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Eau argentée, Syrie autoportrait (Mohammed, Bedirxan)

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Message par Eyquem Jeu 18 Sep 2014 - 16:35

Eau argentée, Syrie autoportrait (Mohammed, Bedirxan) Eau_ar10


C'est encore visible quelques jours ici:

http://www.arte.tv/guide/fr/048385-000/eau-argentee-syrie-autoportrait?autoplay=1

C'est une longue plainte, une déploration, qui laisse le sentiment d'une terrible impuissance. On en prend plein la figure du début à la fin et comme les images sont vraiment très dures, j'ai eu beaucoup de mal à écouter ce que les deux voix off disaient. Il faudrait que je le revoie, mais à première vue, je me sens désarmé pour en dire quoi que ce soit.

Vous l'avez vu?


Dernière édition par Eyquem le Dim 21 Sep 2014 - 15:43, édité 1 fois
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Message par adeline Ven 19 Sep 2014 - 20:25

Hello Eyquem,

je l'avais vu il y a quelques mois et j'ai longtemps voulu écrire dessus ici, mais je n'ai jamais réussi à poster ce que j'avais écrit. Je le poste quand même maintenant, mais ça vaut pas grand-chose.

"À Paris, un réalisateur syrien en exil, Oussama Mohamed, compulse des images de la révolution syrienne trouvées sur youtube pour faire œuvre à défaut de pouvoir rejoindre les rebelles. Il réfléchit sur ces images, le cinéma, la guerre, son exil, filmant parfois Paris. À Homs, une jeune femme kurde a fait pénétrer clandestinement une caméra dans la ville assiégée. Elle est cinéaste et contacte Oussama Mohamed par le Net. Elle filmera pour lui le siège qu’il ne peut filmer et leurs échanges construisent le film.
C’est un film très fort et très dérangeant, mais sa force n'est pas forcément positive. La première partie, constituée principalement des images du conflit trouvées sur Youtube et des réflexions d’Oussama Mohamed, est insoutenable. Les images de rebelles, de l’armée, de victimes, de bourreaux, de cadavres et de tortures se succèdent. Oussama Mohamed confie en voix off sa culpabilité de n’être pas en Syrie avec les révolutionnaires, d’avoir accepté son exil sans avoir le courage de les rejoindre. Il réfléchit sur le cinéma aussi. C’est assez simple voire naïf et ça n’est pas très intéressant. Il ne met pas un instant en question le statut des images qu’il utilise. Il les prend telles quelles et en disant «le cinéma fut». Mais y a-t-il cinéma dès qu’il y a image ? Y a-t-il cinéma dès qu’il y a montage ? Cette question n’est jamais posée. Non plus celle de la distance nécessaire, de ce qui construit une image en œuvre d’art, la question de ce qu’on peut montrer et de ce qu’on ne peut pas montrer. Il prend pour acquis qu’il faut montrer les images les plus insoutenables car cela existe et qu’il ne faut pas tourner les yeux devant cette violence. J’ai tourné les yeux des dizaines de fois. Car il y a un abîme entre le geste de survie, de résistance, de désir de témoigner qui détermine les images des victimes d’une part, le geste ignoble du tortionnaire qui se glorifie en filmant ce qu’il inflige d’autre part, et la position du spectateur de cinéma qui ne peut pas recevoir ces images de la même manière que les images tournées dans un désir de cinéma. C’est bien évidemment la question qui préside à toute réalisation de «found footage». J’ai peut-être tort en la soulevant, pourtant dans le cas de ce film, je pense que la première partie du film n’aurait pas dû être réalisée."

En fait, je suis d'accord avec toi, le film désarme par sa dureté, on ne sait pas quoi en dire. J'en retiens ceci : les images tournées par Wiam sont fortes par leur existence même, des images de ville assiégée qui font penser à celle de "Les vivants et les morts de Sarajevo", de Radovan Tadic. Mais tout ce qu'Oussama Mohamed construit autour laisse pantois tellement c'est à la fois insoutenable et si naïf voire inutile.

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Message par Eyquem Dim 21 Sep 2014 - 15:43

‘jour Adeline,

Merci de relancer. Du coup, j'ai revu le film pour en parler un peu plus précisément.

Le film commence par ce carton : "C’est un film de 1001 images prises par 1001 Syriens et Syriennes. Et moi."
Forcément, on pense aux "1001 nuits", dont le film garde effectivement quelque chose : le récit comme moyen de sauver sa vie. Shéhérazade raconte chaque nuit une histoire, dans l’espoir que le sultan ne lui coupe pas la tête au matin. Ici, c’est Simav qui vient avec ses histoires, et son désir de survivre à cette guerre : "J’ai une histoire. Aimes-tu les histoires avant de dormir ?"
(Dans ses entretiens, Mohammed raconte que la première chose qu’une dictature détruit, ce sont les récits des gens, leurs histoires. Le film se présente alors comme un recueil des 1001 histoires que la dictature d’Assad n’aura pas réussi à faire disparaître. Il s’agit de garder une trace de ce qui devait disparaître sans traces.)

L’autre référence, c’est Resnais. La 1ère phrase du cinéaste, juste après le carton d’ouverture, c’est "Je les ai vues": je suppose qu’il parle des 1001 images prises par les Syriens. Comme dans la suite du film il est fait explicitement référence à "Hiroshima mon amour", j’imagine que cette phrase, "Je les ai vues", fait écho au dialogue du film de Resnais : "Tu n’as rien vu/ J’ai tout vu" - de même que le dialogue entre Mohammed et Bedirxan, entre Paris et Homs, évoque celui qui relie les deux amoureux de Resnais, et Hiroshima à Nevers.


