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Paul Thomas Anderson

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Message par adeline Mar 1 Mai 2012 - 16:33

Je ne sais pas vous, mais il m'arrive souvent ce truc étrange. Je vois un film, qui me plaît ou non. Je vérifie le nom du réal, je vais sur wiki, et je me rends compte que le mec a fait d'autres films super connus que j'ai vus et dont je n'avais aucune idée du réalisateur. Souvent, ça fait le coup avec des films à succès public mais pas très bons (même s'il m'arrive de les adorer). Par exemple, récemment, je me suis rendu compte que c'est le même mec qui avait réalisé The Hours (qui m'a fait verser des torrents de larmes), The Reader (pas vu) et un truc qui vient de sortir et que personne n'a vu (Extremely truc et incroyablement bidule). Ce mec c'est Stephan Daldry. Idem avec Rob Reiner. Princess Bride ? C'est lui. Stand by me ? C'est lui. Quand Harry rencontre Sally ? Encore lui. Le Président et Miss Wade ? Des hommes d'honneur ? Tout ça et encore d'autres trucs. Dire que j'ai vu tous ces films serait mentir, même si j'ai bien vu Princess Bride à 13 ou 14 ans (pas aimé), et forcément j'ai dû voir dans ma vie des images de Quand Harry rencontre Sally en zappant. Le Président et Miss Wade j'avais vu aussi. Tous ces trucs nuls que je vois… Récemment, c'est la raison pour laquelle je me suis souvenu de son nom, j'ai regardé Flipped. Et ce film là, pour le coup, j'ai adoré. Un film profondément bon au sens de la bonté, qui m'a fait le même effet que me font les films de Leo McCarey.

Mais ce n'est pas de lui dont je veux parler. C'est de Paul Thomas Anderson. J'ai vu récemment à peu de temps d'intervalle There Will Be Blood et Magnolia. Très impressionnée, par les deux films, voire très très impressionnée par TWBB.

Je suis allée sur wiki, j'ai tapé Paul Thomas Anderson, et tiens, j'ai lu qu'il a aussi réalisé Puch Drunk Love. Ce film, je l'ai vu à Berlin, c'était il y a dix ans. En vo sous-titrée allemand. J'en garde deux souvenirs. L'un, à un moment quelque part un piano se casse. Et l'autre, c'est une séquence entière où les personnages n'arrivent à rien dire d'autre que "fuck you". Des dizaines de fois de suite. Sous-titré en allemand ça donne "fick dich" des dizaines de fois de suite. Sinon, je n'avais rien compris au film. J'aimerais bien le revoir, maintenant.

Magnolia aussi je l'avais déjà vu. Je me souvenais de Julian Moore, qui elle aussi dit "fuck you" plein de fois de suite ; je me souvenais de Tom Cruise, mais je savais aussi que je n'avais rien compris à son rôle de prédicateur illuminé de la suprématie sexuelle masculine ; je me souvenais que le petit génie n'arrivait pas à se retenir de faire pipi et que c'était dramatique ; et je me souvenais, peut-être, de la pluie de grenouilles à la fin.

En le revoyant, j'ai été étonnée par la rapidité du film. C'est une espèce de tourbillon d'histoires qu'il est difficile de suivre, de raccorder. Il y a mille moments de montage parallèle qui mettent en tension les histoires les unes face aux autres, il y a des drames à la chaine, et toute la douleur qui sourd de toutes les situations du film est insupportable. Ce mot, situation, revient de nombreuses fois dans le film, mais avec son sens américain. "There's a situation", "y'a un problème à gérer".

Tous les personnages du film sont dans de sacrées "situations". Il ont tous été victimes ou auteurs d'un vol (vol de l'enfance, vol de la pureté, vol de l'argent, vol d'un pistolet) dont ils cherchent à se venger ou à s'amender. Et la plupart cherchent à prouver quelque chose aux autres ou à eux-même (leur bonne foi, leurs qualités, la capacité, leur bonté). Tout le film joue aussi sur la performance au sens propre (le jeu télé des gamins) comme au figuré (les performances d'acteur comme celle de Tom Cruise, qui, même si je l'aime pas trop trop, est impressionnant).

