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Autour de "Collectif Ceremony" de Klotz et Perceval

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Message par adeline Sam 11 Mai 2013 - 14:24

Sur Débordements :

http://revuedebordements.free.fr/spip.php?article164

http://revuedebordements.free.fr/spip.php?article166

et texte de Mathilde Girard :


Collectif Ceremony est une installation de cinéma. Il faudrait partir de là. De cinéma, c’est-à-dire, ainsi que le précisait Godard, appartenant et provenant du cinéma. Cela signifie d’abord que le cinéma n’y est pas saisi de l’extérieur – comme objet, qu’il n’y est pas mobilisé comme simple contenu, mais qu’il constitue la matière même à partir de laquelle les différents espaces, leurs lumières, les tableaux et leurs sonorités s’élaborent. Collectif Ceremony regroupe ainsi les supports essentiels qui font exister le cinéma. Parmi ceux-ci, on comptera ceux qui ont fait transité le cinéma, ceux que le cinéma conteste, et ceux qu’il utilise. À la frontière du cinéma comme forme-de-vie et comme technique, les situations et les visions qui nous seront ici proposées signalent aussi des zones de fracture, des champs de tension, entre les appareils qui ont contribué à son jeu à lui, et ceux qui jouent contre lui. C’est ainsi parce qu’il est inséparable de l’histoire des moyens d’enregistrement de l’Histoire que le cinéma se tient, toujours, sur la brèche d’une ambiguïté essentielle.

Inscrire au cœur de l’installation la question de la chasse à l’homme, en la soumettant à la présence des spectres dont le cinéma est chargé, engage celui-ci dans la perspective d’une réflexion sur les relations qu’il entretient avec la violence intrinsèque de la technique sur les corps – singulièrement lorsqu’il s’agit de les surveiller, de les dominer, de les domestiquer. Les films sont-ils les refuges dans lesquels les proies viennent se cacher, ou sont-ils les armes mêmes de la traque ? Que poursuit le cinéma à travers tous ces plans de chasse ? On voudrait que le cinéma rende justice à ceux que la vidéosurveillance a capturés. On souhaiterait que le cinéma parle la langue des justes, et c’est souvent ce à quoi il s’est appliqué. Mais la relation du cinéma à la politique est indirecte et troublée parce qu’elle est hantée. Si bien qu’on ne saurait dire simplement que le cinéma avoue ce que la politique refuse : au-delà d’une politique du cinéma ou du cinéma politique, résiste un espace spectral dont le cinéma témoigne, où les fantômes sont porteurs d’une charge par-delà le bien et le mal, que le geste de l’enregistrement tente d’anticiper. Il y a plusieurs façons de filmer la mort (Bazin), plusieurs façons de filmer un homme traqué. La façon peut être juste, ou abjecte (Rivette, Daney) – le fantôme du référent cinématographique est toujours un peu au-delà, ou en-deçà de la justice des images : il erre. Il faut donc emprunter la voix du prophète (Godard), et raconter l’Histoire du cinéma comme une histoire divine : une histoire qui pourrait juger les fantômes.

Le temps des spectres est ainsi celui où le cinéma répond à ceux que le réel a exposé à l’hypervisibilité des sociétés de clairvoyance, rendant aussi justice à ceux qu’il a lui-même sacrifiés. Le temps des spectres confronte aussi les sujets que nous sommes, sujets-auteurs de cinéma, à l’impossibilité de saisir exactement l’actualité de cette relation entre le cinéma et les technologies de la chasse à l’homme : après que la photographie eut creusé l’abyme de la disparition du référent (Barthes), le cinéma a mis en mouvement et inscrit dans le temps l’épreuve de notre exposition à la présence des spectres – des spectres en chacun de nous. Jusque dans la possibilité que le cinéma permet de nous imaginer déplacés dans cet autre lieu hanté par la mort et par le désir. C’est ainsi parce que le cinéma a, de tout temps, donné naissance au désir de spectres qu’il charrie, dans les films d’aujourd’hui, les fantômes de l’histoire et les fantômes du présent. Reste aux films d’aujourd’hui de choisir s’ils s’engagent ou se replient face au désir de spectres – s’ils s’engagent ou se replient face au désir de cinéma.

