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La vie d'Adèle

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Message par balthazar claes Mer 29 Mai 2013 - 9:38

"c'était un jour de tournage dans un appartement. On était persuadés qu'on allait filmer. Au lieu de ça, Kechiche s'est assis à table, dans le décor de la cuisine, avec Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos. Il a demandé à l'un de ses proches d'aller chercher des huîtres et du champagne. Et ils se sont mis à manger. Nous autres, on attendait".
A priori, de sémillantes lesbiennes occupées à d’interminables et torrides papouilles, avec la petite-fille du pdg de Pathé dans le rôle de la Rebelle sartrienne, tout ça est bouleversant d’audace et de refus de la bien-pensance… On dira que c’est encore nécessaire aujourd’hui d’affirmer leur droit à l’existence ; mais est-ce nécessaire de les glamouriser, de les faire rentrer dans le modèle autorisé du sex appeal, de l’aphrodisme le plus hétéro-normé ?


Ainsi la lesbienne 2013 sait rester féminine, et remercie Papounet de lui avoir permis d’exprimer toute sa sensualité. Ou, comme l’écrit un journaliste du New York Times, « Ce film traite beaucoup plus des désirs de M. Kechiche que de toute autre chose. »

La vie d'Adèle 521613-director-abdellatif-kechiche-and-cast-members-pose-during-a-photocall-for-the-film-la-vie-d-adele-at

Il n’y a qu’à voir la façon dont Kechiche, en recevant sa palme, a oublié de remercier l’auteure de l’histoire de son film, alors même qu’il n’a pratiquement rien changé au scénario qu’il avait trouvé dans sa BD : « je vous laisse imaginer tout ce que j’ai pu ressentir en voyant défiler les plans, scènes, dialogues, jusqu’aux physiques des acteurs et actrices, similaires à la bande dessinée », écrit celle-ci. Et elle ajoute : « Ça c’est en tant qu’auteure. Maintenant, en tant que lesbienne… Il me semble clair que c’est ce qu’il manquait sur le plateau: des lesbiennes. »

http://www.juliemaroh.com/2013/05/27/le-bleu-dadele/.

Œcuménisme de « gauche » prônant le droit de mater des top models hétéros se livrer à de fougueux attouchements comme étant le grand combat à mener aujourd’hui. Pornographie first class, avec le frisson du naturel, une noble conscience progressiste et une infinie hauteur de vue esthétique, pour qu’on puisse bien saisir la différence avec le porno vulgaire.

Déshabiller les femmes, voilà le mot d’ordre. Comme l’écrit Christine Delphy :

« Ce sont en effet les effets de la discrimination patente qu’elle exerce qui sont renvoyés en boomerang à la société. Le foulard dit à cette société : “ Vous nous avez parquées et marginalisées, vous nous dîtes différentes, eh bien voyez : maintenant nous sommes différentes ”. La femme “ voilée ”, c’est Alien qui débarque chez nous. Mais Alien ne met pas en cause que le “ modèle français d’intégration ”. Alien provoque le malaise parce que sa seule présence fait voir tout à coup ce que nous appelons la « libération sexuelle » pour ce qu’elle est : l’obligation pour toute femme, à tout moment, d’être « désirable ». Or les femmes portant foulard contreviennent à cette obligation. Comme le remarquait dans une interview Samira Bellil quelques mois avant de mourir, l’obsession des uns de nous voiler n’a d’égale que l’obsession des autres de nous dénuder. Ces deux obsessions ne sont que deux formes symétriques de la même négation des femmes : l’une veut que les femmes attisent le désir des hommes tout le temps, tandis que l’autre leur interdit de le provoquer. Mais dans les deux cas le référent par rapport auquel les femmes doivent penser et agir leur corps reste le désir des hommes. Ce que le foulard dévoile, c’est que le corps des femmes, dans cette ère prétendument libérée, n’est toujours pas un corps à soi—un corps pour soi. »
http://delphysyllepse.wordpress.com/

Où l’on comprend à quel point le féminisme des Femen est d’arrière-garde lui aussi. Mais, dira-t-on, en Tunisie, pays où est né Kechiche, le dévoilement des femmes est un combat qui sans doute a un tout autre sens, bien plus positif. Oui mais voilà : c’est ici, en France, que son film a été palmé ; ici que son audace n’en est pas une, et ne dérange personne.