Mais le film n'a presque rien à voir avec There Will Be Blood. Qui est plus classique, même si je m'attendais à voir un film encore plus classique que ça. TWBB, c'est lent, sérieux, lourd, dur, fermé et fou. Ce sont les adjectifs qui me viennent en tête quand je cherche à décrire le film. C'est taiseux, comme on dirait en Belgique. Que retrouve-t-on de commun aux deux films ? L'illumination de prédicateurs fous ; le père sans amour, qui rejette et détruit, et qu'on rejette ; l'enfant dont on se sert pour gagner de l'argent ; la pluie (de pétrole et de grenouilles) mais plus sérieusement, via la pluie de grenouilles, la religion. Et plein d'autres choses sans doute.

En tous cas, le mec fait des films qu'on peut pas ignorer. Son prochain film, ça devrait être sur la naissance de l'église de scientologie.


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Message par Invité Mar 1 Mai 2012 - 17:20

Adeline a écrit :

En tous cas, le mec fait des films qu'on peut pas ignorer.

qu'est-ce que tu veux dire dans cette conclusion et dans ton post plus généralement ?

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Message par adeline Mar 1 Mai 2012 - 17:30

Je me demandais juste si des gens par ici avaient envie de discuter des films de PTAnderson.

Qui en pense quoi ? Est-ce que TWBB est vraiment un classique (ce que disaient les critiques alors qu'il était à peine sorti) ? Est-ce que "fuck you" est une réplique constitutive de la langue de PTAnderson ?

Tu en as vu, toi, des films de ce mec ? Tu en penses quoi ?

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Message par Invité Mar 1 Mai 2012 - 17:48

PDL ne m'a pas laissé de souvenir en revanche TWBB si. DDLewis d'abord qui se montre excellent dans cette reconstitution des origines du libéralisme aux Etats-Unis et pour ces deux raisons la fin que je trouve inepte.

C'est un cinéaste qui a visiblement du mal à se situer dans le paysage du cinéma américain et qui arpente le cinéma de genre sans beaucoup de réussite à mon goût.

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Message par Invité Mar 1 Mai 2012 - 19:26

Salut Adeline,

S'il faut donner un avis, je ne partagerai pas ton enthousiasme (ou ton intérêt), et ne m'en tiens pas trop rigueur. Wink

Je témoigne de ce même phénomène, dans le positif comme le négatif. Ici, c'est dans le sens négatif ("bon sang, mais alors il est aussi mauvais là que là").
Un petit mot sur Stephen Daldry, déjà. J'aime pô. J'ai vu "the hours" et "Billy Eliott". Les deux m'ont fait penser à du Alan Parker. Cad faits de grosses ficelles - non, cables - insistants dans le mélodramatisme et surtout de ces effets d'analogies lourdes (par montage parallèle, pour le premier). The hours, donc, m'a super agacé avec ses personnages de roman-photo: le mec qui bat sa femme, laquelle tente (vainement) de prendre la tangente dans cette Amérique corsetée, puritaine, conformiste, des 50s, toute en violence sourde (ce sera bien mieux rendu dans Les noces rebelles, de Mendes, je trouve).
Et le calvaire de cette dernière est mis en rapport avec le destin de Virginia Woolf, pourquoi pas. Parce qu'elle lit Miss Dalloway, et que ça lui inspire le suicide comme issue à sa vie horrible. Mais non. Le segment "Woolf", le perso de Woolf, avec le faux nez de Kidman, sont un festival de poncifs sur "une vie d'écrivain à la campagne", et ajoutent la touche bozo le clown à ce que je serai tenté de nommer, hélas, une croute dégoulinante. Sans parler de l'autre "parallèle" appuyé, avec la relation entre Ed Harris et Meryl Streep (l'artiste hypersensible dépressif - c'est le fils de la femme suicidée, waouw, quel déterminisme - et sa protectrice-mécène-éditirice - qu'il surnomme Miss Dalloway), qui re-duplique, re-surligne tout ça, ce fatum, dans le sentimentalisme le plus sirupeux-morbide, et pour les quelques ceux qui n'auraient pas encore bien compris où le réal voulait en venir: il y a dans ce monde et dans cette vie, des êtres hypersensibles et "artistes" en butte à la violence normative du monde.
Ce contenu d'une grande puissance et subtilité nous est servi en triple potage bien épais: trois vies, trois époques, trois suicides. Si ça ne correspond pas à ce qu'on nomme "lourdingue", je ne sais pas ce que "lourdingue" veut dire.


