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Shutter Island

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Message par Invité Mar 15 Déc 2009 - 17:22

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"Il faut être fou pour faire des films, c'est une obsession dangereuse. Pas besoin de faire une école de cinéma pour devenir réalisateur, il faut être fou, avoir une nature obsessionnelle." Martin Scorsese.

Le "nouveau" film de Scorsese n'est pas si "nouveau" que ça. On y retrouve un certain nombre de thèmes, dirons-nous "classiques", propres au cinéaste.

Il y a, bien sûr, avant tout, la paranoïa. Dérèglement par excellence des personnages scorsesien depuis le début ou presque, elle est ouvertement le centre de son nouveau film. Si les Cahiers du cinéma affirmaient, à la sortie de "Les Infiltrés", que faisait apparition l'infiltration dans le cinéma de "Marty le dingue" - pour coller à un constat qu'il aurait tiré du cinéma du moment -, on peut dire que l'infiltration, qu'appelle inévitablement la faille (paranoïde), est là partout dans la filmo du cinéaste (pourtant plus porté géographiquement par la ville de NY que par LA). De Travis Bickle à Rupert Pupkin en passant par Jack la Motta et Paul Hackett (je réalise qu'une étude comparative de tous ces noms de personnages de films de Scorsese serait nécessaire à l'occasion). Cela n'est sans doute pas un hasard si l'île s'appelle "Shutter Island", "shutter" signifiant "volet" en anglais, objet qui laisse ou non passer, s'infiltrer la lumière. C'est aussi le nom d'un outil propre au cinéma et à la photographie, c'est l'"obturateur" (qui laisserait ici entrer ou non la lumière sur le film que se projette intérieurement Teddy).

Cette infiltration ne s'opère pas sans bouffonnerie (là encore la revue croyait découvrir quelque chose dans son précédent film qui est là depuis toujours), pas pour rien que deux des films évoqués ci-dessus sont des comédies. Dans "Shutter Island", comme dans "Les Infiltrés" ou d'autres films plus "sérieux" de Scorsese (notamment ses films de mafia), la bouffonnerie, le grotesque reposent plus en toile de fond mais sont bel et bien présents (c'est, par exemple, les costumes ridicules de la reconstitution des années 70 dans "Casino", on pense notamment à la séquence où on voit De Niro s'habiller dans son bureau). La scène qui emblématise cette brèche grotesque dans son dernier film est la rencontre entre Teddy et Noyce qui est enfermé dans une cellule de l'asile. Noyce révèle pour la première fois à Teddy le "théâtre" dans lequel celui-ci est l'acteur principal, il lui dit même "Je peux plus supporter ce foutu musée de l'horreur". Le grand guignol de la situation, de l'expérience limite à laquelle nous assistons, explose à la face de tous (les spectateurs) sauf de celle du dindon de la farce, Teddy.

Scorsese n'est jamais autant à l'aise que pour filmer ces moments suspendus de paranoïa intensive où une tempête passe sous un crâne. Ici, il filme magistralement le moment de délire de Teddy dans la grotte autour du feu, mais c'est le montage de son ancienne complice T. Schoonmaker qui donne toute sa véritable intensité à la scène en l'insérant brutalement, de même que le bref passage dans "Gangs of New-York", où l'on voyait un sombre DiCaprio observer une danse d'indiens autour d'un feu sur des rythmes trépidants.

Evidemment, la fin du film, qui reproduit en quelque sorte la boucle bouclée d'"After Hours", laisse un goût plutôt amer. Si Scorsese parvient à nous rapprocher de son personnage d'abord piégé sur l'île puis en réalité dans sa tête, s'il on sent bien quel type de relation "intime" il peut entretenir avec lui, le final verse, étant donné qu'il apparaît alors que Teddy ne pourra être soigné, dans le discours le plus conventionnel (voire réactionnaire) sur la folie. C'est, en quelque sorte, le patient qui donne raison aux pratiques de la psychiatrie "dures" en échouant à l'ultime test cathartique (contrairement à la fin du dernier film de Rivette). Le thème douteux des blessures mentales irréversibles, qu'on ne peut soigner et qu'il faut donc traiter par la manière forte même (et surtout parce que) après toutes les tentatives possibles, provient du bouquin de D. Lehane dont est adapté le film. "Shutter Island" échoue ainsi à "sauver" son personnage, même si l'on échappe à la méthode radicale de Clint Eastwood dans "L'échange" (peine de mort pour le mauvais fou contre bon citoyen tiré des griffes des institutions psychiatriques). Scorsese se laisse malheureusement prendre au jeu trop tentant de la répétition qui entraîne, ici (contrairement à "After Hours" qui au final renvoyait Hackett directement dans sa vie de tous les jours, dans l'aliénation de son train-train quotidien), la pertinence d'un discours sécuritaire sur la folie.