Le principal reproche que je ferai à ce film, c’est qu’il ne permet pas de comprendre grand-chose au conflit syrien. Le film a pour sous-titre "Syrie autoportrait"; il dit d’entrée qu’il a été fait par "1001 Syriens et Syriennes". C’est-à-dire qu’il part du principe que la Syrie, c’est un pays qui existe, que le peuple syrien, c’est une nation qui a une identité claire. Or, du peu que j’ai lu sur cette guerre, j’en ai retenu que justement ces identités ne sont pas claires. Dans le film, ça paraît très simple : d’un côté il y a les tueurs (Assad et ses bourreaux), de l’autre des victimes (le peuple syrien). On n’a pas l’impression que c’est une guerre civile, mais que c’est seulement une opération policière de maintien de l’ordre, que tout le peuple est uni par un seul désir, celui d’obtenir la liberté et la chute du tyran. Je ne veux pas accabler ce film, mais ce genre de vision, c’est un truc à la BHL : des tyrans contre des amoureux de la liberté, des tueurs contre des victimes, etc. Ca ne fait rien voir, rien comprendre.

Par exemple : le film évoque très brièvement l’ascension des Assad, le fait que la famille  a été adulée pendant quarante ans. Explication du cinéaste en voix off : "Pendant 42 ans, les Syriens ont brandi l’image du chef. C’était la vénération de la survie et de l’apaisement. Aujourd’hui ils ont amorcé une marche inverse. Marche contre marche. Champ contre champ." On ne comprend pas pourquoi les Assad étaient considérés comme les garants "de la survie et de l’apaisement", ni pourquoi ils ont cessé de l’être.
A ce moment, le cinéaste fait explicitement référence à la bataille de Marathon : il dit que les Syriens ont marché 42km pour soutenir les révoltés de Deraa : "42km, quel hasard !" dit-il. La bataille de Marathon, pour ceux comme moi qui ne se souviennent pas de ce que c’est, c’est la bataille au cours de laquelle les Grecs ont repoussé les Perses. Elle a été utilisée ensuite, par des camps très différents, comme un symbole de la lutte des "civilisés" contre les "barbares". Est-ce que Mohammed veut suggérer que le conflit syrien, c’est un conflit des "civilisés" contre l'Orient barbare, représenté par Assad et l’Iran qui le soutient ? Encore une comparaison que BHL ne renierait pas. Idem pour celle qui rapproche la guerre en Syrie de la Seconde Guerre mondiale et de la lutte contre le fascisme, comparaison qui est faite deux fois dans le film.
(Je remarque que dans les deux cas, ces comparaisons sont motivées explicitement par le simple rapprochement entre deux chiffres: 42km "comme à Marathon", pour effacer 42 ans de dictature; le cinéaste dit qu'il part de Syrie le 9 mai, "jour de la victoire contre le fascisme". Quels hasards en effet... C'est vraiment bidon comme rapprochements, et une manière de faire de l'Histoire une sous-discipline de l'astrologie et de la cartomancie...)

Autre exemple : Simav est le seul personnage dont le film nous précise un peu l’identité : elle est Syrienne et kurde, elle habite Homs, elle n’est pas voilée. Dans la 2e partie du film, elle évoque le fait que, durant le siège de Homs, elle ne craint pas seulement l’armée d’Assad mais aussi les insurgés, qui la trouvent trop libérée : "Tu imagines que je pourrais être arrêtée par les insurgés ! La Révolution mange-t-elle ses enfants ?" dit-elle. Mais le film passe à autre chose.
C’est-à-dire que tout ce qui est problématique, tout ce qui permettrait de comprendre pourquoi cette révolution a mal tourné, s’est transformée en guerre qui s’éternise et s’internationalise, tout ça est mis de côté au profit d’une vision binaire opposant un peuple uni, amoureux de liberté et de civilisation, à un tyran sanguinaire, "barbare" et "fasciste".

Peut-être que la volonté de Mohammed, c’est justement de faire exister ce pays, ce peuple, au-delà des conflits qui les mettent en pièces. Mais est-ce que des "martyrs", des "victimes" suffisent à constituer un peuple?


Pour un film qui se place d’entrée sous le signe des "Mille et Une Nuits", je trouve qu’il ne raconte pas assez, le procédé préféré du film n’étant pas le récit, le fait de raconter, d’expliquer en remontant aux causes, aux origines, mais plutôt le raccourci poétique, le collage par ressemblance ou opposition.
Il y a bien des récits, des personnages dans le film : le cinéaste, Simav, le petit garçon Omar, le cinéphile Fouad Ballé qui voulait fonder un ciné-club, dont le film évoque l’histoire. Mais c’est très succinct, et ces histoires s’additionnent sans faire vraiment sens, sans composer autre chose qu’un panorama de la souffrance.

Ce qui domine, ce sont des oxymores lourdingues comme celui-ci : "cinéma des tueurs/ cinéma des victimes", qui permet de monter l’un à la suite de l’autre le plan d’une exécution insoutenable au revolver et le visage d’une vieille femme en pleurs.
Ou bien ce sont des métonymies comme celle de "la botte", utilisée plusieurs fois, dans des images où des insurgés dénudés n’ont pour adversaire que la botte d’un tortionnaire sans visage qui les force à embrasser sa chaussure avant de les piétiner sans pitié.

Je ne sais pas ce qu’on peut faire de ces "images" ("image" au double sens d’image vidéo et de figure de style). Pour le cinéaste, c’est le moyen de donner du sens à ce qui n’en a pas, de se représenter une guerre dont les horreurs continues rendent la vie et la pensée impossibles. "Oui, les mots ont du sens. Ils sont l’image, l’âme laissant sa buée sur une vitre. Ecris, écris, écris", comme il dit à Simav. C'est joliment dit, mais je ne trouve pas que les figures inventées par le film fassent voir et comprendre quoi que ce soit.