Collectif Ceremony – en associant l’histoire des films à la question des techniques de domination – s’implique dans ce désir qui perturbe inévitablement les lignes politiques. Lorsque désirer les spectres suppose de prendre la mesure de notre propre contribution à la chasse au désir, le cinéma réalise quelque chose de ce que l’humanité attend de nous : que nous l’accueillions, jusqu’à l’inhumain, jusqu’à ce que le désir peut avoir d’inhumain. Aimer l’homme jusqu’à l’inhumain en lui est probablement ce qui est en jeu dans la mort du cinéma autant que dans le désir de spectres ; il est arrivé que des hommes s’entendent pour donner la mort. Il est arrivé qu’ils s’organisent pour cela. Et des hommes se sont enfuis. Des hommes se sont mis à courir, que d’autres ont poursuivi. Le cinéma a montré cela – réalisant et conjurant, dans le même geste, la vérité de la chasse à l’homme.

Films rouges

Pour avancer dans Collectif Ceremony il faudrait marcher pieds nus. Et puis, comme Cendrillon chaussant les pantoufles de vair, se risquer à l’état d’exception des talons rouges pour entrer dans le geste d’inversion qui préside à la dialectique de la chasse à l’homme. Mais assez vite, on ne choisit pas : ce sont les spectres qui nous reconnaissent et choisissent pour nous. Le sens de la chasse, et le destin du désir souverain. À l’origine de Ceremony, la nouvelle de Faulkner, Feuilles rouges, dit ainsi qu’aux derniers sursauts de l’esclavage, les maîtres s’assurent de leur descendance par un rituel qui exige que l’esclave ne survive pas à la mort de son maître. La chasse est ici loin du désir. Apparemment, puisqu’elle est d’emblée l’expérience au cours de laquelle l’esclave éprouve le refus de mourir alors qu’il rencontre pour la première fois le sentiment d’une vie libre au cœur de la fuite : « Et il répéta de nouveau : “C’est que je ne veux pas mourir”, d’un ton tranquille, avec un étonnement tardif et profond, comme si c’eût été une chose dont il ne se fût avisé qu’en prononçant ces paroles mêmes, comme s’il ne se fût pas rendu compte auparavant de la profondeur et de l’étendue de son désir ».

Dans Feuilles rouges, il est dit également que « les morts ne doivent pas frayer avec les vivants ». Mais n’est-ce pas précisément ce que le cinéma exige de nous ? Quand la nouvelle de Faulkner signale que la politique de l’esclavage fait entrer les morts et les vivants dans une étrange communication qui est déjà une inversion où celui sur qui pèse la mort est rendu plus vivant que celui qui en décide, le cinéma est la possibilité d’une rencontre entre nos existences et la réalité des spectres parmi nous. De sorte que – dans la chasse comme dans la poursuite – c’est bien la question du sens de l’Histoire qui est posée : sens, orientation, direction – des spectres poursuivant des vivants, des vivants chassant les spectres. C’est ainsi pour prendre la mesure de cette vérité portée par le sens de la chasse qu’une installation précède un film : il s’agira bien ici de marcher, de progresser, de revenir, de se déplacer d’un espace à l’autre – de suivre les traces qui séparent les spectres des spectateurs.

Il est probable que les traces nous mènent au corps d’un homme – à la mort ou à la disparition de tous les hommes que le cinéma a engagés dans une chasse infernale. Du pouvoir des maîtres au corps de l’esclave, des spectres de la domination à ceux de l’histoire (à ceux que l’histoire a vu disparaître), c’est ici le sens historique du cinéma qui est interrogé par la mise en lumière de son sujet sublime et maudit. En provoquant le motif de la chasse, Collectif Ceremony travaille sur la frontière qui sépare le cinéma des techniques de surveillance ; s’introduit dans la zone troublée de la morale des spectres ; prend le risque enfin d’exposer le spectateur à l’ambiguïté fondamentale à l’œuvre dans la procédure de la chasse – à l’endroit où le rapport de force s’inverse. Mais c’est aussi à la rencontre troublante du désir et de la mort que la chasse nous invite – dans sa proximité essentielle et irrésolue avec la poursuite amoureuse. [1]

