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Avant la nouvelle vague

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Message par Invité Mar 20 Nov 2012 - 12:08

Douce d'Autant Lara, en 1943.
Autant Lara était un sacré connard. On trouve sur le site de l'ina quelques vidéos qui laissent peu de mystère sur sa misogynie ou son antisémitisme, du moins à la fin de sa vie.
Il semble avoir, pour ajouter à ce portrait succinct, pratiqué la délation, alors sport prisé, au moment de l'occupation, au dépend du producteur Pierre Braunberger.
Toujours est il que j'ai croisé quelques unes de ses œuvres, sylvie et le fantôme ou douce avec la fragile Odette Joyeux, de 1945 et de 1943 respectivement, le blé sur l'herbe, inspiré par les avis de Vecchiali sur le bonhomme, ou plus précisément sur ses œuvres.
Je ne crois pas qu'il faille s'excuser d'une curiosité ou d'un intérêt vis à vis d'un tel personnage, anarchiste de droite tel qu'il est présenté un peu partout, mais des précautions sont à prendre, des éclairages à apporter, en piochant par exemple sur le net lol.
Douce s'ouvre sur l'image du foyer incandescent d'une cheminée, du désir qui impose sa loi à une jeune femme née au sein de l'aristocratie, du désir qui attise la jalousie chez un homme au comportement sanguin, humilié par son statut social. La caméra recule et sort de la pièce vide, par une fenêtre ouverte, puis se déplace sur le côté, observe une maquette d'une vue de Paris avant de déboucher sur le perron d'une église. Le vicaire d'une vivacité lunaire et retorse raccompagne une personne jusqu'à sa calèche puis rentre à l'intérieur. On suit son déplacement, d'une jeune religieuse érotisée priant devant une miniature de la naissance du Christ, c'est la veille de Noël, passant devant les bancs, jusqu'au confessionnal. En son sein, une femme superbement éclairée, le visage dans l'ombre du pêché, le profil, adouci par un châle, suavement dessiné contre un pan d'un panneau du confessionnal offrant un contraste opportun.
L'espace premier, la pièce et la fenêtre ouverte, les flammes du foyer, abreuvent le film de belles compositions, d'échos réels aux mouvements des âmes que la morale religieuse, la peur d'un préjudice dans l'opinion de la société n'atteignent que peu, aussi peu que les avertissements du curé n'ébranlent la conviction de Douce.
Il y a une jolie scène conviant cette tension entre chuchotements intérieurs (épiés) et visibilité, esclandre provenant d'une manifestation extérieure, lorsque le régisseur Fabien, l'homme associé aux bêtes, l'intransigeant, passé sur le rebord du toit, devant la fenêtre de sa maîtresse, lui ordonne de lui laisser libre l'accès à son intimité, et face à son refus, brise un carreaux dans lequel se reflétait le penchant de son cœur, angoissé, palpitant, et pénètre à l'intérieur comme le vent glacé de l'hiver, la main en sang.
Cependant le film n'est pas exempt de lourdeurs : Douce s'enfuit avec Fabien et découvre l'amour dans une hôtel miteux ; alors qu'il dégrafe son décolleté, son scapulaire s'accroche un court instant ; en s'excusant, elle le rejette en arrière d'une mouvement mécanique. Un geste qui témoigne uniquement, je pense, de l'anticléricalisme d'Autant-Lara, un geste qui choquera la bien-pensance de l'époque, mais qui plombe la scène d'un commentaire superflu.
Il a tendance à mettre la caméra dans des emplacements très peu naturels, comme à l'intérieur d'une cheminée, afin que de jolies flammes apparaissent sardoniquement devant deux jeunes femmes, Douce et la maîtresse de Fabien, occupées à d'innocents travaux de broderie, afin de mettre en lumière les tourments invisible du désir qui les afflige; pourtant la suite est plutôt jolie, prêt d'un dé à coudre afin de protéger le doigt de l'ingénue Douce de la piqûre du réel ; peut être.
Parfois on a l'impression que le cinéma protège les personnages, même contre, surtout contre, les vitupérations âcres, les velléités rances d'un Autant-Lara, leur offre _ il y a ces mots de Godard je crois, qui parlait de technique démocratique, _ congé des représentations qui les enserrent. Mais c'est au mérite du cinéaste d'encourager ses moments de beauté qui exemptent peut être Douce d'une gravité sentencieuse.