Ceci dit, le réseau d’images inventé par le film n’est pas que lourdingue ou réducteur. J’aime bien par exemple ce qu’il fait de la métaphore du titre, "eau argentée", filée du début à la fin du film. "Eau argentée", c’est la traduction du prénom kurde de Simav. Le cinéaste, exilé à Paris, ne filme rien de la ville, à part la pluie, les gouttes de pluie qui glissent sur des vitres ou qui brillent sur la chaussée. C’est un moyen de penser à Simav, de se rapprocher d’elle. C’est aussi une manière de figurer son travail de cinéaste : quand il filme de très près les gouttes de pluie, on voit à l’intérieur des gouttes d’eau une très petite image inversée de la ville, comme dans une chambre obscure. Tout ce que le film fait avec le thème de l’eau, associé à la naissance (le 1er plan du film, avec le bébé qu’on lave dans une cuvette), à l’amitié qui lie le cinéaste et Simav, au cinéma en train de se faire (avec cette métaphore des gouttes de pluie enfermant une image qu’il s’agirait de tirer des choses mêmes), tout ça est assez beau, et de mon point de vue, c’est ce que le film réussit de mieux.
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Message par Invité Ven 26 Déc 2014 - 20:05

Je vous trouve arbitrairement sévères et exagérément esthétisants envers ce film que j'ai trouvé digne et remarquable. Le film étant confronté à des situations comparables à celle du ghetto de Varsovie, le rapprochement avec le fascisme est fondé sur bien autre chose que ce que vous appelez de la cartomancie et du fétichisme symbolique sur les dates.
En quoi le moment où le réalisateur confesse l'impression de lâcheté qu'il retire du fait de filmer depuis Paris serait de la "naïveté"? Lorsque le réalisateur dit de la co-réalisatrice qu'il avaiy besoin d’espérer qu'elle sorte de Homs, de lui conseiller de le faire, même si politiquement cela ne signifiait rien et qu'elle le vivrait comme une défaite, mais simplement qu'elle survive atténuerait sa culpabilité, est-ce de la naïveté?
Je comprends que la réalisateur traite la ville de froide et que la réalisatrice estime que la beauté de Paris représente un danger aussi grand que la situation de Homs, si les Français (dont je suis) sont capables d'émettre des jugements aussi secs et lapidaires.
Par ailleurs le film essaye d'embrasser la complexité du conflit syrien, il présente très nettement et de manière très articulée trois passages: la contestation populaire d'el-Assad avec un espoir de révolution du même ordre qu'en Tunisie, le siège de Homs (d'après le Wikipédia francophone, le tiers des morts survenus en Syrie au cours des 4 années passées, estimé à 200  000 morts, est lié au siège de Homs) , puis l'effondrement de la résistance à la fin du siège quand elle est remplacée par des milices islamistes (qui remplace la logique de combat par une logique policière).
Le texte très écrit n'est aucunement "lourdingue", le lyrisme littéraire est une réponse à l'impasse morale et politique, et le regard des deux réalisateurs sur le contexte politique et historique de la guerre s'appuie sur cette élaboration littéraire pour rester analytique et rationnel.
J'ai également trouvé intéressant le fait que le film se situe dans une filiation godardienne (surtout vis-à-vis du Godard de "Notre Musique" et d' "Histoire(s) du Cinéma"), mais sans reprendre les scories idéologiques de Godard.  Il ne s'agit pas de comparer les cultures entre elles en utilisant l'image comme terme commun, mais de parler de l'agonie d'une civilisation au moyen d'images, même si cela implique le risque de manipuler des images insoutenables, de témoigner d'un idéal cosmopolite en creux, en ne disposant paradoxalement que des traces d'une violence incommensurable à toute culture. La richesse théorique de Godard est retournée et déplacée pour devenir le support d'une captation d'un témoignage dans l'urgence -une urgence depuis trois ans déjà-. La théorisation du rapport de YouTube au cinéma est aussi très intéressante (l'objet de YouTube est d'un certain côté une idée générale de la nation ou de l'idéologie, le cinéma est une grille appliquée dessus, qui articule de l'extérieur le champ-contre champ, il survit comme une sorte de taxonomie -de codage ou de pré-codage - politique et esthétique -c'est très bien vu) mais c'est presque un point marginal compte tenu de la situation dramatique du film (significativement Ossama Mohammed doit abandonner cette approche quand il est contacté par Berdixan, il se rabat sur des images du quotidien matériel, poétique mais impersonnel et inquiétant de Paris).
L'adolescent, "le premier martyr", n'est pas nommé par Ossama Mohammed, tandis que Wiam Simav Bedirxan restée à Homs prend soin de nommer tous ceux qu'elle voit disparaître, jusqu'à essayer de donner un nom aux animaux agonisants devant elle. Le dispositif du film où leurs deux voix se complètent est légitime.


Dernière édition par Tony le Mort le Dim 28 Déc 2014 - 14:10, édité 1 fois

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Message par Invité Dim 28 Déc 2014 - 13:59

Eyquem a écrit:
Autre exemple : Simav est le seul personnage dont le film nous précise un peu l’identité : elle est Syrienne et kurde, elle habite Homs, elle n’est pas voilée. Dans la 2e partie du film, elle évoque le fait que, durant le siège de Homs, elle ne craint pas seulement l’armée d’Assad mais aussi les insurgés, qui la trouvent trop libérée : "Tu imagines que je pourrais être arrêtée par les insurgés ! La Révolution mange-t-elle ses enfants ?" dit-elle. Mais le film passe à autre chose.
C’est-à-dire que tout ce qui est problématique, tout ce qui permettrait de comprendre pourquoi cette révolution a mal tourné, s’est transformée en guerre qui s’éternise et s’internationalise, tout ça est mis de côté au profit d’une vision binaire opposant un peuple uni, amoureux de liberté et de civilisation, à un tyran sanguinaire, "barbare" et "fasciste".

