Conjuring : Les dossiers Warren

C'est bien, voire très bien, au début, dans le style classique des vieux films de hantise et possession ("la maison du diable", de Wise); puis ça perd de sa force, et de sa puissance d'angoisse, quand arrivent les deux spécialistes; trop de citations appuyées de l'exorciste, dans une tonalité parodique...

Surprenant que ça semble être aussi bien au commencement (je pense au cache-cache et à la découverte de la cave) pour un type comme Wan (qui a signé Saw et Insidious particulièrement idiots *) mais tout l'ensemble s'épuise assez vite.

Une bonne idée en revanche c'est de ne jamais trop donner d'explications sur quel fantôme fait quoi, qui veut exactement quoi. En guise de contre-exemple, la poupée est vraiment ridicule.

Encore un film hollywoodien qui ne comprend rien au montage malheureusement. Raccords affreux, montage alterné constant.

* N.B. : autant je trouve Saw très crétin, autant la première partie d'insidious (en gros avant les explications et les ghostbusters) est assez réussie, de la même manière que Conjuring

Ouaip, j'ai kiffé la série des Saw, et pas seulement le premier (de Wan). J'ai trouvé ça terrible, et vraiment pas con. J'étais très impliqué émotionnellement dans les Saw. Faudra en recauser.. .

J'avais également trouvé le premier Insidious assez formidable, dans son atmosphère comme dans sa "mythologie". Wan promettait assez dans une veine qu'on sentait minimaliste, épurée, très élégante graphiquement, mais que guettait déjà un défaut soulevé par Borges: il se perd, aux 3/4, dans le gimmick, la fable, la fantaisie, le jeu sur les codes, accumule les "scènes" en étouffant la temporalité du récit. On n'adhère plus.

Les dossiers Warren, pour le peu donc que j'ai pu voir en streaming (je réessaierai peut-être depuis que le dvdrip est dispo), c'est allé en s'aggravant. Belle photo, encore, cadres plastiquement très travaillés, mais ça devient selon moi du bric à brac cinéphilique/référentiel, et surtout, oui, c'est bcp trop rapide. Funeste erreur, de balancer climax sur climax, disais-je: comment peut-on être impliqué émotionnellement (et sous l'angle de la peur) si manque fondamentalement la ligne de fond, cette histoire "hors-champ" travaillant le champ, latérale ou subliminale, cette temporalité élargie du cadre de l'inquiétude, plus importante que l'histoire elle-même (qui est ici pas bien intéressante en elle-même). C'est de la première, qui est tissée de lenteur, d'absence, qui ne se manifeste pas sur l'écran, que les "événements" de la seconde tirent leur densité. Et dans cette optique, l'exposition, ou l'exposé, du thème, c'est fondamental.

Ici, et c'est une tendance de plus en plus marquante des mauvais films d'horreur actuels (qui sont légions, et déprimants de nullité): il n'y a tout simplement plus de temporalité. Les mecs qui font ces films semblent se dire: "allez, on perd plus de temps à introduire, exposer le sujet, faut directement attaquer dans le vif, sinon le spectateur va s'ennuyer".
Je compte plus les daubes où avant même le générique, t'as, trois fois sur cinq, une jeune fille qui court paniquée dans les bois, poursuivie au pas de charge par quelque force maléfique (ladite force maléfique étant 7 fois sur 10 des "rednecks dégénérés"), avant de se prendre dans les deux minutes une jambe dans un piège à loup, une corde, etc, et finir éventrée, décapitée, etc: c'est le prologue. Le générique vient après. Ces fins penseurs de "l'horreur" imaginent sans doute qu'il y a pas mieux comme accroche. Suivra ensuite une pérégrination sans intérêt, toujours selon le même schéma: essentiellement une bande de "jeunes" en randonnée (tous plus cons et antipathiques les uns que les autres), qui vont blablater leurs vannes à deux balles pour remplir 35 minutes de vide, les 35 suivantes étant consacrées à leur élimination sans surprise. Bien sûr, dans le groupe, t'as toujours une fille (rarement un gars: eux ne pensent qu'à boire et à niquer) plus fragile, hantée comme de juste par un "trauma" bien gratiné et téléphoné, lui aussi (un frère noyé, une mère suicidée, etc etc). Et qui sera la dernière, puisant dans l'énergie du désespoir la force nécessaire pour se transformer en une pure bête de violence. Avec 2 fois sur 3, hélas pour elle, la mort à l'arrivée (LE cliché qui remplace le cliché du happy end).