Pendant ce temps, le dernier film d’Ozon défend courageusement la prostitution des mineures financièrement indépendantes (!). C’est intéressant de voir, dans le contexte actuel, ce genre de discours ultra-misogyne porté par des homosexuels. En somme la défense du mariage homosexuel est plutôt une idée d’arrière-garde (le mariage, cette vieille institution patriarcale par excellence) ; ça ne pose pas de problème en soi mais ça n’a rien de révolutionnaire : que des homosexuels veuillent imiter en tout point le modèle hétéro-patriarcal, ils en ont le droit et ça les regarde ; et les opposants à cette réforme mènent donc un combat d’arrière-arrière-garde, c’est dire où on en est.

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Message par Invité Mer 29 Mai 2013 - 9:45

tu as vu ces films ou tu as as oui dire ?

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Message par Borges Mer 29 Mai 2013 - 9:52

La réception critique, sociale, politique... de ce film a elle seule mériterait un bouquin...
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Message par Borges Mer 29 Mai 2013 - 9:59



S’il y a un film, une forme à retenir selon moi, c’est le réalisme expérimental d’Abdel Kechiche, sa manière de scruter les visages, comme s’il filmait sous l’empire de Bergman, Manet et Lévinas. Maintenant qu’il est adoubé par la quasi-totalité de la critique et par sa palme d’or, Kechiche va sans doute essuyer le proverbial retour de manivelle. Il parait que ça a commencé en divers lieux de la blogosphère. Sur Mediapart, Emmanuel Burdeau défend le film avec des pincettes, tenant ce propos qui me laisse abasourdi : « On gardera toutefois la tête froide, ce dont la critique semble n’avoir jamais été capable avec Kechiche. » Mais c’est dingue ça ! Il faudrait cacher sa joie, se retenir de jouir, ne surtout pas vibrer, ça pourrait salir la tenue impeccable du critique-penseur. M’enfin, le cinéma n’est pas un cadavre à disséquer, c’est une chose vivante, mouvante, génératrice d’élans et d’affects. Il faut certes l’analyser, le penser, mais l’exégèse ne doit pas empêcher de vibrer, de ressentir, de s’abandonner. Rester froid ? Non, mille fois non, si les films le commandent, il faut être chaud bouillant, brûler avec. Le ressenti incandescent n’est pas moins noble que la réflexion glaciale.

Donc, Kechiche palme d’or. Quand un jury cannois s’accorde au goût critique, il y a lieu de s’en réjouir. Steven Spielberg et ses huit jurés ont fait très fort. Ils ont choisi le meilleur film. C’est déjà pas mal, mais ce n’est pas tout. En couronnant un cinéaste franco-tunisien et un film d’amour entre deux femmes, ils envoient (involontairement ?) un signal fort et pacifique contre l’homophobie des Boutin, Bourges et consorts, contre le racisme des Copé, Hortefeux et consorts (non, on n’a pas oublié les Auvergnats et autres pains au chocolat), et pour l’exception culturelle. Identité nationale ? Ouais, prenez donc cette Vie d’Adèle dans la tronche. Encore plus fort : en convoquant aussi sur scène Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, Spielberg entérine la politique des acteurs, inaugurant un axe inattendu Spielberg-Moulet. Et il répond aussi au collectif La Barbe et aux féministes les plus pugnaces : après une palme d’or féminine en 65 éditions, bang ! Deux palmes d’or féminines en une seule soirée. Trop classe et trop fort, le Steven. De quoi clore de façon exceptionnelle un splendide millésime cannois.

