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Message par Largo Lun 30 Nov 2009 - 23:18

Ce serait bien qu'une discussion ait lieu autour de ce film. Je pense qu'il en vaut la peine. J'ouvre le topic pour me forcer à en parler mais ce ne sera pas pour ce soir, je n'ai plus les idées claires.

Allez, si juste le pitch : c'est l'histoire d'une jeune fille d'aujourd'hui tombée amoureuse de Dieu.

C'est un bon point de départ, non ? Very Happy
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Message par Holy Hole Mar 1 Déc 2009 - 10:36

J'ai rencontré et découvert Bruno Dumont tout juste cet été... La vie de Jésus capte quelque chose d'exceptionnel, un mal de vivre qu'aucun adolescent ne semble lui-même savoir exprimer. Et Monsieur Dumont semble être un personnage très complexe, très plaisant à étudier! J'ai hâte de voir le reste de sa filmographie et le nouveau, bien entendu.
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Message par Largo Mar 1 Déc 2009 - 10:40

Bienvenu à toi Holy Hole !

Ton pseudo est tout destiné à l'étude des films de Dumont Very Happy

Il serait intéressant de comparer la manière de filmer l'adolescence dans La vie de Jésus et dans Hadewijch. Il faudrait que je revoie le premier.

Au plaisir d'en rediscuter avec toi Wink
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Message par Holy Hole Mar 1 Déc 2009 - 10:43

Merci pour cet accueil, tout d'abord !
J'espère trouver l'ambiance recherchée, ici, car les autres forum sont désespérants...

On m'a beaucoup parlé de Flandres aussi, l'as-tu vu?
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Message par Largo Mar 1 Déc 2009 - 10:52

Et bien écoute ici, on essaie d'engager des réflexions constructives sur les films. C'est parfois un peu sérieux mais toujours avec le sourire Very Happy

Sinon j'ai vu tous ses films depuis le début et Flandres m'avait beaucoup marqué à l'époque. Je pense qu'il est parvenu à imposer un style, que c'est un cinéaste important, mais j'ai été déçu par Hadewijch. Je vais tâcher d'y revenir un peu plus en détail.
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Message par Holy Hole Mar 1 Déc 2009 - 10:56

Alors j'ai hâte que tu y reviennes un peu plus en détail. Pour ma part je suis en train d'essayer de me convaincre d'y aller au plus vite, mais en période de révisions je suis plutôt dans les livres...
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Message par Largo Mar 1 Déc 2009 - 15:10

Bon voilà, je suis sorti de la projection en pressentant que ce que j'avais vu n'allait pas, était mal foutu, en dépit de toute l'estime que je porte à Dumont. Voilà un texte qui cherche à cerner ce qui ne fonctionne pas selon moi...


Plus personne n’ose en douter, Bruno Dumont est un athée sérieusement obsédé par les questions religieuses. Son premier film s’appelait tout de même La Vie de Jésus et ça n’avait pas grand-chose à voir avec les Monty Python. On n’y riait pas beaucoup. Toujours est-il que le salut, le péché, le pardon, sont au cœur de ses récits (à l’exception de 29 Palms, sans doute).

Cette fois, avec Hadewijch, il prend le parti d’aborder frontalement cette question de la foi. Jusqu’à présent, il s’agissait surtout d’un horizon d’idées, de symboles et de références. Ce sous-texte qui puisait dans toute une tradition iconographique et picturale (école flamande etc) venait souvent, in fine, élever les personnages, en les affranchissant du poids écrasant de la terre et de leur corps. Tout ce qui précédait dans un film tel que Flandres, apparaissait comme un travail violent pour dégager l’âme de cette lourdeur, de cette matérialité encombrante des corps. De la terre boueuse au ciel des idées.
Techniquement, ce passage en force d’une mise en scène très physique à son interprétation philosophique passe aussi par un montage elliptique et des jeux de décalage spatiaux entre image et son (un personnage filmé de loin, un son très rapproché). Dumont juxtapose, creuse des écarts, associe des éléments de nature fondamentalement hétérogène. Il travaille en confrontant des blocs (même ses acteurs font figure de « blocs d’humanité») en espérant bouleverser les repères du spectateur. Et dans le cas de Flandres, c’est difficile à expliquer, mais ça marchait.