Quant à Billy Eliott, je pense encore plus à Alan Parker: édifiant comme pas deux, gros personnages de dramatiques télé, là encore, chacun campant son archétype avec une bonne dose de surjeu. Une stéréotypie de contrastes qui fait grincer des dents. Le petit gars, dans un milieu rude de prolos tous plus cockneys les uns que les autres, qui est habité par la passion de la danse, opposant sa passion irréductible, toute de grâce volatile, au lourd prosaïsme terrien et vulgos de son entourage. Lequel, comme de juste, ne manquera pas d'être conquis par cette opiniâtreté qui force le respect, etc etc. Pis la scène du 4 obligée, quand le petit canard devient cygne, sous le regard du père bouleversé. La purge édifiante: "va jusqu'au bout de tes rêves", etc etc. On se croirait dans un tube du groupe "Gold".


ça commence mal. lol. Rob Reiner. Je serai juste un peu moins tiède. Je ne prise point les films que tu cites, mais j'adore Misery, que tu ne cites pas: super-efficace, ambiance géniale, et un duo d'acteurs absolument épatants.


Maintenant, Paul-Thomas Anderson. J'ai vu Magnolia et There will be blood.
Ce mec a un talent de metteur en scène, c'est évident.
Mais je trouve Magnolia là encore surligné, stéréotypique, boursouflé, et plein d'hystérie fatigante. D'évidence, il tente de rendre "hommage" à Robert Altman: la structure en choral, la mosaïque des destinées, etc. On pense constamment à Short cuts. Mais il veut rajouter sa patte personnelle, et sa patte personnelle, hélas, c'est d'en rajouter trois tonnes de signifiance psychanalytique-genre, là où Altman fait dans un "behaviorisme" plus modeste, plus distancié, relâchant délibérement les coutures pour que ça respire, de la "vie" circule dans l'espace, les croisements, les interpolations.
Le parallélisme, la mise en analogie, là encore, chez PTA comme Daldry (ils ont des acteurs en commun: Moore, notamment, qui décline ad infinitum son personnage de femme-martyr du Safe de Haynes, donc), sont de gros cables. C'est étouffant de signifiance et d'interprétose, comme dirait l'autre. Tout doit faire sens constamment: le moindre geste, la moindre mimique, la moindre parole. Le perso de gourou phallocrate ("respect the dick") de Cruise est un sommet de ridicule. Sa confrontation avec le père, encore une scène "à faire" avec son gésier d'affects tendus comme des cordes de piano, rappelle immanquablement sa prestation dans "né un 4 juillet" de Stone (quand il enlève ses tuyaux et ses baxters dans un déluge crispant de larmes et de cris).
Mais tous les autres persos sont emprisonnés dans une même logique de surdétermination. Univoquement, sans échappatoire, le film joue la grosse carte de l’œdipe omniprésent et surpuissant. Tout le monde a un compte à régler avec ses "papas" indignes, et mon dieu, qu'est-ce que ça beugle, hurle, gesticule, sans désemparer. Tout le monde pique constamment sa crise de nerfs. PTA traite là peut-être de choses qui lui tiennent personnellement à cœur, mais c'est tellement lourd, insistant, asséné, dans l'hubris, que, pour moi du moins, le spectacle de ce film se résume à une succession de scènes calées dans leurs rails, débitant péniblement leur couplet attendu.



J'écrivais, y a longtemps (sur mon blog):


[...]Le micro et le macro s'interpénètrent de telle façon qu'une nouvelle façon de regarder et d'entendre se propose.
Et bien sûr ça a été repris, plagié, réduit en clichés par d'autres sous la dénomination "choral", fort à la mode, mais non pertinente concernant le travail d'Altman, qui ne pratique nullement du cinéma choral: bien au contraire on pourrait parler chez lui de "Klangfarbenmelodie": des agrégats qui ne s'agrègent pas sur le mode "symphonique".
L'improvisation en jazz, post-bop, serait une analogie plus adéquate. Ou alors les fanfares de Charles Ives, s'incrustant les unes dans les
autres jusqu'à former des blocs polyrythmiques en constant déplacement. Ce qui ressort de tout ça, c'est, loin de s'en tenir aux "clichés", une
façon de saisir un mouvement d'ensemble en perpétuelle métamorphose, jamais en surplomb, mais toujours par glissements d'un espace à l'autre.