On peut s'amuser à chercher les films "référence" que Scorsese a demandé à son équipe de voir ou revoir avant le tournage de son film, on sait que c'est une pratique courante du cinéaste. Il semble que Scorsese ait pris comme repère de départ le célèbre film de S. Fuller, "Shock Corridor", mais aussi certains Lang des plus paranoïaques, en particulier "Espions sur la Tamise". Des films qui inscrivaient déjà la paranoïa dans le contexte historique de la guerre (et en particulier, comme pour "Shutter Island", la guerre froide dans le Fuller).

A noter que dans le même temps où Scorsese sort "Shutter Island", son compagnon du Nouvel Hollywood resté dans l'ombre, Paul Schrader, sort lui aussi un film, "Adam Resurrected", ayant pour cadre un asile psychiatrique.

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Message par Largo Mar 15 Déc 2009 - 17:27

Tu as donc piraté le film, JM ? What a Face
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Message par Invité Mar 15 Déc 2009 - 17:32

Largo a écrit:Tu as donc piraté le film, JM ? What a Face

non, non pourquoi ?

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Message par Largo Mar 15 Déc 2009 - 17:56

Bin "Date de sortie cinéma : 24 février 2010" lol
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Message par Invité Mar 15 Déc 2009 - 18:00

Largo a écrit:Bin "Date de sortie cinéma : 24 février 2010" lol

Pourtant, j'ai vu ce film.

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Message par Invité Jeu 17 Déc 2009 - 12:12

De Travis Bickle à Rupert Pupkin en passant par Jack la Motta et Paul Hackett (je réalise qu'une étude comparative de tous ces noms de personnages de films de Scorsese serait nécessaire à l'occasion).

Ca fait beaucoup de "K" !

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Message par DB Jeu 17 Déc 2009 - 22:17

Ouais, y'a ptet eu des avant premières, ou JM a été invité aux oscars.

En tout cas, je ne suis pas d'accord avec toi sur ta lecture réactionnaire du traitement de la folie. Il me semble qu'il s'agit plus d'une question de scénario, de cohérence diégètique (paf le gros mot) puisque le film se déroule dans les années 50 et que les méthodes autre que la trique et l'enfermement sont encore trop marginales et difficiles à mettre en place. Ou alors, comme chez Eastwood, ça sert le propos. Mais on sent bien chez Lehane( je sais pas ce que ça donne chez Scorsese) qu'il est convaincu que les méthodes de l'île sont nulles, rétrogrades et terribles et ne cautionne pas du tout la fin de son personnage.
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Message par Invité Jeu 17 Déc 2009 - 22:32

David_Boring a écrit:Mais on sent bien chez Lehane( je sais pas ce que ça donne chez Scorsese) qu'il est convaincu que les méthodes de l'île sont nulles, rétrogrades et terribles et ne cautionne pas du tout la fin de son personnage.

salut,

ben écoute, peut-être qu'on le sent bien, mais au final c'est ça quand même, y'a ce type qu'est irrécupérable et qu'il va falloir soigner par la manière forte, même si ça fait chialer son médecin (et les spectateurs).

une question de scénario, de cohérence diégètique (paf le gros mot)

paf, dans l'oeil.

je suis pas d'accord, tout ça me semble bien lié à toute une vision de l'humain, on en a déjà pas mal parlé à l'époque de "Mystic River" (tiré aussi d'un Lehane).

(tu veux des photos de Sunset Boulevard ?)

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Message par Invité Jeu 4 Fév 2010 - 10:20

JM a écrit:
On peut s'amuser à chercher les films "référence" que Scorsese a demandé à son équipe de voir ou revoir avant le tournage de son film, on sait que c'est une pratique courante du cinéaste. Il semble que Scorsese ait pris comme repère de départ le célèbre film de S. Fuller, "Shock Corridor", mais aussi certains Lang des plus paranoïaques, en particulier "Espions sur la Tamise". Des films qui inscrivaient déjà la paranoïa dans le contexte historique de la guerre (et en particulier, comme pour "Shutter Island", la guerre froide dans le Fuller).