Avec Hadewijch, sa mise en scène se déleste de cette fameuse monumentalité qui passait parfois trop facilement par l’épure des plans et le minimalisme des dialogues. En filmant Paris et la banlieue, même désertés, il se rapproche d’un certain naturalisme très français. Les dialogues aussi gagnent en volume (de là à dire qu’ils sont lourds, il n’y a qu’un pas…).
Surtout, on retrouve ce goût de la confrontation et de l’opposition binaire : le corps et l’âme, la terre et le ciel, l’homme et Dieu etc. On conviendra que tout ça fait beaucoup de combats poids lourds à l’issue incertaine. Mais ce n’est pas tout. La rencontre entre Céline, l’héroïne, et Yassine et son frère donne lieu à d’autres chocs : l’islam et le christianisme, la grande bourgeoisie parisienne et la misère de la banlieue etc. De lourds clichés sociologiques sont convoqués et Dumont les assument tels quels tout en affirmant n’y attacher aucune importance. Là réside un des paradoxes du film.



Dès lors, le commun des mortels, qui est aussi parfois le commun des spectateurs, est tenté de se demander : à quoi bon s’encombrer de ces clichés, s’ils n’ont aucune utilité ? Puisque Dumont veut faire surgir l’invisible sous l’image, le spirituel sous le prosaïque, puisqu’il veut filmer la grâce et l’amour de Dieu, pourquoi ne pas nous faciliter l’accès à l’âme de ses personnages ? Pourquoi nous faire perdre notre temps en nous montrant dans la scène du repas que le jeune arabe de banlieue et l’opulent diplomate (le père de Céline) n’ont rien à se dire, rien en commun ? Comment donner à sentir l’amour hors du commun qu’éprouve la jeune fille pour Dieu quand elle nous est masquée par des clichés aussi épais qui fonctionnent comme autant de façades en carton, des trompe-l’œil ?

Hadewijch Hadewijch-16592

Alors on imagine bien que Bruno Dumont a voulu, encore une fois, unir les contraires, entrechoquer les univers pour produire quelque chose de nouveau, une sorte de troisième terme. Dans la première partie, nous devrions voir fleurir dans cette rencontre entre Céline et Yassine ce qu’ils ont en commun, leur désir mal accordé d’aimer et d’être aimé en retour. Et dans les scènes de drague, on perçoit quelque chose de cet ordre, dans leur touchante maladresse adolescente : elle qui prend innocemment dans ses bras le garçon. Lui qui ne cesse de détourner son regard. Dans ces moments, le talent de Dumont pour la direction d’acteurs saute aux yeux (l’interprète de Yassine a du improviser sans avoir connaissance en arrivant sur le tournage du texte dit par le personnage de Céline). Et dans cette amitié amoureuse en germe se trouvait certainement la clé qui pouvait ouvrir les portes du film (et de l'intériorité des personnages) au spectateur. Et puis, quoi, avec un triangle amoureux qui implique Dieu, on ne peut pas dire que Dumont ne tenait pas un sujet follement original !

Malheureusement, quand le personnage de Yassine est abandonné en cours de route, au profit de son intégriste de frère, Céline et Dumont quittent le champ de la romance adolescente pour pénétrer sur le terrain glissant du fanatisme religieux. C’est d’autant plus frustrant que le cinéaste ne semble pas avoir grand-chose d’intéressant à dire sur ce sujet qu’il traite, comme il sait bien le faire, à grand coups d’ellipses pour mieux faire échapper le comportement de ses personnages aux interprétations simplistes et psychologisantes. Malheureusement, ce qui semble attirer son attention, à savoir les enjeux moraux, théologiques et philosophiques sont, contrairement à ses films précédents, verbalisés dans de longs dialogues qui se révèlent être assez pauvres, sous le vernis des grandes déclarations.

