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De Rouille et d'os (J. Audiard)

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Message par Largo Sam 19 Mai 2012 - 15:18

De Rouille et d'os (J. Audiard) 20086117

Petite revue du web :

Burdeau sur Mediapart

«De rouille et d'os», ou regarde les hommes béton


En adaptant deux nouvelles du canadien Craig Davidson, Jacques Audiard retrouve une histoire qu'il a déjà racontée. Matthias Schoenaerts interprète Ali, un marginal, à la fois videur et boxeur pour des combats clandestins. Grand, baraqué, il parle peu et, lorsqu'il parle, c'est rudement. Marion Cotillard interprète Stéphanie, dresseuse d'orques au Marineland d'Antibes, qu'un accident de travail prive bientôt de ses deux jambes. De rouille et d'os –premier film français à être présenté en compétition Internationale à Cannes et sorti mercredi dernier sur les écrans– narre leur rencontre. L'histoire, une fois de plus pour Jacques Audiard, d'un homme fort et d'une femme diminuée, d'un homme rustre et d'une femme sensible : histoire d'apprivoisement, d'amour et d'éducation.


C'est en effet cela que décrivaient déjà Sur mes lèvres (2001), à travers le voyou et la sourde-muette interprétés par Vincent Cassel et Emmanuelle Devos, puis quatre ans plus tard De battre mon cœur s'est arrêté (2005), via l'arnaqueur et la prof de piano chinoise, muette, ou quasi, à son tour, faute de parler français, interprétés par Romain Duris et Linh-Dan Pham.

Contrairement à ce qu'annonçait son premier long métrage, Regarde les hommes tomber (1994), le programme d'Audiard consiste donc plutôt à regarder les hommes béton. Regarder tomber puis se relever des hommes béton : carrés, musculeux, taiseux. Sûrs de leur force, moins sûrs de leur intelligence ou indifférents à son égard. Le même imaginaire dominait Un Prophète (2009), Grand Prix du Jury à Cannes il y a trois ans, film pour ainsi dire sans femmes. Il domine encore De rouille et d'os, où abondent les plans sur les hommes entre eux, le dos et le torse de Matthias Schoenaerts.

Corps amputé, corps plein
L'éducation par la douceur et le mutisme féminins agaçait, dans Sur mes lèvres et De battre mon cœur s'est arrêté, parce qu'elle ressemblait trop à un tic d'époque : ne pas parler, ne pas expliquer, laisser parler la seule présence… Et qu'elle cantonnait les figures féminines à domestiquer l'animalité mâle, selon un partage un peu court, et combien usé, de la brutalité et de la “délicatesse” – Stéphanie en apprendra le mot, autant que la chose, à Ali. Simple contrepartie d'un cinéma viril, couillu : un truc de mecs avec lequel on ne rigole pas.

Il faut être juste : De rouille et d'os modifie cette donne. Un peu. Ce n'est pas le handicap de Stéphanie qui retient Audiard, mais l'hypothèse que ce corps amputé puisse être un autre corps plein, égalant en majesté celui d'Ali. Les scènes de sexe sont impressionnantes, où Ali saisit à pleines mains les moignons de Stéphanie sur lesquels elle a fait tatouer « Gauche» et « Droite », comme sur les ailes de quelque bolide. Plus impressionnant encore, le moment où Stéphanie franchit l'interdit fait aux femmes d'assister à un combat. Jambes artificielles qui se devinent sous le pantalon, démarche de Robocop – Ali dixit –, Marion Cotillard ressemble à une mutante, une femme sans âge, à la fois gracieuse et refaite, voûtée et raide. Toutes choses qu'était déjà la Piaf d'Olivier Dahan, film étrange dont il se dit qu'il donna à Audiard l'envie de travailler avec l'actrice, au point d'attendre la fin du tournage de The Dark Knight Rises. (Et pour répondre à votre question : Cotillard est très bien également dans De rouille et d'os.)

Corps seul
Les beautés de De rouille et d'os logent là : dépassement – partiel – de l'habituel machisme au profit d'une recomposition bricolée, bizarre des alliances et des capacités. Tout le reste du film mérite d'être sévèrement discuté. Et d'abord les conséquences de cette concentration autour des seuls états du corps, parmi lesquelles le refus du langage, de la parole n'est pas le moindre ; refus tenace, seulement levé à la dernière minute, où il serait trop facile – mais inévitable, aussi – de voir une réaction à la logorrhée dont le père, Michel Audiard, fit sa spécialité.