Martin Scorsese’s psychological thriller is based on a novel by Dennis Lehane. When the screenplay was offered to the director he was immediately enthusiastic, for, according to his agent, it reminded him of a silent film classic much admired by the director – THE CABINET OF DR. CALIGARI.

http://www.berlinale.de/en/programm/berlinale_programm/datenblatt.php?film_id=20101218

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Message par Le_comte Mar 23 Fév 2010 - 22:19

Aimez-vous Martin Scorsese ? Sa première période ? Ses films depuis 15 ans ?

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Message par Invité Mar 23 Fév 2010 - 22:39

Salut Le_comte,

Oui, pour moi beaucoup de sympathie pour toute sa "première période". Et bien des choses à sauver, naturellement, de la suite (un ancien texte sur Gangs of NY).. comme pour d'autres, la question se pose pour la critique de savoir comment dire des choses nouvelles à propos de ce cinéaste..

Et toi, aurais-tu vu "Shutter Island" ?

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Message par Largo Mer 24 Fév 2010 - 10:57

J'aime beaucoup aussi sa première periode, un peu moins l'ère Di Caprio, mais quand même.

J'ai commencé à regarder son histoire du cinéma américain. Vous connaissez ? Il a fait la même chose avec le ciné italien. C'est très long, plein d'extraits et évidemment on apprend toujours des choses.
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Message par Invité Mer 24 Fév 2010 - 11:20

Largo a écrit:
J'ai commencé à regarder son histoire du cinéma américain. Vous connaissez ? Il a fait la même chose avec le ciné italien. C'est très long, plein d'extraits et évidemment on apprend toujours des choses.

ouais, à l'époque où j'ai découvert ces histoires ça m'avait permis de découvrir pas mal de choses, mais avec le recul c'est quand même un peu pépère comme construction. Mais bon, c'est grâce à ça que je connais un peu Ida Lupino cinéaste (dont une partie des films est d'ailleurs sorti récemment en DVD mais pas encore regardé). Celui sur le cinéma italien est pire et les commentaires simplistes de Scorsese on déjà fait l'objet de nombreuses critiques.

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Message par Largo Mer 24 Fév 2010 - 11:45

Dac, je sais pas si je m'y risquerai, alors.
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Message par Invité Mer 24 Fév 2010 - 15:13

Alors ça c'est la meilleure, les Spectres crachent sur le tout venant de la production américaine mais défendent Scorsese; pardonnez-moi mais je me demande bien pourquoi, j'aimerais bien comprendre ce qu'il y a à admirer chez cet homme qui serait sans doute un honnête réalisateur s'il n'était pas aussi épris de respectabilité, aussi soucieux de gagner sur tous les tableaux (triompher au box-office, être respecté par la critique et par l'institution, s'inscrire dans l'histoire du cinéma). Marre du quasi-unanimisme autour de ce super-auteur qui n'a plus qu'à agiter le spectre (ah ah ah) de ses obsessions pour se récolter une ribambelle de quatres étoiles au rayon "critiques presse" d'Allociné... Heureusement, quelques voix discordantes : une notule bien vue de Jean Douchet sur "Les Infiltrés", d'excellents papiers sur Critikat... Je me souviens avoir lu quelque part une phrase très juste de Van Stratten qui parle, à propos des derniers films, de clips interminables et boursouflés. C'est exactement cela (à ceci près que je les trouve plutôt divertissants, pas vraiment ennuyeux).
Mais déjà, qu'est-ce que Mean Streets sinon un film juke-box, terriblement confortable, où l'on assiste à de gentilles scènes de violence sur fond permanent de rock ou de musique d'opéra? Scorsese ne sait pas filmer la violence, tant pis pour lui, mais alors qu'il arrête d'en faire le sujet et la matière de ses films. Ca ne vous gêne pas, vous, tous ces règlements de compte dégueulasses filmés avec une extrême jubilation? Dans "Les Inflitrés", PAS UNE scène de violence où la musique n'envahit pas la bande-son. Qu'on s'entende bien, je n'ai rien contre le fait de jouir de spectacles violents, j'aime Peckinpah, j'aime John Woo, mais ici il est question d'individus qui pratiquent et/ou subissent la violence et en souffrent. Or pas un moment on ne ressent chez Scorsese l'effroi de ce que c'est que tuer quelqu'un.
Pour moi, cet exemple des scènes de violence est révélateur d'une grave incapacité à mettre en scène. Comment filmer la violence? Comment filmer telle situation? Dans les derniers films notamment, il n'y a plus de mise en scène digne de ce nom. Plus que la démonstration de savoir-faire d'un gosse de riche, qui à coup de mouvements de caméra incessants et parfaitement inutiles nous montre son beau décor, ses centaines de figurants (réels ou numériques), le tout avec une belle image bien lisse, bien polie, et une bien belle musique d'accompagnement. Douchet l'a dit, Scorsese ne sait pas tenir un sujet, il ne cesse de nous donner des preuves de sa vaine virtuosité, et parsème tout de même ses films de gros symboles bien voyants pour rassurer les spectateurs qui douteraient qu'il y a bien un auteur à la barre.