Hadewijch Hadewijch_15

On peine donc à effleurer la grâce spirituelle qui se cache au fond du cœur de la charmante Céline, plombée qu’elle est par les clichés et les lourdeurs dans lesquels elle baigne. Heureusement, il reste la fin, muette. Aussi belle et frappante que celle des précédents films de Dumont si ce n’est qu’elle s’accompagne d’un regret : que Céline n’ait pas trouvé son salut dans les bras du pauvre Yassine. Si Dumont avait choisi cette option, il nous aurait aussi épargné le montage alterné de l’histoire d’un autre personnage qui jamais ne semble concerné par le cœur du film, comme une greffe qui ne prend pas.

On se demande finalement si, dans son évolution et sa quête irraisonnée de grandeur, de profondeur, Dumont ne s’est pas laissé dépasser par un sujet aussi grandiloquent. On se demande aussi si un tel film n’aurait pas été mieux servi par un Grandrieux. Après tout, pourquoi pas ? Gageons que lui, au moins ne se serait pas empêtré dans de longs dialogues et des clichés sociologiques…


Dernière édition par Largo le Mar 1 Déc 2009 - 15:37, édité 2 fois
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Message par Invité Mar 1 Déc 2009 - 15:13

Holy Hole a écrit:Merci pour cet accueil, tout d'abord !
J'espère trouver l'ambiance recherchée, ici, car les autres forum sont désespérants...

On m'a beaucoup parlé de Flandres aussi, l'as-tu vu?

Salut Holy Hole,

Bienvenue.

L'Enfer, c'est les autres.

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Message par Largo Mer 2 Déc 2009 - 10:49

Bienvenue.

L'Enfer, c'est les autres.

Quel chaleureux accueil ! Twisted Evil
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Message par Holy Hole Jeu 3 Déc 2009 - 10:36

Oui, c'est Délicieusement Infernal !
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Message par Flavien Dim 6 Déc 2009 - 20:24

Beaucoup de choses justes dans ton texte Largo.

Et notamment les multiples remarques portées sur les dialogues. L'ouverture de la direction d'acteurs de Dumont vers une plus grande improvisation creuse une brèche qu'il aurait mieux fallu laisser close. Cette propagation soudaine de la parole freine le projet du film, celui de révéler la conscience d'une jeune fille en la destituant de l'aveuglement de la dévotion exclusive.

Le film conserve le lot de symbolique répandu dans le cinéma de Dumont (je n'ai vu d'autre que Flandres mais ça semble aussi être le cas dans ses précédents films). L'espace chez Dumont reste ce lieu à investir de symboles que traversent les corps. A la différence que dans Hadewijch, il faut que ça parle. Il faut que les corps se parent de logos. Et, le pire, c'est que c'est à raison : le logos, Hegel ou les stoïciens le disent très bien, contient l'entendement divin.

Il faut donc que ça parle pour que ça joue avec Dieu.

Et la dialectique première que semble entretenir le film, plus que la sempiternelle correspondance entre le corps et l'âme, ça me semble être celle du corps et du logos. C'est déjà le cas dans le détournement de Tarantino. Entre ceux qui parlent, qui détiennent la parole -et a fortiori l'action- (les Basterds et Shoshanna) et ceux dont les corps souffrent (Hitler, Goebbels, les nazis au front scarifié).
Dans Hadewijch, le schéma est le même : dissocier ceux qui pérorent (Céline et Nassir) et ceux qui se contentent d'être présent (Yassine et David). Lorsque Céline et Nassir voyagent au Liban ou se promènent près du cloître monastique, le film sépare dans l'espace ceux qui disposent des mots de ceux qui n'ont que leur corps.

Mais in fine, Dumont converge inopinément sur la réconciliation entre la parole perdue et le corps salvateur...

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Message par gertrud04 Lun 7 Déc 2009 - 8:20

Le film m’a passionné. Il y a des choses merveilleuses comme cette scène où Céline écoute un concert de musique classique dans l’église et entend (le cinéaste nous le fait sentir) la voix de Dieu.
Mais n’avez-vous pas trouvé gênant que la seule image qu’il donne des arabes soit celle d’un voleur de scooter (Yassine explique qu’il a répondu à une pulsion !) et d’un intégriste poseur de bombes ? D’ailleurs, comme l’a souligné largo, le salut est trouvé par l’héroïne dans les bras d’un personnage improbable mais blanc (pas comme neige ceci dit Wink ).
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Message par Flavien Lun 7 Déc 2009 - 16:09

La thèse du racisme est très vite évincée par Dumont. Lui-même se défend de cela.
Bien sûr le film s'y prête. Mais il ne faut pas voir à travers chaque personnage la généralité dont il ressort. Yassine n'est pas "tous les arabes", il n'est qu'Yassine.

Ce n'est pas que du rouge, c'est du sang aussi.

Le film s'empêtre parfois à ne pas "dénoncer la sombre organisation des clichés" comme dit Deleuze. Mais la thèse de l'anti-Islam est fausse dès lors qu'on sait, que "le personnage improbable mais blanc" est interprété par un musulman. Et puis l'intégriste poseur de bombe est au moins autant Nassir que Céline.

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Message par Largo Lun 7 Déc 2009 - 22:57

Yep,

Merci pour le retour Flavien. Tu mets le doigt précisément sur l'impasse du film : vouloir faire passer par le langage un sentiment qui par définition ne s'exprime pas par les mots sans que ce soit grotesque : "je suis amoureuse de Dieu".

On sent bien que là où ça marche, là où il se passe vraiment quelque chose et quelque chose qui ne peut passer que par le cinéma, c'est dans ces plans muets : Céline frigorifiée sous l'orage, courant dans les bois, et la fin évidemment...
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Message par Invité Sam 25 Fév 2012 - 14:39

pas de réfèrence aux poèmes d'Hadewijch d'Anvers dont Lacan parlait à leur propos de "castration symbolique chez la femme " ?

un petit livre souvent cité également par Lacan, Le problème de l'amour au moyen âge de l'abbé Rousselot, retrace le débat entre la conception physique ( c'est à dire conforme à la nature ) et la conception extatique de l'amour.

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Message par Eyquem Mer 28 Mar 2012 - 11:17

Jerzy, page 42 du topic Vu, lu, entendu, a écrit:J'ai vu hadewijch de Dumont, et je dois dire que j'ai trouvé ça très mauvais, poseur, clichetonnant, prétentieux, pénétré de fausse profondeur, de fausse altitude, de fausses évidences, de représentations toutes faites, de schémas imposés, pavloviens, de valeurs morales réactionnaires, de dogmes, d'idéologie omniprésente, de démonstrations, de pure abstraction déguisée en pure sensation. En un mot: fumeux. Fumisterie et mystification.


(Sans parler d'une forme de racisme "spontané", dira-t-on, assez brut de décoffrage. L'Arabe, on l'a souligné pertinemment, y sait pas ce qui lui a pris: une pulsion, un instinct, fallait absolument qu'il chourave une mobylette. Chassez le naturel, il revient au galop. La pauvre fille milliardaire, elle, elle a d'autres probs viscéraux: elle veut s'unir à Jésus, ce qui l'empêche certes de s'unir charnellement à l'Arabe voleur de mobylettes. Mais quelque part, cette disjonction va permettre un détour intéressant, par le grand frère, un théologien. Un bref dévoiement de l'appel christique dans les impasses de la religion musulmane, laquelle va rapidement se révéler, comme de juste, poseuse de bombinettes et pourvoyeuse de mort.
Quel naturaliste, quel vériste, ce Dumont. Quelle finesse, quelle justesse dans la monstration du réel dans toute son évidente crudité. Et quelle expérience mystique, nom d'une pipe: à la fin, la fille est sauvée de la noyade. Par la main tendue de l'ex-taulard au corps décharné, le mec du terroir, le nord célinien, sorte de martyr aux grands n'oeils tristes pleins d'innocence. Rencontre de Jésus réincarné parmi les humbles de la terre. Le vrai message du christianisme primitif, quoi. Quelque chose à quoi on s'attendait pas du tout, mais alors pas du tout. C'est pas du tout un schéma convenu, une imagerie d'Epinal. Ah non! Faut pas confondre: le cliché est transcendé par la bweauté formelle, austériforme, qui atteint à la justesse vraie dans l'artifice. Comme quand on filme un âne qui est plus qu'un âne, presque un roi-mage quelque part, tout en restant un âne en tant qu'âne et essence de l'âne. Et c'est ça qu'est beau. Et ça va nous chercher directement aux tréfonds z'enfouis de notre âme comprimée dans le corset des ponchifs. Au delà des ponchifs. Moi, j'appelle ça la grâce. Y a plus qu'à se taire, et ressentir la beauté des choses, c'est tout.)