Justement le film ne "passe pas autre chose à autre chose" au moment où il énonce cette peur, mais au  contraire répète, reprend et re-montre : il montre une image qui était déjà montrée dans la première partie: l'arrestation filmée de loin de femmes habillées en noir, cagoulées, visiblement assez âgées, par des miliciens eux-mêmes cagoulés en noir: c'est d'ailleurs la seule image commune à la partie de Mohammed et celle de Bedirxan, d'abord montrée comme une partie diluée dans un pandémonium de l'horreur, ensuite illustrant "individuellement" la perte de confiance de Bedirxan envers une partie des résistants (qui au delà du problème du voile l'ont aussi contrainte à fermer une école improvisée).


Dernière édition par Tony le Mort le Lun 29 Déc 2014 - 13:53, édité 1 fois

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Message par Invité Lun 29 Déc 2014 - 13:35

Excusez-moi d'insister, mais il faut quand-même une sacrée mauvaise foi et une obsession pour voir l'ombre de BHL dans Eau Argentée. De manière significative, le film ne contient aucun  appel à un interventionnisme humanitaire, militaire et diplomatique tel qu'on a pu le connaître en Lybie et dans un autre contexte en Bosnie ou au Kosovo, ou même à une logique d'intervention proche des brigades internationales de la guerre d'Espagne. Le problème du film est ailleurs. Il s'agît d'ailleurs de quelque chose d'étonnant. En revanche Paris est montrée, je crois, à travers des allusions à la précarité de l'asile, et à l'inquiétude de voir ce régime menacé politiquement. Ossama Mohammed est acceuilli par des gens, qui finalement eux non plus ne montrent pas leur visage: Paris comme Homs sont montrées à travers leurs infrastructures, leur voies de communication, leurs tunnels (dans les deux cas métaphoisés comme des endroits sûrs). Il faut le détour par Cannes et ses pompes et la médiatisation la rencontre avec Bedirxan pour que des visages apparaissent, qui d'ailleurs sont dans une logique de captation montanée. Il y a une défense du cosmopolitisme, mais adressée à des gens invisibles, qui se cachent derrière leurs infrastructures fonctionnelles (au nombre desquelles il faut compter l'asile), tout autant que des combattants.
Il n'y a aucune naïveté politique dans ce film, au contraire.

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Message par Invité Lun 29 Déc 2014 - 15:56

J'ai l'impression que vos réticences s'expliquent en partie par le fait que le film s'inscrit dans la filiation d'un cinéma que vous connaissez et appréciez, celui de Chris Marker, mais en étant aussi obligé de s'en éloigner, parce qu'il ne filme pas le passé (Okinawa, le procès Salan ou les purges stalinienne) mais un présent dans un monde changé.

Le film est très conscient du style qu'il déploie à l'intérieur d'un contexte contemporain dramatique. A un moment le film m'a agacé : quand Bedirxan est blessée, et dit "je me filme saigner!",. Sur la table d'opération, elle demande ensuite au médecin de filmer son visage, que l'on voit pour la première fois. Le sang est mis sur le même plan qu'un effet de signature dans la guerre. Mais le film est suffisamment honnête pour ne pas s'arrêter à cela, pour ne pas réduire ce qu'il montre à cela, et on a l'impression d'une certaine ironie dans le fait de pointer ensuite que la blessure est sans doute accidentelle et bénigne comparée à d'autres blessures survenues au même endroit et au même moment.
Peu après, dans la partie parisienne, Mohammed filme le parapet d'un pont sur la pluie, comme en vol plané, avant que le travelling s'arrête sur une tâche de peinture rouge: la surface bloque symboliquement la caméra: la métaphore symbolique est inhibée là où le documentaire continue.
Mais je me suis dit: si Chris Marker avait eu à filmer directement les purges staliniennes ou la guerre d'Algérie, il aurait été confronté aux mêmes problèmes, on ne peut pas reprocher aux réalisteurs de prendre le risque de ne pas attendre le recul qui permet de savoir quel symbole, quel discours, quel signe résume le mieux et avec le moins d'ambiguïté la guerre ou la répression d'une révolution.
Le ton du film m'a paru très prche de Level 5 ou du Tombeau d'Alexandre. Mais il y a une différence: chez Marker, il y a à la fois un positivisme sociologique (dans le "Joli Mai" l'horizon politique révolutionnaire correspond au consensus réel à laquelle parviendra tôt ou tard la société, du fait de ses structures: la logique historique et le progrés technologique sont un seul et même phénomène, Marker pense les devancer et les présenter sous une forme pédagogique) et un intérêt pour le simulacre et le virtuel (dans le "Tombeau d'Alexandre", le simulacre n'a pas une signification complètement négative: c'est le refuge de l'idéal révolutionnaire face aux purges).
Mais ici c'est l'inverse:
-il n'y a plus de simulacre sur YouTube: au contraire les images de massacres et de tortures sont véridiques (elles intimident) tout en ayant la consistance d'un trucage (impossible d'identifier avec certitude l'individu qui oppresse)
-l'image ne correspond plus comme chez Marker à une structure technologique, mais à la conscience de soi: "Pendant quelques semaines, le peuple syrien a réussi à s'aimer et à choisir les images de lui qui lui correspondaient". C'est plutôt l'idée de Godard et de Malraux: la qualité et l'autonomie esthétique d'une image exprime la vérité morale et la maturité d'une civilisation, confrontée à un canon implicite (c'est l'inverse de l'iconologie, qui sépare le jugement esthétique et l'analyse des phénomènes d'emprunts et de circulations entre les images, et qui pour cela met souvent mieux à jour les déterminisme politiques et économiques réels propres non pas à une culture mais à un artiste). Mais Mohammed est moins prescripteur que Godard: il s'agît de réhabiliter le période initiale d'une révolution défaite, mais qui s'il avait été plus soutenue aurait pu réussir. Pas de situer un horizon historique mondial.
-le passage au siège de Homs correspond au moment où le peuple syrien cesse de pouvoir se représenter et se filmer lui-même. On interdit au peuple les moyens de représenter sa conscience. Vous semblez reprocher au film de ne pas savoir comment la guerre va finir, mais pour Mohammed c'est l'indétermination intiale de la révolution qui était sa force et une chance qu'il aurait fallu prolonger et défendre le plus longtemps possible, c'est la répression qui est déterminée (l'image du soldat effrayé par un obus; puis sifflotant en mimant le visage joufflu écolier: "soit il vit sa mort, soit il la chante", opposée à l'absence de représentation du peuple dans le siège, Homs qui ne contient plus en guise de mémoire que des disques de Piaf: du signifiant déjà donné et connu)