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Message par glj Mer 24 Fév 2010 - 15:21

voila un debat qui s'annonce interressant...
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Message par Largo Mer 24 Fév 2010 - 15:33

Effectivement, Critikat dégaine et dégomme le statufié Marty :

http://www.critikat.com/Shutter-Island.html
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Message par Invité Mer 24 Fév 2010 - 15:48

Salut M...

Je suis pas sûr que ça soit aussi simple que ton attaque contre le cinéaste ci-dessus, je sens une volonté d'en découdre avec ses premiers films qui n'est pas forcément très franche. Reprocher à Scorsese sa violence (tout en reconnaissant sa fascination pour celle-ci), ce qui n'est quand même pas tout à fait nouveau même si tu l'enrobes dans un sans disant nouveau problème éthique de mise en scène de celle-ci (déjà dans Casino et tout, pas mal de gens sortaient en disant que ça servait à rien de voir Santoro se faire défoncer à coup de battes de baseball, que c'était trop violent), c'est déjà rentrer plus ou moins dans son jeu moral, religieux, il me semble..

Faut-il vraiment prendre au pied de la lettre l'une de ses dernières apparitions dans ses propres films, celle où il joue un grand bourgeois dans "Gangs of NY" ?

On peut voir suite à ses derniers films boursouflés le cinéaste, lui qui a filmé plusieurs fois ce qu'est le mauvais goût des "nouveaux-riches" (dans "Godfellas" en particulier), en bourgeois parvenu d'Hollywood. Je n'ai pas beaucoup de sympathie pour "les infiltrés" (le papier de Douchet dans les Cahiers à propos de ce film et d'autres n'était pas bon) mais comme "Aviators" ou "Gangs of NY" il me semble receler ici ou là des choses "intéressantes".

je sais pas si on va arriver à décoller, sortir du sentier battu des banalités, à propos de Scorsese, je sais vraiment pas.. Wink

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Message par Invité Mer 24 Fév 2010 - 16:40

Pas avec ses premiers films, JM, avec le cinéaste lui-même, et c'est tout à fait franc. Le problème "comment filmer la violence" ne se pose pas seulement avec ses derniers films ni même à partir de "Casino" mais dès les débuts, dès "Mean Streets". Qu'est-ce qu'on voit dans ce film? On voit deux types de violence, celle, pulsionnelle et bordélique, des bandes de jeunes (des voyous, mais pas des vrais gangsters) et celle, froide et calculatrice, de la Mafia. Il y a un très net passage de l'une à l'autre : pendant les trois quarts du film on voit de gentilles bastons sans réelles conséquences, et puis à la fin, un règlement de comptes qui vise à éliminer les fauteurs de troubles. A la fin c'est grave, il y a (peut-être) mort d'homme. A mon sens, on ne peut pas filmer ces deux types de violence de la même façon. Passe encore de saturer de rock la scène du billard, mais mettre de l'opéra sur le règlement de comptes final en annule toute la force et toute la portée.
Je crois en fait que tu me comprends mal. Ce n'est pas la violence que je reproche à Scorsese, mais sa façon de la filmer. Je ne fais pas partie des gens qui pensent que ça ne sert à rien de voir quelqu'un se faire défoncer à coup de batte de base-ball. Je fais partie de ceux qui pensent que ça fait pitié de filmer ce moment-là de manière emphatique, en le saturant de musique, en effectuant une plongée totale qui assimile la victime à un insecte. Je ne suis pas très fan de ce film, mais de ce point de vue là, "Gomorra" me semble bien plus réussi.

