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Deux jours, une nuit (Dardenne, 2014)

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Message par Borges Jeu 22 Mai 2014 - 9:42

Pourquoi ce truc d'Isabelle Régnier déprime-t-il tant, pour rester poli ?

http://www.lemonde.fr/festival-de-cannes/article/2014/05/20/deux-jours-une-nuit-face-au-capitalisme-le-parcours-d-une-combattante_4422389_766360.html

Isabelle Régnier a écrit:Mardi 20 mai, la projection a fait trembler les spectateurs les plus assommés, leur arrachant des larmes pleines de rage et de compassion.

Elle s'appelle Sandra, elle est ouvrière, mère de famille et sublimement jouée par Marion Cotillard.

On lit ça, et on a envie de vomir.

Les Dardenne sont un peu dans la situation de Sandra, à Cannes ; mais plus hypocrites que les ouvriers qui votent non à sa reprise, les membres du jury pourraient voter une nouvelle palme, et même donner un prix à Marion Cotillard, si lamentable. Espérons que ça n'arrivera pas. Par pitié, non ; ou alors, imitant leur personnage, faut qu'ils refusent les prix.


Le  film est déprimant, il ne crée pas du tout de solidarité avec le monde, les gens ; au contraire.

Après l'avoir vu je passais mon temps à regarder les gens en me disant : "Lui, elle... aurait voté "non"; elle, lui, "oui"". Mais c'était pas du 50/50, comme dans le film. Pratiquement tout le monde avait une tête, un style, une manière d'être à voter "non".

Le film est construit sur le modèle de "High Noon"; Sandra est Gary Cooper. Après avoir vu "High noon", Hawks et John Wayne, qui le trouvaient "anti-américain", décident de faire "Rio Bravo", un truc sur la confiance, la solidarité, l'aide, les Américains qui se serrent les coudes pour affronter les méchants. Faudrait répondre à ce film des Dardenne...



Isabelle Régnier :

"Passée de la dépression à la révolte contre l'injustice et les ordures qui la font prospérer, Sandra a ressoudé les liens de solidarité que l'entreprise avait détruits. Elle a créé du possible. Les révolutions ne commencent pas autrement."


A chaque fois qu'on lit un critique de cinéma français en ce moment, on a envie de le corriger.

On lit ça et on se dit, elle a pas vu le film, la pauvre.

- Sandra ne ressoude pas les liens. Elle est un principe de division. Elle n'arrête pas de le dire :"Où que j'arrive, ça se bagarre", le fils et le père, le mari et la femme, elle provoque même un divorce. Quand elle quitte son entreprise à la fin, elle a divisé le groupe, d'un côté les "oui", de l'autre, les "non". C'est le patron qui veut rétablir la paix dans sa petite entreprise, en lui offrant de rester.  

- La révolution, il faut encore le rappeler, c'est l'impossible. Ce qui échappe  à la situation et non pas le possible. Le possible, tout le monde l'invoque. Les mecs et les femmes à qui elle demande de voter pour elle disent toujours c'est pas possible, parce que le principe de leur action, de leur conduite, c'est le possible : il faut payer le gaz, l'électricité, la maison, les crédits, les études de la fille... Le possible, c'est le principe qui guide tout le monde. Au fond tous ceux qui refusent sa reprise ne disent pas autre chose que les politiques, les économistes. L'économie fait loi. On n'est donc pas dans le politique. (cf Arendt)

- La révolution, comme disait Badiou, c'est passer de l'impuissance de la dépression à l'impossible...

- Les seuls liens que le film renforce ce sont les liens entre Sandra et son mari. Le film ne redonne pas confiance dans le monde, dans la politique. Il redonne confiance à Sandra, qui se sent assez forte pour aller chercher un autre boulot, oubliant le principe qui lui avait fait refuser la proposition de son patron : si j'accepte, un autre perdra son boulot.

Autrement dit, la morale du film, le chômage, c'est pas la faute des chômeurs, c'est la faute des travailleurs.
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Deux jours, une nuit (Dardenne, 2014) Empty Re: Deux jours, une nuit (Dardenne, 2014)

Message par adeline Jeu 22 Mai 2014 - 17:59

Sur le facebook des Spectres :

Spectres a écrit:Avec comme modèle "High Noon", le dernier film des Dardenne est émouvant; mais comme ils ne filment que le visible, c'est pas plus qu'un téléfilm.

"Sandra et les chasseurs de primes", cela pourrait être son titre western-spaghetti.

Othman El Maanouni a écrit:Il y a des arguments à émettre sur l'importance de filmer le visible sans détourner l'œil.

Flavien Poncet a écrit:Les questions morales, remises sur l'établi à chaque duel, sont de l'ordre de l'invisible. Et l'oiseau qui chante, avec lequel Sandra voudrait échanger sa place, n'apparaît jamais dans le cadre. Le jeu démocratique, cadavre du film, lorsque le groupe finit par revoter est lui aussi absent à l'image. Etc.
Il y a beaucoup d'invisible, de trouées et d'absence.

Iono Allen a écrit:Peut-on vraiment filmer le visible ?...
Allez, on ressort nos chers Barthes, Metz et autres, découvreurs de la sémiotique !

