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Message par py Mer 3 Juil 2013 - 8:22

Vu Before midnight hier, sans connaître aucun autre film de Linklater.

Très bavard sans être bien profond mais pas désagréable pour autant. Du coup j'ai enchaîné avec Sunrise (j'ai hésité à faire la 'trilogie' en sens inverse, ça aurait été amusant, mais je ne suis pas si aventurier) que j'ai trouvé beaucoup plus touchant. Plus on vieillit, plus on parle de cul et plus on est chiant on dirait bien.
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http://www.pyduc.com

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Message par Eyquem Dim 8 Déc 2013 - 13:44

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Apparemment, le Texas produit deux sortes d’individus : des présidents amoureux des bombes, et des Kierkegaardiens qui préfèrent les tombes. D’un côté, des Bush et des Eisenhower. De l’autre, des Malick et des Linklater. Car entre les deux cinéastes, en dehors du Texas, existe un lien à Kierkegaard. C’est connu pour Malick. Ca l’est moins pour Linklater, qui a pourtant fait jouer dans deux de ses films Louis Mackey, un universitaire qui a écrit « Kierkegaard, a kind of poet », dont Linklater a certainement suivi les cours à l’Université du Texas avant de devenir son ami.

De Kierkegaard, je ne sais rien. Je n’ai lu, pour ainsi dire, que cette phrase : "Celui qui n’a pas fait le tour de la vie avant de commencer à vivre n’arrivera jamais à vivre."

On sent qu’elle pourrait servir d’épigraphe à Tree of life (parmi bien d’autres citations, évidemment, car ce n’est pas un film où le mouvement du sens se laisse figer dans une seule maxime définitive, puisque le sens y est seulement son mouvement, son passage). Est-ce que Jack n’est pas celui qui doit faire le tour de la vie avant de commencer à vivre, celui qui doit tenir ensemble les fins et les commencements, de telle sorte que le moment répète à la fois l’origine et la fin, soit à la fois souvenir de ce qui a été et attente de ce qui vient ?

Mais à présent, en lisant cette phrase de Kierkegaard, c’est aussi à Before sunrise que je pense. Before Sunrise n’a certainement pas l’ampleur de la cosmogonie malickienne : pas de supernova, pas de dinosaures, pas de plage d’après la fin des temps. Pour l’essentiel, on y voit seulement deux jeunes gens se ballader dans Vienne, causer et tomber amoureux. C’est pourtant, aussi, à sa manière, un voyage dans le temps, une expérience spirituelle, une exploration de l’avant et de l’après, ou, si l’on veut, un très long détour pour parvenir à définir ce que ça veut dire, être là.

Borges, dans Les chemins de Malick, a écrit:On est toujours avant la mort, en espérant être encore là, après, quand on n’est plus ici : « Où est-on quand on est là ? », demande Marina.
C’est aussi une question soulevée par les trois Before de Linklater : avant le lever du soleil, avant le coucher du soleil, avant minuit : Jesse et Céline sont toujours avant. Mais avant d’y être, où sont-ils, où est-on ?

Géographiquement, ils sont ici et là, à Vienne, à Paris, en Grèce. C’est-à-dire qu’ils sont là sur le mode du « pas vraiment là ». Ce sont des touristes, des étrangers, sortis de leurs lieux familiers, du temps du travail et des études, du « temps réel » comme dit Jesse dans Before Sunrise. Ils sont là sur le mode de la disponibilité, de l’attente indéfinie, d’une passivité accueillante mais vide. Ils sont ici comme ils pourraient être ailleurs, sans nécessité. Cette absence de nécessité est encore plus forte pour Jesse : il ne devrait pas être à Vienne mais à Madrid, avec son amie. Comme celle-ci l’a quitté, il est à Vienne par hasard et par désoeuvrement. Et ajoute-t-il plus tard, il ne devrait même pas être là du tout, car il est l’enfant d’une grossesse non désirée : il est arrivé par hasard, et depuis, il se sent partout un invité surprise.