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Message par adeline Lun 29 Déc 2014 - 20:08

Il est vrai que tu insistes TLM. Tu es tout excusé, mais je ne suis vraiment pas du tout d'accord avec toi.

Comparer Ossama Mohammed à Chris Marker ou dire "qu'il se situe dans une filiation godardienne, mais sans reprendre les scories idéologiques de Godard", c'est une honte, c'est n'avoir pas vu le film, c'est n'avoir jamais compris ni senti les films de Godard et les films de Marker…
D'autres n'ont pas ta mansuétude, à raison : http://www.debordements.fr/spip.php?article320
Ils n'ont vraiment pas du tout aimé, à Débordements.

Juste pour dissiper un malentendu : tu n'as pas regardé la version qu'Eyquem et moi avons vue. Le film a été montré à Cannes dans la version coproduite par Arte. Après le succès et l'achat par un vendeur international, une possibilité de distribution salle a été entrevue. Mais Arte n'a donné son accord qu'à condition que la version salle soit un autre montage que celle montrée sur la chaîne et sur le site internet, différente donc de la version cannoise. Tout le monde avait aussi senti aux réactions du public les ignobles faiblesses du film. La première partie (voix off de Mohammed, vidéos issues de youtube, images de Paris) a été diminuée et la partie à Homs rallongée. Une conclusion a été ajoutée (tu confirmeras : je n'ai pas vu cette version), la venue à Cannes de Wiam Simav Bedirxan. Il n'est donc pas possible de discuter ainsi que tu le fais sur le montage précis en opposition à Eyquem : vous n'avez pas vu le même film.

Cette phrase : "l'objet de YouTube est d'un certain côté une idée générale de la nation ou de l'idéologie, le cinéma est une grille appliquée dessus, qui articule de l'extérieur le champ-contre champ, il survit comme une sorte de taxonomie -de codage ou de pré-codage - politique et esthétique -c'est très bien vu", je ne comprends pas ce qu'elle veut dire. Et cette idée que le cinéma serait une taxonomie des différentes images de youtube est à l'opposé de ce que fait Ossama Mohammed, puisqu'il égalise les images, celles des bourreaux comme celles des victimes, ne donnant pas, et c'est bien impossible, l'histoire de leur arrivée sur youtube, les conditions de leur captation, les raisons de leur existence. Sans ces histoires les images de youtube s'équivalent toutes, aucune taxonomie n'est possible car on ne sait rien d'elles. Le contre-champ est arbitrairement donné à un champ, le politique est impossible car aucune image n'est politique en soi, etc. Le film, dans son traitement des images de youtube, reste dans un vaste flou généralisant et égalisant, pensant tout déduire de cette seule phrase "Et le cinéma fut". Il fait l'inverse de ce que tu dis, et c'est malheureux.

Aussi, pourrais-tu faire un effort de lecture et de différenciation ? Eyquem a écrit sur le film des choses que je n'ai pas reprises à mon compte et tu confonds tout dans un "vous" qui n'existe pas. C'est agaçant et désobligeant. Même s'il se trouve que je suis d'accord avec ce qu'Eyquem écrit.

Et autre chose : on peut aussi ne pas aimer un film car il n'est pas aimable, ou mauvais, ou ignoble, ou laid, ou politiquement nul. Pas forcément la peine de faire d'Eyquem et moi des "déçus" de n'avoir pas retrouvé Chris Marker chez Ossama Mohammed qui n'a de metteur en scène que le nom et qui n'a fait de film que grâce à la force des images de Wiam Simav Bedirxan. On peut être juste critique. C'est ton droit d'aimer le film, hein, mais ne va pas lui trouver des maîtres qu'il ne mérite pas.

adeline

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Message par Invité Lun 29 Déc 2014 - 20:18

"Ossama Mohammed, Syrien exilé, se languit en cette France depuis laquelle il assiste impuissant à l’hécatombe orchestrée par Bachar Al-Assad. Il ne peut filmer que sa propre absence à l’événement, la désespérance entretenue par la lointaine monotonie des massacres. Dans le film, cet être-pas-là sera rendu par des plans sur les vitres du métro parisien où se réverbère la mort, les images du lointain défilant sur un écran d’ordinateur reflété sur le plexiglas. Structure spéculaire qui pourrait s’entendre comme figuration d’une médiation, aveu visuel du fait que l’accès au désastre passe par une séparation préalable fournissant le moyen d’une réflexion – c’est la fonction d’une vitre, réfléchir en séparant. Mais la structure spéculaire est aussi le propre du narcissisme, et alors ce geste se chargerait d’un autre aveu, involontaire cette fois, celui d’une posture mettant au centre du film, non ces carnages désolants, mais la désolation toute empruntée dont se drape un cinéaste à l’ego fortifié, si bien qu’elle finit par voiler l’objet premier, vite enseveli sous le lamentable spectacle de l’apitoiement qu’il suscite."