Mathilde Girard

et de Frédéric Neyrat sur le blog Strass de la philosophie

http://strassdelaphilosophie.blogspot.be/2013/05/cinemeteographie-frederic-neyrat.html

Cinémétéographie

« J’appelle précisément fantastique ce que l’on ne voit pas avec ses yeux. »
(Catherine Malabou)


1. À chaque fois qu’il y a du cinéma, du cinématographique, quelque chose arrive qui n’aurait pas dû arriver ainsi. On pourrait parler d’événement cinématographique, ou "cinémétéographique" : nuages en accéléré (Rumble Fish), averse de neige (les espaces interstitiels de "L’amour à mort"), météores en tous genres (le monolithe noir de "2001")… Ces événements peuvent également se référer à une météorologie intérieure (la dépression d’Elisabet Vogler dans "Persona") ou métaphorico-politique (la tempête de singes révoltés de "Rise of the Planet of the Apes"). Mais ce qui compte en définitive est la manière dont les événements cinématographiques révèlent qu’un autre monde hante celui que nous connaissons.
Voilà une bien étrange proposition : ne savons-nous pas, depuis Nietzsche, qu’il n’y a plus d’outre-monde ? Ne nous dit-on pas, depuis des décennies maintenant, qu’il n’y a plus de dehors ? Que tout est là, disponible, visible, consommable ? A force de refuser les dehors, le monde est redevenu plat. Dans un monde sans extériorité, un fugitif est un bloc d’informations en mouvement que l’on peut tracer ("Enemy of the State"), et dont on peut prévoir le comportement ("Minority Report"). Ne cherchez pas à vous échapper, on vous retrouvera ; on vous a retrouvé avant même que vous ne songiez à partir ; on vous a filmé ; on vous a pré-filmé ; grâce au Data Mining et les nouvelles possibilités d’analyses prédictives qu’il engendre, on a enregistré votre déposition avant même que vous ne l’écriviez.
Seulement voilà, tous les discours de la surveillance et de la police préventive sont fondés sur un déni de la déchirure du monde. Le cinéma est ce qui non seulement explore cette déchirure, mais la peuple. Le peuple en mouvement de la déchirure du monde, le peuple explorateur qui fuit la domination des vivants morts comme la pesanteur des morts-vivants, c’est toute l’histoire du cinéma – sa rémanence, l’intensité de son présent comme son seul avenir.

2. Seul avenir, dis-je. Il s’agit d’un choix, d’une décision théorique et pratique, d’une ligne de partage qui me conduit à l’affirmation suivante : notre monde exige une nouvelle alliance entre la philosophie et le cinéma. Une alliance de combat contre les discours du monde plat, des visibilités pleines, des avenirs pré-tracés et des "exophobies". La question n’est pas de décrire le cinéma, ou d’écrire sur le cinéma, et les philosophes ne peuvent plus se contenter d’être spectateurs ou amateurs : ils doivent faire de leurs propositions métaphysiques les chambres d’écho du peuple en mouvement de la déchirure du monde. L’un des objectifs du Collectif Ceremony est d’incarner localement un tel objectif.