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Message par Invité Lun 8 Déc 2014 - 19:24

Courrier Sud de Pierre Billon (au découpage, Bresson) adapté de Saint-Exupéry, en 1937
Deux mouvements se polarisent dans cette conquête de l'espace et des images de l'amour. Un pilote de la postale ouvrant la voie à la civilisation des lettres et du courage sur la crête Nord ouest de l’Afrique nomade revient pour quelques jours dans l'hexagone intérieur d'un monde de la nostalgie; l'enfance perdue et une romance qui couve sous les cendres.
Son amour de jeunesse est l'épouse d'un diplomate en prise avec les conflits à naître, le présent à éclairer de la lanterne poisseuse du progrès; on verra ce que cela donnera. Mais ils se retrouvent; elle, encore jeune, délaissée par l'âge et les responsabilités, tandis que lui, qui frôle les vents de l'oubli, tente malgré tout de tenir une seconde carte de l'absolu dans son jeu. Comme s'il désirait être à la fois hors et au dedans du paradis, ou à l'intérieur de deux images dégradées et non synchrones du paradis.
Leur fuite les conduit dans un appartement d'un ami absent. Sur les murs accrochés comme des épouvantails effrayant le temps passé du bonheur illimité, des peintures et des sculptures de l'art moderne de l'époque, Léger, Picasso, les surréalistes; l'art en mouvement.
Les amants décrochent tout cela pour repeindre leur nid douillet des couleurs classiques en papier épais. Ils sont très dix neuvième.
C'est une histoire qui finit mal pour l'amour innocent et aveugle. La france était dans la croyance de la grandeur de son projet colonial, ignorante du gouffre qui l'attend. La petite et touchante histoire ne pouvait rivaliser avec la fraternité des hommes blancs à l'assaut du monde et des nouvelles frontières.
Le temps passe et les imbéciles restent. Ca donne pas envie de lire Saint-Exupéry lol. Les tribus nomades du Sahara seront les indiens des westerns américains des années 40 ou 50.
Plutôt étonnant et exaspérant cette foi candide dans le processus de destruction colonial dans certains films français des années trente (par exemple l'apologétique Brazza ou l'épopée du Congo de Léon Poirier). Pas l'ombre d'une ombre au midi de la conscience.
Je sais plus où j'ai lu Badiou parler de la promesse; promesse des amoureux opposée aux promesses politiques. Évidence et chimères.
Le pilote avait promis à sa maitresse de la rejoindre mais les aléas de l'aventure, du péril, des liens fraternels, le pousse à se retrancher derrière les murs d'un Fort de légionnaires dans le désert. Cernés d'une altérité armée et superstitieuse, il saute pourtant hors la protection de l'enceinte et court rejoindre son avion, affolé par l'idée obsédante de la promesse à l'aimée qu'il doit tenir. Il est frappé à mort. Les témoins en haut des remparts le regarde entrer dans le corps de l'avion, s'y dissoudre, et le mettre en marche. Sa mort coïncide avec avec la vie soudaine de la machine. Coïncide avec l'arrivée opportune des troupes coloniales comme dans les récits de l'Ouest. Finalement ce dernier accès de folie amoureuse transforme le sang du martyr en pétrole des utopies barbares, des pillages futurs. C'est moins une question de renoncement que de substitution.

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Message par Invité Mer 17 Déc 2014 - 10:52

Le 6 juin à l'aube de Grémillon vient de ressortir dans une version intégrale grace à Jean-Marie Straub.
Straub témoigne de son émotion face à l'acuité du travail de Grémillon :



Toutes les séquences qui concernent le travail de cartes de Grémillon sont très impressionnantes, ce qui est conçu avant tout comme dispositif informatif devient émotion là-aussi.
Paul Vecchiali commente également le film(qu'il ne connaissait pas), il remarque que le dessin des cartes de Grémillon représente un homme qui crie :

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«Toutes ces ruines c'est une menace derrière l'enfance...»

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Message par Invité Mer 17 Déc 2014 - 14:50

Merci Breaker, je connaissais pas; très émouvant à entendre les mots de Straub, les mots de Vecchiali, dessiner la silhouette d'un homme, chanter un film en cœur.

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Message par Invité Mer 17 Déc 2014 - 15:49

salut Erwan, ce qui m'intéresse d'emblée dans cette période de l'histoire du cinéma français, partant de ce film de Grémillon,
c'est qu'on lui dit assez vite à Grémillon : on va couper votre film, la guerre n'intéresse plus personne à présent (il sort en 1946, très peu diffusé, et ensuite en 1949 dans une version coupée).
Dans un dialogue avec Duras, Godard dit qu'après la guerre de 45, le plus grand propriétaire de salles de cinéma en France, c'est le parti communiste, et le deuxième grand propriétaire de parc de salles de cinéma, c'est l'Église... Et ils n'ont pas fait les films, raconte Godard dans cet échange avec Duras, Shoah n'a pas été fait en 45, il faut attendre 30 ans...
Et puis dans cet extrait cité, Straub parle de la colonisation de l'Europe par les États-Unis... En 48, ce sont les accords Blum-Byrnes qui sont signés, autorisant en France l'entrée et la diffusion des films américains pratiquement sans quota...
Bref, une période de l'histoire du cinéma français que je connais assez mal... il y a un livre d'André Bazin "Le cinéma français de la Libération à la Nouvelle Vague"...

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