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et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?

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Borges
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et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ? - Page 2 Empty Re: et en même temps, de quoi rit-on, demanda Stéphane Pichelin ?

Message par Invité Lun 6 Fév 2012 - 12:04

jerzy a écrit:Je pense, au contraire, que c'est bien toute la question. Qui ne sera en tout cas pas réglée par l'intervention de l'intention ou de la volonté de soutenir une drôlerie. Car ce vœu, cette volonté, indiquent déjà que ce n'est pas dans le phénomène musical lui-même, fut-il une "syncope" (et même après avoir distingué comme ici "les" types ou phénomènes de syncopes, qui ne sont pas du même ordre et qui produisent des styles burlesques différents), que résidera la drôlerie. Qui plus est, la volonté de soutenir une drôlerie est bien plus souvent le plus court chemin vers la non-drôlerie. Ah, la volonté d'être drôle... Difficile d'en sortir. Paradoxe insoluble, car la maîtrise ET la non-maitrise sont de la partie.

On n'en revient à la question zappaesque : does humor belong in music. On peut peut-être y répondre par le côté.
Qu'il y ait un lien entre le rire et la syncope, c'est déjà évident quand on pense à l'action physique qu'est le rire, à sa forme qui est elle-même syncopée et rythmique. Le rire, c'est la syncope dans le corps. Et inversement, si la musique ne fait en général pas rire, c'est qu'elle tient le rire en elle, dans le rythme, dans la syncope qui est inhérente au rythme à un degré ou à un autre – même absente, cette absence est une intention personnelle ou sociale. Et ce n'est pas un problème que la musique n'ait pas de signification car le rire n'en a pas non plus, il n'exprime rien d'autre que lui-même. Autrement dit, pour essayer d'affiner ce que j'ai écris précédemment, on peut rire face à la musique non parce qu'elle est comique ou humoristique, mais par imitation.

Par contre, je crois qu'on peut tracer une analogie entre telle musique et tel comique, l'une étant la forme musicale du rire déclenché par l'autre. J'en reviens à Bobby Lapointe et Charlie Chaplin désignant l'un et l'autre l'abîme pour reculer au dernier moment. Même dans Les temps modernes, son long métrage idéal et le plus abouti du point de vue comique (la sauvagerie moderne de Paulette Godard y est pour beaucoup en bloquant toute sensiblerie), il y a chez Charlot ce mouvement de recul, ce pas en arrière où on sort de la machine strictement par le chemin inverse de celui qu'on a pris pour y entrer. Mais l'analogie n'est pas non plus une identité. Hors ce point de rencontre, les deux vont dans des directions différentes avec des moyens de transports différents. Chez Chaplin, on tournoie en patins à roulette au bord du gouffre, maître de l'éviter à tous coups malgré les yeux bandés. Chez Lapointe, on trépigne sur place dans un hoquet hystérique, incapable de se décider entre sauter par dessus la faille ou plonger dedans, incapable également d'autre chose que de cette indécision – à la machine s'est adjointe une mécanique de retrait qui le tire en arrière – autisme donc. Élégance de l'un, obscénité de l'autre.

Le rire face à Lapointe est de ceux qui ont échappés à Baudelaire. Ce n'est pas le rire qui installe le rieur au dessus d'un de ses semblables – qui n'est justement plus un semblable dès lors qu'il est dévalorisé par le rire. Et ce n'est pas non plus le rire absolu qui installe l'humain au dessus de la nature. C'est plutôt un rire qui installe le rieur dans une nature au dessous de lui-même. Rire parfaitement douloureux, rire en sanglots, dostoïevskien sans Dieu mais au moins conscient de son insuffisance.

Mais alors que dire de ces spectacles récents qui ont tiré le vieux Bobby, le malpoli Bobby, le bavant Bobby du côté « fleur bleu pudique cachant des tonnes de sensibilté émotive sous quelques grossièretés bien excusables » ? Il faut bien habiter l'angoisse selon ce qui est écrit sur le bail : en bon père de famille. Et pour cela, ramener tout ce qu'on peut (et Bobby Lapointe s'y prête, il faut bien l'avouer) vers le premier rire baudelairien, le rire relatif pour qui l'inhumain, le monstre, le freak, c'est l'autre. Bien sûr, on change de registre – je n'ai pas besoin d'avoir vu un seul de ces spectacles pour savoir quelle musique aseptisée doit les supporter. Autre rire, autre usage de la syncope : il ne s'agit pas de se tenir au dessus de l'abîme au risque d'être avalé par elle, il s'agit à présent de la barrer avant même qu'elle se présente. Peter Sellers a un petit moment très drôle, dans Lolita, quand il aborde Mason en lui disant de la façon la plus bizarre : « Quand je vous ai vu entrer, je me suis dit : tiens, ce type a l'air normal. Je veux dire, ça se voit que vous êtes normal, moi aussi je suis normal, on est tous normaux, non ? » La normalité, savoir qui est normal et qui ne l'est pas, c'est tout le souci de ce rire relatif : payer la certitude rassurante d'être sauvé par l'affirmation de la déchéance de l'autre. C'est au fond une attitude très puritaine, un étrange néo-puritanisme d'amuseur télé type Ruquier ou Bigard.
Cet usage de la syncope va avec des musiques d'une morbidité affligeante, où le bruit affleure partout mais ne surgit nulle part, où la vie est étirée comme la dernière noisette de beurre sur une tartine coupée trop grande (putain quelle métaphore ! on dirait du Didier Barbelivien un peu). C'est le funky de Earth Wind and Fire, le zouk de Kassav, la salsa, d'Irakere – ou les tartes à la crème de Laurel et Hardy la plupart du temps. L'ordre y est à rétablir avant qu'il soit menacé. Dans La marche des chevaux de bois par exemple, film qui m'avait beaucoup impressionné quand j'étais môme, l'ordre est celui d'un pays des jouets très britannique, où la loi est garantie par un roi et l'économie par le libre marché – même les commandes du Père Noël passe sous régime capitaliste. Et ce qui menace cet ordre, c'est un méchant grigou qui abuse et de la loi et de sa puissance capitaliste mais dont on sait dès le début qu'il est méchant et grigou, et qui a ses alliés, les terribles croquemitaines, mi-humains mi-animaux, en dehors du pays des jouets, séparés par des portes bien closes, comme le grigou aussi est séparé, en dedans, par son attitude et sa méchanceté de grigou. L'ordre est menacé du dehors, même si ce dehors fait semblant d'être dedans. Et c'est très généralement ce qui se passe avec ce duo sinistre : des accidents, des versions un peu complexifiées de la glissade sur une peau de banane , des choses du dehors qui leur tombe sur le coin de la gueule sans les pénétrer et en restant toujours du dehors. L'important étant d'affirmer à chaque gag, à chaque nouvelle syncope, que la rupture n'a pas eu lieu et n'aura pas lieu car elle tout simplement (et tout illusoirement aussi) impossible.
Grand rire de droite (mais attention : je pense que tout rire est bon à prendre si on fait l'effort de le comprendre – sinon, autant garder notre sérieux platonicien).


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Message par Maya Lun 6 Fév 2012 - 14:03

"meurtres mysthérieux à Manathan" de Woddy allen
Des films de Kitano
...

Maya

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Message par Invité Lun 6 Fév 2012 - 14:15

salut Maya ! bienvenue chez les rieurs.


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Message par Dr. Apfelgluck Lun 6 Fév 2012 - 14:23

Maya a écrit:
Des films de Kitano
...

Son autobiographie était hilarante, mais pas pour les mêmes raisons malheureusement.

https://spectresducinema.1fr1.net/t794-par-kitano?highlight=kitano
Dr. Apfelgluck
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Message par Invité Lun 6 Fév 2012 - 14:27

Tout le personnage de Hulot, son imper, son chapeau, sa pipe, sa courtoisie anachronique, ne se signifie-t-il pas comme le fantôme d'un âge d'antan, d'un ordre révolu, et dont il souhaite nous faire partager la nostalgie?
ce que tu dis de Tati est juste : la nostalgie, etc... il y a toujours la mort dans son humour. mais il n'y a pas que ça. pas que l'opposition d'un monde ancien et d'un monde moderne. les deux communiquent, s'interpénètrent et surtout finissent par obéir aux mêmes règles de développement.

Mon Oncle est un film sur la désillusion. cf le plan hyperconnu ou Hulot remet en place une brique tombée d'un mur en ruine. à la fin, Hulot s'en va, il ne peut que s'en aller à force de ne plus trouver sa place dans le monde. mais il suffit justement qu'il s'en aille pour que ce soit à l'intérieur du monde moderne que ça se mette à dérailler, avec le père qui réédite le gag du début : un coup de sifflet et bang ! le problème n'est pas celui du monde moderne mais de son usage. ce n'est pas non plus celui du monde ancien et de sa préservation car cette préservation est impossible : l'enfance passe et la fillette de la gardienne devient une jeune fille séduisante avec laquelle l'innocence n'est plus possible de la même manière. le monde ancien se transforme en monde moderne, le monde moderne reprend les caractères qu'on regrettait dans le monde ancien.

Playtime, c'est un peu pareil. et la destruction du resto-dancing, le dysfonctionnement du moderne, vient du moderne lui-même. ce qui met en route la machine de destruction, c'est quand-même le jazz, et un jazz endiablé, hard bop très moderne et cohérent avec le décor qu'il fait craquer de partout. et la refonctionnalisation du moderne sur les qualités de l'ancien est réalisée par un homme d'affaire déjà mondialisé. le jazz et le businessman viennent tous les deux des USA, comme le facteur hélicoporté qui fascine François. reconfigurer l'un sur l'autre les deux mondes antinomiques, c'est ça à mon sens que cherche Tati.

et en définitive, arrive-t-il à l'un dans l'autre ou à l'autre dans l'un ou bien à une chimère ?
conditions du gag chez Tati.


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Message par Invité Lun 6 Fév 2012 - 14:46

Stéphane Pïchelin, tu en fais carrément trop avec Bobby Lapointe comme représentant l'autre, le freak, qu'on veut annuler, refouler, mettre en ordre. Un rire qu'on voudrait purger, et à l'inverse le rire parfaitement douloureux, hoquet hystérique de l'expérience hautement tragique et risquée d'une avant-plongée dans l'abime du vide, de la mort, etc...

Eh oh, dis, t'as pas le privilège des déchirures et des béances, hein. Faut se calmer un peu, là, avec Bobby nouveau christ recrucifié. Very Happy

Je consens à ce que tout ce qu'on nommera le "rire" ait un rapport évident avec l'expérience de l'anomique, du hoquettement, du battement indécidable "entre la vie et la mort", comme dirait Nathalie Sarraute. Je ne défends pas à tout prix l'élégance contre l'obscène, le rythme contre l'autisme, etc, enfin toutes ces oppositions que tu binarises un peu trop rapidement, ce me semble.


Il y a tout le tragique dans l'élégance (celle dont parle Deleuze, justement): c'est même apprendre à danser, comme un funambule, sur un étroit corridor, une ligne mince comme une lame (comme dit Beckett: qui est vraiment drôle), au dessus de l'abime, du chaos.
Tout l'art, toute l'élégance en question, toute la ruse, l'endurance du "je ne peux pas continuer, je vais donc continuer", étant d'y danser, en équilibre précaire, les dés à chaque fois relancés, sans sombrer dans l'abîme entrouvert sous les pas.

Danser sur la ligne de vie, qui peut à tout moment se retourner en ligne de mort. Comment faire pour que ce ne soit pas le cas? ça ne sera jamais garanti. J. Lewis, grand danseur, en témoigne: lui qui fut si souvent happé par la dépression, le chaos, l'effondrement derrière l'osmose. Equilibre, ligne précaires du "chaosmose".

Tout comme il y a "syncope" et "syncope", il y a "élégance" et "élégance".

Mais si ce qu'on tente ici de désigner par le phénomène du rire, interne ou externe, ou comme pli entre les deux, tout ce qu'on voudra, peut se désigner comme une protestation du vivant et une aspiration à (ou par) la vie, ce que tu as à cœur de nous rappeler (comme si on pouvait l'oublier... comme si on voulait l'oublier, même) nous éloigne plutôt de cette protestation du vivant, qui devient de plus en plus, à force d'insister sur la dimension de la douleur, son contraire: protestation contre la vie, lamentation doloriste (un peu), ou cri muet, d'horreur, un éloge funèbre de l’ecchymose et de la suffocation...

Force est de constater qu'on s'éloigne un peu, rien qu'un peu hein, du rire qu'on évoquait.


Et tu veux à tout prix renvoyer un certain "rire" mauvais, apparemment, du côté de la normalisation, de la chasse au pathologique.


Tout ce que tu racontes là, depuis Bobby, d'accord, d'accord, mais ça s'accorde mieux au débat sur la peur et les films d'horreur, je trouve... Non? Allez, sans rire. Cool

En tout cas, fort peu de rapport, en définitive, avec ce que je disais plus haut, quand j'oppose Lewis à Tati, la "ritournelle" clôturante, buggée dans le passé, et l'ondulatoire du jazz, ou du funk, ce que Deleuze nommerait l'insertion du corps dans le pli mobile d'une grande vague...

Réponds plutôt sur cette dimension réactionnaire que je pointe chez Tati: comme refus de l'altération, de la perte du foyer/arche, justement, la boîte à musique nostalgique, se mettant en boucle pour conjurer les devenirs dans les vitesses, la perte du visage, la déterritorialisation, le vide ouvert des espaces indistincts.

(Edit: ah pardon, tu t'y employais pendant que je répondais. Voici mon feedback ***)



Cet usage de la syncope va avec des musiques d'une morbidité affligeante, où le bruit affleure partout mais ne surgit nulle part, où la vie est étirée comme la dernière noisette de beurre sur une tartine coupée trop grande (putain quelle métaphore ! on dirait du Didier Barbelivien un peu). C'est le funky de Earth Wind and Fire, le zouk de Kassav, la salsa, d'Irakere

mouais. Bof... Tant de mépris pour le funky de EWF? Le disco, ça doit pas non plus trop être ta cup of tea. Trop léger, trop guimauve, trop normalisant, pas assez hoquetant, pas assez hésitant devant la faille. Et finalement, par un paradoxe un peu téléphoné: morbide. Tu hésites rarement, non seulement au plaisir du bon mot, mais aussi à celui du paradoxe. N'est-il pas? Wink



Pourtant, comme on disait: le freak, c'est chic.



Sans en faire ma religion, je trouve ça plutôt chouette:









***

[...] le dysfonctionnement du moderne, vient du moderne lui-même. ce qui met en route la machine de destruction, c'est quand-même le jazz, et un jazz endiablé, hard bop très moderne et cohérent avec le décor qu'il fait craquer de partout. et la refonctionnalisation du moderne sur les qualités de l'ancien est réalisée par un homme d'affaire déjà mondialisé. le jazz et le businessman viennent tous les deux des USA, comme le facteur hélicoporté qui fascine François. reconfigurer l'un sur l'autre les deux mondes antinomiques, c'est ça à mon sens que cherche Tati. [...]


(Alors, je vais jusqu'au bout de mon propos, sans trop faire dans la nuance. Quitte une fois de plus à incommoder et déplaire.)

Ben oui, exactement. Mais si on aime le jazz moderne, le "hard bop", ce qui est donné à entendre là en constitue en effet la parodie moqueuse. Comment dès lors concilies-tu le "rire" que t'inspire Olé de Coltrane, sa modernité, et le procès sans appel de cette modernité là, dans Playtime?
Mystère, car ce hard-bop parkéro-coltranien (comme "accéléré") est ici massacré, tellement noyé dans le bruit de fond, couvert par le brouhaha, le vacarme des paroles devenues patagon, des allées et venues, de bruits de verre et de bouchon, que c'en est douloureux. Et s'il est endiablé, c'est endiablé dans le sens de diabolisé, démoniaque, démonisé, véritablement dé-musicalisé, a-jazzifié. Redevenu "jazz" au sens de boucan, privé de toute possibilité d'écoute.

Puisque le truc de Tati, c'est justement de croire (ou de faire croire) que sa propre ritournelle mécanique est du côté de la vie qu'on veut mutiler, une phonè du temps ancien, niée, refoulée par les "rythmes modernes". Conséquemment, c'est l'autre musique, le jazz en question, qu'il s'emploie à dévitaliser également, à ramener au bruit incommodant, à une abstraction assourdissante - qui se fond et se confond, en effet, avec le décor en contreplaqué, avec le bruit de fond inauthentique qui est la représentation sonore de l'artefact visuel qu'est ce décor. Participant tout naturellement au processus entropique. Et ça, je l'entends bien, mais je ne marche pas dans le truc.

Tu essaies d'intégrer ma critique en réitérant ou redoublant, dans ton discours, le refus tatiesque de la modernité: les américains = le jazz = la mondialisation = la menace entropique, la destruction (c'est en effet l'équation, si subtile, martelée par Tati en permanence, difficile donc de ne pas la remarquer);
ça n'est possible que si et seulement si on consent d'emblée à ce postulat asséné d'une réalité originaire, ontologique, de ce monde d'avant, à l'idée que ce n'est pas avant tout et structurellement une fiction. Or chez Tati ça n'est pas une fiction: la fiction, c'est seulement cette "modernité", cette "technologie", cette "mondialisation", qui viennent recouvrir, avaler, engloutir, sédimenter, une réalité plus que menacée, déjà perdue, déjà disparue, un art de vivre perdu, tellement français. En ce compris le petit commerce, la petite boutique, le petit métier de l'artisan, la petite école des facteurs, la petite bicyclette, le petit bal musette, le petit folklore, bref le petit art de vivre so frenchy.
Le "Françwouais" francien qui précède et annonce "Hulot". Hulot - comme la chouette hulotte, qui fait entendre son petit cri nocturne aux abords des cités, ou le rat hulot, qui habite les plinthes et les encoignures de l'habitat - désignant la "fantômalisation" de ce cher et aimé François.
Oui, c'est plutôt gros, épais, comme symbolique. Mais tout le cinéma de Tati, c'est une déclinaison de symboles de cet ordre, hyper codée et hyper décodable, une littérale saturation ou prise d'assaut du visuel/sonore par la signification, toujours la même, toujours le même message monomaniaque, univoque, toujours la même rengaine. Et cette univocité clôturante, pour moi, c'est tout le contraire de ce qu'on désigne par "drôlerie".


Alors, en effet, ta lecture fonctionne sous cet angle:

SI on intègre d'entrée de jeu l'antinomie qui nous donnée à voir et à entendre, sous la forme d'une opposition entre vérité et simulacre, réalité (s'effaçant) et fiction (s'y substituant): ce dysfonctionnement entre l'ancien et le nouveau dans lequel le nouveau, porteur de mort parce que mondialisant, destructeur du folklore ou de l'identité nationale, menace d'asphyxier l'ancien, source de vie, ALORS on tente subséquemment, comme tu le fais ici, d'interpréter la geste de Tati comme la tentative d'opérer une "synthèse", ou de procéder à une "greffe", entre le nouveau monde et l'ancien, le technologique et l'artisanal, l'international et le local, le jazz et le bal musette.

