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Les Corrections (J. Franzen)

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Les Corrections (J. Franzen) Empty Les Corrections (J. Franzen)

Message par adeline Mar 4 Sep 2012 - 18:11

Je viens de terminer "Les Corrections" de J. Franzen. J'ai dix ans de retard, et il serait plus dans l'air du temps de parler de "Freedom", mais on fait ce qu'on peut.
J'ai commencé à lire ce bouquin alors que je faisais une consommation compulsive idiote (cci) de la série "Desperate Housewives", et le télescopage des deux m'a fait détester le livre tout d'abord. Les histoires de famille des Américains riches du Midwest et les histoires de familles des Américaines riches de Wisteria Lane cumulées, ça finit par lasser.

J'ai lu dans des articles pas forcément sérieux que Franzen pouvait être considéré comme l'un des plus grands, sinon le plus grand, écrivain américain de sa génération, ou vivant, ou les deux. Je ne suis pas sûre qu'on puisse aller jusque là, même s'il a reçu des prix prestigieux, écrit des gros livres, publie une fois tous les dix ans et bosse pour le New Yorker. Ceci dit, c'est du sérieux.

Après avoir été très énervée par son ton cynique, ironique, détaillé, mordant et tout ce qu'on veut dans le genre, par la distance mi-critique mi-figue mi-raisin indéfinissable de son regard sur ses personnages, par la structure narrative mille fois vu (allers-retours aléatoires du présent au passé des personnages dans une structure dissymétrique), j'ai dû baisser les armes et bien reconnaître qu'un livre qui énerve au début, intéresse au milieu et finit par captiver pratiquement à la fin doit bien exister d'une manière ou d'une autre.

Littérairement, c'est assez peu remarquable. C'est très bien écrit, mais à la manière d'un faiseur, de quelqu'un qui sait tourner ses phrases, trousser ses pages, et construire son récit, sans pourtant que jamais une phrase, une idée, un mot ne transportent vraiment (rien à voir avec les vrais grands auteurs américains contemporains).
Ce qui est remarquable, mais ça n’est pas exceptionnel non plus, c'est la "documentation", je ne sais pas comment on peut appeler ça. Les mondes des investisseurs boursiers, de la grande cuisine américaine, des intellectuels américains post-modernes ou de la vie du rail dans le Middwest sont décrits de manière détaillée, sentie, de l'intérieur, et ça fonctionne.

Mieux encore, la manière dont il rend, dans les deux dernières parties du roman, les évolutions de la maladie du père de famille, une sénilité parkinsonienne à tendance alzheimer, et sa souffrance. C'est sans doute ce qui fait du livre un très bon livre, cette attention donnée aux deux grandes maladies d'aujourd'hui, la dépression (qui guette le fils aîné) et la sénilité, qui aura raison du père. Une entreprise hasardeuse, car qui sait la manière dont un malade d'alzheimer peut vivre les années de souffrance, mais qui permet de sentir la détresse, la solitude, les derniers espoirs, les incompréhensions du vieux monsieur.

Paragraphe inutile résumant l'histoire:

L’inconfort constant, et parfois la colère, que le livre a provoqués en moi tiennent à l’absence, à mes yeux, de réelle critique «morale» des personnages. La mère et les deux frères, la sœur également lors de son histoire avec son patron et sa femme, me semblent égoïstes, méprisables, occupés d’eux-mêmes avant tout, sans grandeur, sans beauté, sans bonté. Et le père, pourtant présenté comme celui qui castre, qui n’aime pas, qui détruit, qui ne sait pas exprimer ses sentiments, me semble paradoxalement le moins égoïste des cinq. Et je n’arrive pas à démêler ce qui tient de mon jugement personnel et ce qui vient de la construction des personnages, du récit, de l’auteur. Je ne sais pas si le livre est une critique mordante et cynique du monde dans lequel évoluent ses personnages et de ce qu’ils sont, ou s’il n’y a au contraire aucune distance critique dans la dernière partie, quand presque tous les personnages s’en sortent, se stabilisent, vivent mieux après la mort du père, et pratiquement grâce à celle-ci. Evidemment, l’ironie est le mode de fonctionnement du livre, mais c’est aussi un mode d’écriture très typiquement américain (Roth, Ford, Cheever, etc.), et je n’ai pas l’impression qu’il s’agisse en l’occurrence d’une réelle réflexion critique et mordante, dans le sens où la fin du livre donne raison à tous les personnages contre leur père, le seul pourtant à avoir eu une attitude admirable à un moment de sa vie. En plus, il me semble que ce que les personnage sont amenés à faire de bien, avec un malin plaisir l’auteur le rabaisse (Chip qui veille et accompagne son père lors de sa maladie à l’hôpital le fait en réalité uniquement car il est amoureux du médecin).

Et ces corrections alors, quelles sont-elles ? Sans doute en premier lieu ce que les enfants essayent dans leur vie de corriger de ce que leurs parents ont fait et leur ont transmis. C’est aussi la correction en terme boursier, qui définit un marché lorsqu’il décline de manière trop douce pour être qualifié de marché en baisse. La bourse et les investissements jouent un grand rôle dans le roman. J’imagine qu’on pourrait dire réajustement, ou quelque chose dans le genre. Enfin, un sens explicite est donné dans le roman, puisque ce titre est également le titre de la dernière partie. Lorsque le père est à l’hôpital, absolument sénile et délirant, la mère en profite pour le reprendre sans cesse, à chaque incongruité qu’il dit, le corrigeant de chacune de ses erreurs, pour se venger des quarante années passées à ses côtés où elle se corrigeait d’elle-même pensant lui plaire.

Le truc, surtout, c’est que c’est un livre de son temps qui parle de son temps. La société américaine devenue une société de petits ou grands investisseurs, la fin d’un modèle d’entreprise (le chemin de fer du père) pour un système d’entreprise supra-nationales, etc.

adeline

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