Je suis désolé, c'est truffé de sous-entendu et de marabout-bouts de ficelles ignobles (exil->éloignement->passivité->écran->vitre->miroir->stade narcissiques que la critique a diagnostiqué chez le cinéaste). On ne doit pas rapprocher le film de Marker, le critique ne semble pas gêné de se prendre pour Lacan. Le carnage désolant est a plusieurs niveaux. Je n'ai pas envie de lire l'article en entier, je sais ce que je vais y trouver. C'est inquisitorial et délirant (jusqu'au comique involontaire).

C'est quoi un "aveu visuel"? A quel âge un sujet normal effectue-t-il son "accès au désastre"?

Il ne s'agît même pas ce crtiquer le film, mais de faire en sorte qu'il ne soit pas vu.


Dernière édition par Tony le Mort le Lun 29 Déc 2014 - 20:33, édité 1 fois

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Message par adeline Lun 29 Déc 2014 - 20:31

Carnage désolant toi-même, tu es le premier à écrire avec des sous-entendus.

Non, on ne peut pas rapprocher le film de Marker, car Marker est un cinéaste qui pense alors qu'Ossama Mohammed n'en est pas pas un. C'est tout.

Ce que Débordements décrit du film est bien dans le film : les atermoiements du réalisateur sur son incapacité à être en Syrie, sur sa condition d'exilé coupable n'ont en effet rien à y faire et gâchent ce qui aurait pu être fort. Gabriel Bortzmeyer va trop loin, c'est sûr, et je n'aime pas le ton de sa critique, le fait qu'il la personnalise alors qu'il vaudrait mieux ne pas trop parler de cette idiote posture du cinéaste, mais il n'a pas tort. Ce qu'il dit est bien dans le film : le personnage de l'exilé laisse un arrière-goût dégueulasse qui corrompt le reste.

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Message par Invité Lun 29 Déc 2014 - 20:35

On va finir par rejoindre l'extrême droite: ne daigner s'investir que dans les guerres qui ne produisent pas d'exilés. Ce sont les meilleures mais iIl n'y en a pas eu beaucoup.

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Message par adeline Lun 29 Déc 2014 - 20:40

Ben non, justement, la question est : comment réaliser un film sur le courage d'une jeune femme qui jamais n'a désiré s'exiler, sans lui voler la vedette. C'est exactement l'inverse : l'extrême-droite, c'est ne pas mettre le combat, la lutte, la vie et la survie en valeur, mais les victimes et les morts et se lamenter de n'avoir pas de courage. Se lamenter de n'avoir pas de courage ne sert à rien ni personne. Qui pourrait reprocher à Ossama Mohammed, l'homme, de n'avoir pas rejoint la Syrie ? Qui pourrait s'arroger ce droit ? Par contre, Ossama Mohammed le cinéaste aurait dû sentir que l'éthique lui interdisait de mettre sa souffrance de lâche en regard de la souffrance des Syriens sous les bombes. Mais cette différence est trop fine pour toi. Tu penses que la vie et le cinéma sont une seule et même chose. Tu ne sais pas qu'il y a le réel et sa représentation, et qu'Ossama Mohammed construit un film qu'on peut critiquer.

Autre chose : nous discutons, toi et moi. Je m'adresse à toi, tu pourrais avoir la décence de faire de même, et arrêter de tourner tes phrases avec des "on" impersonnels qui englobent tout le monde et personne. Je ne parle qu'en mon nom, et tu fais de même. J'ai l'impression de m'adresser à une machine qui ne sait pas reconnaître qu'elle s'adresse à une personne précise.

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Message par Invité Lun 29 Déc 2014 - 20:53

Sans t'en apercevoir tu indiques  quand-même que la seule position soutenable de l'exilé c'est de fermer sa gueule, surtout ne rien créer.

De plus le reproche est injuste, étant donné que la moitié en off du film (que j'ai vu) est quand-même centrée sur les images des manifestations de 2011, le réalisteur parlant en fait peu de lui-même et commentant les images.
Et pour moi: oui la condition d'exilé et de réfugié a quand-même un rapport avec une expérience authentique du cosmopolitisme plus que jamais menacée sinon mal perçue (et malheureuement pas uniquement par la droite). L'assimiler à une lâcheté et une fuite, sous couvers de ne pas trahir à l'irréductibilité historique des situations à une représentation historique, est bas.

Après oui il ya des choses à interroger dans le film: le rapport entre la période où le texte a été écrit par rapport et  la chronologie "réelle" des 3 ans de la guerre (le texte suit en apparece le développment dans la guerre et se donne comme un faux journal intime à deux voix), mais pas de cette manière.


Dernière édition par Tony le Mort le Lun 29 Déc 2014 - 21:03, édité 1 fois

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Message par adeline Lun 29 Déc 2014 - 21:02

Mais non, je ne dis pas que la condition d'exilé et de réfugié est une lâcheté, c'est ce que le cinéaste dit lui-même dans la version du film que j'ai vue. Il se demande pourquoi il ne retourne pas à Damas, il s'interroge sur son exil. C'est de cette position dans le film que je parle. Sinon, je pense qu'Ossama Mohammed est quelqu'un qui a l'air très bien, sans problème. Un homme bon et bien. Mais ce qu'il crée n'est pas bon, ni digne, ni juste. Je dis qu'il aurait dû créer une œuvre forte, battante, à l'image de Wiam et non à la sienne, depuis sa position d'exilé. C'est différent.

Je préfère quand tu t'adresses à moi, c'est plus sympa Wink

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Message par Invité Lun 29 Déc 2014 - 21:08

Justement dire "je ne prends que la partie Bedirxan, le reste c'est de la fatuité d'auteur qui expose sa mauvaise conscience" est un geste de séparation esthétique opéré par le critique, et pas par le cinéaste (auquel il est ensuite reproché de tomber dans l'esthétisme). Les deux sont liés: l'identité kurde de Bedirxan fait question pour Mohammed, tandis qu'elle n'en parle pas, en dehors de l'explication des noms de sa famille (qui sont aussi le titre du film, même si le film évite de présenter cela comme une clé).