Et ça, c'est un langage, une manière, que Altman invente, expérimente, et que personne n'a encore réussi à imiter. Magnolia,
par exemple, de Paul Thomas Anderson, c'est pathétique, c'est tout le contraire: tout y est fondé sur l'interdépendance thématique qui lie le
tout, et en plus cette dernière, c'est que des clichés pour le coup, et univoquement morbides sinon rien: les pères indignes ou absents
qui se meurent d'un cancer, leurs fils et filles hystériques qui vont nulle part... Mais tout ce petit monde se relie dans un moment de grâce suspendue, le temps d'une pluie de grenouilles et d'une chanson écoutée à la radio... Les mouvements de vie et de puissance sont liquidés dans un pathos misérabiliste et mélodramatique, et on rajoute in extremis une pincée de sublime "kantien" pour ne pas sombrer dans le sordide complet.


There will be blood contient une première heure et quart très belle, parfois magnifique. Surtout quand le silence domine. Mais déjà, on sent poindre la thématique convenue du gars: les généalogies, les mauvais pères, ce que deviennent leurs fils, légitimes ou pas légitimes.
Y a cette parabole sur la "naissance du capitalisme", mais là encore, la sauce est un peu épaisse. On retrouve sans grand problème ce goût de l'hystérisation, de la théâtralisation, dans le surjeu fatigant de D.D. Lewis, de plus en plus caricatural à mesure que le film avance. On dira peut-être que c'est un "acting" inspiré par Nicholson dans le shining de Kubrick, car y a pas mal de parallèles qui sautent aux yeux. Mais le beau climat envoûtant que réussit la première partie est peu à peu gâché par l'assaut d'hystrionisme auquel on assiste alors, qui culmine dans la scène finale opposant le père et le jeune pasteur (une sorte de fils en miroir): ça cabotine tellement de part et d'autre que ça sombre dans le ridicule. Dommage.




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Message par Invité Mer 2 Mai 2012 - 18:07

Un post a disparu, here. Sinon tout est allright. lol.

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Message par adeline Mer 2 Mai 2012 - 18:34

'lo Jerzy,

mon histoire avec Daldry et Reiner, ça n'était ni dans le positif, ni dans le négatif, le truc que je raconte arrive d'ailleurs souvent avec des réalisateurs de films pas terribles du tout. C'est pour ça qu'on retient pas le nom du réalisateur. Je suis même d'accord avec tout ce que tu dis de Daldry, même si, malgré tout ces reproches justifiés, j'aime bien The Hours et Billy Elliott. Pour The Hours, y'a des trucs qui tu rajoutes un (tout) petit peu au film dans le côté lourdingue, mais faut bien avouer que tout ce que tu dis est juste. Raconter ce truc sur lui, comme à propos de Reiner, c'était faire un pendant à PTA. Daldry et Reiner, même si certains de leurs films me plaisent très bêtement, je crois qu'il n'y a rien à en dire. PTA, j'ai l'impression que c'est dans un autre registre.

Tout les reproches que tu adresses à Magnolia et TWBB ne pointent pas leurs défauts, mais leur matière même. Cette hubris, ce trop plein qui déborde de partout, et qui me semble préparée dans TWBB par une première partie "sobre" mais pas tant que ça, d'une sobriété très lourde, j'ai l'impression que c'est le ressort des films. Il y a trop de grenouilles qui meurt trop violemment en s'écrasant dans trop de sang ; il y a trop de musique, putain, le premier morceau de Magnolia est insupportable, plus ça dure, plus c'est lourd, plus c'est impossible de se dire que ça n'est pas justement la lourdeur que le réalisateur veut rendre. Au milieu de tout ça, de tous ces gens insupportables qui disent "fuck you" vingt fois de trop quand ils s'y mettent (et Julian Moore, que je trouve magnifique, est absolument lourdingue dans Magnolia comme dans The Hours, je suis bien d'accord, mais je la trouve magnifique quand même), il y a l'infirmier (Philipp Seymour Hoffman, l'acteur fétiche de PTA, qui sera dans son prochain film) qui est une bonne personne, qui n'est pas dans la performance, qui ne veut pas impressionner, qui n'a aucune relation dramatique avec son père ou sa mère ; dans TWBB, il a aussi quelques personnages sobres, simples, bons, le gamins, l'aide de DDL.

Le truc, aussi, c'est qu'il y a des choses, dans Magnolia, qui me touchent énormément. L'histoire du mec qui veut se faire mettre un appareil dentaire par amour m'émeut. Le flic aussi me touche, tellement il est naïf, et en contraste complet avec le reste des personnages. Je n'ai pas vu de film "choral" d'Altman, et peut-être qu'en les voyant je comprendrais les faiblesses de Magnolia, qui existent c'est sûr, mais sur certains points, je trouve que c'est un film très touchant. Ce que n'est absolument TWBB.



adeline

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Message par Invité Mer 2 Mai 2012 - 20:05

Yes, certes. lol. Mais le défaut principal qui, selon moi mine magnolia surtout, et dont on peut difficilement soutenir qu'il constitue la matière du film et à ce titre ne pourrait être critiqué (sans se tromper d'angle de perception), c'est l'hyper-signifiance en question.
Plus que l'hystérie ou l'hubris, qui en soi ne me gêneraient pas si elle n'ajoutaient à cette hyper-signifiance.

Par hyper-signifiance, comme précisé plus haut, j'entends que les persos, autant que leurs inter-actions, ou les désirs, actions, mobiles, motivations, etc, qui leur sont prêtés, sont déterminés de pied en cap. Prévisibles, transparents, sans la moindre opacité. Comme dans un mauvais roman, on est face à une maîtrise totalisante, "nouménale", de tous ces persos qui s'agitent sous nos yeux et nos oreilles.
Ils sont, en ce sens, pleins. Des sujets pleins. D'intentions, de volitions, de désirs, de paroles transparents, qui jamais ne s'écartent du procès de démonstration de l'auteur démiurge.

On nommera ça aussi du "psychologisme". C'est tout ce qui caractérise selon moi un mauvais cinéma (dans un autre genre ou style, Cayatte, par exemple, ou Spielberg, ou Desplechin. J'expliquerai un jour pourquoi je trouve le cinéma de Desplechin si mauvais, si psychologisant, si bourgeois, si peu risqué).

Et tout ce qui est trop plein, fermé, sans reste, sans zone d'indétermination, devient "creux", mécanique, une exhibition de marionnettes. On y croit pas, du moins je n'y crois pas: tels des personnages de mauvais romans, donc, ils n'existent pas, ce sont des nécessités psychologiques. Il faut, pour qu'un personnage existe, qu'on projette dessus a minima une liberté potentielle, même dans une logique de fatum.
Je n'ai rien contre le fatum. Encore faut-il que, quand fatum il y a, on puisse avoir l'impression que les sujets de ce fatum se produisent, s'inventent, à l'intérieur du processus, même fermé. C'est ce qui fait le sentiment d'une "vérité" des personnages.

Et pas si paradoxalement que ça, quand les persos sont totalisés au point d'être des marionnettes agies par la démonstration, le réalisateur se sent comme obligé de compenser cela, cet excès de pyschologisation, par un excès d'agitation: en donnant du "corps", de l'affect qui déborde partout, pour que ça fasse plus vivant, intense, vrai. Mais c'est encore pire. ça accuse la démonstration au lieu de l'attténuer, ça empêche encore plus toute empathie: on a l'impression d'assister à des performances d'acteurs.
C'est la forfanterie du "de plus en plus fort". Dans la mesure même où les corps, leur liberté, sont en fait niés, les acteurs sont invités à faire trois tonnes, hystériser leurs personnages au maximum, dans l'espoir d'en faire sortir un peu de vie. Mais rien ne sort, sinon une agitation crispante, vaine.

Il y a donc "lourdeur" et "lourdeur". Et je suis réticent à l'argument souvent invoqué, dans ces cas-là, de la lourdeur intentionnelle. "Oui, c'est lourd, insistant, mais c'est fait exprès". Non, je ne crois pas tellement, que ça soit fait exprès. Ou plutôt: je vois bien, en un sens, que c'est fait exprès, mais c'est justement ce "fait exprès" qui est pour moi raté, le signe du ratage.
Y a plein de cinéastes qui en font too much, exprès d'en faire trop, sans qu'on se dise nécessairement qu'ils en font trop. Fellini, par ex: le cinéaste de l'excès, par excellence.