(Kaganski)

Toute la bêtise de la critique de cinéma et l'idéologie française en quelques lignes...

on se demande si le mec a jamais vu un manet, un bergman, ou lu une seule ligne de levinas...



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Message par Invité Mer 29 Mai 2013 - 11:20

Un texte sur Kechiche :

http://www.scienezma.com/LMDLT/combats_de_kechiche

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Message par Invité Mer 29 Mai 2013 - 15:40

balthazar claes a écrit:

Où l’on comprend à quel point le féminisme des Femen est d’arrière-garde lui aussi. Mais, dira-t-on, en Tunisie, pays où est né Kechiche, le dévoilement des femmes est un combat qui sans doute a un tout autre sens, bien plus positif. Oui mais voilà : c’est ici, en France, que son film a été palmé ; ici que son audace n’en est pas une, et ne dérange personne.

Pendant ce temps, le dernier film d’Ozon défend courageusement la prostitution des mineures financièrement indépendantes (!). C’est intéressant de voir, dans le contexte actuel, ce genre de discours ultra-misogyne porté par des homosexuels. En somme la défense du mariage homosexuel est plutôt une idée d’arrière-garde (le mariage, cette vieille institution patriarcale par excellence) ; ça ne pose pas de problème en soi mais ça n’a rien de révolutionnaire : que des homosexuels veuillent imiter en tout point le modèle hétéro-patriarcal, ils en ont le droit et ça les regarde ; et les opposants à cette réforme mènent donc un combat d’arrière-arrière-garde, c’est dire où on en est.

mais que veut dire ce prêchi-prêcha ? Que le droit à la liberté d'expression doit être orienté pour ce qui concerne Ozon et Kéchiche ? J'espère que c'est une mauvaise blague, une provocation.

(en 68 truffaut tournait baisers volés)

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Message par glj Mer 29 Mai 2013 - 20:33

J'aime pas trop l'homme kechiche; mais le cinéaste fait pour moi partie des tres grands cinéastes français.

Mais du coup il y a un paradoxe : comment admirer les films d'un cinéaste qu'on méprise quelque peu ?

Par exemple, avec le temps va tout s'en va, de l'estime que je portais a certains films d'eastwood ( en fait plus le cinéaste vieillit plus ces prises de paroles m'enervent)...
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Message par Borges Jeu 30 Mai 2013 - 8:04

hi glj : c'est une bonne question; rares sont les "créateurs", qui sont dignes de respect (moral, politique...), autant que d'admiration; dès qu'on lit une bio d'un type dont on admire les oeuvres, on se dit "bah, il est pas terrible, le mec; c'est pas comme ses films, ses livres, sa musique"; est-ce deux ordres de jugements différents? Pas besoin d'aller chercher les heidegger, les céline... mais bon, en même temps, on dira que les artistes n'ont pas vocation à la sainteté, sauf exception...on s'en tire pas avec kant et son jugement désintéressé, pas plus qu'avec la réduction de l'oeuvre à l'homme...

il faut penser l'homme dans l'oeuvre, et l'oeuvre dans l'homme, ne plus penser l'oeuvre donc, mais son ouverture, donc voir adèle et Abdel ensemble dans leur disjonction : La vie d'A(b)dèle...le devenir lesbienne de AK.

Wink
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Message par Invité Jeu 30 Mai 2013 - 8:51

Il faut ... il faudrait ....

Fait, pense !


Pourquoi t'aimes pas trop l'homme Kechiche glj ?


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Message par Borges Jeu 30 Mai 2013 - 14:31

{0} a écrit:Il faut ... il faudrait ....

Fait, pense !


On disait que je te répondais en allemand, car "quand je parle allemand, je suis l’homme le plus accommodant du monde !"
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Message par Le comte Jeu 30 Mai 2013 - 18:51

Vu le film.

Beaucoup de ressemblances avec tous les films post nouvelle vague de ces 10-15 dernières années : ode à la liberté des corps et des mœurs, lyrisme absolu, cruauté de l'amour qui est si beau mais qui fait tant souffrir. Je trouve que Kechiche n'innove pas, n'apporte pas assez sa touche qui faisait la différence sur ses précédents films. Il y a, bien sûr, cette scène de sexe frontale, que lui seul pouvait filmer, et qui rappelle la danse de La Graine et le Mulet, ou d’autres qui, là aussi, éprouvent la situation.

Le film s'ouvre dans une salle de classe où un prof fait lire à ses élèves La vie de Marianne de Marivaux. Il leur demande de réfléchir au coup de foudre. Gros plan sur Adèle et son visage pensif à l’écoute des mots. Il s’agira donc pour elle de vivre ce coup de foudre, d’en faire la quête de sa vie. C’est donc une idée de l’amour assez classique, romantique, celle du coup de foudre, qui sert de moteur au film. On pense à La Vie d’Adèle H mais aussi à Honoré…

Ce film apporte à la critique française ce qu’elle attend depuis si longtemps : ce film, ce cinéaste, qui fera revivre la nouvelle vague. Comme si l’absolu du cinéma, sa manière de conquérir de nouveaux territoires, devait absolument passer par cet intarissable dogme.

A l’autre bout de la chaîne des grands paradigmes de la critique, on a pu aussi lire une première réserve du côté de chez E. Burdeau, sous la coupe du très désagréable concept d’obscénité, complètement inapproprié à ce film, me semble-t-il. Ce n’est pas parce que le sexe, les sentiments et la violence de la vie sont présentées de manière frontale qu’il s’agit automatiquement d’obscénité, de grave absence à la « Morale cinématographique que nous avons tant défendue, nous les vrais critiques de cinéma insensibles à ce genre de pirouettes faciles pour se mettre les spectateurs dans la poche ».

Spoiler:

Je ne suis pas (encore) très enthousiaste (sans doute parce que je n’ai pas encore pris assez de recul), mais le film est fort. Il est fait pour durer et le spectateur aura du mal à s’en défaire, c’est sûr. Il raconte l'histoire de milliers de gens avec une force peu commune, pour ne pas dire unique dans le cinéma français d’aujourd’hui.

Ce n’est pas non plus un film gay. Il n’a pas à être mis en parallèle avec l’actualité. Nulle « audace » à ce qu’il ait remporté la palme. C’est vraiment l’affaire du consensus bien pensant de gauche (comme aux Inrocks, auquel je suis abonné lol) qui n’a rien d’autre à dire sur le film.

Que dire, donc ? C’est un film brut, qui déshabille l’amour, son mystère et sa dure réalité pour le faire voir dans toute sa complexité. Peut-être un film somme qui va droit au sujet et parvient à en saisir l’essence, l’étrange rayonnement originel, celui de la première fois. Je ne sais pas, c’est dur d’en parler, c’est un film fait simplement d’humains où la mise en scène ne fait que servir cette brutalité de l’existence, sans de détours inutiles.

N'oublions pas l'actrice principale, Adèle, incroyable.

Le comte

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Message par Invité Jeu 30 Mai 2013 - 19:36

c'est bien de donner envie comme tu le fais d'aller voir un film

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Message par glj Jeu 30 Mai 2013 - 21:32

Ouais...

Je trouve plutot ton texte plein de contradictions le comte.


Par rapport à ce que tu dis Borges, c'est la que le bas blesse chez kechiche, l'oeuvre dans l'homme et l'homme dans l'oeuvre. Il y a de la schizo.