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Message par Invité Lun 29 Déc 2014 - 21:22

La critique de Débordements est horrible: elle consiste uniquement à dire que la mort à Homs est conforme au désir profond du cinéaste, et que les faiblesses du film en découlent directement. Personne ne peut se défendre d'une telle accusation. D'où vient cette haine?
C'est aussi ridicule de résumer-emballer le tout en disant que le film est kouchnérien.

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Message par adeline Lun 29 Déc 2014 - 22:34

Tony le Mort a écrit:Justement dire "je ne prends que la partie Bedirxan, le reste c'est de la fatuité d'auteur qui expose sa mauvaise conscience" est un geste de séparation esthétique opéré par le critique, et pas par le cinéaste (auquel il est ensuite reproché de tomber dans l'esthétisme). Les deux sont liés: l'identité kurde de Bedirxan fait question pour Mohammed, tandis qu'elle n'en parle pas, en dehors de l'explication des noms de sa famille (qui sont aussi le titre du film, même si le film évite de présenter cela comme une clé).

Ok, un critique ne peut pas demander à un réalisateur de faire un autre film. Soit. Mais il peut bien dire que c'est mauvais et éthiquement critiquable.
Et je ne vois pas en quoi l'identité kurde de la jeune femme qui "ferait question" pour le réalisateur, pourrait justifier sa position dans le film.

Tu conviendras quand même que la voix off n'est ni bien écrite, ni intelligente, ni pertinente.

Mais ce que pointe Débordements est quand même juste également : il y a une forte morbidité dans le film et particulièrement dans la démarche de Mohammed. Les images qu'il récolte sont insoutenables mais ils n'en donne jamais les clés, par exemple.

Je ne veux pas défendre la critique de Débordements plus que ça, comme je l'ai dit, je suis en désaccord sur la personnalisation et le ton. Mais ne pas voir que ce qu'elle pointe sont des faiblesses que le film contient, c'est ne pas voir le film pour ce qu'il est mais uniquement pour ce qu'il pense être ou croit dire. C'est voir un autre film. C'est peut-être mieux, ceci dit…

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Message par Invité Mar 30 Déc 2014 - 14:48

Mais on peut pas reprocher au réalisateur de ne pas avoir les clés de la guerre civile syrienne. Qui les possède?
Excuse-moi mais c'est un peu comme reprocher à Anne Frank de ne pas avoir pris la peine d'expliquer dans son journal comment fonctionne un moteur d'avion bombardier.

Tu prends l'Espoir de Malraux: il prétend livrer une des clés du conflit (l'aviateur républicain qui compare et oppose les morts énucléés à des statues de la pré-renaissance: son engagement est une fidélité à une idée immémoriale de la représentation humaine) mais il ne dit pas un mot sur la répression des anarchistes et trotskystes mai 1937 à Barcelone. Tout ne s'explique pas par la représentation des raisons d'agir.

Je me souviens j'avais eu une opposition avec Eluent il y a deux ans à propos de the Act of Killings de Joshua Oppenheimer. Il ne disait pas des conneries, et j'avais un ton de procureur comme le critique de Débordements.
Mais c'était fondé  je crois. Le film prétendait justement donner des "clés" (le lien entre la corruption clientéliste de l'Indonésie , le plaisir de la représentation et la psychologie éternelle du sadique), mais à côté de cette explication complète le film était complètement décontextualisé (le film recréait des psychodrames comme des modèles-types de situation concentrationnaire: on pouvait cerner la psychologue du bourreau sans comprendre que le film parlait de l'Indonésie: c'était juste un génocide "lointain" expliqué avec des psychologies familières). Eluent présentait cela comme un dépassement de la forme de films axés sur le témoignage, et c'était je crois bien comprendre l'ambition du réalisateur, mais en s'identifiant à elle.
Je trouve légtime que la distance entre lui et la Syrie, la différencnce entre lui et Bedirxan soient des problèmes pour Mohammed, et qu'il l'assume sans le résoudre. Quelle résolution pourrait être statisfaisante? A la fin l'injonction de trouver les images à la hauteur de la violence de la situation (sous peine de se voir accuser de complicité avec le régime en ne montrant que des images banales) ne conduit qu'à une défense de la rareté esthétique comme preuve de sincérité politique. Mais c'est un faux problème. C'est nous qui l'introduisons après avoir vu le film. C'est peut-être une manière de rationnaliser une situation qui nous échappe, mais où notre responsabilité est engagée: c'est quand-même bien la France qui avait invité Assad et Kadhafi en 2008 pour en faire des piliers de la stabilité de la Méditerrannée - c'est peut-être cela la seule image manquante du film. Après cela écrire une critique au ton gauchiste de choc qui explique que Kouchner préparait le vicimisme d'Eau Argentée  est largement à côté de la plaque si pas falsificateur. C'est attaquer la faiblesse de la représentation pour masquer sa honte historique.

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Message par adeline Mar 30 Déc 2014 - 15:42

Tony le Mort a écrit:Mais on peut pas reprocher au réalisateur de ne pas avoir les clés de la guerre civile syrienne. Qui les possède?
Excuse-moi mais c'est un peu comme reprocher à Anne Frank de ne pas avoir pris la peine d'expliquer dans son journal comment fonctionne un moteur d'avion bombardier.
Là tu es de mauvaise foi. Le réalisateur veut penser le conflit, on peut donc critiquer la manière dont il le pense. Anne Franck n'avait pas cette ambition. Pénible, cette manière de faire des comparaisons inutiles.