Mais je soutiens tout le contraire. Je dis que cette synthèse chez Tati n'a pas lieu, ne peut par essence avoir lieu (autrement que comme mutilation), puisque d'entrée de jeu l'antinomie est posée, comme une opposition entre réel et fiction, vérité et simulacre. L'ancien monde est donné, sur le mode spectral, comme une réalité, un archè, une base disparaissant, et recouverte par une fiction, un simulacre aliénants, dispersifs. C'est toi-même qui le dis: "le dysfonctionnement du moderne vient du moderne lui-même". On ne voit pas pourquoi, et ce n'est pas d'une évidence incontestable, mais ça indique bien, sous ta plume, que le moderne en tant que moderne, c'est le poison, et la tentative de greffe de type tatiesque le remède. ça suppose une distribution étagée entre un "ancien" substantivé comme origine pure et un "nouveau" indexé comme supplément impur ou impurifiant l'ancienne "donne".
L'ancienne donne est ici ébranlée et menacée de dissolution par la "nouvelle donne", justement. On sait que la new donna, la new thing, c'est précisément le mouvement initié et théorisé par le hard-bop: Parker (donna lee), Coltrane (giant steps), Miles Davis (kind of blue, birth of the cool: le cool naissant du hard bop parkérien non tant comme rupture que comme variation), Russell (stratusphunk). Russell constituant pour ces trois-là à fois le messager, le théoricien et le fédérateur de cette nouvelle donne. En France: par exemple, André Hodeir (annaliviaplurabelle).
Toute une esthétique que Tati s'emploie précisément ici à concasser, broyer, car il est patent que le "hard bop" de la scène, comme je le disais plus haut, est littéralement haché-menu dans le brouhaha, les effluves de dialogues éparpillés, etc. Rendu à un ambiant-noise qui agresse l'oreille. On notera également comment il le saborde à mi-parcours par l'intervention lancinante d'un orgue farfisa stridulent, qui va répéter ad libitum un motif ultra-syncopé. Une sorte de parodie de "bossa-nova" coincée dans une boucle répétitive. Laquelle se maintiendra sans désemparer quasiment jusqu'à la fin de la scène du resto-dancing, cad poussée jusqu'à l'acmé de la nausée et de l'entropie. Une véritable scie pour les nerfs, et c'est bien l'effet recherché:



Et du côté de la romance esquissée entre Tati et la touriste américaine, les réminiscences de la chanson de cabaret d'antan, sur fond de piano-bastringue, opposant une autre conception de la "fête". Toujours gâchée par l'Américain braillard qui veut imposer son rythme. Et tout ça ne se "synthétise" ou ne se "relie" nullement. C'est un hiatus irréconciliable, non une "reconfiguration", et signifié par une cacophonie sans appel, déprimante:







Chez Tati, la "greffe" ne peut avoir lieu. Du fait même de cette distribution métaphysique entre l'ancien et le nouveau, le pur et l'impur, le propre et l'impropre, le concret et l'abstrait.
Tout le film, comme Mon oncle, comme Traffic (qui radicalise encore le propos), hurle cette stridence d'un rejet de greffe, par le souvenir mélancolique, le fantôme errant de Hulot dans les décors du nouveau-monde, trainant avec lui, dans son sillage, l'omniprésence déniée du bal musette, de l'ordre ancien perdu. Nostalgie irrémissible de cet ordre perdu incluant, je le suggérais, les clivages sociaux naturalisés où les strates du champ social tiennent leur place: d'un côté le "petit peuple" - des rémouleurs, des vendeurs de ballons, des barmans, les liftiers, les cuistots, etc; de l'autre les "bourgeois" en complet-veston ou en gabardine, ou la vieille aristocratie débonnaire, dont Hulot comme personnage et vêture semble le vestige, le reflet plus ou moins gris, brouillé, indistinct.
Et entre les deux, la "nouvelle génération", déjà colonisée, signifiée (lourdement, là encore), par les gamins à blouson-transistor, qui s'apprêtent à traverser la rue. Représentés comme singeant ridiculement, disais-je, le style "américain", dodelinant de la tête et claquant dans leurs doigts pour faire cool: faisant ainsi contraste brutal, à l'angle du feu rouge, avec le personnage que je nomme "rémouleur" (mais ça peut être aussi le boucher-charcutier, ou le boulanger, du quartier: de toute façon déplacé dans le décor urbain, paumé, immobilisé dans un atermoiement illimité).
(Dans Playtime et Mon oncle, qui l'annonce, chaque micro-détail est pensé, agencé, dans l'ordre de l'hypersignifiance, absolument rien n'est laissé au hasard. C'est le génie de la méticulosité obsessionnelle tatiesque, là encore: saturer l'espace de signes. C'est ce qui fait aussi que, dans ces deux films, rien ne respire jamais dans le cadre. La modernité réinventée, son simulacre-décor géant, est fétichisée de pied en cap, chirurgicalisée, mortiférée, malgré une certaine poésie qui s'en dégage. Tout le contraire, disais-je, d'un "Alice dans les villes", par exemple.)

Je dis aussi que ce propos tatiesque sur la mondialisation est des plus ambigus;
et cette "anti-mondialisation" que tu associes assez facilement à une résistance contre le capitalisme mondialisé, incarné par le businessman américain, cette anti-mondialisation que tu sembles associer, donc, à un discours ou à une vision du monde "progressiste", abrite plutôt à mon sens son contraire ou son envers: une insistance sur l'identité du terroir français, un repli parfaitement réactionnaire sur l'entre-soi, un refus obstiné du mélange, de l'acculturation, de la déterritorialisation, de la défolklorisation de la France du terroir et du Paris de cartes postales pour touristes, intériorisés, brandis en étendard.

Puisque tu donnes, impérial dans ta démonstration assez auto-validante (qui semble comme dab se stimuler et s'émouvoir de ses propres combinaisons virtuoses, rhétoriques & infalsifiables), ta définition du "grand rire de droite", permets donc qu'en réponse je te donne la mienne.

Hulot, d'une certaine façon personnage de la "mythologie" française décrite par Barthes, mais aussi "précurseur sombre", pour moi, du "coluchisme".
Précurseur des "garçons-bouchers", j'en parlais dans un autre topic: "nous on aime pas la lambada, nous on préfère la java". Le petit folklore parisien "prolétaire" (ou substantivé comme tel) contre les multinationales de Tf1. Mais derrière cette opposition trop aisément signifiée, d'autres oppositions, d'autres refus, d'autres désirs d'identité s'expriment.

De la même façon que pour moi, Brassens et Lapointe, loin de représenter, selon l'antienne, le révolté anarchiste contre l'ordre établi, appartiennent bien plutôt au registre du bon bourgeois défenseur des bonnes vieilles valeurs rurales: derrière l'anar qui crache sur l'ordre bourgeois des assis et des conformistes, le vieux réac, le bon bourgeois pantouflard qui tire sur sa bonne pipe, heureux à côté de son arbre, amateur de bon vin, de bonne chaire, de la fantaisie bien française, de l'imagerie poétique à la française, du petit bal perdu cher à Bourvil, de la petite fête au village, de l'amour de la belle langue, des bons mots, des belles amours perdues, de la Fernande qui fit bander quand on y pense, ou de la Françoise qu'on appelait Framboise, du temps qu'on devrait laisser au temps, du petit jardin-potager de Candide où on cultive sain dans son petit coin, à l'écart des convulsions du monde. Bref des avant-goûts de Jean-Pierre Pernaut et de Jean-Pierre Coffe.
Lapointe plus tragique et suffoqué que Brassens, certes, et je le trouve plus sympatoche, notamment pour ses prestations chez Sautet. Mais ils sont pas bien différents à mes oreilles verviétoises. Et toutes ces petites rengaines me rappellent Barbelivien aussi, et Patrick Sébastien sous chapiteau du cirque d'antan, merci de m'y faire re-penser.
Je préfère de loin Léo Ferré, qui suffoque d'une autre façon, que je trouve, disons, plus "cosmique". Quand y chante "c'est extra", par exemple, ou "la mémoire et la mer", ou Baudelaire, son plus beau disque. Avec des arrangements sublimes de Jean-Michel Defaye, je crois.


La notion de "monde", c'est quelque chose de complexe, et il y a des antimondialisations, qui ne recouvrent pas les mêmes champs sémantiques. Pas mal de choses, dans ton discours torsadé, manifestent ce même type d’ambiguïté, de paradoxe: d'un côté, éloge du hoquet du côté de l'anomal, mais dans le même temps, et à l'intérieur de ça, expression d'un dégoût presque atavique pour le genre de la "fusion", de l'hybridation.

Dans ton analyse, tu sembles perpétuer cette idée d'une démarcation originaire entre "réalité" et "fiction", se manifestant dans la crainte d'une perte d'un réel-ancré, de sa destruction par les hybridations du moderne, un faux-jazz (auquel s'opposerait un vrai-jazz, du côté de cette "syncope" tragique dont tu fais grand cas), funk ou fusion, interprétés comme un "lissage" uniformisant de ce qui perdurait, anomique ou singulier, dans le tango "originaire" d'un Lapointe, par exemple.
Le tango originaire d'un Lapointe, du côté de l'a-rythmie tragique, finitude authentiquement vécue. Démon d'une expérience de la limite, du tragique de la Vie avec un grand V, de la parole soufflée, le souffle originaire, rauque, asymétrique, qu'on voudrait taire, refouler - mais que de rares hypersensibles, connectés intimement à ce tragique sacré, captent à même leur corps, blessure ouverte etc . Et à côté de ça, son envers aseptisé, moderne, lisse, inauthentique, imité, frelaté, pour consommation de masse bêlante: earth, wind & fire - le funky débilitant pour plateaux de télévision, une dégradation horrifiante de ce souffle premier, l'oubli massif de la respiration heurtée de l'homme vrai, bref, la morbidité à l'état quasi chimiquement pur. Carrément, quoi.

Et une ligne de fond, dans tes démonstrations, c'est de constamment procéder à un retournement qui veut faire entendre que la présence du "technologique" ou de "l'abstrait" dans les fictions (comme le 2001 de Kubrick) avère en réalité une donnée réactionnaire, un naturalisme anti-humaniste (qu'en son temps tu as associé à l'écologie californienne). Idem quand tu ne veux entendre dans les propos autour de Rancière que le "rance hier" de l'individualisme de la consomption dans le divertissement.
Cette curieuse figure de style d'un renversement qui a les allures d'une "dialectique", par lequel ce qui semble moderne est en réalité archaïque, et ce qui semble archaïque est en réalité moderne.