Et pour te répondre jm, l'histoire du syndicat qui s'est plaint des conditions des techniciens sur le tournage d'adèle rejoint ce que dit borges. Comment un cinéaste dénonçant certaines pratiques de travail sur marseille dans " la graine et le mulet" peut il être à ce point en conflit ( je ne parle même de savoir si les faits reprochés aux cinéaste sont réels ou pas) avec les travailleurs de base de son metier. Du coup lorsque dimanche dernier ce film est repassé sur france o, j'ai été d'autant plus frappé par toute la partie qui traite de la question du travail, elle est devenu pour moi une immense hypocrisie.
Ce n'est pas comme si on jugeait une oeuvre de kubrick : kubrick lui, on le sait, était quelquefois un tyran sur un plateau mais jamais un de ses film n'a traité frontalement du problème du travail et jamais il n'a dénoncé les conditions des travailleurs en général.

Le problème est donc lorsqu'il y a schizo, que le sujet d'un film et son traitement disent l'inverse de ce qu'est l'homme.

Et puis kechiche en interview est un faux modeste, il transpire sous cela quelque chose d'hautain....
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Message par Invité Ven 31 Mai 2013 - 2:41

Oui, on entend des choses incroyables sur les conditions de tournage chez AK. Un manque de respect évident des droits des travailleurs. Pour autant, il n'est pas certain que cela soit en contradiction totale avec ses films. AK n'a jamais fait des films de militant, loin de là. Il a parfois fait mentionner par certains de ses personnages les dures conditions dans lesquelles ils travaillent dans un soucis de réalisme. La communauté n'est pas liée chez lui à des soucis et des revendications d'ordre politique. Dans "La graine et le mulet", c'est ça, non ? Les personnages qui intéressent vraiment AK sont, ce qu'on appelerait dans les pays anglo-saxon, des "battants", qui luttent individuellement dans les conditions sociales qui sont les leurs pour s'extirper de la nasse. Là encore, rien de plus exemplaire que "La graine et le mulet". Le portrait écœurant de la société des derniers films est en définitive moins là pour jeter l'opprobe sur celle-ci que pour justifier la lutte d'un ou plusieurs individus dans un milieu qui leur est hostile. De ce point de vue là, ta comparaison avec Eastwood est fort juste. Cela avait été vaguement discuté sur le forum des cahiers, dans un topic aujourd'hui deux fois perdu, doublement disparu.

Plus intéressant, et c'est là sans doute qu'il faudrait (ça c'est mon côté berger des penseurs perdus, hihi) approfondir pour savoir s'il y a contradiction ou non, ses battants (même de manière passive comme sa Vénus) échouent tous à la fin, tandis qu'à l'opposé AK, lui, ne cesse de multiplier les succès jusqu'à la consécration suprême (comme dirait le collègue de wootsuibrick expert en HHH) de la palme d'or. Alors que se passe-t-il au juste ? Pourquoi un type qui ne cesse de raconter dans ses films que le tissu social n'engendre que de l'exclusion, devient l'exemple même de l'intégration. Peut-être justement parce que ceux qui le priment ne correspondent pas trait pour trait à leur portrait brossé par AK dans ses films, qu'ils soient attachés à l'idéologie qui soutient que le travail mérite d'être récompensé, ou du moins que certains représentants visibles puissent témoigner de l'effectivité de cette idéologie. Cette main glaciale qui te tapotte sur l'épaule en te disant : "Mais non, Abdel, tu vois bien qu'on t'aime tous, toi et les comme toi. T'es un bosseur, tu mérites."

AK est-il "innocent", "coupable" ? Autrement dit est-il piégé par la machine "républicaine" quoi qu'il la mette en accusation, joue-t-il une partition bien huilée en connaissance de cause ? Son travail est-il simplement récompensé, sans aucune arrière pensée, pour ses très grandes qualités artistiques, comme tu sembles convenir de ce dernier point ?

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Message par wootsuibrick Ven 31 Mai 2013 - 6:34

JM, oui mais... Je vais aussi tenter de te trouver un autre coupable, aussi coupable que le jury de Cannes, Kaganski et Abdel.

