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P'tit Quinquin (Dumont)

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Message par Eyquem Sam 27 Sep 2014 - 21:59

Donc, le "film de l'année 2014" (selon les Cahiers), c'est ce film tout droit sorti de l'imaginaire de l'entre deux-guerres: la France éternelle, avec son clocher, ses curés, ses gendarmes, ses idiots, ses vaches, et son diable évidemment. Depuis Don Camillo, rien n'a changé (enfin si: il n'y a plus de maire communiste pour animer les disputes sur la place du village).

(Borges avait parlé de cette tendance années 30 des Cahiers, dans le topic sur "La Vie d'Adèle": ça se confirme avec leur amour pour cette série de Dumont.)

Quelles séries vous ont plu ?

Bruno Dumont: "L’Homme du “Picardie”". Des vieux trucs, "Thierry la Fronde", des choses dont j’ai le souvenir en tant qu’ado. [...] Les films actuels qui m’auraient marqué ne me viennent pas à l’esprit. Il faut dire que ça fait deux ans que je ne vois que du Jean Epstein.
OK.


J'ai souvent ri, parce que le film invente quelque chose de fort dans le langage et les gestes de ses comédiens. Mais pour le reste, c'est du Dumont, quoi (ah, le dernier épisode, sur le mystère du mal, et cet appel à l'universelle compassion pour ces idiots que nous sommes tous...)
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Message par py Ven 3 Oct 2014 - 7:32

Le découpage en 4 épisodes est incompréhensible, non pensé, il me semble. Une suite est prévue mais pour quoi faire? Une heure suffisait. La narration est totalement figée, les personnages englués. Des événements se produisent régulièrement, maladroitement (Je détestais le final de Twentynine Palms), sous l'oeil distant de Dumont dont on se demande s'il s'intéresse à autre chose qu'à ses cadres.
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Message par Baldanders Dim 5 Oct 2014 - 18:44

Très bon texte sur Balloonatic. Last but not least, les Spectres sont évoqués dans les commentaires. S'y repose la question qui brûle toutes les lèvres : où est passé Borges ?
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Message par py Lun 6 Oct 2014 - 11:09

C'est fort ce qu'ils font les acteurs quand même, je ne les trouve pas si limités que ça. Pour ce qu'on leur demande de faire, ils sont même exceptionnels. Jamais entendu un aussi beau "Oh putain" dans toute l'histoire du cinéma français (quand le commandant tente de monter sur le cheval). Certes, dans un film de Maïwenn ils seraient peut-être pas terrible, mais ça ne les rend que plus sympathiques.
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Message par Eyquem Mar 7 Oct 2014 - 17:01

Hello,

Cet article de Rancière sur "L'Humanité" avait été cité dans un autre topic sur Dumont, mais sans le texte intégral je crois, qui peut se lire ici:

http://www.after1968.org/app/webroot/uploads/ranciere-dardenne%281%29.pdf

Rancière a écrit:L'effet d'art, couplé avec la démonstration de l'absurdité du monde, vient réintroduire un typage social caricatural
, ce qui fait qu'on sort de ces films avec l'idée que les pauvres gens sont quand même plus bruyants et plus laids que les autres.

Rancière évoque également l'enquête de "L'Humanité", disant qu'elle fait du surplace "pour montrer qu'il n'y a rien à chercher. Car le criminel et la victime, le justicier et le témoin, sont une seule et même personne: cette humanité souffrante et jouissante, entêtée dans la perpétuation de son vouloir-vivre destructeur."
Si je me souviens bien, dans L'Humanité, il y avait quand même un coupable à la fin. Mais effectivement, dans P'tit Quinquin, plus besoin.


Il y a mille choses plombantes dans le discours de ce film, qui passe tous les problèmes au rouleau compresseur. Y a pas que la plaine du Nord qui soit désespérément plate; il y a le récit selon Dumont, qui met tout sur le même plan, et pourrait faire durer sa série 1h30 comme 5 saisons, vu que tout est joué dès le début et voué à se répéter indéfiniment. Par exemple: une femme qui trompe son mari? Un mari qui tue l'amant de sa femme? Une fille qui se moque du garçon qui la drague? Un gamin qui vire sniper? Deux frères qui se disputent pour une question d'héritage?Tout ça, c'est pareil, c'est "le mal", qui indifférencie tous les problèmes, rend toutes les situations équivalentes.

On peut pas dire que Dumont fasse dans la finesse de l'analyse: même un édito du Point est politiquement plus subtil.

Le racisme, la misère à tous les étages, tout ça c'est pas des faits sociaux, qui se prêtent à l'analyse, à la connaissance, à la critique: c'est des mystères métaphysiques, qui défient la raison, qui tiennent à l'être même de l'homme, à son origine viciée. Si bien qu'on ne s'étonne même plus que le racisme des gamins soit mis sur le même plan que le handicap mental de l'oncle: tout ça témoigne de la même tare originelle de l'homme, de sa bêtise essentielle. Au final, ça ne se distingue pas plus, ça ne fait pas plus de différence que deux bouses à l’horizon des mornes plaines du Nord.

En vérité, Dumont vous le dit : l’être, c’est de la merde – d’où sa propension, ici, à finir dans la bouse ou le cul des vaches, dans une fosse à purin, ou bouffé par des cochons.


Le gendarme, vers la fin, dit qu’il n’y a que deux belles choses en ce monde, c’est-à-dire deux choses susceptibles de sauver les hommes de leur propre bêtise : les chevaux, et le corps des femmes. Ces deux choses, au fond, reviennent à une seule, et c’est l’art : il n’y a que l’art qui ne soit pas de la merde. Ce ne sont pas les chevaux réels qui pourront guérir le gendarme de sa bêtise, à en juger par sa tentative de monter sur l’un d’eux, où il se rend aussi ridicule que pour tout le reste. Ce sont les chevaux peints des maîtres flamands, dont les chevaux réels ne sont que les mauvaises copies. Et ce ne sont pas non plus les corps réels de vraies femmes, comme celui de cette pauvre femme retrouvée sur la plage: ce sont seulement les nus de Rubens, auxquels ce cadavre fait penser avant qu’on le jette au trou, comme tout le reste.


Et l'art, on ne peut pas dire qu'il existe très fort dans la vie de ces gens, à part sous la forme d'un concert de plein air, où une gamine chante une rengaine en anglais, en tendant les bras comme une madone, ou seulement comme Madonna.
Quand du Bach passe à la radio, personne ne tend l'oreille. Si l'adjoint parle de Zola, le gendarme lui dit qu' "on n'est pas là pour philosopher". Et bien que le gendarme porte un nom de peintre (Roger Van Der Weydern), quand il voit une carcasse de vache, il ne pense pas à Rembrandt: il se dit qu'il va se mettre au poisson.

Oui, comme dit Rancière, Dumont est un peu "dédaigneux" et n'a pas une grande science du partage: aux uns l'art, aux autres la merde.
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Message par Baldanders Mar 7 Oct 2014 - 17:44

Bien balancé, Eyquem.

Eyquem a écrit:Le racisme, la misère à tous les étages, tout ça c'est pas des faits sociaux, qui se prêtent à l'analyse, à la connaissance, à la critique: c'est des mystères métaphysiques, qui défient la raison, qui tiennent à l'être même de l'homme, à son origine viciée. Si bien qu'on ne s'étonne même plus que le racisme des gamins soit mis sur le même plan que le handicap mental de l'oncle: tout ça témoigne de la même tare originelle de l'homme, de sa bêtise essentielle. Au final, ça ne se distingue pas plus, ça ne fait pas plus de différence que deux bouses à l’horizon des mornes plaines du Nord.

Étonnant à quel point cette facilité intellectuelle, qui débouche sur une absolue morne plaine esthétique, est aujourd'hui complètement refoulée par la critique. Par exemple, rares sont ceux qui, comme Edouard Sivière, ont souligné que le point de vue dans Hadewijch (2009) était tout bonnement crypto-catho-lepéniste :

Edouard Sivière a écrit:L'auteur de La vie de Jésus est un adepte de la mise en scène frontale, captant sans apprêt des types taillés à la serpe et supposés imposer ainsi leur présence irréfutable. Or lorsqu'il montre ici un Arabe voler un scooter dès qu'il le peut, insulter les automobilistes et provoquer des accidents sans s'en soucier, on tique et on s'inquiète quelque peu. Devant ces réticences, Dumont répondrait certainement : "Mais je ne vais pas m'empêcher de filmer ces choses qui existent. Elles sont là, présentes, évidentes". Nous serions d'accord, à la condition de ne pas en faire un cliché et de ne pas les faire suivre par d'autres clichés encore, mais il se trouve que devant sa caméra, et compte tenu de son style de mise en scène très particulier, "une" vérité devient "la" vérité. Dans Hadewijch, nous ne nous sommes pas en compagnie de personnages incarnés mais devant la Racaille, le Terroriste, la Sainte, le Ministre, la Bourgeoise et l'Ouvrier. L'idée prend toute la place et les acteurs ont toutes les peines du monde à s'arracher à la pesanteur de leurs caractères. Il est dès lors extrêmement difficile de ne pas voir dans ce film l'histoire d'une petite catholique qui se frotte à la délinquance puis au terrorisme islamique à cause de ses amis Arabes et qui revient à la vraie vie grâce à un Français issu du bon peuple.

Sans aller jusqu'à accuser Dumont d'irresponsabilité, je trouve qu'il se dédouane trop aisément de ce qu'il filme. Ce n'est pas qu'il laisse le spectateur se positionner lui-même, c'est qu'il le laisse se débrouiller tout seul avec les images politiquement ambigües qu'il donne à voir. Je soupçonne le cinéaste de s'être dit : "Les gens vraiment intelligents sauront prendre du recul et faire la part des choses. Pour ce qui est des autres, ce n'est pas mon problème..."

Hadewijch m'a donc mis assez mal à l'aise (ce qui est, il est vrai, parfois mieux que de susciter l'indifférence) et tout ce qui peut éventuellement échapper au trouble social et politique n'est selon moi guère plus convaincant. La présence/absence de Dieu, bien d'autres cinéastes l'ont interrogé avant Dumont, de manière plus inspirée et subtile. Le choix d'illuminer régulièrement le visage de la jeune Julie Sokolowski et, à certains moments, de projeter littéralement cette lumière émanant d'elle vers les décors qui l'entourent ne me paraît pas être un choix très heureux. Ce type d'effet, sans même revenir sur les clichés sociologiques évoqués plus haut, disqualifierait d'office tout film de cinéaste plus "populaire" que Dumont alors que celui-ci semble protégé par son statut d'auteur.

http://nightswimming.hautetfort.com/archive/2011/02/09/hadewijch.html
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Message par Eyquem Mar 7 Oct 2014 - 18:10

Baldanders a écrit:Bien balancé, Eyquem.
Sympa; je te remercie pour le feedback, Baldanders.

Baldanders a écrit:Par exemple, rares sont ceux qui, comme Edouard Sivière, ont souligné que le point de vue dans Hadewijch (2009) était tout bonnement crypto-catho-lepéniste :
Les Spectres aussi, grâce à Jerzy (qui a toujours raison, quoi qu'en disent les shooteurs anonymes d'enculture  Wink ):
http://www.spectresducinema.org/hadewijch-b-dumont/#more-2083
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