Je prends, comme contre-exemple de cela, dans un registre certes différent, n'importe quel film de Cassavetes. Prenons juste "love streams", pour saisir cela. Y a de l’œdipe là-dedans. Une histoire entre un frère et une sœur. Le frère est incapable de devenir un père, sa relation avec son fils, balancé dans ses pattes, est un désastre. La sœur est difficilement une mère, etc. Bref, un film, d'une certaine façon sur la "famille", les "familles", les familles en crise ou en échec. Dieu sait si on s'y agite, se heurte, se convulse, se crie dessus, se jette par terre, etc. Mais au delà de la dramaturgie, qui n'est pas comparable, on est pas gêné, irrité, par ce déferlement ou débordement de corps, d'affects.

Pourquoi? On pourrait l'être. Mais il y a un élément fondamental qui change la donne: le spectateur a le sentiment, légitime ou non c'est autre chose, que ces personnages ont la liberté d'être ce qu'ils sont, voire de devenir ce qu'ils sont. Les personnages d'une tragédie antique. Ils existent, non en fonction d'une prétendue authenticité d'un cinéma-vérité. Ce n'est pas un cinéma-vérité, censé "mimer" la "vie" dans l'immédiateté inchoative qu'on lui prête. Ni Cassavetes ni Pialat, qui sont des cinéastes des "corps" mais pas de la même manière, ne prétendent ou ne visent cette "vie sans médiation". Ils visent autre chose: la "vérité", qui n'est pas adéquation à un vécu brut, mais création, dans l'artifice d'un cadre bien délimité, d'une situation vraie et de personnages vrais, avec lesquels on se sent vibrer, opérer des recognitions.

PTA, ce n'est pas sa manière, d'accord. Mais quelle que soit sa manière, très empruntée par ailleurs à des tas d'esthétiques, de modèles, d'admirations, distribués dans un patchwork trop voyant mais surtout indigeste, il échoue sur toute la longueur selon moi dans la capacité à créer des personnages et des situations vraies. Tout ce à quoi il parvient, c'est créer un dispositif "bouclé" où s'agitent des passions écrites à l'avance.

Dans TWBB, c'est bcp moins saillant, du moins dans la première heure-et-quart. PTA tente un style différent, qui se cherche maladroitement, mais qui ouvre quelque chose. Il y a de l'espace, déjà. De l'intervallaire. Il "ouvre" cet espace mythique du "western", propice aux grandes paraboles a-subjectives: la naissance du capitalisme, la question des "pères" et des "fils", mais dans sa dimension moins "privée" - une grande affaire non personnelle. Puis tout ça est gâché par le retour de cette dramaturgie œdipienne convenue, le retour du réductionnisme psychologique, des petites affaires personnelles, "sentimentalisant", déterminant toutes les positions des protagonistes, jusqu'à cette apothéose en théâtre de guignol. M. et TWBB ont d'ailleurs ça en commun, selon moi: tout ramener au sentimentalisme (hystérique). Mais comme pour la lourdeur, il y a "sentimentalisme" et "sentimentalisme".

Alors oui, tout ça est "voulu", si on veut. Mais j'y vois surtout, en ce qui me concerne, le signe d'un cinéma qui n'est pas très bon, et d'un cinéaste qui n'est pas très bon non plus. Les acteurs sont bons, d'accord. Si on aime ces acteurs, tel ou tel, qui parviennent à faire passer quelque chose à travers le dispositif, malgré ce dispositif, tout ce psychologisme assommant. Comme ça arrive parfois.

Mais pour moi, même là, les acteurs sont mauvais. Parce que leurs personnages sont mauvais, surdéterminés, hyper-caractérisés. Il n'en peuvent, mais sont réduits, de force, à des tics, par le dispositif. Je dirai de PTA ce que Deleuze disait à propos de Mélanie Klein face au petit garçon. Le petit garçon arrive, désinvolte, plaisante même, se joue de la vieille Mélanie. Mais la puissance de la machine à interpréter est la plus forte. Même avec les meilleures intentions du monde et tout l'amour du monde pour les acteurs (Mélanie Klein n'est pas là pour aimer le petit garçon mais le "soigner", d'accord), elle casse tout, tous les agencements possibles, toutes les percées hors de l'imaginaire qu'elle impose. "M. Klein interpréta"; "M. Klein interpréta". C'est un peu comme ça dans Magnolia, et juste un peu moins dans TWBB: les acteurs, le cadre, l'espace, ouvrent bien quelque chose, quelque part, mais "PTA interpréta"; "PTA interpréta".