Il n y a pas de signification bien particulière à l'attribution d'une palme d'or, ou d'autres prix... du moins pas au niveau où tu poses le problème... rien avoir avec le discours esthétique du film. Plus avoir avec ce qui peut paraître de bon goût ou plutôt ce qui peut distinguer le jury lui-même... l'attribution d'un prix dit bien plus sur l'acte du jury, sur le contexte, que sur le film. Le prix c'est l'acte de le donner, sa substance ne dit rien de fondamental sur la nature de l'objet qu'il récompense. Du moins en dehors des raisons économiques et thématiques des lieux de diffusion. Il est évident qu'un prix scientifique ne récompensera pas une oeuvre littéraire, ou qu'un prix organisé par l'unicef ne récompensera pas un film sur la vie des baleines, ou que TF1 ne prendra pas le risque de diffuser du Tarkovski en primetime. Cannes récompense une catégorie précise de films : les films à prétention artistique, ou plutôt le cinéma d'auteur.
Mais je ne suis pas sûr qu'il soit arrivé une seule fois de toute l'histoire des "prix", qu'un prix soit attribué pour des raisons "purement" artistiques. Il y a toujours une arrière pensée. Après que l'arrière pensée en question ici soit "Abdel est d'origine tunisienne, on va mettre en valeur son travail comme ses films mettent en valeur les gens de sa communauté qui travaillent", c'est tellement flou, tellement impalpable dans le cadre que tu donnes, qu'on pourrait dire que le seul moment où cette idée a été fixé, c'est lorsqu'elle a été énoncé. Donc en ce qui me concerne, ici, c'est par toi qu'elle a été énoncée. C'est même la première fois que je tombe sur cette idée aussi clairement énoncée. Tu as donc pensé qu'il était possible que Abdel ait été récompensé parce qu'il était d'origine tunisienne. Tu l'a pensé en prenant pour base la possibilité qu'un arrière fond de pensée sociale, q'un inconscient social, qui se serait par je ne sais quelles circonstances matérialisé dans le corps de ce jury, aurait mené à ce prix.
Cette main glaciale qui te tapotte sur l'épaule en te disant : "Mais non, Abdel, tu vois bien qu'on t'aime tous, toi et les comme toi. T'es un bosseur, tu mérites."
Ce personnage que tu as inventé pour qualifier l'acte du jury, ou de la société à travers le jury, je ne suis pas sûr qu'il existe vraiment dans l'acte de primer AK. En tout cas il n'existe pas plus que ce personnage qui dit : "Mais non, Akira, tu vois bien que même si l'art blanc est supérieur à l'art jaune, on va quand même récompenser ton film de samouraï, surtout qu'en plus il a été produit par nous autres blancs."

Quel rapport entre "Ran"; "Entre les murs"; "The tree of life"; "la vie d'Adèle"; "Othello"; "Le Poison"; "La dolce vita"; "Le Guépard"; "Blow-up"; "Taxi driver"; "L'homme de fer"; "Oncle Boonme"; "Sailor et Lula"; "Elephant" etc. ?
La seule chose qui relit la majorité de ces films, c'est la politique des auteurs. La possibilité qu'une signature soit visible, pour pouvoir récompenser un nom.
La palme d'or ne dit rien de particulier sur le discours du film de Kechiche, à moins que ce soit très circonstanciel. Ou alors elle dit la même chose de tous les autres films primés.
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Message par Invité Ven 31 Mai 2013 - 7:40

Tu as déjà gommé une ânerie de ton message d'origine, termine et il y aura réponse, ou pas... Jusqu'à présent c'est l'art bien connu de noyer le poisson à coup de subtils contre-exemples censés nous éclairer sur l'universalité des arts et des manières.

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Message par wootsuibrick Ven 31 Mai 2013 - 7:42

fini. tu peux corriger mes erreurs.
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Message par Invité Ven 31 Mai 2013 - 7:48

Non. Tu penses bien ce que tu veux.

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Message par wootsuibrick Ven 31 Mai 2013 - 7:49

Toi pareil.
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Message par Invité Ven 31 Mai 2013 - 13:51

[strike]Borges [/strike]les Inrocks a écrit:













Encore plus fort : en convoquant aussi sur scène Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, Spielberg entérine la politique des acteurs, inaugurant un axe inattendu Spielberg-Moulet. Et il répond aussi au collectif La Barbe et aux féministes les plus pugnaces : après une palme d’or féminine en 65 éditions, bang ! Deux palmes d’or féminines en une seule soirée. Trop classe et trop fort, le Steven. De quoi clore de façon exceptionnelle un splendide millésime cannois.

...encore plus fort, encore plus féministe et encore plus "politique des acteurs" (c'est le bon mot), en convoquant et récompensant la fille Gaumont dans son rôle lillois, tout le monde assure ses arrières, inaugurant un axe inattendu LOSC (l'oncle de Léa Seydoux possède le club, mais c'est la mairie qui construit le stade et démantèle le camp Rom situé près du parking en affirmant par ailleurs que ce sont "des" -pour être honnête "les"- comités de riverains radicalisés qui ont déterminé la décision, c'est beau le partenariat privé-public au bénéfice du "rayonnement" européen de la ville)<->la région qui produit le film et Luc Moulet (qui n'a sans doute rien à voir là-dedans mais dont le nom sert de caution cinéma cheap et intègre)..bang!

Sinon, sur l’efficacité des messages de gauche envoyés via le festival de Cannes et son coontexte sociologique: en 2004 c'est quand la palme a été donnée à Michael Moore que Bush a recommencé à devenir majoritaire dans les intention de votes américaine...
Et en 2009, "Entre les Murs" a été reçu comme un documentaire sur l'école républicaine, la banlieue, l'intégration la violence, la déception des professeurs. "Est-ce que c'est comme cela dans la réalité?", la seule question que l'on posait après le film.

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Message par Invité Ven 31 Mai 2013 - 18:22

Kéchiche son sujet c'est avant tout tous les femmes, peut être même ce mystère d'envoûtement des femmes. assez pour rendre ses films sympathiques. lui ne me passionne pas plus que ça.

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Message par Borges Ven 31 Mai 2013 - 18:25

Merci pour ce texte tellement scolaire de Burdeau, le Comte.
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Message par balthazar claes Ven 31 Mai 2013 - 18:38

Borges a écrit:


S’il y a un film, une forme à retenir selon moi, c’est le réalisme expérimental d’Abdel Kechiche, sa manière de scruter les visages, comme s’il filmait sous l’empire de Bergman, Manet et Lévinas. Maintenant qu’il est adoubé par la quasi-totalité de la critique et par sa palme d’or, Kechiche va sans doute essuyer le proverbial retour de manivelle. Il parait que ça a commencé en divers lieux de la blogosphère. Sur Mediapart, Emmanuel Burdeau défend le film avec des pincettes, tenant ce propos qui me laisse abasourdi : « On gardera toutefois la tête froide, ce dont la critique semble n’avoir jamais été capable avec Kechiche. » Mais c’est dingue ça ! Il faudrait cacher sa joie, se retenir de jouir, ne surtout pas vibrer, ça pourrait salir la tenue impeccable du critique-penseur. M’enfin, le cinéma n’est pas un cadavre à disséquer, c’est une chose vivante, mouvante, génératrice d’élans et d’affects. Il faut certes l’analyser, le penser, mais l’exégèse ne doit pas empêcher de vibrer, de ressentir, de s’abandonner. Rester froid ? Non, mille fois non, si les films le commandent, il faut être chaud bouillant, brûler avec. Le ressenti incandescent n’est pas moins noble que la réflexion glaciale.