On répondra que le cinéma français est assez bavard, globalement, et que, de toute façon, ce n'est pas la force physique que cherche le cinéaste, mais la force avec la faiblesse, la puissance avec l'impuissance. Ensemble, s'équilibrant. Sans doute. Il n'est certes pas sans audace que l'accident survienne dès la première scène au Marineland : pas d'accoutumance pour le spectateur ; pas de succession de la routine et du drame ; l'atroce arrive tout de suite, alors que l'on vient à peine de découvrir la jeune femme faisant danser ses bêtes au rythme de ses bras.

On dira que pour Audiard, l'impuissance est annoncée et incluse dans la puissance, comme l'issue d'un combat se dit aussi bien par un hurlement de victoire que par le spectacle d'une dent arrachée tournant au ralenti sur le sol où elle vient de tomber. Certes. Mais cela ne résoud qu'une partie du problème. Cela confirme seulement que tout passe ici par le corps et par le corps seul.

De rouille et d'os est tordu, aussi assuré de sa maestria qu'embarrassé de ses désirs. Dissimulant l'embarras de ses désirs sous sa maestria. Va-t-il trop loin ? S'arrête-t-il au contraire au milieu du gué ? Audiard n'est-il pas encore trop français, plus proche de Patrice Chéreau que de Pedro Almodovar (qui a souvent filmé le handicap) ou de David Cronenberg ? On ne sait pas bien.

Corps vide
Ce que je crois savoir, en revanche, c'est que la plupart des articles sur De rouille et d'os ne s'embarrasseront pas, eux, de ces interrogations. Hier, un critique commençait le sien par ce qu'il donnait comme une évidence : quel que soit le goût qu'on ait d'ordinaire pour le cinéma d'Audiard, chacun reconnaîtra que ce film est parfaitement réussi. Même prétérition chez un autre : l'unique défaut de De rouille et d'os, c'est qu'il s'agit d'un chef d'œuvre et qu'il le sait. Ok, merci. Qu'est-ce qu'on fait, du coup ? On quitte Cannes et on rentre tout de suite à Paris ?

La critique en serait donc rendue là ; il n'y aurait plus rien à discuter sinon, peut-être, l'indiscutable. Du bout des lèvres, et non sans avoir d'abord rendu les armes. Cannes n'offre pas le loisir – si j'ose dire – de s'y pencher, et pourtant il le faudrait, puisque c'est l'endroit où revient en pleine face ce qui peut bien cette fois être appelé évidence et même scandale : l'essentiel de la critique, surtout celle des quotidiens et des hebdomadaires, a cessé de s'adresser aux films. Elle n'en parle pas, elle ne les discute pas. Elle préfére en déclarer résolus les éventuels problèmes, nuls et non advenus. C'est l'inverse qui est vrai et exaltant. Réjouissons-nous que des problèmes existent, des difficultés, des obstacles, des impasses même.

Ne voit-on pas, par exemple, qu'Audiard se débat avec un drôle d'imaginaire érotique, à la fois singulier et encore inaccompli ? Ne voit-on pas que la prime donnée à la sensation produit un cinéma extatique, majuscule, où tout brille trop, à commencer par un soleil aussi généreux de ses rayons que chez Terrence Malick ? N'est-on pas las des envolées musicales, aussi enivrantes soient-elles ? N'est-ce pas aussi un peu scolaire que le premier plan montrant Marion Cotillard soit sur ses jambes ?

Audiard voudrait, à la force du poignet, par la seule puissance de ses images, rendre imperceptibles les lourdeurs du scénario. Peine perdue : le scénario, le symbolisme, le surlignage ne cessent de faire retour. Dans la scène d'introduction citée à l'instant. Lorsque, en boîte de nuit, Ali plante Stéphanie pour passer la nuit avec une blonde et que, deux minutes plus tard, Stéphanie se fait draguer par un inconnu qui, une fois découvert le handicap, s'excuse pataudement. Toutes les fois qu'Audiard abandonne l'histoire principale pour, selon une autre de ses inspirations récurrentes, dresser le portrait d'Ali en père indigne.

Il n'y a ici nul chef d'œuvre, nulle perfection. Tant pis. Dieu merci. Il y a au contraire beaucoup d'enflure et presque autant d'insuffisances. Le signaler serait la moindre des choses, si une part de plus en plus importante de la critique n'avait tant de mal, aujourd'hui, à opposer un début de parole à ce qui s'avance sous le signe conquérant du “haut de gamme”.