Je vais aller plus vite au but, car c’est dimanche, tout le monde a mieux à faire.
Ëtre là, pour Jesse et Céline, c’est d’abord ne pas vraiment y être. Il n’est pas douteux qu’ils sont à Vienne, un 16 juin (Bloomsday, en référence à Joyce et Ulysse) mais d’abord ils y sont sur un mode passif et détaché – et ce détachement originaire est essentiel : je ne sais plus quel invité reproche au film de se passer à Vienne alors qu’il pourrait se passer dans n’importe quelle autre ville.
Invité, sur le topic Le Passé, de Farhadi, a écrit:je pense au film de Linklater, Before sunrise tourné à Vienne : ça n'a aucun sens. Ca pourrait tout pareil être filmé n'importe où. Il aurait suffi qu'un producteur décide, allez ça va être là, à Naples ou à Lisbonne.
Justement, c’est l’idée : le lieu et le moment, l’ici et maintenant, ne sont pas quelque chose de donné immédiatement. Jesse et Céline sont des passants : ils passent par là en touristes, des touristes de l’existence on pourrait dire – jusqu’à ce que ce lieu et ce moment, cette ville de Vienne, cette nuit de juin, ils les fassent leurs, se les approprient. Et comment se les approprient-ils ? Par un long détour, par une « reprise », dans le sens que lui donne Kierkegaard :

Reprise et ressouvenir sont un même mouvement, mais en direction opposé; car ce dont on a ressouvenir a été: c'est une reprise en arrière; alors que la reprise proprement dite est un ressouvenir en avant [...]L’espérance est une charmante jeune fille qui vous glisse entre les mains. Le ressouvenir est une belle vieille femme qui ne rend pourtant jamais service à l’instant où il faut. La reprise est une épouse aimée, dont on ne se lasse jamais ; car c’est du nouveau seulement qu’on se lasse. Du vieux, on ne se lasse jamais et, quand on l’a devant soi, on est heureux. […] L’espérance est un fruit alléchant qui ne rassasie pas ; le ressouvenir est un piteux viatique, qui ne rassasie pas ; mais la reprise est le pain quotidien, une bénédiction qui rassasie. Quand on fait le tour de l’existence, on doit s’apercevoir, si on a le courage de le comprendre, que la vie est une reprise dont on a plaisir à se réjouir. Celui qui n’a pas fait le tour de la vie, avant de commencer à vivre, n’arrivera jamais à vivre. Celui qui en fit le tour mais en fut saoulé, c’est qu’il était mal bâti. Mais celui qui choisir la reprise, celui-là vit.

(Kierkegaard, La reprise)
Cette idée de « reprise » ne vient pas seulement de ce que la même histoire soit répétée trois fois, dans chacun des films de la trilogie. C’est dès le premier film que cette histoire est une reprise. Pour s’en apercevoir, il suffit d’écouter le dialogue au début, le moment où Jesse convainc Céline de descendre du train avec lui :

JESSE: Alright, alright. Think of it like this. Jump ahead, ten, twenty years, okay, and you're married. Only your marriage doesn't have that same energy that it used to have, you know. You start to blame your husband. You start to think about all those guys you've met in your life, and what MIGHT have happened if you'd picked up with one of them, right? Well, I'm one of those guys. That's me, you know, so think of this as time travel, from then, to now, to find out what you're missing out on. See, what this really could be is a gigantic favor to both you and your future husband, to find out that you're not missing out on anything. I'm just as big a loser as he is, totally unmotivated, totally boring, and, you made the right choice, and you're really happy.

Pour arriver jusqu’au moment présent, il faut en passer par tout un voyage temporel : il faut, pour être là, se projeter dans le moment futur où on se souviendra. Il faut, pour être là, se souvenir de ce que nous espérions – ou espérer ce dont on voudrait avoir gardé le souvenir.

Et tout le film est ainsi, sur le mode d’une ballade temporelle, où le lieu et le moment, d’abord minés par l’inessentiel, sont réappropriés ici et maintenant comme espérance et comme souvenir : la scène avec la diseuse de bonne aventure, la visite au cimetière des anonymes, la scène où ils miment les coups de téléphone qu’ils feront à leurs amis quand ils leur raconteront ce qu’ils sont en train de vivre, etc.

Et comment le film se termine-t-il ? Par un des plus beaux plans de toute l’histoire des romances de cinéma: une photo sans appareil, prise ici et maintenant, mais vue depuis l'avenir et ressouvenue.

JESSE: Oh, wow.
CELINE: What?
JESSE: I'm gonna take your picture so I never forget you...or...or all this.
CELINE: Okay. Me too.

Richard Linklater Before10Richard Linklater Before11


Il y aurait encore bien des choses à dire :
- comment Linklater combine la fluidité de longs plans-séquences suivant des personnages qui avancent (la scène en voiture qui ouvre Before Midnight est le plus long plan séquence de tous) avec cette idée d’un temps discontinu où chaque moment est la reprise de lui-même, fait la boucle temporelle la plus lointaine pour advenir comme moment « là »

- comment et où Linklater place, dans chacun de ses films, une répétition des lieux de l’histoire, une fois avec les personnages, et une autre fois vides de leur présence. (dans Before sunrise, la répétition des plans vient à la fin; dans Before sunset, elle ouvre le film)
Richard Linklater Before12Richard Linklater Before13

Richard Linklater Before14Richard Linklater Before15


- et le dieu d’amour dans tout ça?

CELINE: You know, I believe if there's any kind of God, it wouldn't be in any of us. Not you, or me...but just this little space in between. If there's any kind of magic in this world, it must be in the attempt of understanding someone, sharing something. I know, it‘s almost impossible to succeed, but...who cares, really? The answer must be in the attempt.
Richard Linklater Before11




Ce qui me fait penser que le nom de Linklater contient déjà le programme même de son cinéma : le lien et l’au revoir, indissociablement liés.

Jesse: Well, we could say goodbye now. Then we wouldn't have to worry about it in the morning.
Céline: Now?
Jesse: Yeah. Say goodbye.
Céline: Bye.
Jesse: Goodbye.
Céline: You have a...(With more emphasis.) Au revoir.
Jesse: Later!
Céline: Later, yeah.



Mais c’est dimanche, alors remettons ça, à plus tard.


Dernière édition par Eyquem le Dim 8 Déc 2013 - 14:32, édité 1 fois
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Message par Invité Dim 8 Déc 2013 - 13:54

Eyquem a écrit:
Ce qui me fait penser que le nom de Linklater contient déjà le programme même de son cinéma : le lien et l’au revoir, indissociablement liés.

lol
tu vas pas t'y mettre toi aussi parce qu'alors Garrel c'est aussi gare à elle !! Shocked 

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Message par adeline Dim 8 Déc 2013 - 19:35

Super texte Eyquem (n'écoute pas pib, il te cherche des poux Wink Ceci dit, gare à elle, c'est bien trouvé !).  
Tu avais vu Before Midnight ?

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Message par Invité Dim 8 Déc 2013 - 20:00

c'est vrai c'est un beau texte, mais moi aussi je peux faire des jeux de mots Very Happy 
Dire que son nom contient déjà le programme de son cinéma : c'est osé !Laughing 

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Message par Eyquem Dim 8 Déc 2013 - 20:43

'soir Adeline,
adeline a écrit:Tu avais vu Before Midnight ?
Oui, mais pas revu depuis sa sortie, je ne m'en souviens pas assez précisément pour en parler dans le message au-dessus. J'ai beaucoup aimé. C'est parfois saoulant (car ça cause sans cesse), mais c'est un beau film.
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