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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 10:03

bonjour Jerzy, content de te retrouver en forme ce matin ! Wink
Stéphane Pïchelin, tu en fais carrément trop avec Bobby Lapointe comme représentant l'autre, le freak, qu'on veut annuler, refouler, mettre en ordre. Un rire qu'on voudrait purger, et à l'inverse le rire parfaitement douloureux, hoquet hystérique de l'expérience hautement tragique et risquée d'une avant-plongée dans l'abime du vide, de la mort, etc...

Eh oh, dis, t'as pas le privilège des déchirures et des béances, hein. Faut se calmer un peu, là, avec Bobby nouveau christ recrucifié. Very Happy

Je consens à ce que tout ce qu'on nommera le "rire" ait un rapport évident avec l'expérience de l'anomique, du hoquettement, du battement indécidable "entre la vie et la mort", comme dirait Nathalie Sarraute. Je ne défends pas à tout prix l'élégance contre l'obscène, le rythme contre l'autisme, etc, enfin toutes ces oppositions que tu binarises un peu trop rapidement, ce me semble.


Il y a tout le tragique dans l'élégance (celle dont parle Deleuze, justement): c'est même apprendre à danser, comme un funambule, sur un étroit corridor, une ligne mince comme une lame (comme dit Beckett: qui est vraiment drôle), au dessus de l'abime, du chaos.
Tout l'art, toute l'élégance en question, toute la ruse, l'endurance du "je ne peux pas continuer, je vais donc continuer", étant d'y danser, en équilibre précaire, les dés à chaque fois relancés, sans sombrer dans l'abîme entrouvert sous les pas.

Danser sur la ligne de vie, qui peut à tout moment se retourner en ligne de mort. Comment faire pour que ce ne soit pas le cas? ça ne sera jamais garanti. J. Lewis, grand danseur, en témoigne: lui qui fut si souvent happé par la dépression, le chaos, l'effondrement derrière l'osmose. Equilibre, ligne précaires du "chaosmose".

Tout comme il y a "syncope" et "syncope", il y a "élégance" et "élégance".

Mais si ce qu'on tente ici de désigner par le phénomène du rire, interne ou externe, ou comme pli entre les deux, tout ce qu'on voudra, peut se désigner comme une protestation du vivant et une aspiration à (ou par) la vie, ce que tu as à cœur de nous rappeler (comme si on pouvait l'oublier... comme si on voulait l'oublier, même) nous éloigne plutôt de cette protestation du vivant, qui devient de plus en plus, à force d'insister sur la dimension de la douleur, son contraire: protestation contre la vie, lamentation doloriste (un peu), ou cri muet, d'horreur, un éloge funèbre de l’ecchymose et de la suffocation...

Force est de constater qu'on s'éloigne un peu, rien qu'un peu hein, du rire qu'on évoquait.


Et tu veux à tout prix renvoyer un certain "rire" mauvais, apparemment, du côté de la normalisation, de la chasse au pathologique.


Tout ce que tu racontes là, depuis Bobby, d'accord, d'accord, mais ça s'accorde mieux au débat sur la peur et les films d'horreur, je trouve... Non? Allez, sans rire.

visiblement, il y a ici un malentendu sur Bobby Lapointe, Charlot, l'élégance, etc...
je ne veux donner aucun privilège à Bobby Lapointe.
j'essaie juste de comprendre pourquoi on peut en rire, ou plutôt comment on peut en rire sans rester avec lui dans cet affreux immobilisme qu'il porte.
l'immobilisme, c'est pas trop ce que je cherche.
là où ça peut se mettre à bouger dans l'immobile, malgré l'immobile. c'est plus ça que je cherche.
donc, Lapointe n'est pas pour moi l'acmé du rire. pas plus que Charlot. à tout prendre, je préfère aujourd'hui un bon Charlot à un morceau de Bobby. à tous points de vue. parce que la mécanique de Bobby Lapointe est extrêmement sclérosante en définitive. mais qu'elle soit douloureuse, ça me parait aussi évident, non ?

pour J Lewis, désolé mais je n'en connais que' de vagues souvenirs d'enfance. à te lire, il va falloir que je m'y mette.

sur Hulot, je reviendrai.
mais ne crois pas que mes silences soient des points finals à la discussion. il se trouve juste que je n'ai pas beaucoup de temps pour écrire et que mes réponses, mes réflexions, etc... sont longues à venir.


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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 15:25

Stéphane Pichelin a écrit:parce que la mécanique de Bobby Lapointe est extrêmement sclérosante en définitive. mais qu'elle soit douloureuse, ça me parait aussi évident, non ?


Bien sûr. C'est justement pour cette raison que je liais, dans mes développements, Lapointe et Tati. J'y vois la même douleur. Et je comprends très bien cette douleur. C'est pour ça aussi que j'essaie de lui opposer un autre type de "rire" (sur le plan du slapstik, de la joie pure d'une situation "jazzistique" qui suspend, fut-ce brièvement ou moins brièvement, la mélancolie. Un flux, une ondulation dans laquelle le corps s'insère, comme dans le pli mobile d'une grande vague).

Mais comme le souligne Borges, Hulot est plus dans la vulnérabilité du décalage, du pas de côté par rapport à la société, plus dans l'affect de deuil, et Lewis plus dans le mouvement gagnant, un devenir-boss, même si du deuil, de la dispersion, le travaille aussi.
Je suis entièrement d'accord avec tout ça.

Essentiellement, dans mon propos, j'essayais de situer la question du rire, ce qui me fait rire et ce qui me rend triste. J'avais dit, d'entrée de jeu, que je regardais Tati comme on regarderait un Antonioni (celui du "passenger). On est dans le tragique. Un tragique pas vraiment drôle. Il y a aussi du tragique qui fait rire. Y a aussi des choses qui font rire sans être nécessairement tragiques. Du moins je l'espère. lol.

C'est pour ça aussi que, repensant à Playtime, à son traitement de la ville, de l'errance dans ce que je nomme les "espaces indistincts", je repensais à une autre manière d'errer, plus voyageuse, dans laquelle les espaces indistincts sont plus ce vide ouvert propice à la rêverie, à la contemplation, à des lenteurs suspensives, une autre approche de la trace, un autre écoulement du temps, ou jeu du temps (play time): alice dans les villes...

Même si le temps, question si complexe, est hors de ses gonds, disjoint (le passé s'écoulant autant vers l'avenir que l'avenir vers le passé), il y a des approches cinématographiques du temps, de l'expérience affective du temps. Faisant plus ressortir l'à-venir indéterminé, ou la nappe du passé, ou le mélange des deux, selon des tonalités particulères à chaque cinéaste.

Prends Fellini, par exemple. Fellini-Roma. Qui n'est pas davantage un film comique (même s'il y a des séquences vraiment drôles dedans), et qui ne se présente pas sous les auspices du "burlesque".
C'est ça aussi, peut-être, qui chez moi crée un brouillage devant Tati: j'envisage playtime, ou mon oncle, comme des tentatives dans l'ordre du "comique" - Tati étant généralement présenté relevant du "comique burlesque" (y compris par Deleuze).
Le considérant dans cette configuration là, je suis nécessairement déçu (le mot est faible: accablé, dirais-je).

Cette question des conditions de la réception, délimitant un cadre, j'en avais déjà parlé. C'est assez déterminant, car c'est ce qui peut faire passer complètement à côté de l'objet. Par ex, on croit que ceci une comédie, alors que c'est une tragédie, ou l'inverse, et ça crée une distorsion perceptive qui affecte complètement l'expérience qu'on a du film.

Idem pour la question des lenteurs et des vitesses: on s'attend, pour une raison ou une autre, informé par des données engrammées ici et là, à avoir affaire à quelque chose de rapide, alors que c'est lent: on traine alors la déception de cette vitesse attendue, qui n'est pas là. Et inversement.

Cette question de la circonscription du film dans un horizon d'attente, ça n'est jamais négligeable, ça pèse considérablement sur la dynamique des affects qui seront mobilisés. Et c'est difficile de se soustraire, de s'exonérer, de cet espace d'attente, car les films ne se présentent jamais à nous sous on ne saurait trop quelle forme nue, vierge de toute attente.
Même si on accorde pas trop d'importance à la catégorisation des films en "genres", par exemple, difficile d'y échapper. Car déjà il y a des genres. Mais il y a aussi les films qui s'échappent d'un genre. Ceux qui se pensent contre un genre. Ceux qui se présentent comme n'appartenant à aucun genre, etc etc.

On est toujours trop "informé", d'une part; et de l'autre jamais "assez". Et puis il y a ce que le film diffuse, qu'on verra ou ne verra pas, selon une multitude de facteurs connexes au film, un horizon de valeurs, etc.
Pour les "classiques": on est toujours trop informé, selon moi. ça crée des écrans, des barrières, pour reconsidérer le film sous un angle nouveau, plus ouvert.
La plupart du temps, quand je loue un film, je cherche à en savoir le moins possible sur son contenu, mais que je veuille ou non, je m'attends à quelque chose, à un "genre", à une "manière", qui changera de définition en cours de vision, aussi. Pour les films fantastiques, ou d'horreur, l'horizon d'attente est souvent bien délimité, et crée lui aussi des distorsions, des surprises, des déceptions, des reconsidérations, etc.
Bref, on est jamais indemne de tout un réseau extra ou péri-cinématographique, très vaste, dans lequel on fera l'expérience d'un voir/entendre/sentir/penser.

Pour en revenir à Fellini-Roma.
C'est une approche de la ville, du temps, qui par certains aspects fait songer à Tati (le périphérique, les embouteillages, dispersion, entropie, le téléscopage entre le passé et l'avenir, etc), mais la manière fellinienne est néanmoins différente, faisant surgir d'autres combinaisons d'affects. Plus dans la tonique. Enfin, pour moi. La musique de Nino Rota, autre forme de "ritournelle", associée aux montages felliniens, produit également une autre tonalité affective du "passé", à laquelle je suis plus sensible.