Sinon, chez Chronicart et Independencia
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Message par Largo Sam 19 Mai 2012 - 15:30

Je comprends rien à ce que dit Renzi, comme si on avait pas vu le même film.

"une vision religieuse des rapports sociaux" ? Qu'est-ce que c'est ?

Il n'arrête pas de parler de la réussite sociale des personnages, comme si Ali, le personnage devenait je ne sais quel self made-man, alors que pas du tout. Nulle ascension sociale pour lui... "le triomphe" à la fin ? Comme si gagner un petit concours de boxe, faisait de lui le nouveau Rocky...
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Message par Invité Sam 19 Mai 2012 - 15:56

ça spoile à fond les manettes, ici.

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Message par Largo Sam 19 Mai 2012 - 15:57

oups Embarassed
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Message par Invité Sam 19 Mai 2012 - 15:59

Tu me diras que je spoile bien à fond les manettes sur "the river king", mais c'est pas un film de compète Very Happy

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Message par Invité Sam 19 Mai 2012 - 21:01

Largo a écrit :

une vision religieuse des rapports sociaux" ? Qu'est-ce que c'est ?



il parle de la providence.

son papier est bon.

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Message par Largo Sam 19 Mai 2012 - 23:46

Tu as vu le film ?
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Message par Invité Dim 20 Mai 2012 - 11:31

oui et il ne m'a pas beaucoup plu. je crois ( presque ) définitivement qu'Audiard ça n'est pas mon cinéma.

Il fait trop de fioritures et au fond il n'a pas de sujet.

Sur les fioritures, on pourrait compter des réussites si elles ne l'éloignaient pas du souffle qui pourrait courir dans ses films et qui ne court pas.

Ca n'est pas non plus l'ébauche d'un grand film.

Une fois encore pour celui-ci l'horizon est borné, décidé, déceptif.

Je reste vague tant que vous ne l'avez pas vu.























il

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Message par Invité Dim 20 Mai 2012 - 22:30

Un truc vraiment marrant, dans une médiathèque publique, vendredi, quelque part dans le Brabant Wallon, peu avant la fermetre. Une dame d'allure et de diction assez guindée harcèle la pauvre médiathécaire timide pour trouver "un Prophète". Et la médiathécaire qui répond d'une voix molle, sur le ton du pompier qui explique que l'on ne plus rentrer dans l'immeuble car la cage d'escalier est déjà en feu: "mais oui Madame je sais qu'il a été mis il y a quelques temps dans les coups de coeurs de sélection, on devrait le trouver sous peu, je ne sais pas si on l'a classé dans "classiques" ou "nouveautés", il faut que je demande à Marguerite...". la femme très énervée..
Il le lui fait à tout prix avant qu'il ne passe sur France 2 deux jours plus tard. Question de standing: le film ne l'intéresse pas, et si elle ne l'a pas vu à sa sortie ce n'est tout de même pas pour en arriver à le voir en même temps que tout le monde lors de sa diffusion télé, et cela se joue à la minute près....ou alors il faudrait qu'elle ait le snobisme de jeter sa télé pour se permettre la liberté de voir les films à la télé.

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Message par Invité Jeu 14 Juin 2012 - 17:35

" Celui qui revendique la sagesse, revendique la souffrance ; et un coeur doué de compassion perce les os telle une rouille".

Saint Aug.

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Message par adeline Mar 10 Juil 2012 - 20:50

Ce que racontent Burdeau et Renzi ne me semble pas complètement à côté de la plaque, en tous cas, ce qu'ils disent tous les deux est bien dans le film.