Et je ne trouve aucun acteur particulièrement magnifique, ni dans ses excès ni dans sa sobriété. Hoffman, j'adore cet acteur, mais une fois sur deux, selon le film, il est mauvais. Je le trouve atroce dans Capote, par ex, et magnifique dans Synecdoche, ou le Lumet. Julianne Moore, je la trouve magnifique dans Safe, ou dans Short Cuts, ou Blindness, mais mauvaise dans le PTA.



Ces petits détails que tu trouves touchants dans le scénario, je les trouve démonstratifs, faux. Ces persos secondaires, pareils. Ils ont leur nécessité trop évidente comme détail dans une peinture maniaquement conçue par un mauvais peintre, qui essaie de compenser son mauvais art par un excès de maitrise. Je vois qu'on exhibe des effets, qu'on vise à me toucher au cœur, avec le truc habituel du "c'est tout petit, rien qu'un détail, mais tellement émouvant et qui signifie tellement de choses", et je me ferme comme une huitre. C'est tout le temps comme ça dans ces deux PTA.

(Sans parler de cette pluie de grenouilles, qui n'est pas tant "too much", mais sent bien plutôt tellement son effet qu'elle arrive comme un pétard mouillé ou un emplâtre sur une jambe de bois. Quand on fait surgir un événement de cet ordre, une sorte de cataclysme de l'ordre du "sublime kantien", on s'arrange au moins pour que ça atteigne la sensation escomptée: d'un débordement sublime, donc, qui emporte soudain les "subjectivités". Or là, rien de tel: c'est l'occasion, trop préméditée pour nous saisir à revers, de faire résonner la petite musique "psychologique" de chacun. ça aurait pu être génial, cette pluie de grenouilles, c'est juste grotesque, symbolisme a-symbolique qui symbolise quand même kékchôz, quelque part. A l'image du film, qui se vautre dans les symboliques tout en disant constamment: mais non, je fais pas ça, je vais au delà).



Enfin, tout ceci est ma perception, discutable, bien entendu.

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Message par Invité Mer 2 Mai 2012 - 23:12

J'aime bien Desplechin. Seule Rois et Reines m'a semblé lourd.
Le film devient intéressant si on se place du côté du personnage d'Emmenuelle Devos (comme celui d'Anne Consigny dans "Conte de Noel'), il n'y a pas d'explication à sa mauvaise foi et elle s'en prend plein la gueule du seul fait de l'assumer. Dans mon souvenir Esther Kahn est un peu dans le même cas: elle doit surjouer son identité juive pour s'en séparer, et finalement est condamnée a apparaître artificielle tant dans sa communauté d'origin que dans sa communauté d'adoption et de se voir reprocher ce manque d'authenticité de chaque côté.
En apparrence les films sont hyper bourgeois, mais en fait ces femmes ont une vie d'héroïne sadienne au sein de groupes a-priori protégés et édeniques (la famille en fusion et libérale). Elles n'endossent pas complètement ce destin, mais la logique de ce refus est aussi obscure que celle de leur mise au ban.
J'aime bien cet apect là: un académisme psychologique, qui poussé à la lmite, se returne en son contraire

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Message par Invité Ven 4 Mai 2012 - 22:08

dans Cinéma d'Alain Badiou il y a un entretien assez long à propos de Magnlia intitulé : " Oui à l'amour, sinon la solitude ".

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Message par Borges Sam 5 Mai 2012 - 8:25

slimfast a écrit:dans Cinéma d'Alain Badiou il y a un entretien assez long à propos de Magnlia intitulé : " Oui à l'amour, sinon la solitude ".

oui, la première fois que je l'ai lu, j'ai trouvé ça assez vide; les suivantes aussi; mais dernièrement, je pense qu'il y a bien des choses intéressantes à en tirer.


Dernière édition par Borges le Sam 5 Mai 2012 - 15:46, édité 1 fois
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Message par Invité Sam 5 Mai 2012 - 15:13

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Dernière édition par breaker le Sam 28 Juil 2012 - 16:15, édité 1 fois

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Message par Invité Mer 9 Mai 2012 - 11:47

Alors Adeline, tu t'es fait une idée ?

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Message par Invité Mer 9 Mai 2012 - 20:21

J'ai vu dans le coffret Rohmer de très belles images sur les paysages industriels, qui m'ont rappelé le décor de There will ..

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