Bird People de Pascale Ferran (2014)

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Message par Invité Dim 8 Juin 2014 - 12:30

Jolie pub pour les banques hsbc: "un monde d'opportunités!" lol
mais je ne sais pas trop quoi dire sur ce film.
il y a des usagers du métro, au début, qui soliloquent en intérieur, termes à terre du quotidien, boulot, impôts, trajet, vies sociales
et une voix masculine de narrateur, à un autre moment, qui surplombe soudainement, comme surgie de nulle part, un des personnages, qui le transforme, justement en personnage; en personnage littéraire?
sujet de lui même à déficit d'autre chose? autofiction à la troisième personne?
beaucoup de mouvements de caméra, de plans de coupe, qui suivent au plus près les gestes absents, automatisés, qui grillent une cigarette comme ils grillent un moment de vie, hors de la vie.
Donc s'émanciper de cette charge, de ce faix; dormir, retrouver la vue, un regard autre. celui d'un moineau for instance, qui s'échappe du rôle de spectateur de ses propres gestes (superbe cliché du japonais artiste d'estampes) afin de les assumer en pleine nature; là où rôde le danger et l'accomplissement de soi, de se retrouver soi à travers ses possibles?
La trahison, l'excitation, la transgression de sortir hors de sa condition; d'homme; de femme, au foyer (la scène très étrange et très longue lol de visioconférence d'une rupture, on dit adieu au cadre qui n'est plus amour mais clôture hors du champ monde).
La fille qui travaille à l’hôtel Hilton (beaucoup de marques, de mots, qui portent ce produit éloge de la rupture) se plaint auprès de son père de la rigidité des échanges humains: personne ne discute ou ne répond à une vulgaire employée du ménage, celle pourtant qui connait le mieux les clients de l’hôtel. Personnage à la cendrillon qui en perdant ses chaussures va elle aussi pour ,un instant, dormir, dans les lits réservés à la clientèle.
Il faudrait sans doute parler de l'être animal _ pieds nus; ça revient beaucoup ces temps ci au cinéma lol. Fiction de liberté, de libération du mouvement chez Ferran. A ce moment là de cette transformation, les propos intérieurs se limitent bêtement lol à des interjections ivres en prise avec la nouveauté. Je trouve pas que ça aille très loin lol, en tout cas ça reste dans les environs de l'aéroport avec sa tour de contrôle, à proximité de l’hôtel.
Le mec dit auparavant, lors d'une réunion super professionnelle, qu'il n'aimerait pas passer Noël à Dubaï, suite au retard pris. Je m'interroge un peu pour savoir ce que veut dire Dubaï pour Ferran.
Et puis à la suite de cette idée émancipatrice, peut être libertarienne, le moineau suit une nuit un autre personnage, joué par Roschdy Zem, sans foyer, sans home, qui dort dans une forêt, dans sa voiture, l'homme des bois, après Chatterley, qui ne vit pas dans le sein de la société (critique du racisme ambiant? de l'inégalité sociale?); le moineau s'approche de sa main géante et se demande, "qu'est ce que c'est? un homme."
Il y a de petites annotations ainsi qui sont surprenantes. Ça dessine un monde de désirs individués, certains personnages veulent échapper à leur boulot, à leur vie, à la société, aux responsabilités à l'écriture desquelles il n’œuvrent pas et larguent tout; d'autres souhaitent intégrer cette société réglementaire mais en sont rejetés.
Au fond le duo de personnages principaux est assez consensuel. J'aurais préféré les personnages secondaires mis en avant en lieu du banc de l'histoire.

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Message par Eyquem Mer 25 Juin 2014 - 11:34

C’est un film faible, aux sens positif et négatif du mot.

Faible parce que le tournage de la partie finale a relevé, semble-t-il, du tour de force, mais qu’au bout du compte, la prouesse technique ne vise rien de plus qu’à essayer de filmer un aéroport, un hôtel, du point de vue d’un moineau. C’est une idée qui me plaît : que le cinéma, qui peut tout, mette son arsenal numérique et technique au service d’un projet aussi minuscule. (Toute la partie avec l’oiseau, personnellement, ça m’a beaucoup plu ; je voyais bien que c’était un peu ridicule – cette voix off bébête ; David Bowie au décollage des avions – et ça ne me gênait pas plus que ça, je me suis laissé faire sans problème, jusqu’à un certain point.)