Donc, Kechiche palme d’or. Quand un jury cannois s’accorde au goût critique, il y a lieu de s’en réjouir. Steven Spielberg et ses huit jurés ont fait très fort. Ils ont choisi le meilleur film. C’est déjà pas mal, mais ce n’est pas tout. En couronnant un cinéaste franco-tunisien et un film d’amour entre deux femmes, ils envoient (involontairement ?) un signal fort et pacifique contre l’homophobie des Boutin, Bourges et consorts, contre le racisme des Copé, Hortefeux et consorts (non, on n’a pas oublié les Auvergnats et autres pains au chocolat), et pour l’exception culturelle. Identité nationale ? Ouais, prenez donc cette Vie d’Adèle dans la tronche. Encore plus fort : en convoquant aussi sur scène Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, Spielberg entérine la politique des acteurs, inaugurant un axe inattendu Spielberg-Moulet. Et il répond aussi au collectif La Barbe et aux féministes les plus pugnaces : après une palme d’or féminine en 65 éditions, bang ! Deux palmes d’or féminines en une seule soirée. Trop classe et trop fort, le Steven. De quoi clore de façon exceptionnelle un splendide millésime cannois.

(Kaganski)

Toute la bêtise de la critique de cinéma et l'idéologie française en quelques lignes...

on se demande si le mec a jamais vu un manet, un bergman, ou lu une seule ligne de levinas...





Oui, Kaganski ne parle que de "jouir" et "se réjouir", "s'abandonner", "brûler", être "chaud bouillant" ; c'est le critique érotique-orgasmique. On dirait que, telle la grenouille-baromètre, il évalue les films en fonction de ses érections. Evidemment, il enchaîne sur la vilénie de la blogosphère, ce repaire de frustrés et d'impuissants. Bon dieu, mais qu'ils mangent donc de la brioche, ces aigris.

Si c'est ça la politique du cinéma à la française, on ne s'étonnera pas que DSK ait profité du festival pour venir parader. Ou que la référence Polanski ait trouvé de bon ton de bavasser au sujet de la navrante égalité hommes-femmes, d'ailleurs déjà réalisée d'après lui.

Et quand K se réjouit (encore) que deux femmes aient eu droit à tiers de palme chacune, ou plutôt un peu moins d'un tiers, puisque le plus gros morceau revient bien certainement à l'Auteur, c'est tellement pathétique de condescendance.

balthazar claes

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Message par Invité Ven 31 Mai 2013 - 18:46

?? où tu vas chercher ça, t'as pas vu le film et t'as déjà un avis autorisé pour avoir lu 10 lignes dans un canard et t'être planté devant ta télé. il faut arrêter ce délire.

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Message par Borges Ven 31 Mai 2013 - 18:48

slimfast a écrit:Kéchiche son sujet c'est avant tout tous les femmes, peut être même ce mystère d'envoûtement des femmes. assez pour rendre ses films sympathiques. lui ne me passionne pas plus que ça.


AK, son sujet, c'est moins la femme, si la femme peut être un sujet, que ce que nomme "la vénus noire" : la disjonction, l'écart par rapport à la norme; dans nos têtes, dans les représentations, Vénus (amour et beauté) ne peut être que blonde, comme MD. Dire vénus noire, c'est créer un choc, cela ne peut se faire que par ironie, racisme...

(je crois que nous avions déjà parlé de ça...)

Platon distinguait deux Vénus-Aphrodite, la populaire, et la céleste; division de classe, d'intelligence, de naissance, de genre... AK est du côté de l'aphrodite populaire; il ne s'adresse pas au burdeau, pas plus que Manet ne s'adressait à la bourgeoisie qui voulait voir un nu et non pas des femmes à poils (obscènes).


Burdeau très scolairement, tout en croyant rayonner, briller, très sagement, ne veut pas d'images cochonnes, ou de mots cochons, dans sa classe (aux deux sens du mots, qui finalement reviennent au même)




Dernière édition par Borges le Ven 31 Mai 2013 - 19:07, édité 2 fois
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