C'est quand même un drôle de film pas très aimable. D'une lourdeur terrible, insistante, oppressante, tellement écrasante qu'elle en est maladroite. Et avec cette lourdeur, une manière de faire des manières, de jouer avec le soleil, la musique, les fondus au noir, le grain de la peau, la blondeur du gamin. Audiard aime les oxymores. Le film est une tragédie ensoleillée. Mathias Schoenaerts une sorte de bœuf délicat. Marion Cotillard une princesse moche (en tous cas avec des moignons). Mais je n'ai pas envie d'être trop ironique, car par moment, par moment seulement, il y a de belles choses. Maladroites mais belles. Belles mais qui ne sauvent pas le film. Parce que la lourdeur n'est pas seulement dans la manière de mettre en scène, de filmer, elle est aussi dans le scénario, dans le regard porté sur les personnages. Ali, le boxeur, le héros, a beau être délicat, et bon, il est quand même très bête, dans les deux sens du mot. Il faut qu'il manque de noyer son fils et le sauve en y laissant sa main pour qu'un peu de plomb lui rentre dans la cervelle. Sa bêtise est appuyée par le film, cadrée, recadrée : par le regard de Stéphanie, la dresseuse d'orques, son amour, et par le regard de Anna, sa sœur, qui l'héberge et s'occupe de son fils Sam. Les deux femmes doivent au bas mot lui dire cinq ou six fois dans le film qu'il est idiot. On finit par comprendre.

Tous se passe donc au-delà des mots, par les corps, la tragédie comme le salut (c'est la boxe qui réunit le trio (Ali, son fils et Stéphanie) pour en faire enfin une famille). C'est normal, on est dans un milieu de prolo, et la différence entre les prolo et les gens éduqués, on le sait tous de toute éternité, c'est que les uns ne parlent pas, et les autres parlent bien. C'est dit. Les corps. Ils sont outils de travail (du boxeur, de la dresseuse), mutilés de bout en bout du film (les jambes de Stéphanie, la main d'Ali à la fin, les corps des boxeurs dans les combats ; le film se clôt sur la voix off d'Ali expliquant qu'une fracture à la main ne guérit jamais, et qu'il se rappellera à chaque combat que son fils a failli mourir par sa faute, car la douleur dans sa main réapparaîtra toujours), nus, luisants, mécanisés (les jambes artificielles de Stéphanie que Sam caresse pour faire connaissance). Ils sont tout, sauf vrais. Ce ne sont pas seulement les faux moignons de Marion Cotillard, dont il est impossible de ne pas penser qu'ils sont faux, et qui crient à chaque plan "effets spéciaux, effets spéciaux", ce sont aussi les muscles gonflés aux hormones de Mathias Schoenaerst : deux corps de héros sans chair, sans vie, sans odeur. Parce que Ali n'aiment pas les odeurs. Ni celle des chiens avec qui Sam joue, ni celle du corps malade de Stéphanie qui pourrit dans son appartement sombre peu de temps après l'accident. Son corps, c'est un corps qui n'a pas mal, qui n'a pas froid, qui frappe et encaisse, qui ne connaît pas et ne sent pas sa force. Et c'est ce corps qui aide Stéphanie, qui la porte, qui la fait nager, qui la saute, qui la sauve.

Leurs corps, c'est ce que les pauvres peuvent monnayer, et c'est ainsi que vit Ali. Les combats de boxe clandestins, il en fait pour l'argent, et pour le fun. Il dit à Stéphanie, c'est comme toi avant, avec les orques, tu le faisais pour l'argent et pour le fun. Tu vois où ça m'a menée, répond-elle. Mais les mecs, chez Audiard, sont plus solides que les filles, et Ali encaisse, et sauvera sa famille en boxant et en se détruisant.

Tout ça, c'est le côté physique et sentimental du film. Mais il y a aussi un côté social, et ça se corse un peu. Ali est hébergé chez sa sœur et son mari. Ils joignent juste les deux bouts : lui est transporteur, il a sa propre camionnette, elle est caissière. En chipant les produits périmés au magasin, en hébergeant des chiens pour un chenil, ils arrivent à s'en sortir. Ali a rencontré un mec qui installe des caméras de vidéo surveillance dans des magasins où il fait la sécurité. C'est ce mec qui est devenu son agent de combats clandestins. Ali l'aide aussi dans ce business de caméra vidéo. Illégal : les patrons le payent pour installer des caméras pour espionner les employés et les virer. Un jour, ils sont découverts. Ali, qui a le sang chaud, ne sait pas filer doux, fait un esclandre, et se fait prendre en photo par l'une des employées qui les dénoncent.

Le lendemain, sa sœur est virée. Elle a été filmée en train de chiper les produits périmés par les caméras mêmes qu'Ali installait, sa collègue lui a montré en photo le mec qui faisait ça : la boucle est bouclée, le frère a fait virer la sœur, la tragédie, ce n'est ni l'accident de Stéphanie, ni celui de Sam, mais bien ce que le scénario, la fatalité, fait aux personnages. Ali est tellement bête qu'il ne comprend pas ce qu'il fait, ce qu'il fait à sa sœur, ce qu'il fait aux travailleurs exploités (c'est bien ce que sa sœur lui dit).