Sur ce canevas de "slasher" rebattu et usé jusqu'à la corde (arc narratif et lntensité "intra-psychique" réduits à un "trauma-jingle"), addition hétérogène de "scènes de bravoure", toujours les mêmes. Lesdites scènes n'ont aucun intérêt, aucune puissance, aucun impact émotionnel. Elles ne sont jamais inféodées, selon une règle d'économie, de lenteur et de rareté, à une source de peur plus fondamentale, qui est dans le topos, les strates mémorielles, etc, où s'ancre cette histoire.
Bref, le genre est véritablement pris d'assaut par une horde de pseudo-cinéastes qui n'ont rien à dire, aucune espèce d'idée ni du cinéma, ni de l'écriture, ni de la peur. C'est devenu le dernier refuge des nullards, aggravé par le retour un peu "hype" du gore à boyaux.

J'y vais de ce pas, justement.  

Attention quand je parle d'explication, j'entends exposition pas compréhension ou tentative d'éclaircissement par les personnages. Pour donner un exemple concret je pense à deux scènes dans Insidious celle où les ghotsbusters décrivent et expliquent tout ce qu'ils font

Il y a deux types d'explication dans le cinéma d'horreur : il y a celle qui aide à voir et comprendre quelque chose, c'est de l'exposition et puis il y a celle qui apporte quelque chose, qui tente d'éclaircir. Si on prend Texas chainsaw massacre, il n'y a pas beaucoup d'exposition. La terreur du diner de famille vient de ce qu'on ne comprend rien à ce qu'ils racontent, à ce qui se passe. Si un personnage venait expliciter tout ça en nous racontant l'enfance terrible du petit leatherface (ce que d'autres films ont fait) ou le pourquoi du comment on y perd beaucoup.

Je n'aime pas beaucoup Saw, j'ai le souvenir d'un film très mal monté, un truc de petit malin avec ses poupées et ses flash backs. Un scénario qui cherchait constamment à tromper le spectateur pour l'amener dans une fin assez ridicule. Jamais revu mais l'idée d'un type qui va mourir et se venge de ceux qui voulaient se donner la mort pour leur faire comprendre le sens de la vie, je trouve ça crétin comme idée. Puis j'ai le souvenir d'une photo saturée, très vilaine, une esthétique très "Les Experts".

Dans Hostel (que je n'aime pas beaucoup non plus pourtant), il y a une scène terrifiante où le jeune type pour se sauver se cache parmi les abats d'autres jeunes types massacrés. Il s'échappe grâce à la nonchalance d'un "boucher" de l'hostel qui fait son boulot, nettoyer derrière les tueurs du dimanche, les sadiques et Cie. A un moment donné le type assiste à la découpe, tchac, tchac. La scène explique bien des choses (comment les types disparaissent, comment on ne les retrouve pas, etc etc) et en même temps sert le film.

Pour en revenir à The Conjuring, je trouve que le film manque de scènes de cet acabit. Il n'y a que le cache-cache qui joue (un peu) ce rôle. Le spectateur du film d'horreur est le type aux yeux bandés qui avance un peu craintif, mais que fais je donc bien pouvoir voir ici ?

L'écueil dont parle jerzy touche tout les films à gros budget : le nombre de films d'action qui commencent par une scène survoltée, à un régime hallucinant, sont légion. Le dernier james bond par exemple.

Un film qui correspond très bien à ce diagnostic et nullisime : le remake d'Evil Dead. Où chaque jeune au trauma psy mais à l'esprit vif se voit obligé de s'automutiler, torturer ou se torturer pour répondre au cahier des charges du scénario.

C'est très con, scuzi, mais ça me fait toujours rire:



Bonus. Si.

spoiler: