"Toujours aussi bô 4h44" (Murielle Joudet)
"Toujours aussi bô 4h44" (Murielle Joudet)
Je me baladais sur Facebook, le cœur ouvert à l'inconnu, et je tombe sur un statut ("4h44" et la téloche) de Murielle Joudet, la jeune critique, dont j'avais espéré il y a quelques temps qu'elle devienne notre Pauline Kael ; j'espère toujours, mais dans le contexte actuel de la pensée… Surtout qu'elle se la joue un peu trop jeune libertine nihiliste déprimée, quelque chose à la des Esseintes… Bref, trop d'artifice et pas de substance.
"Egalité", elle adore ce mot. Lisez son texte sur "Le mec que j'aime" de RW, vous verrez comment ce souci de l'égalité faire vivre sa prose ; on s'enthousiasmerait presque comme le vieux Kant, à l'annonce de la révolution française. Au début, je me disais, c'est pour faire genre, j'ai lu Cavell, je perfectionne mon moral pour ne pas me laisser aller, et je crois que l'ignorance nous rendra tous égaux, eh bien, non rien de tout ça. Ce petit statut me révèle le fond de l'affaire et la vérité existentielle de cette obsession égalitaire. L'égalité, au sens démocratique, politique, elle s'en tape, Murielle. Son désir, comme celui de tous ceux qui paradent dans ses parages, c'est le vide, le rien, le nihilisme ; le néant. "Solidarité et égalité devant la fin du monde", c'est un vieux truc religieux, la mort qui nous rend tous égaux ; et l'égalité, faut plutôt l'entendre comme indifférence, comme un "ça m'est égal", "je m'en fous", "je m'en tape", "rien à foutre".
Tout est égal (je vous montre le dernier homme).
Éclairons tout ça par un peu de Badiou :
Et une fin du monde un peu plus joyeuse, qui nous fait vraiment sentir fine, et pas finis.
Pour bien finir, parce qu'il faut bien finir, un peu de pub pour notre critique : Spiders from Walsh (sur The Man I Love, de Raoul Walsh, 1947)
http://lostwknd.blogspot.be/
Murielle Joudet a écrit:
Toujours aussi bô 4h44, première fois de ma vie qu'un film me fait exactement le même effet que la première fois à la revoyure et convoque les mêmes idées en moi. L'utilisation intempestive de la surimpression est parfaite, c'est pour Ferrara une façon de faire passer la solidarité des images entre elles. Solidarité et égalité devant la fin du monde. Principe d'égalité qui crée cette impression de regarder un vertigineux tunnel d'images, insensé parce qu'égalitaire : exactement ce qu'on appelle le zapping télévisuel auquel obéit le film. Je trouve ça génial que Ferrara fasse figurer dans la majorité de ses plans un écran de télé ou ne serait-ce que le son de la télé. Je la regarde suffisamment pour savoir que c'est exactement ce qu'on cherche quand on regarde la télé et les chaînes info plusieurs heures d'affilée : un sentiment de catastrophe, des images de fin du monde sur lesquelles s'endormir, un peu d'impersonnel contre lequel se blottir. La fin du monde aura exactement ce goût-là, le goût de la téloche qui crépite.
"Egalité", elle adore ce mot. Lisez son texte sur "Le mec que j'aime" de RW, vous verrez comment ce souci de l'égalité faire vivre sa prose ; on s'enthousiasmerait presque comme le vieux Kant, à l'annonce de la révolution française. Au début, je me disais, c'est pour faire genre, j'ai lu Cavell, je perfectionne mon moral pour ne pas me laisser aller, et je crois que l'ignorance nous rendra tous égaux, eh bien, non rien de tout ça. Ce petit statut me révèle le fond de l'affaire et la vérité existentielle de cette obsession égalitaire. L'égalité, au sens démocratique, politique, elle s'en tape, Murielle. Son désir, comme celui de tous ceux qui paradent dans ses parages, c'est le vide, le rien, le nihilisme ; le néant. "Solidarité et égalité devant la fin du monde", c'est un vieux truc religieux, la mort qui nous rend tous égaux ; et l'égalité, faut plutôt l'entendre comme indifférence, comme un "ça m'est égal", "je m'en fous", "je m'en tape", "rien à foutre".
Tout est égal (je vous montre le dernier homme).
Éclairons tout ça par un peu de Badiou :
Badiou a écrit:"Je parlerais volontiers de vacuité changeante pour décrire ce fonctionnement. Pour la voir à l’œuvre, il n’y a pas de meilleur endroit que la télévision; quand il m’arrive, comme à tout le monde, de la regarder, je suis frappé par le caractère de fascination intemporelle du spectacle qu’elle offre. On la regarde comme drogué. Je suis en outre persuadé que l’effet de vacuité changeante dont je parle n’est pas produit de façon fortuite ; cette insignifiance agitée, ce mixte de vacuité et de mouvement incessant nécessaire pour créer un semblant de suspense (rien de moins zen qu’un programme de télévision), font l’objet de calculs fort détaillés. Vous allez dire que c’est un propos aristocratique à l’égard de la télévision. Pas du tout : car le plus remarquable est que ce qu’il y a là-dedans d’évidemment grotesque est perçu par tout le monde, mais cela n’en empêche pas pour autant le fonctionnement. On nous montre quelque chose comme une agitation du vide mais afin que l’on se réjouisse de ce spectacle, dans une jouissance un peu obscène. C’est même tout l’élément nihiliste de la chose : l’idée que la vie dans le vide est supérieure à la non vie. Car par ailleurs on nous dit qu’il n’y a pas d’autre vie : il n’y a de vie que cette vie vide (tout autre choix étant mortifère). Nietzsche l’avait déjà formulé, et c’est en cela que réside la puissance du nihilisme, depuis toujours : mieux vaut le rien que la mort. C’est aussi cela que nomme « jeunesse » : le pouvoir du rien - extraordinaire inversion quand même de la signification de ce mot ..."
Et une fin du monde un peu plus joyeuse, qui nous fait vraiment sentir fine, et pas finis.
Pour bien finir, parce qu'il faut bien finir, un peu de pub pour notre critique : Spiders from Walsh (sur The Man I Love, de Raoul Walsh, 1947)
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