3. De quel peuple parlons-nous ? Celui qui « manque », comme Deleuze l’aura dit après Paul Klee ? Mais que veut dire manquer, pour le peuple des images en mouvement ? Ce dernier n’est-il pas, tout au contraire, surabondant ? Pour répondre à ces questions, il nous faut d’abord revenir aux théories de Bazin et de Kracauer.
À leur manière, tous deux semblent défendre une théorie réaliste du cinéma (ou du « film », pour Kracauer). Comment donner support à une telle conception lorsque prolifèrent les « caméras virtuelles », les simulacres et le 3D ! La tendance « formatrice » n’a-t-elle pas balayée la tendance « réaliste » et sa « camera-reality » (Kracauer) ? À supposer que cela soit vrai, faudrait-il en revenir, comme certains le désirent aujourd’hui, dans la philosophie comme dans l’art, aux objets, à l’objectivisme et au réalisme ?
On pourrait leur répondre, mais cela serait trop facile, qu’il n’y pas de réalisme ou d’objectivisme purs – et, cela, Bazin et Kracauer le savaient. Non, ce qu’il nous faut affirmer est ceci :
a/ le cinéma est un art athée, un art matériel qui a pour fondement de pouvoir enregistrer la réalité ;
b/ cet art matérialiste a besoin de la fiction pour capter le visible et la « vie matérielle » en ce qu’elle a de « fugitif » ("transient") (Kracauer) ;
c/ le cinéma de l’imaginaire, celui qui « croit aux images » (Bazin), est hanté par le fantôme de la réalité. Ce qui veut simplement dire ceci : il serait impossible de regarder un film tel que Matrix sans croire que ce film, aussi virtuel soit-il, n’est pas en prise avec la réalité, aussi escamotée soit-elle.
On voit dès lors le double danger : ou bien chercher à s’assurer d’un réalisme pur au cinéma - c’est impossible ; ou bien abandonner les réalités au profit des fictions divertissantes – ce serait trahir les habitants de la déchirure du monde. Contre ce double danger, il n’y a qu’une solution : montrer que la réalité transite par le fantastique – adjectif important pour le "Collectif Ceremony". Non pas : la réalité (économique, politique, écologique) est fantastique - à l’heure du capitalisme sans limites, un tel énoncé serait cynique ; non pas le fantastique (rêves, fantasmes, fictions) est la réalité (divertissante – ce que Nick K. Ray nomme le « shoot cinéma »), mais plutôt : il y a des événements cinématographiques - des météores de sons et d’images, des plans qui coupent le temps, ouvrant le monde sur ce que je nomme le "surplan" du cinéma. Ce surplan est là où habitent les êtres qui sont passés de la déchirure du monde à la vie cinématographique.

4. Il nous faut préciser la nature exacte de ce surplan cinématographique, car elle engage le rapport du cinéma à l’installation cinématographique fantastique que le "Collectif Ceremony" cherche à mettre en place.
Jacques Derrida et Jean-Louis Comolli l’on dit chacun à leur façon : le cinéma est affaire de spectres, de fantômes et de revenants. Non pas d’abord pour des raisons de scénarios, mais parce qu’enregistrant, le cinéma prépare une résurrection. Exemple parfait de cette procédure : "Paranormal Activity". À proprement parler, il ne s’y passe rien, il n’arrive rien. Simplement, une caméra-vidéo enregistre - ce rien… Que voit-on dès lors, à l’écran ? Les traces dans la farine produites par un être invisible, une porte s’ouvrant toute seule… L’erreur consisterait à croire qu’il s’agit là de la présence d’un fantôme, alors qu’il s’agit en fait de ses traces enregistrées : le fantôme n’est pas ce qu’on voit, mais ce qui va revenir, son anticipation. C’est comme si on voyait immédiatement, au moment même de la prise d’images, ce qui pourtant ne pourra être vu qu’après-coup, grâce à l’enregistrement (comme si présent, passé et avenir étaient court-circuités).
Derrida avait d’ailleurs parfaitement identifié ce point : plus on enregistrera, plus on produira de spectres… Au point que ceux-ci, comme dans Pulse, chercheront à régler leur problème de surpopulation en prenant la place des vivants. Comme si le surplan spectral du cinéma passait soudain dans la réalité. Pourtant, c’est bien dans le film de Kiyoshi Kurosawa que les spectres se coulent, dans le surplan du cinéma. Car tel est le statut de ce surplan :les êtres qui l’habitent sont parmi nous et ne sont pas parmi nous. Ils sont dehors ; mais ce dehors est dedans. C’est pour cela que la philosophie sensible à la politique doit s’allier avec le cinéma : les fantômes font non seulement remonter les réalités déniées, tous les individus que nos sociétés ont massacrés, chassés, exterminés, mais ils font aussi descendre l’esprit des morts afin qu’ils inquiètent les vivants.