Faible parce que c’est un film dont l’histoire tient en très peu de lignes : un « winner » qui plaque tout rencontre une étudiante sans projet de vie bien défini (« rencontre » a minima : c’est pas une histoire d’amour ni rien ; c’est juste qu’ils se croisent, se « reconnaissent » et se saluent ; c’est tout). Comme le récit adopte une narration à la mode depuis les films de Lynch et Weerasethakul, (deux parties bien distinctes, avec, en bonus, un basculement inattendu), on peut moquer le côté « dispositif », ou le fait que c’est du « déjà vu », que ça a été mieux fait. C’est sans doute vrai mais je crois que le film s’en fout. D’abord, les récits complexes, avec chapitres et tout, Ferran faisait ça avant Weerasethakul (Petits arrangements avec les morts, pour ceux qui se souviennent). Et à mon avis, le film ne cherche pas un brio formel ou narratif qui impressionne en tant que tel. Ici, c’est une trame qui permet de broder, de manière assez libre, sans donner le sentiment que ça part dans tous les sens de manière arbitraire et gratuite.

Faible, enfin, parce que le film ne tient aucun discours très ferme sur l’époque, dont il a pourtant l’ambition de dire « quelque chose ». De ce point de vue, le film a des allures d’inventaire à la Prévert, et il a aussi le côté un peu niais de cette « poésie » : les scènes et les images ne s’ordonnent pas de manière à faire valoir des différences, à créer des contrastes, à introduire du dissensus, mais procède plutôt par simples juxtapositions, de telle sorte qu’à la fin toutes les choses sont mises sur un même niveau. Vu comme ça, on peut reprocher au film de se borner à énumérer les « symptômes » des temps actuels sur le simple mode du « il y a » : il y a des téléphones portables et des écrans ; il y a des aéroports et des hôtels, des ruptures et des accidents de la route ; il y a des cadres et des femmes de ménage ; il y a des étudiantes qui bossent et ne peuvent plus étudier, et des travailleurs pauvres qui ne trouvent pas à se loger ; etc. J’ai lu, dans les critiques négatives, que le film était incroyablement ringard dans sa manière de filmer les écrans, les téléphones, Internet et tous ces trucs-là ; oui, effectivement, si « être ringard », ça veut dire « s’étonner » et considérer qu’« être de son temps » n’est pas quelque chose qui va de soi. L’intérêt de ce regard sur les objets techniques, c’est justement qu’il fait voir ces objets comme de simples objets : il les regarde, il les fait apparaître, sans en dire de bien ni de mal d’ailleurs, mais dans le simple but de rompre les liens de familiarité et d’usage que nous avons avec eux, et qui fait que, dans la vie de tous les jours, nous ne les voyons même plus : le film introduit là une forme d’étrangeté (et ce sentiment d’étrangeté au monde, aux choses, c’est le vrai sujet du film). Là où le procédé de l’inventaire trouve ses limites, c’est quand il aborde les questions sociales (les conditions de travail de l’étudiante et du chef d’entreprise, la situation de Roschdy Zem, qui dort dans sa voiture). Il ne suffit pas d’inventorier les injustices pour en tirer une idée claire et utile, surtout quand on met sur le même plan les difficultés d’un chef d’entreprise et d’une étudiante pour conclure que c’est dur pour tous les deux, que tous les deux rêvent d’autre chose, d’une autre vie. Le tableau qui est fait de l’époque, c’est celui d’individus isolés, séparés les uns des autres, bouffés par leur travail, sans histoire commune, mais le film, dans son récit, dans son montage, procède de même, par simple énumération de choses distinctes les unes des autres. Politiquement, le film manque totalement de combativité, ce n’est pas un film qui aide à s’orienter dans les temps désorientés qu’il décrit.
(Une séquence, par exemple, que je n’aime pas du tout, à cause de cet aspect « inventaire », c’est celle des plans sur les dormeurs : on voit successivement Roschy Zem en train de dormir dans sa voiture, puis des gros plans sur les visages endormis de passagers de l’aéroport, et, inséré au milieu de ces images, un gros plan sur la main d’un homme dont l’arrière-plan, même flou, laisse voir que c’est un SDF. Selon moi, ça ne va pas du tout, on ne peut tout simplement pas faire ce genre de montage : c’est interdit.)

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