Spectres du Cinéma a écrit:Allusion à Godard : "Il y a le visible et l'invisible. Si vous ne filmez que le visible, c'est un téléfilm que vous faites." (Godard)
-le hors champ, à ne pas confondre avec le hors cadre, c'est pas l'invisible ; tu peux aussi citer les discussions au téléphone où l'on ne voit pas les interlocuteurs, la copine qui ne veut pas ouvrir, mais tout ça n'est pas l'invisible...La démocratie c'est pas les élections... bref, le visible réduit au social mais pas l'invisible...Il y a bien des hors champ (le relatif, l'absolu... cf Daney et deleuze) http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=363
Le texte de Barthes à relire pour ce film, c'est "L'effet de réel"

Claude Rambaut a écrit:J'ai beaucoup aimé les dardenne au début, leur premier long métrage "la promesse" est toujours leur meilleur film. Ensuite j'ai l'impression d'avoir vu des déclinaisons de moins en moins intéressantes et là je me demande juste si ils n'ont pas eu envie en travaillant avec M.Cotillard, de toucher plus de public. Mais bon n'est pas Rosselini qui veut. Je me pose aussi la question : un Rosselini pourrait-il faire des films aujourd'hui ? Pour que l'invisible advienne, il faudrait peut-être juste prendre le temps de laisser le temps entrer dans le champ, accepter la faille. Les Dardenne sont tombés dans la dénonciation et ont oublié "le reste", ce qui compte le plus au cinéma, l'indicible.

Et puis peut-être un brin de "folie". Pour faire des films, comme dans tout art, il n'y a pas de recette.

Othman El Maanouni a écrit:"Il y a la culture qui est la règle..."

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Message par adeline Jeu 22 Mai 2014 - 18:13

Le truc, avec l'émotion que provoque ce film des Dardenne, c'est qu'elle joue sur une corde faible. La dépression de Sandra, ses pleurs, un peu de pitié quand même, de l'empathie. Le genre de choses à quoi je suis très sensible, j'ai donc pleuré du début à la fin du film.
Mais l'émotion qu'un film suscite (je m'étais déjà posé cette question à propos de The Broken Circle Breakdown/Alabama Monroe) nous renseigne-t-elle vraiment sur le tout du film ?

Parce qu'il est évident qu'en dehors du scénario, bon et avec une fin surprenante, de la direction d'acteur sans soucis, même si Marion Cotillard est vraiment toujours aussi pénible on ne peut pas dire qu'elle joue mal, le film n'existe pas très fort. Rien dans l'image, les cadres, les décors, les extérieurs ne dit quoique ce soit qui reste, qui soit en plus de ce qui est exprimé par des mots.

Le reste, c'est de l'analyse sociologique. Oui, le film montre ce qu'est la classe ouvrière en 2013, éclatée, sans solidarités aucune. Jamais Sandra n'entre dans la maison de ses collègues, jamais elle n'est accueillie. Elle va d'un espace urbain à l'autre, sans que ces espaces n'existent autrement que comme des décors, sans qu'aucun quartier ne soit dessiné. Le choix moral n'est jamais questionné par une attitude politique, le seul ressort est la solidarité faisant appel à l'humanité de l'autre, son empathie. Mais c'est sans doute très juste, très "vrai".

Quand même, l'avant-dernière scène crée une communauté après la division de l'équipe. Une communauté sans doute très forte, de travailleurs qui ont fait un choix moral et se reconnaissent les uns les autres dans ce choix et qui ont tissé entre eu un lien intense, mais sans avenir puisque le vrai personnage moral à l'origine de leur geste les quitte et clot cette communauté éphémère.

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Deux jours, une nuit (Dardenne, 2014) Empty Re: Deux jours, une nuit (Dardenne, 2014)

Message par Eyquem Dim 1 Juin 2014 - 11:30

Salut Adeline, Borges,

D'accord avec vous. C’est leur plus mauvais film, je trouve. Rien ne marche: ils ne tirent aucune force du principe de répétition des mêmes scènes et des mêmes dialogues; toutes les variations tombent à plat, tous les éléments inattendus qui visent à différencier les scènes les unes des autres ont quelque chose d’artificiel et plaqué (les explosions de violence; les scènes avec les chansons; la pire étant celle avec "Gloria": le jeu sur le double sens des paroles, ce panoramique qui relie les visages heureux des uns et des autres pour suggérer je ne sais quel "miracle", c’est d’un lourd…). Quant au tableau de la lutte, c’est déprimant: de lutte, y en a aucune trace ; à un seul moment, un des ouvriers suggère que ce qu’il faudrait, c’est obliger l’entreprise à garder Sandra et à payer les primes, au lieu d’obliger à choisir l’un ou l’autre. Là, effectivement, on sortirait de l’alternative imposée par le boss de la boîte. Mais cette suggestion s’arrête là. Le combat, tout le long du film, ça consiste à convaincre les ouvriers d’accepter une baisse de salaire pour sauver les emplois (soit le discours tenu partout, par les organisations patronales). Quel patron ne rêve pas la nuit d’une lutte semblable? Et pendant le week-end en plus, même pas sur les heures de travail!
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