Ce sont des manières, qui ont toutes leur intérêt et leur grandeur. Certains vibreront plus à ceci, d'autres à cela...

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 16:50

ça, c'est de la sagesse. sans rire, je ne suis pas encore capable de ce détachement, sauf comme notule purement cérébrale, précaution terminale. je ne suis définitivement pas philosophe. donc :
Tant de mépris pour le funky de EWF?
tu as raison, il ne faut pas mépriser, déclarer bonne telle musique, mauvaise telle autre absolument. toute musique est une musique de film, sa valeur est dans sa congruence à l'occasion. pour danser le rock, Wagner, c'est nul.
mais il faut aussi prendre les choses telles qu'elles sont. le funky de EWF, c'est d'abord le funky comme genre et comme territoire. et le funky, c'est un trait de jazz qui s'autonomise en réaction au bop. c'est le groove, l'accentuation de la syncope jazzy en profondeur. question de rythme et très secondairement de mélodie. la mélodie vient peut-être ensuite, quand le funky se territorialise avec James Brown. mais EWF c'est un funky parfaitement fixé et il ne me semble pas qu'ils le fassent tellement bouger. et surtout pas à leur arrivée en France. (en Europe ?) ici, ils ont surtout servi à reterritorialiser des populations émigrées de l'extérieur (Noir et Nord Africains) ou de l'intérieur, couches sociales récemment sous-prolétarisées. le modèle est celui des sous-cultures italiennes disparaissant devant ce que Pasolini appelait la culture bourgeoise hédoniste.
(PPP et Tati, non pas la simple nostalgie du passé mais une tentative de retrouver ce qui du passé pouvait s'autonomiser, le quitter et faire vibrer le présent. deux manières différentes, bien sûr.)
EWF, c'est l'application d'une axiomatique à des populations pour qu'elles cessent de se donner la peine de créer leur propre sous-culture. et ça s'entend y compris dans leurs syncopes éteintes, déjouées et empêchées dès le début. (isoler les rapports des lignes de basse au reste de l'harmonie ; ça s'entend vraiment très bien.)
autre chose est de savoir si on peut à partir de ça inventer une sous-culture.


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Message par Borges Mar 7 Fév 2012 - 17:12

Stéphane Pichelin a écrit:ça, c'est de la sagesse. sans rire, je ne suis pas encore capable de ce détachement, sauf comme notule purement cérébrale, précaution terminale. je ne suis définitivement pas philosophe. donc :
Tant de mépris pour le funky de EWF?
tu as raison, il ne faut pas mépriser, déclarer bonne telle musique, mauvaise telle autre absolument. toute musique est une musique de film, sa valeur est dans sa congruence à l'occasion. pour danser le rock, Wagner, c'est nul.
mais il faut aussi prendre les choses telles qu'elles sont. le funky de EWF, c'est d'abord le funky comme genre et comme territoire. et le funky, c'est un trait de jazz qui s'autonomise en réaction au bop. c'est le groove, l'accentuation de la syncope jazzy en profondeur. question de rythme et très secondairement de mélodie. la mélodie vient peut-être ensuite, quand le funky se territorialise avec James Brown. mais EWF c'est un funky parfaitement fixé et il ne me semble pas qu'ils le fassent tellement bouger. et surtout pas à leur arrivée en France. (en Europe ?) ici, ils ont surtout servi à reterritorialiser des populations émigrées de l'extérieur (Noir et Nord Africains) ou de l'intérieur, couches sociales récemment sous-prolétarisées. le modèle est celui des sous-cultures italiennes disparaissant devant ce que Pasolini appelait la culture bourgeoise hédoniste.
(PPP et Tati, non pas la simple nostalgie du passé mais une tentative de retrouver ce qui du passé pouvait s'autonomiser, le quitter et faire vibrer le présent. deux manières différentes, bien sûr.)
EWF, c'est l'application d'une axiomatique à des populations pour qu'elles cessent de se donner la peine de créer leur propre sous-culture. et ça s'entend y compris dans leurs syncopes éteintes, déjouées et empêchées dès le début. (isoler les rapports des lignes de basse au reste de l'harmonie ; ça s'entend vraiment très bien.)
autre chose est de savoir si on peut à partir de ça inventer une sous-culture.



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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 17:20

le funky, c'est la grande réconciliation hippie des Noirs et des Blancs sous la bannière de la musique et du sexe. c'est très bien. ça parait beaucoup plus sympathique que le be bop qui commence par être une déclaration raciale, voire raciste. faire une musique dont les Blancs seront incapables. "vous dîtes que nous sommes des nègres, alors nous serons nègres à un point tel que vous ne nous rattraperez jamais." une histoire de Noirs qui jouent aux esclaves (1950, la ségrégation : ils n'ont pas encore cessé de l'être d'une certaine façon), mais aux marrons courant devant leur maîtres, fuyards tellement rapides qu'ils finiront par rejoindre leurs poursuivants - plus ils vont vite, plus ils reviennent vers la culture du Blanc. destin du be bop, puis du hard bop, puis du free jazz, puis du piano d'Alice Coltrane qui réinvente, mais invente vraiment, Debussy.

je vais trop vite. d'abord, il y eut le be bop. un retour à l'Afrique. un truc de nègres tambourinaires en fuite. du rythme et de la course. Charlie Parker qui n'en aura jamais fini de courir, de prise en prise. passer sur la syncope le plus vite possible, pas pour l'effacer, pas pour la déjouer, mais pour en multiplier les occurrences, les différences. sauter sans arrêt, comme une puce, au dessus du gouffre, d'une lèvre à l'autre - d'une lèvre à l'autre, en haut en bas, en haut en bas. de prise en prise parce que ce n'est jamais assez, jamais suffisant. il faudrait réussir à rester au dessus, lévitant musical. Parker est un échec glorieux.
la réaction à Parker, c'est Coltrane, dès Giant Step, encore très be bop, encore très puce, mais déjà décidé à élargir la béance pour s'y installer. cet élargissement, c'est toute l'histoire du free jazz. et ça passe dans un premier temps par le hard bop. Olé, donc. Olé, la bouche grande ouverte et soufflante. mais il y a aussi India, Africa brass, My favorite thing, etc... toutes les transformations de My favorite thing. le pari, c'est de passer de plus en plus lentement au dessus du gouffre. d'élargir le gouffre pour ramener le chronomètre le plus près possible de zéro - le chronomètre ou le métronome. c'est bien ce qui me fait rire dans Olé, ce ralentissement du passage, ces sauts au ralenti avec comme un clin d'oeil et un coup de chapeau au milieu.
mais ce n'est pas fini. le ralentissement est infini, peut être infini sans jamais atteindre vraiment le zéro. deux syncopes rythmiques dans un morceau, c'est déjà une chute, un retour sur terre. alors on va tuer le rythme. on va chercher l'écart, la syncope, ailleurs que dans le rythme et ailleurs que dans le temps. ces gammes montants et descendant sans arrêt, culminant dans des explosions d'aigus ou dans des concaténations dans le grave, c'est chercher la sortie, mais c'est aussi chercher l'envol. appui, coup d'instrument sur le sol musical pour rebondir jusqu'à la vitesse de libération. chaque coup dans l'aigu est une tentative de libération, mais il lui faut un coup dans le grave d'abord, la compression du son comme un essai de transposition de la syncope dans l'harmonie. parce que se débarrasser du rythme est finalement impossible, il fait toujours retour, il se démultiplie même en autant de cellules qu'il y a de moments musicaux.
Pharoah Sanders ne fait que ça sur le Live in Japan dont je parlais ailleurs. et faire que ça, c'est déjà faire beaucoup. mais ce n'est toujours pas la vitesse de libération. la vitesse de libération, elle est atteinte par John et Alive Coltrane qui savent, eux, qu'il n'y a plus qu'une syncope, que c'est le morceau lui-même, voire la musique elle-même. syncope commencée avec la musique et qui durera autant qu'elle. ils ne jouent plus, ils volent éternellement au dessus du gouffre. zéro rythmique.


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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 17:26

Borges a écrit:
Stéphane Pichelin a écrit:ça, c'est de la sagesse. sans rire, je ne suis pas encore capable de ce détachement, sauf comme notule purement cérébrale, précaution terminale. je ne suis définitivement pas philosophe. donc :
Tant de mépris pour le funky de EWF?
tu as raison, il ne faut pas mépriser, déclarer bonne telle musique, mauvaise telle autre absolument. toute musique est une musique de film, sa valeur est dans sa congruence à l'occasion. pour danser le rock, Wagner, c'est nul.
mais il faut aussi prendre les choses telles qu'elles sont. le funky de EWF, c'est d'abord le funky comme genre et comme territoire. et le funky, c'est un trait de jazz qui s'autonomise en réaction au bop. c'est le groove, l'accentuation de la syncope jazzy en profondeur. question de rythme et très secondairement de mélodie. la mélodie vient peut-être ensuite, quand le funky se territorialise avec James Brown. mais EWF c'est un funky parfaitement fixé et il ne me semble pas qu'ils le fassent tellement bouger. et surtout pas à leur arrivée en France. (en Europe ?) ici, ils ont surtout servi à reterritorialiser des populations émigrées de l'extérieur (Noir et Nord Africains) ou de l'intérieur, couches sociales récemment sous-prolétarisées. le modèle est celui des sous-cultures italiennes disparaissant devant ce que Pasolini appelait la culture bourgeoise hédoniste.
(PPP et Tati, non pas la simple nostalgie du passé mais une tentative de retrouver ce qui du passé pouvait s'autonomiser, le quitter et faire vibrer le présent. deux manières différentes, bien sûr.)
EWF, c'est l'application d'une axiomatique à des populations pour qu'elles cessent de se donner la peine de créer leur propre sous-culture. et ça s'entend y compris dans leurs syncopes éteintes, déjouées et empêchées dès le début. (isoler les rapports des lignes de basse au reste de l'harmonie ; ça s'entend vraiment très bien.)
autre chose est de savoir si on peut à partir de ça inventer une sous-culture.



entre nous, c'est un peu n'importe quoi;

pas vraiment n'importe quoi, plutôt n'importe comment, je le reconnais.
j'essaierai d'y mettre un peu d'ordre et de méthode.


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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 17:57

ouille ouille ouille.... misère de misère, c'est reparti, et c'est pas de la sagesse.


Et ce qui suit, sur Parker, Coltrane.... Mon dieu mon dieu... Mais, mais, S.P. prend des substances illicites non autorisées, là, c'est pas possible autrement. Même comme écriture automatique ou imitation d'impro, c'est... effrayant What a Face


Alors.

Faut vraiment, mais alors vraiment, abandonner définitivement cette notion débile, authentiquement puante, de "sous-culture".


Il n'y a pas de sous-culture.

Point barre.

S'il y a une chose, une seule, que j'aimerais qu'on retienne, comprenne, de mes tartines supra, dans la discussion autour de Tati, c'est bien cette idée: qu'il n'y a pas de sous culture, de genre pur, de sous-genre, de genre dévoyé, de genre authentique, inauthentique, etc.

Toute cette métaphysique de l'origine, du propre et de l'impropre. Faut vraiment croire, Stéphane, que tu n'a strictement rien compris de tous mes développements à ce sujet sur ce topic, car c'est au fond le vrai sujet de mon propos, y compris sur le topic sur les films qui font peur, quand j'évoquais Derrida.

Et comment me lis-tu, aussi? Je me demande même si tu me lis, tout simplement.
Je sais que c'est long, tartinesque (comme tes posts, d'ailleurs), mais enfin, c'est pas possible. J'ai l'impression que tu choisis une phrase qui te parle et laisses tomber tout le reste. Ou que tu lis trois lignes le matin, les trois suivantes le soir.

Car dans ton truc à propos de EWF, tu martèles à nouveau, sans sourciller, sans la questionner, cette phobie de l'hybridation, dont l'envers est une obsession de la pureté d'une "syncope" originaire, et à propos desquelles je t'avais par avance interpellé:

La notion de "monde", c'est quelque chose de complexe, et il y a des antimondialisations, qui ne recouvrent pas les mêmes champs sémantiques. Pas mal de choses, dans ton discours torsadé, manifestent ce même type d’ambiguïté, de paradoxe: d'un côté, éloge du hoquet du côté de l'anomal, mais dans le même temps, et à l'intérieur de ça, expression d'un dégoût presque atavique pour le genre de la "fusion", de l'hybridation.

Dans ton analyse, tu sembles perpétuer cette idée d'une démarcation originaire entre "réalité" et "fiction", se manifestant dans la crainte d'une perte d'un réel-ancré, de sa destruction par les hybridations du moderne, un faux-jazz (auquel s'opposerait un vrai-jazz, du côté de cette "syncope" tragique dont tu fais grand cas), funk ou fusion, interprétés comme un "lissage" uniformisant de ce qui perdurait, anomique ou singulier, dans le tango "originaire" d'un Lapointe, par exemple.
Le tango originaire d'un Lapointe, du côté de l'a-rythmie tragique, finitude authentiquement vécue. Démon d'une expérience de la limite, du tragique de la Vie avec un grand V, de la parole soufflée, le souffle originaire, rauque, asymétrique, qu'on voudrait taire, refouler - mais que de rares hypersensibles, connectés intimement à ce tragique sacré, captent à même leur corps, blessure ouverte etc . Et à côté de ça, son envers aseptisé, moderne, lisse, inauthentique, imité, frelaté, pour consommation de masse bêlante: earth, wind & fire - le funky débilitant pour plateaux de télévision, une dégradation horrifiante de ce souffle premier, l'oubli massif de la respiration heurtée de l'homme vrai, bref, la morbidité à l'état quasi chimiquement pur. Carrément, quoi.


Mais non. Indépendamment de la justesse, parcellaire, tâtonnante - je serais le premier à en convenir - de cette remarque (non lue, ou d'emblée obturée), tu poursuis, imperturbable, sur cette lancée proprement puriste, voire fondamentaliste, d'une théorie abracadabrante où tu refais l'histoire de la musique selon une espèce de volapuk, une jaculation scripturale, jouissance labiale pure, devenue machine à délirer, une imitation de mauvais disciple névrosé de Lacan (genre Daniel Sibony des seventies, sous psychotrope).

le funky, c'est la grande réconciliation hippie des Noirs et des Blancs sous la bannière de la musique et du sexe. c'est très bien. ça parait beaucoup plus sympathique que le be bop qui commence par être une déclaration raciale, voire raciste. faire une musique dont les Blancs seront incapables. "vous dîtes que nous sommes des nègres, alors nous serons nègres à un point tel que vous ne nous rattraperez jamais." une histoire de Noirs qui jouent aux esclaves (1950, la ségrégation : ils n'ont pas encore cessé de l'être d'une certaine façon), mais aux marrons courant devant leur maîtres, fuyards tellement rapides qu'ils finiront par rejoindre leurs poursuivants - plus ils vont vite, plus ils reviennent vers la culture du Blanc. destin du be bop, puis du hard bop, puis du free jazz, puis du piano d'Alice Coltrane qui réinvente, mais invente vraiment, Debussy.

je vais trop vite. d'abord, il y eut le be bop. un retour à l'Afrique. un truc de nègres tambourinaires en fuite. du rythme et de la course. Charlie Parker qui n'en aura jamais fini de courir, de prise en prise. passer sur la syncope le plus vite possible, pas pour l'effacer, pas pour la déjouer, mais pour en multiplier les occurrences, les différences. sauter sans arrêt, comme une puce, au dessus du gouffre, d'une lèvre à l'autre - d'une lèvre à l'autre, en haut en bas, en haut en bas. de prise en prise parce que ce n'est jamais assez, jamais suffisant. il faudrait réussir à rester au dessus, lévitant musical. Parker est un échec glorieux.

Te rends-tu seulement compte que y a strictement aucun rapport avec une réalité quelconque (historique, musicologique) dans ce que tu racontes là, à propos de Parker? C'est effarant. Cette espèce de généalogie fantaisiste, reconstruite depuis on ne sait quelle analogie sémio-psychanalytico-poétique fantasmatique du be bop. Comme transposition dans l'univers sonore, du fait que les esclaves "nègres" couraient plus vite que les blancs? Vertiges de l'analogie. En roue libre. C'est vraiment inquiétant. Mais pas seulement inquiétant: plutôt assez paternaliste, honteux. Se livrer à des analogies aussi erratiques...


D'abord et essentiellement, il y a ce fantasme massif, chez toi, d'un codage intégral des pratiques musicales, esthétiques, dans et par le marquage identitaire. Le fantasme fondamentaliste d'une réduction de ces pratiques à une identité du Noir. Y aurait le Noir de l'Afrique, "tambourinaire en fuite", défini en soi par le colon: une sorte de stéréotype d'anthropologie coloniale. L'Africain, c'est un tambourinaire. Avec la colonisation, c'est un tambourinaire en fuite, qui court partout à perdre haleine avec son tambour. Puis le Noir jazzman américain survient, dans l'histoire de la ségrégation raciale. Et, forcément, opère un retour à l'Afrique en prolongeant cette détermination coloniale. Par réminiscence. "Participation", dirait Lévy-Bruhl. Tambourinaire en fuite à son tour, qui court partout avec son tambour et passe une nouvelle vitesse: du tambour binaire au tambour ternaire... Racialisé devenu raciste à son tour (ah bon, je savais pas ça, concernant Parker, ami de Lennie Tristano, fan de Debussy, Schoenberg)... Et ce serait repérable dans la structure même du "be bop", dans le rythme, la "syncope", le phrasé, etc. Sans mésestimer du tout l'importance déterminante de la ségrégation raciale dans la constitution du phénomène "jazz", tout ceci n'est qu'un délire analogique, une variation libre depuis, peut-être, des propos de Césaire sur la "négritude", mais ici appauvris en tautologie et hyper-déterminisme.
Qu'est-ce que ça donne à l'arrivée? Une théorie "ethnicisante" de l'esthétique: jusque dans le souffle, les timbres, les rythmes, la vitesse d'exécution, on "repère", on "entend" le rapport entre l'esclave noir et le maître blanc. Dans la structure sonore même du be bop, on entend "une histoire de Noirs qui jouent aux esclaves". Dans le phénomène musical de la "syncope", dans les lignes rythmiques et mélodiques du jazz, on "entend" l'esclave noir devenu raciste anti-blanc, se ressaisissant de sa définition en tant que "race" par le blanc pour se définir comme une "race" noire opposée à la blanche, et renversant le rapport de domination. Tout ça se "manifeste" dans les sons mêmes.
Le sociologisme du fait esthétique poussé à ce niveau, ce n'est plus de la sociologie, ça devient un hyper-déterminisme, un naturalisme, une variante de la biologie; une théorie racialiste de la musique, du signe, du langage. Qui assigne littéralement le locuteur, l'actant, le musicien, toute personne produisant des signes, sonores, ou visuels, ou scripturaux, à une identité de quasi-nature le définissant "en soi", dans son "être. L'histoire de la musique qui en découlerait, ici, ce serait une sorte d'histoire naturelle, une véritable téléologie, comparable à l'évolution des espèces.
Ici, le topos, c'est le rapport entre les "races". A chaque stade du développement musical, le jazzman noir exprime, dans l'organisation même des sons, un moment précis de ce grand récit qui est la lutte raciale opposant le noir et le blanc. On peut alors suivre à la "trace", se livrer à un "dépistage sonore" de tout ça, allant du dixieland au free-jazz, le modéliser et le reconstruire rétrospectivement (ou rétrosonoristiquement) depuis l'achèvement du processus.
Le développement de la forme "jazz" comme genre esthétique, son histoire, son début comme sa fin, sont alors un phénomène strictement identitaire, qui ne peut se décoder que dans les termes de cette identité. ça implique fort logiquement que le "jazz", ça ne peut concerner, par nature, que les "Noirs", et exclusivement les "Noirs", en tant que détermination raciale, comme social-type ou ethno-type déterminés dans et par l'histoire de la ségrégation raciale. Toute autre grille est exclue, et il n'y a pas de loi de passage autorisant à considérer le "jazz" comme un processus esthétique (au sens même de l'aesthesis: la sensation de la matière sensible) partagé par des "Noirs" ET des "Blancs".
On se demande même comment un "Blanc" peut participer, comme auditeur passif, à ce processus. On se demande aussi quelle est la position que S. Pichelin occupe, à titre d'observateur du phénomène qu'il décrit, qui rend possible sa participation émotionnelle.

Est-il "Blanc", est-il "Noir? Qu'est-ce qui rend possible cette telle position de maîtrise devant ce phénomène? Comment peut-il, mieux qu'un "Noir" lui-même, pénétrer à ce point l'identité de ce "Noir", jusqu'à en saisir l'expression dans l'émission de chaque souffle, chaque note, chaque intonation?

Une position de maîtrise relevant véritablement de l'omniscience et de l'omnipotence. Pichelin ne peut être qu'une sorte de dieu, un démiurge. Il détient le point de vue nouménal, total, absolu, sur la totalité inconditionnée et conditionnée de tous les phénomènes existants.
Il a ce que Kant nomme l'intuition intellectuelle, l'intuition pure. Il pénètre à ce point le noumène du phénomène qu'un bonheur absolu s'empare de lui et l'irradie, dès qu'il suit le trajet sinueux de chaque chorus de Coltrane, chaque souffle dont il comprend intimement la signification profonde (une affaire de sauts de puce devenue volante, d'un "nègre" transcendant sa "négritude" dans une course-poursuite éperdue avec un "blanc" qui le suit en croyant le précéder, une course tellement rapide que devenue lévitation, et survolant si bien une syncope au dessus d'un abime jeté entre deux hoquets, que tout rythme aboli, il pulvérise le chronomètre au point zéro-pile de son record, rejoignant, olé, l'a-rythmie absolutely free d'une suffocation première et douloureuse à la naissance du monde).

Cet état de plénitude sensorielle incomparable se manifeste par un rire immense, incontrôlable, inextinguible, gargantuesque. Il rit, oh il rit, il n'en peut plus de rire comme ça. Il doit se tenir les côtes afin de ne pas tomber en syncope.






Ensuite, c'est occulter d'emblée, au nom de cette vision fantasmée d'une genèse ethno-identitaire, le diffusionnisme, l'échange, l'hybridation, l'interpolation, la circulation, qui n'ont cessé, dès l'origine, de structurer le discours musical de ce phénomène musical complexe qu'on nomme "jazz". Et qu'on ne peut réduire, comme le fait le débile Marc Edouard Nabe par exemple, à une simple affaire de "négritude". C'était toute la question du lore. En réalité, le phénomène "jazz" ne se constitue que dans ces va-et-vient, ces échanges continus, cette contamination originaire, un vaste patchwork, même si on souhaitait circonscrire la naissance de ce genre à la Nouvelle Orléans, lieu du métissage ou hybridation des folklores des esclaves noirs et des colons blanc d'Espagne, d'Irlande, de France, d'Allemagne. Il y a tout le mélange indétricotable entre musique européenne classique, gospel, ragtime, marches militaires, danse, cabaret, variété. Puis les influences perpétuelles, à travers le temps, entre musiciens blanc et noir: Scott Joplin, Gershwin, irving Berlin, Jerry Roll Morton, Armstrong, etc. Le nouveau jazz dans les 40s se fomentera dans les relations entre Parker et Tristano, notamment, sans compter le va-et-vient permanent entre les musiciens, généralement blancs, de la west coast, et ceux, généralement noirs, de New-York, qui s'influenceront mutuellement. Etc etc.
On va pas refaire l'histoire du jazz. Je n'en ai absolument pas les compétences, mais une chose est sûre: comme tout phénomène culturel ou esthétique, ça se fomente dans la contamination généralisée.



Puis cette réitération d'un partage hiérarchisé entre un genre originaire, pur, et des genres dérivés, impurs, appauvris, consensuels (mais ce n'est pas la musique "pauvre" de Lapointe qui, elle, visiblement, est plus riche, parce que branchée sur cette fameuse "syncope" de la suffocation tragique, là. Enfin ton avant-dernier délire en date).
Cette horreur puriste des mélanges, qui ne peuvent qu'être une altération, un appauvrissement de l'essence première. La métaphysique du phonocentrisme de la présence pure, à son point le plus doxique, le plus caricatural.

Du même ordre que le snobisme qui consiste à poser un bonheur indicible, se manifestant dans un rire incontrôlable à l'écoute de Beethoven, mais dans l'interprétation de Fürtwangler. Parce que, on imagine le trip, Fürtwangler serait au plus près de l'essence de Beethoven, selon cette espèce de mystique de la connexion ou généalogie spirituelles. Cette marotte de mélomanes fondamentalistes raffinés, posant par là leur position dans la hiérarchie des valeurs culturelles.
Au début, j'avais pas compris; j'avais cru que telle interprétation précise de Fürtwangler te faisait "rire" parce que, dans tel enregistrement, il y avait eu un événement spécial: l'orchestre complètement bourré après un passage à la fête de la bière à Munich, ou un numéro de claquettes improvisé par le chef, enfin, un truc drôle, quoi. J'avais pas percuté que c'était un rire dû au maximum de bonheur terrestre possible, tutoyant le sublime du divin.


Le pire, c'est que chaque fois que tu essaies de justifier ta position pour répondre à une critique dont tu n'as visiblement pas compris la portée, tu t'enfonces chaque fois plus dans les eaux marécageuses et troubles, quasi-mystiques, de ces fantasmes d'identité première, etc, que cette critique tentait de porter à la question. ça s'appelle être sourd, Stéphane Pichelin.


A croire, aussi, que tu n'as jamais compris un traitre mot, je dis un seul, de Deleuze, à propos duquel tu nous as livré des textes pourtant kilométriques, tartinant sur l'anti-œdipe et mille-plateaux. A croire que, vraiment, ta façon de lire Deleuze, et de le comprendre, c'est uniquement sous cette forme rhétorique, de jeux sur et entre les mots, comme combinatoire névrotique, du signifiant bouclé sur lui-même. C'est ça, tu ne parviens pas à le saisir: tu ne penses pas depuis deleuze, ni avec deleuze, pas plus que depuis freud ou avec freud, ou lacan, etc. Tu es juste dans une graphopathie maniaque où les concepts ne veulent plus rien dire.

Comprends-tu, au moins, cette critique? C'est capital. Car il en va de comprendre, une fois dans sa vie, un peu de philosophie, si on a la prétention d'en faire. Et ne dis pas que tu n'as pas cette prétention. Cette prétention, tu l'as. Car c'est sans trembler, jamais, que tu agences des développements, les plus débridés, délirants, en roue libre, à propos de trucs dont la signification, la logique, t'échappent.

Si tu comprenais un seul texte de Deleuze, sur la déterritorialisation, ou n'importe quel autre concept deleuzien, tu n'écrirais jamais un texte comme celui-ci, sur Earth, wind & fire; tu n’emploierais pas ce terme de sous-culture, tu n'écrirais pas un machin aussi incompréhensible et délirant que:

EWF, c'est l'application d'une axiomatique à des populations pour qu'elles cessent de se donner la peine de créer leur propre sous-culture. et ça s'entend y compris dans leurs syncopes éteintes, déjouées et empêchées dès le début. (isoler les rapports des lignes de basse au reste de l'harmonie ; ça s'entend vraiment très bien.)
autre chose est de savoir si on peut à partir de ça inventer une sous-culture.

On croit rêver. ça veut absolument rien dire. Axiomatique... de qui, de quoi... Ah, tiens, on retrouve ton bidule passé, fondé sur une référence à Lukacs, apparemment: la fameuse distribution des classes se définissant comme étant "en soi", empêchées par l'idéologie de définir leurs propres intérêts de classe. Ici, ce serait un truc comme "se donner la peine de créer leur propre sous-culture".

Une sous-culture, mazette. Ce qui implique, donc, qu'il y a, au dessus, une Culture majusculaire, ou une sur-culture (Beethoven par Fürtwangler, peut-être... Quoi d'autre, sinon? Faut citer des exemples, j'ai du mal à situer). Ou alors, cette notion est le fruit de ton interprétation très personnelle, et paradoxale, là encore, de la notion de majoritaire et de minoritaire chez DG? Mais si c'est une transposition de ça, pourquoi "sous-culture"? Je sais pas, de toute façon, j'ai le bec dans l'eau, je comprends rien à ton discours.

Néanmoins, je suis admiratif: t'as l'oreille absolue, toi. T'es capable de saisir l'essence d'un truc morbide - EWF - le fait qu'ils se donnent pas la peine de créer une sous-culture, rien qu'en entendant "les rapports des lignes de basses au reste de l'harmonie". Alors ça, c'est plus fort que du roquefort. ça veut dire, à qui sait bien entendre bien sûr, qu'en modifiant les rapports de ces lignes de basses au reste de l'harmonie, ils pourraient, éventualy, espérer, sait-on jamais, créer une sous-culture digne de ce nom? N'essaie pas de répondre, je crains de continuer à ne pas trop bien comprendre.


Sinon, pour conclure vaguement, je dirai juste ceci: faut vraiment abandonner cette manie d'assigner des populations, des groupes, à des places identitaires, des esthétiques ou des folk-lores qui les définiraient.

Tout ça, c'est rance, bien rance, et rance hier.


Pour échapper à tous ces codages identitaires, y avait eu cette discussion à propos du "lore", qui fait filer tout "folk" hors de son terme. Mais tu n'avais rien voulu en entendre. Et je comprends mieux pourquoi, maintenant: y a du boulot, en effet, pour que tu changes, un jour, de "paradigme".

Il serait vraiment temps que tu te mettes un peu à Rancière, pour te soigner de cet art quasi-divinatoire qui te permet de définir, classer, étager, assigner, au micro compteur geiger, les groupes, les populations, les genres musicaux, esthétiques, sociaux, culturels, etc.

Car ça, c'est vraiment réactionnaire, la quintessence du réactionnaire, même.

Et ça apporte de l'eau au moulin de tout mon développement supra, dont je me serais bien passé. Car je ne ferai pas un deuxième tour de manège à ce sujet.


Dernière édition par jerzy P le Mer 8 Fév 2012 - 4:38, édité 23 fois

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 18:40

La quintessence du baratin. Comme l'a dit quelqu'un il serait bien d'arrêter de se recommander de Deleuze (ou même de la philosophe tout court) pour nous infliger une démarche d'évaluation professorale et permanente de toute chose. Même pas de critique, évaluation (le seul problème que tu soulèves en fin de compte c'est "tu aimes ce film, qui vaut moins que tel autre que j'aime moins, ton jugement doit être redressé etc...").
Et pendant ce temps Guéant cherche à survivre et à faire son trou dans le 92 en foutant le FN à 40%, au nom d'une représentation autoritaire de l'évidence son propre bon-sens (censé être la limite de la polémique) guère éloignée dans la forme des logiques de prises de paroles sur ce forum.


Dernière édition par Tony le Mort le Mar 7 Fév 2012 - 19:14, édité 1 fois

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 18:51

Stéphane Pichelin a écrit:
le funky, c'est la grande réconciliation hippie des Noirs et des Blancs sous la bannière de la musique et du sexe. c'est très bien. ça parait beaucoup plus sympathique que le be bop qui commence par être une déclaration raciale, voire raciste. faire une musique dont les Blancs seront incapables. "vous dîtes que nous sommes des nègres, alors nous serons nègres à un point tel que vous ne nous rattraperez jamais." une histoire de Noirs qui jouent aux esclaves (1950, la ségrégation : ils n'ont pas encore cessé de l'être d'une certaine façon), mais aux marrons courant devant leur maîtres, fuyards tellement rapides qu'ils finiront par rejoindre leurs poursuivants - plus ils vont vite, plus ils reviennent vers la culture du Blanc. destin du be bop, puis du hard bop, puis du free jazz, puis du piano d'Alice Coltrane qui réinvente, mais invente vraiment, Debussy.



Pour Miles Davis ça colle pas. A ma connaissance là où il insiste avec le plus d'emphase sur ce qui lie sa musique à la cause noire c'est sur l'album autour de Jack Johnson, justement celui où il choisit de s'effacer derrière John McLaughlin...
Jamles Baldwin a écrit des choses intéressantes dans "Just Above My Head" and "Fire Next Time" sur le sens du blues pour la cause noire (lui-même en position paradoxale sur ce combat, je veux dire qu'il en faisait une critique interne de qui relevait en lui de l'idéologie), sur cette fuite, c'est pas une perception monolithique et déterministe. Mais en effet ce n'est qu'en disant que la musique noire n'est pas comprise qu'il nomme le blanc (mais il ne dit pas qu'un blanc ne peut pas la faire"). D'ailleurs il n'y a aps de couleur de peau dans "la Chambre de Giovanni"

Dans le premier Funkadelic le message est plus "Freedom is being free of the need to be free" (énorme sentence dans "Free your Mind and your ass will follow") que lié à la fuite du noir devant le maître; traitée ironiquement dans "Music for My Mother", pratiquement leur premier single. Le côté "root" de la musique et la référence à l'esclavage était plus un code esthétique qu'une expérience autobiographique pour les musiciens eux-mêmes. Une herméneutique toute simple: ils veulent être la musique que rencontre le fuyard plutôt que le fuyard lui-même.

Man, I was in a place
Called Keeprunnin', Mississippi one time
And I heard someone on my way by
Sounded a little something like raw funk to me
So I slowed down and took a listen
And this is all I could hear, baby

Whoa-hah-hey
Whoa-hah-ha
(x5)

It got so good to me, man, that I stopped runnin'
My feets was tired anyhow
So I reached in my inside pocket
And got my harp out
Sit down by old beat-up railroad train
And get me get myself
A little of that old funky thang
{vocal "harmonica" solo}

Yeah!
Yeah, I'm ?
Yeah, whoa!
Yeah
Mm-m-hmmm
Yeah

Can you all feel what I mean?
This is what you call
Waaay-back yonder funk

Whoa ha hey
Whoa ha ha
(x19)
Say it loud!
I'm funky and I'm proud!
I'm aging!
Old funk
"

Et pour Guéant, avant même de remonter au nazisme, considère-til comme avancée ou en retard une société qui a inventé la maison de retraite (le mouroir payant), qui ne connaît pas le bilan de la canicule de 2003? C'est déjà pas mal si cette société vaut la même chose que sa valeur.


Dernière édition par Tony le Mort le Mar 7 Fév 2012 - 19:22, édité 1 fois

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 19:13

Tony le Mort a écrit:La quintessence du baratin. Comme l'a dit quelqu'un il serait bien d'arrêter de se recommander de Deleuze (ou même de la philosophe tout court) pour une démarche d'évaluation professorale et permanente de toute chose.
Et pendant ce temps Guéant cherche à survivre et à faire son trou dans le 92 en foutant le FN à 40%, au nom d'une représentation autoritaire de l'évidence son propre bon-sens (censé être la limite de la polémique) guère éloignée dans la forme des logiques de prises de paroles sur ce forum.


Dis donc, toi, occupe toi de ta poutre, elle est sévèrement gratinée. On ne t'a jamais entendu ici qu'ânonner des trucs parfaitement incompréhensibles, dans une obsession des plus professorales, des plus donneuses de leçon, des plus universitairement obsédées de constamment ramener les problèmes, les esquisses de problèmes, à des "philosophes", et jamais "les philosophes" à des problèmes ou esquisses de problèmes.

Par rapport à Stéphane Pichelin, ton autisme philosophique massif est bien pire. Quand tu mouilleras une seule fois ta chemise pour torcher un post qui fasse un peu l'effort de clarifier une question, poser un problème, le développer, en faire quelque chose qui accompagne la pensée du ou dans le cinéma, on en reparlera.

Je ne me recommande pas de deleuze ni de la philosophie. Ce que je dis concerne, dans n'importe quel domaine et à propos de n'importe quel sujet, un minimum d'exigence et de rigueur. Que tu n'as pas, que tu n'as jamais eu, et que tu n'auras probablement jamais.

Libre à toi de jouer à ton jeu favori, le petit cancre ricanant qui n'en a jamais fini de régler ses comptes et ses soldes avec les institutions d'enseignement, dont il a claqué la porte avec un dédain souverain, parce qu'il estimait que l'évidence du bon sens de son propre génie déjà auto-constitué pouvait se passer de tout apprentissage un peu suant.

Tu es, bien plus que tu l'imagines, un obsédé de l'institution. Tu causes de philo, toi, comme un maître en chaire du 19è, qui se foutrait complètement d'être compris ou pas compris.

Allez, va te branler, à Berlin ou ailleurs, j'en ai rien à carrer. Mouche du coche.

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 19:15

Mais va te faire soigner ou passer un CAP de psychanalyste et lâche-moi.
Tu t'épaNouieras.
Cinéphile verviétois mais idiot international.


Dernière édition par Tony le Mort le Mar 7 Fév 2012 - 19:19, édité 2 fois

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 19:19

Mais je vais très bien, et il n'est nulle part question ici de psychanalyse, mon petit loufiat.

toi, par contre, le tony tout mort qui squatte dans ta grande tête molle, y grossit de plus en plus. Va te faire exorciser un bon coup, avant la pousse de végétations.


Non mais oh hein dis. Very Happy


Dernière édition par jerzy P le Mar 7 Fév 2012 - 19:21, édité 1 fois

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 19:20

j'ai pas suivi mais ça m'a l'air du nanan ... si le sujet est le comique le :

Jerzy a écrit :

Allez, va te branler à Berlin

tient la corde Very Happy

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 19:23

Moi, perso, je trouve ça comique.

Pourquoi slim, t'aimes pas rire, peut-être?

C'est la distribution des nougats, on fait relâche, on se détend un peu, entre deux séminaires. Tu viens te branler avec nous, un peu? lol

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 19:26

Du reste le Funk n'a rien de hippie.
Sur la guerre du Viet Nam il faut comparer "The Marches to the Witch Castle" de Funkadelic, du "For What is Worth" de Buffalo Springfield (je en suis pas sûr du tire, c'est un titre très surestimé de toute façon) pour le comprendre, pas du tout la même histoire.

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 19:29

Jerzy a écrit :



Moi, perso, je trouve ça comique.



Mais moi aussi !!!!!!!

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 19:31

Dans les chansons drôles "Je Vends des Robes" et "les Hommes à Tout Faire" de Nino Ferrer pas mal, pas si loin de Tati pour la première.
Oublié bien-sûr.
La France n'aime ni l'humour, ni les suicidaires, alors les deux à la fois. On ne lui a pas pardonné d'avoir essayé d'abandonner la chanson française de variété.


Dernière édition par Tony le Mort le Mar 7 Fév 2012 - 19:37, édité 1 fois

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 19:33

slimfast a écrit:
Jerzy a écrit :



Moi, perso, je trouve ça comique.



Mais moi aussi !!!!!!!

Ha bien si mon autisme permet cette rencontre entre 2 claviéristes de forums (un passe-temps éminemment altruiste et intersubjectif) c'est déjà cela. C'est même émouvant.

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Message par Invité Mar 7 Fév 2012 - 19:37

arrête tu te fais mal, c'est pour rire.
mais gaffe : jerzy est un bec !

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