5. Le "Collectif Ceremony" fait revenir un certain nombre de spectres. Les spectres du cinéma, c’est-à-dire les revenants : ceux qui étaient là, qui sont morts et qui renaissent dans les images et les sons. Mais aussi les spectres du cinéma lui-même : ceux qui engagent son histoire en tant qu’art (disons Godard) ou film (disons Kracauer). C’est l’objectif de l’installation cinématographique, qui est bien du cinéma au sens où il s’agit de montrer l’existence du surplan cinématographique. Voilà qui intéresse la philosophie dans son alliance avec le cinéma du dehors. Car que fait le cinéma lorsqu’il enregistre le vent, les indiens, les sans-papiers, les êtres traqués ? Il ne fait pas, comme on le dit trop vite, qu’intégrer dans le visible ce qui était invisible et non senti, mais il fait passer ce qui était forclos au statut de dehors. Car le surplan du cinéma n’est pas le marché des équivalences, la domestication des apparences insoupçonnées n’est pas son but véritable. Il s’agit bien plutôt, par l’opération cinématographique, d’élever ce qui n’était même pas perçu comme en dehors de nous à ce qui va constituer nos dehors. Le surplan cinématographique est la somme non seulement de ce qui a été filmé mais de toutes les manières dont les spectres, humains et non-humains, ont déjà interagi avec nous. Et entre eux - car le surplan, n’en doutons pas, a sa vie autonome (Wells y rencontre Brando).
C’est pour cela qu’une installation cinématographique peut être le moyen de rendre justice non seulement au cinéma et à leurs spectres, mais aussi – et je dirai d’abord et avant tout – à nous, les vivants en sursis, qui savons que la mort n’est pas en surplomb mais en surplan, coupant nos yeux de chiens errants du tranchant des météores andalous.

6. Il est diverses manières de chasser. Si le "Collectif Ceremony" dit qu’il ne s’agit pas là d’une métaphore, c’est parce le cinéma a pris au sérieux ce qui est au fondement des sociétés : l’expulsion des corps que l’on déclare impurs afin de constituer la pureté de faussaire de nos communautés. On aura donc chassé des peuples de leurs territoires et des individus de leurs vies. Et le cinéma, écriture du mouvement, aura tenté de trouver l’angle et la manière de suivre les corps chassés.
Chasser un individu, c’est le mettre au ban – non pas le constituer en dehors, mais le dé-constituer en ce qui ne doit pas même être conçu comme notre dehors – ce qu’on appelle, en psychanalyse, forclusion. Je l’ai dit de diverses manières : le cinéma a pour mission de revenir sur ce mouvement de forclusion – faire passer ce qui était forclos au statut de dehors intérieur. D’une certaine manière, je cherche à établir une même opération en philosophie. Car le grand danger de la philosophie est de produire des généralités : même lorsqu’elle cherche à rendre justice, par la production d’énoncés vrais, à la réalité, elle risque toujours de créer des équivalences entre tous les êtres. Par exemple, l’ontologie dira qu’il y a de l’être commun à tous les individus existants ; parlant de l’être en général, elle aura chassé la singularité, l’altérité, elle aura comblé ou emmuré le dehors qui l’avait pourtant incité à penser.
Telle que je la promeus, la philosophie doit formuler des propositions métaphysiques qu’elle doit construire en fonction des cas. Selon un paradoxe qui leur est propre, ces propositions ont pour vocation de rendre raison des réalités tout en rappelant que le réel reste hors d’atteinte. Une proposition métaphysique est une vérité, mais blessée ; elle donne un sens, mais sur fond de non-sens ; elle donne raison, mais sur fond d’abîme. Je dirai dès lors que peut s’établir une communication entre le cinéma, avec son surplan spectral, et la philosophie, avec ses propositions métaphysiques : tous deux ont à faire avec un hors-lieu, celui de la pensée avec les propositions paradoxales de la métaphysique, celui du cinéma avec ses êtres présents et absents. Ces deux hors-lieux sont des lieux d’accueil pour tout ce qui est expulsé, forclos, traqué, mis au ban.