Ce long détour pour raconter un scénario plus lourd qu'épatant, qui de cette lourdeur sociale ne fait rien, ne dit rien. Tout est prétexte : les combats clandestins plutôt que légaux, comme ça il y a aussi de la terre, de la poussière et du soleil. Ce que ces combats font des hommes, on ne le sait pas. Toute l'histoire de l'espionnage vidéo des travailleurs, comme ça Ali a une raison de partir de chez sa sœur pour rejoindre un centre d'entraînement en Alsace. Quelques semaines, et le mal est oublié. Evidemment, ce n'est pas vraiment aussi simple ; mais presque.

Et comme on est dans un monde où il y a de la délicatesse à défaut de justice et de morale, et des sentiments sans paroles pour contrer la fatalité, Ali, qui a toujours été dur au mal, s'en sort en boxant. Le corps peut tout.

(Les belles choses du film, en fait, c'est le gamin, et c'est l'histoire d'amour ; deux trucs qui marchent à chaque fois donc, pas la peine d'en parler).

adeline

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Message par Invité Mer 11 Juil 2012 - 9:03

pour moi les belles choses du film sont les deux scènes ponctuelles et masochistes, l'instant où les corps souffrent : quand l'orque sort de sa piscine et mange les jambes de cotillard, j'aime ce côté couper les ailes de la vedette américaine, dès le début, subitement. quand ali se bat et saigne dans le combat clandestin où l'on paie, on parie pour qu'il soit amoché : c'est ici très bien filmé et ça renvoie très puissamment à d'autres scènes identiques de l'histoire du cinéma.

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Message par Invité Mer 11 Juil 2012 - 9:07

Finalement ce que je reproche à Audiard est de ne pas être un cinéaste cinéphile.

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Message par Invité Lun 19 Nov 2012 - 6:58

Audiard s'enfonce toujours plus dans les marécages nauséabonds d'un prolétariat qu'il essentialise de la sorte : violent, imbécile mais bonne pâte, misogyne, d'hygiène saine. Voilà les prolos, les vrais. Non, voilà la fascination romanesque d'un cinéaste petit-vieux qui n'a, à titre individuel, rigoureusement rien à voir avec l'univers qu'il se complait à filmer.

Ce film, exaltant l'ascension sociale et la survie à coups de poing, suinte le fascisme (et le sentimentalisme qui s'y répand comme de la confiture sur une tartine ne doit surtout pas encourager à minimiser le constat). On peut le voir, dans le cinéma français, comme une sorte de frère brutal et âpre d'Amélie Poulain, tant les intentions et la manière qui sous-tendent les deux films sont identiques.

Le corps de Marion Cotillard, sur les moignons duquel elle fait tatouer "gauche-droite" (comme sur un carton d'emballage - sic) est le corps politique sclérosé de la France : "gauche" ou "droite" étant l'alternative électorale impotente qui doit frayer avec la violence pour la violence afin de s'ouvrir de nouveaux horizons.

Le dernier film de Ken Loach, "La part des anges", est le versant progressiste du même scénario. Les deux films partent du même point (un gars sans le sous) et tendent vers la même fin (la construction d'une famille). Et surtout, les deux films sont sous-tendus par un déterminisme social auquel il faut in fine tordre le cou (comme dans un conte de fée) mais en raison même de la croyance la plus ferme en son existence (celui-ci est lourdement rappelé chez Loach, notamment avec le père de la fille ou la confrontation avec la victime, qui ramènent sans arrêt le petit voyou à ses faits antérieurs et le placent dans une spirale de laquelle il ne devrait pas sortir hormis la volonté du cinéaste de nous surprendre. Et pire avec le dernier plan qui montre ses camarades rester dans la spirale qu'il a réussi à quitter).

Qu'il soit progressiste ou pas, ce cinéma sans illusion qui fait mine de passer outre le déterminisme social via un destin individuel, s'entend très bien sur le fait qu'il n'y a en réalité aucun autre horizon que celui-ci.

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Message par Invité Lun 19 Nov 2012 - 7:43

{0} a écrit:On peut le voir, dans le cinéma français, comme une sorte de frère brutal et âpre d'Amélie Poulain...
je me suis dit que c'était la version trash des Intouchables, mais bon le film est archi-zéro c'est net.

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