Quant à l'embourgeoisement de Scorsese, je ne me fonde pas sur un indice dérisoire (Marty déguisé en bourgeois), mais sur les films eux-mêmes. Scorsese est incapable aujourd'hui de faire un petit film, il lui faut toujours plus : un gros film, bien long, avec un grand sujet, de grosses stars, etc. et peut-être une grosse statuette à clé... Il n'est que voir ce qu'il a fait de la série -plus ou moins- B hongkongaise "Infernal Affairs" (honte à Thirion et Tessé qui ont cru voir de la modestie dans le choix de Scorsese d'adapter ce film!). Matthieu Santelli de Critikat en a écrit la meilleure critique (je recommance également celle de Raphaël Lefèvre sur Aviator), avec des arguments comparables à ceux de Douchet : une vision du monde étriquée, le Bien/le Mal, etc.
Bien sûr il y a des choses intéressantes dans "Les Inflitrés" ou "Aviator", mais d'un point de vue seulement thématique. La mise en scène ne suit pas. Comme l'a très bien dit Bégaudeau (en en tirant une conclusion différente), elle mime ce qu'elle filme. Filmer un avion qui fait des loopings? C'est simple : avec une caméra embarquée sur un avion qui fait lui-même des loopings. Filmer l'énervement et le stress qui gagnent le cerveau de di Caprio? C'est simple : en provoquant l'énervement et le stress du spectateur à coup de montage haché, de gros plans hyper-rapides (voir la scène chez la famille de Cate Blanchett). Et tout, absolument TOUT est comme ça, c'est épuisant et désolant.

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Message par Eyquem Mer 24 Fév 2010 - 17:33

Dis donc, M..., tu serais pas toi-même un infiltré de Critikat, par hasard ?
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Message par Borges Mer 24 Fév 2010 - 18:00

Quelques éléments, qui peuvent aider à penser la violence, le récit, la politique, et la musique, chez scorsese,

Le cinéma us des années 1970 témoigne d’un décalage historique, tenu longtemps en dehors des formes modernes de la narration, il a rejoint avec 40 ans de retard la fragmentation romanesque du récit à la dos passos ; mais cette fragmentation dans les années 30 était tenue par une forte conscience politique de lutte des classes ; l’ univers social était structuré par cette lutte ;

quand le cinéma s’empare de cette fragmentation, on est déjà à la fin des luttes politiques progressistes ; la démystification de la légende usienne a signifié l’opposition globale du théâtre des significations politiques à un monde vrai qui est celui du chaos pur ; nous ne sommes plus dans l’univers structuré politiquement pas des luttes politiques, la lutte des classes ;

ce chaos pur, cette violence pure, on la retrouve dans des tas de films
(délivrance, on ne rencontre que des débiles, et des sadiques, comme dans les chiens de paille, ou encore massacre à la…) ;

dans taxi driver, les errances du chauffeur de taxi, qui embarque le chaos de la ville, s’oppose à la parade politique du sénateur, et à son slogan « we are the people » ;

l’histoire se retrouve ainsi ramenée à une histoire de bruit et de fureur raconté par un idiot ;

« en bonne logique schopenhauerienne, c’est le bruit de fond de partitions musicales très élaborées qui donne unité à la succession chaotiques des images, conférant à ces films leur aspect fascinants de soap-opéra déconstructionnistes. Il n’y a jamais que le balancement entre le primitivisme de la fête et celui du sang. C’est encore – mais avec des exigences esthétiques forts réduites – le principe de gangs of new york qui nous représente, au milieu des calculs marchands et politiciens du XIXème siècle, un peuple qui semble tout droit sorti d’Ivanhoé. La liquidation des hordes religieuses rivales de manieurs de haches par les troupes de l’Etat moderne ne fait que confirmer une certaine suspension du sens. Le «nous sommes tous des enfants d’immigrés » de la déclaration politique y est retourné en un « nous sommes tous des brutes primitives » qui finalement se tient dans une relation de juxtaposition indifférente avec les hymnes officiels à la grande nation multiculturelle de la liberté militante. »



(rancière, tant pis…, 374)

à la place de Ivanhoé, j'aurais plutôt pensé à l'univers de shakespeare; et au macbeth de welles
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Message par glj Mer 24 Fév 2010 - 20:32

C'est tout de même assez bizarre de classer " les infltrés" dans les films embourgeoisés de Scorsese ( peut etre a cause de son big casting) alors que le film est coupé a la hache (facon gang of new york) et cela autant dans son montage image que du coté du son. Le film se veut abrupt, n'a meme pas de générique de debut, que toute mort y est brutale et sans violon. On sent (et cela même si martin n'y arrive pas tout le temps, car il se force un peu trop des fois, veut faire style, mais il ne faut pas non plus érigé cette idée en principe et en théorisation ronronnante de la maniére de filmer du cinéaste) que le cinéaste veut faire un film plein de bruit et de fureur a la means street mais en y ajoutant le savoir faire de plus de 40 ans de carrière.

Il y a des hauts et des bas dans les films des 15 dernières annés du cinéaste mais à bien y regarder de plus prés dans ses premiers films aussi : new york, new york est un film bancal, after hours un film de recyclage somme toute assez plat, la couleur de l'argent une suite banale et plate egalement,la dernière tentation fut assez laborieux, les nerfs a vif un remake pour le coup trés clichetoneux celui-ci, kundum une assez grosse catastrophe.
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Message par Borges Mer 24 Fév 2010 - 22:10

j'aime bien "new york, new york"
beaucoup trouvent que after hours est l'un des meilleurs scorsese



Scorsese has never disappointed me. He has never made an unworthy film. He has made a few films that, he confided, he “needed” to do to get other films made, but those films were well made, and if it is true, for example, that After Hours was done simply to keep him busy and distracted after the heartbreak of the first cancellation of The Last Temptation of Christ, it is also true that After Hours is one of his best films.

(scorsese, Ebert, p 2)


moi, je crois que depuis casino, scorsese, c'est assez nul, bourgeois ou pas...
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Message par Invité Mer 24 Fév 2010 - 23:02

Je continue, à propos de Shutter Island :

Références
«"Titicut follies" de Frédérick Wiseman est la référence-clé du film. Je l’ai montré à toute l’équipe pendant la préparation, et le docteur Gallagher, un des médecins du film, est devenu notre conseiller principal pour "Shutter island". L’autre film important sur la folie, c’est "Shock corridor" de Samuel Fuller. Mais c’est un tel classique que l’on ne peut que l’évoquer comme un mantra, en espérant que notre film sera aussi bon… Par ailleurs, mes souvenirs des années 50 sont ceux d’une époque gouvernée par la paranoïa. Enfant, j’avais peur de mourir dans l’explosion de la bombe atomique. C’était une atmosphère de film noir, comme celles des films que j’ai projetés pendant le tournage».

http://www.petit-bulletin.fr/index2.php?page=agenda/agenda.php&idvillepb=lyon&thema=cinema&idagenda=93847-Shutter%20Island&choix=3

Pour la violence chez Scorsese, on peut dire qu'il y a une certaines frontalité à l'écran qui masque une appréhension réelle de celle-ci en biais, en tant que spectateur. En faisant abstraction de tout un tas de choses, ça fait un peu penser à l'histoire de Kitano je trouve. La scène autobiographique emblématique de ça pour moi, c'est celle de la vue dans la rue prise de la fenêtre (prise de l'intérieur dans un "angle mort"), dans "Who's that knocking", qui entre en résonance avec les récits de sa jeunesse fragile dans sa chambre. Il me semble que Scorsese reproduit cette place originelle du spectateur fasciné par la violence de son entourage dans "Les infiltrés", dans la scène avec le gosse qui livre les cafés à Nicholson (je me souviens pas très bien ça fait longtemps que je l'ai pas revu)..

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Message par Invité Jeu 25 Fév 2010 - 0:08

Bonsoir à tous,

Tout d'abord, d'accord pour dire avec Borges que l'embourgeoisement n'est pas le problème majeur concernant Scorsese : le problème, c'est que ses films ne valent cinématographiquement pas grand chose (ou du moins le "maître" n'est pas la hauteur de sa réputation). D'accord aussi pour dire avec glj que les problèmes qui nous occupent aujourd'hui ne datent pas d'hier. En gros, on peut difficilement dire qu'avant Casino c'est génial et après c'est nul; avant comme après, il y a de bonnes et de mauvaises choses. La différence, à mon sens, et c'est là qu'on peut parler d'embourgeoisement (mais j'utilise sans doute ce terme de manière approximative), c'est qu'aujourd'hui Marty est persuadé d'être un Maître, un super-auteur, et ne peut s'empêcher de gonfler le moindre de ses projets. En bref il est incapable de faire un simple "petit film", contrairement à Coppola par exemple, qui semble avoir mis sa mégalomanie de côté. Et les "Infiltrés" est exemplaire de cette tendance : casting quatre étoiles; reprise d'un petit polar hongkongais carré et efficace pour en faire un grand film à sujet, assez long (2h20) et graissé à l'huile psychologique. Le tout saupoudré d'obsessions lourdement illustrées et soigneusement disposées en surface pour qu'on les remarque bien. Ce que je viens de dire est pratiquement valable pour tous ses derniers films. Pourquoi, par exemple, toujours faire de ses personnages principaux des héros christiques? Quel rapport entre Howard Hugues et le Christ (en l'occurence, Icare serait plus approprié)? A quoi ça sert, sinon à rassurer les critiques en mal de signes auteuristes? D'ailleurs, tout le monde a relevé cette allusion, sans jamais en dire quoi que ce soit d'intéressant. C'est juste le signe rassurant que Scorsese est bien auteur, puisque fidèle à ses obsessions de toujours. A ce compte là, c'est facile d'être un auteur.

glj, je ne vois pas en quoi "Les Infiltrés" déroge à la règle. Il y a déjà l'envie de délivrer un message, de dire quelque chose des Etats-Unis d'aujourd'hui. Ce n'est pas un mal en soi mais j'aime quand le vouloir-dire s'efface un peu ou se fond dans le récit. Prends le dernier plan du film, avec ce rat numérique sur fond de Capitole : pourquoi illustrer platement ce que le dialogue s'était déjà chargé d'énoncer ("this is a nation of rats")?
Par ailleurs, contrairement à ce que tu dis, il y a bien un générique de debut, mais il vient assez tardivement (quand di Caprio est en prison). Surtout, on ne peut pas dire que le film commence in media res, il y a au contraire un très net prologue, avec les images d'archives et la voix off de Nicholson qui en livre le commentaire.
Et puis la mort y est certes brutale, mais comme je l'ai dit toujours accompagnée de musique, à tel point qu'on n'en ressent même plus la brutalité. Ex: la très courte scène où l'on voit Nicholson flinguer d'une balle dans la nuque un type accroupi sur une plage. La situation est choquante en soi, mais la durée des plans, la musique et le dialogue (l'associé de Nicholson lui dit juste après le meurtre un truc du genre "tu sais quoi Francis, t'es vraiment taré", et l'autre rigole) la rendent plutôt fun. Désolé, je n'entends pas les bruits ni ne ressent la fureur là dedans. Et même Mean Streets, certes plus "sincère", plus brut et moins soigné, a plus l'apparence d'un film "de bruit et de fureur" qu'il ne l'est réellement : c'est en ce sens que je parle de film confortable. Ca se discute évidemment.

Sinon, je sors à l'instant de "Shutter Island" qui confirme mes impressions (pas encore lu le texte de JM). Ca se regarde, ça n'ennuie pas vraiment, mais c'est tout de même incroyablement banal. La mise en scène s'est un peu calmée depuis Aviator, mais tout de même, quelle débauche d'effets! On croit rêver en entendant Scorsese évoquer Tourneur comme référence... Ici tout est surligné, comme dans n'importe quel film mainstream. C'est platement illustratif. Exemple : dès les premières minutes, Di Caprio évoque la mort de sa femme auprès de son partenaire. Et hop, tout de suite un flash back qui nous le montre avec sa femme! Ce n'est pas honteux, juste banal, n'importe quel réalisateur sans talent aurait fait la même chose. Par ailleurs, Scorsese utilise les procédés les plus éculés pour faire sourdre l'angoisse et provoquer la surprise. Quelle pauvre utilisation du son il est fait tout au long du film!
Voilà, le cinéma de Scorsese est vraiment un cinéma bourré d'effets, des effets qui en mettent plein la vue et font beaucoup de bruit. Thierry Jousse le notait déjà dans une mémorable critique consacrée aux "Nerfs à vif".

Et non Eyquem, je ne suis pas un infiltré de Critikat, Dieu merci on peut encore dire du bien d'une revue ou d'un site sans en faire partie. A mon sens, c'est simplement le meilleur site de critiques sur le net, notamment grâce à une poignée de rédacteurs, dont les deux précédemment cités. D'ailleurs est-ce que vous les lisez de temps en temps? simple curiosité.

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