7. On peut donc attendre de l’alliance nouvelle de la philosophie et du cinéma d’autres manières de sentir et de penser. Il ne s’agit pourtant pas de dire que le cinéma va donner des yeux et des oreilles aux philosophes, et les philosophes des concepts aux cinéastes. D’une part parce que les cinéastes savent très bien penser tout seul ; d’autre part parce que les philosophes, comme tous les spectateurs, savent eux-mêmes traduire ce qui leur a été donné à sentir. Disons plutôt que le cinéma, avec ses fantômes, met en scène les yeux du surplan, qui ne sont les yeux de personne. Et la philosophie, avec ses propositions métaphysiques, expose l’intellectualité qui appartient à tous. Intellectualité et fantômes sont deux manières de rendre justice, par images et concepts, à ce qui cherchait à se sauver. Qu’on entende ce terme en deux sens : la fuite salvatrice, celle où les amants de "You Only Live Once" peuvent éprouver la plus grande des proximités ; la justice par les images et les pensées, qui sauvent le réel banni de la pure et simple ignorance. Rendre justice et pouvoir fuir, sauver et se sauver, voilà ce qui devrait toujours arriver ainsi.

adeline

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Message par Invité Sam 11 Mai 2013 - 16:42

Salut Adeline,

je trouve le texte de F. Neyrat (à ne pas confondre avec F. Neyrat, sociologue) assez vide de sens, aquatique, vaporeux, voire fumeux. On serait bien en peine de dégager une armature conceptuelle ou autre (un truc qui fait que "ça pense" un peu) dans cet onctueux fatras de références/expressions utilisées comme des gimmicks et des jingles. Mais surtout une idée, rien qu'une, un peu intéressante, qu'on aimerait défendre ou prendre au sérieux plus de 30 secondes montre en main.

[...] D’une certaine manière, je cherche à établir une même opération en philosophie. Car le grand danger de la philosophie est de produire des généralités
Gars qui doute vraiment de rien, sans se douter de son haut potentiel comique, dans un registre de cuistrerie qui explose MBK. En matière de "généralités" creuses, son texte, ce n'est plus un festival, mais un véritable juke-box.

Son CV est prestidigiteux et épatatifiant autant qu'édifiant et intimidant. On s'y sent bercé par l'ensemble flou: "Clinamen. Flux, absolu et loi spirale". On se sent pris de vertige face à tant d'atopies - qui sont le nom smart-tendance d'un nouveau "globe-trottérisme" mondanisant (au sens le plus plat de "mondain") & opérant des révolutions coperniciennes autour de tables rondes, colloques spiralaires et postmodernstudies invitaires.
Mais il ne faut pas s'y tromper: au fond du tonneau danaïdesque de cette potion magic-majax digne de Gandalf-Panoramix, macèrent les vieux paradigmes réchauffés habituels (Debord) accommodés à la sauce Bernard Stiegler (le théoricien des "masses psychotisées"), avec une bonne louche de "Biopolitique des catastrophes" pour faire plaisir à Gaïa Stengers.

Spoiler:



C'est comme à peu près tout ce qui s'écrit sur le blog "strass de la philosophie", que je ne supporte pas, mais alors pas du tout.
Sous l'égide de J. Clet Martin, qui pour moi est un parfait pseudo-philosophe dans une certaine veine universitaire qui se voudrait para-universitaire et qui se contemple écrire - en croyant émettre des propos d'une rareté d'autant plus précieuse qu'elle est... prolixe. Et se prend fort au sérieux.
Le mec publie une collection "travaux pratiques" (niche élective pour les MBK et les Bergen), que j'avais rebaptisée "praxis du tricot" et dont je m'étais amusé... ailleurs. Rolling Eyes
Spoiler:


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Message par adeline Dim 12 Mai 2013 - 8:41

Hello Jerzy, tu me prends en flagrant délit d'absence de jugeote…

J'ai, par grande flemme, uniquement copier-coller les textes, en pensant aux "fans" de Klotz et Perceval. Pas lu un traître bout d'aucun des deux. J'avais juste vu que le gars parlait de "spectres du cinéma" en me disant qu'il aurait bien pu nous faire aussi de la pub.

Surtout, je sais que les deux (Mathilde Girard et Frédéric Neyrat) écrivent souvent sur Klotz et Perceval, j'ai fait "confiance", du coup. Qu'à cela ne tienne, me voici prévenue Wink

adeline

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