Je n'ai pas lu L'Espoir, ne compte pas le lire, et pars du principe que tu as sans doute raison, ou sans doute tort, peu importe, je ne sais que faire de cette comparaison incompréhensible. Je laisse ensuite à Eyquem le soin de te répondre sur la question politique, qu'il a, lui, soulevée. Mais je doute qu'il en ait l'envie…

Je parlais quant à moi des clés des images de youtube, ce qui n'est pas la même chose que les clés du conflit. Je dis que prendre ces images sur Internet et nous les soumettre à nous, spectateurs, avec une voix off en-dessous de tout ne présente aucun intérêt puisqu'il ne nous donne pas les clés de ces images (ce qui est, en fait, presque impossible). Bien sûr la question se pose d'elle-même : que faire de ces images ? D'une : ce n'est pas parce que quelque chose existe qu'il est a priori nécessaire ou juste d'y avoir accès. De deux : reproduire des actes de torture filmés, est-ce la meilleure manière de les dénoncer ? De trois : mélanger des images aux statuts différents sans penser ces statuts est une grave erreur. De quatre : pour moi, ça s'apparente à me forcer à regarder un snuff movie. On est loin du cinéma.

C'est bien de finalement donner raison à Eluent. Merci pour lui. Aucune envie quant à moi de parler maintenant de The Act of Killing (film de merde).

Tony le Mort a écrit:A la fin l'injonction de trouver les images à la hauteur de la violence de la situation (sous peine de se voir accuser de complicité avec le régime en ne montrant que des images banales) ne conduit qu'à une défense de la rareté esthétique comme preuve de sincérité politique.
Je ne comprends pas cette phrase : d'où vient cette injonction ? Je ne comprends, mais je vais y répondre avec mes moyens : j'ai l'impression que c'est bien Ossama Mohammed qui répond à cette injonction, voulant montrer des images brutes aussi violentes que ce que la guerre provoque comme violence. Est-ce que cela conduit à "une défense de la rareté esthétique comme preuve de sincérité politique" ? Aucune idée. Les images qu'il prend sur youtube n'ont aucune dimension esthétique, leur abondance ou leur rareté n'a donc rien à voir avec un geste esthétique. Pourquoi cette idée de sincérité surgit-elle soudain ? Le réalisateur est sans doute sincère, aucun problème avec ça. Mais on peut être con et sincère, ou de droite et sincère, on peut défendre la torture et être sincère, là n'est pas la question.
Pour le reste, je ne me sens pas responsable de la situation, quand bien même "la France" aurait invité Assad en 2008. Pourquoi est-ce la seule image manquante du film ? Je ne vois pas ce que ça vient faire là-dedans, je dois dire…
Je ne sais pas où tu vas chercher des formules telles que "honte historique", mais je ne pense pas que ça soit très intéressant, dans une telle discussion, de partir du principe que la critique esthétique serait un prétexte à masquer quelque chose. Là, c'est toi qui interprètes et fais des sous-entendus, ce que tu fais d'ailleurs constamment. Ça n'avance à rien.

Résultat des courses, on ne parle plus du tout du film.

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Message par Invité Ven 10 Juil 2015 - 23:59

Il y a un numéro récent des Cahiers du Cinéma où Rancière trouve ce film insatisfaisant,  les images de tortures mériteraient un "autre traitement", il réduit presque le film à une romance épistolaire. Ce film a a été mal vu, j'ai l'impression qu'on lui reproche surtout d'avoir eu un public, de surcroît un public auquel nous appartenons.
C'est un peu le même malentendu que ce que dit Adeline en parlant de "Found footage", alors que si la technique du montage est peut-être partiellement analogue au found footage, les vidéos de YouTube sont justement le contraire d'un found footage, elles sont diffusées sur un médias qui permet l'exposition maximale et rapide ainsi que la centralisation des images, qui deviennent des ressources (le film dans le film de Berdixsan est au contraire l'opposé, il est récupéré par Mohammad, mais en même temps, la signature d'auteur, l'idée de le filmer comme une chronique intimequi mèle temps réel et mémoire du passé immédiat en restreint la visibilité ). Pour moi il a un régime d'image relativement homogène, alors qu'on lui reproche une sorte de dualité, mais par contre il ya une dualité dans la situation physique et historique du  réalisateu quir témoigne à la fois de la guerre en Syrie (où il n'est plus) et de sa condition d'artiste exilé à Paris (où le film -son film certes- est sa seule activité). Il y a là deux sources d'insatisifaction pour nous: nous sommes impuissants face à la guerre en Syrie qui nous plonge dans la paranaoïa, Mohammad ne nous montre qu'une logique de deuil d'une révolution vite anéantie (trop vite réprimée pour qu'on puisse lui reprocher son irréalisme) et de récupération consciente des images de cette révolutions. Mais que peut-il faire d'autre? D'un aurtre côté, on constate qu'en Europe, la mobilisation pour les réfugiés et la défense du droit d'asile comme de la légitimité morale et historique de l'immigration clandestine cessent d'être portées par la "gauche" (en même temps qu'elle sont confondues dans  l'idée que les frontières protègent). Je pense que cette mauvaise conscience joue beaucoup plus dans la virulence des propos exprimé contre ce film que les faiblesses du film lui-même. On voit que pour mieux détester le film, on n'hésite pas à dissocier "la France" de Sarkozy (ce qui revient à lui donner un blanc-seing) lorsqu'il proposait de centrer une union politique sur Assad.
La faiblesse du film est sans doute plutôt à chercher dans la croyance que Mohammad maintient malgré tout envers la force politique des images, l'efficacité d'un type de montage et de mise en scène de la voix, héritée de Marker, qui est justement probablement commune à ceux qui ont attaqué le film avec le plus d'agressivité (on découvre douloureusement et séparément que la mémoire suppose la capacité politique, mais ne la compense pas lorsqu'elle est absente, mais on préfère mordre à la manière d'un pit-bull aveugle que de l'avouer).

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