Une évidence, par contre, qu'on pressentait, le côté Bernanos du bonhomme, c'est que Dumont est très à droite. Il emprunte tout son arsenal de mystique de grand bazar aux ukases de la droite spiritualiste. Avec tout son follkore du "nord" (les taiseux, les purs, les idiots, les bonnes sœurs, etc qui sont en contact direct, non corrompu, avec la terre nourricière, branchés au suc même des éléments. Pure puissance de l'invisible. Voir l'invisible, voir avec le cœur, l'âme redevenue innocente, l’œil intérieur de l'aveugle qui voit mieux, miracle des mains nues, et gniagniagnia. Encore un (tout petit) effort, et il sera complètement barrésien ou maurrassien).

Dans le bonus, cet ex-philosophe catholiqueux bressono-truc, saint-innocent roué - se foutant de notre gueule (si ça se trouve) - fait le procès de la philosophie (enfin la philosophie dite "rationnelle", dont Derrida nous montrera peut-être qu'elle n'est pas l'opposé de la raison, mais un affolement lui-même), et nous explique à quel point la mystique va plus loin, plus vite, plus fort, au delà des mots: c'est du senti et du ressenti, au delà de tout bazar. Oui, on s'en doutait un peu. C'était assez voyant, même si c'était purement invisible ou purement quelque chose de... pur.
Y cause bien, Dumont: il enfile les perles comme on se gave de tartes à la crème. J'en étais comme deux ronds de flan. Encore un peu, je filais fissa m'acheter l'intégrale de Nicolas de Cuse dans l'édition reliée pur cuir de vachette des bocages normands.

Toutes les deux minutes, il nous sort sa formule impressionnante, une sorte de toc: "et puis l'actrice est montée en grâce", "la caméra est montée en grâce", "le paysage est monté en grâce", "je suis monté en grâce". Mais monte où tu veux et sur ce que tu veux, mon gars... "Monte là-dessus", comme disait Harold. Prends l'ascenseur céleste, tu monteras plus vite encore.


Opposition rabâchée entre le concept (abstrait) et les sens (concrets), en amont l'archaïque dichotomie entre la "raison" et "l'instinct". N'en déplaise à ce gauchiste de Deleuze qui ne distingue pas les deux, les concepts et la vie, le sens et les sens, la sensation et sa logique, le point de vue et la construction de sa perspective, et aimait le cinéma, certainement en se trompant d'objet.

Bon, maintenant, puisqu'on plane haut dans un débat très puissant, on se contentera de dire: si être "de gauche", c'est contester la pseudo-évidence de l'antique bon sens (qui est tout sauf du "bon sens"), contester que la réalité se révèle directement telle qu'en elle-même, brute, dans sa pureté immédiate, soupçonner que cette prétendue immédiateté matérielle des sens est inséparable de l'expérience du temps, de la trace, du sens, bref de l'être-au-monde, alors, contre l'évidence si évidente et si indiscutable, tous les arts, absolument tous, sont "de gauche". Tout ce qui n'est pas "évident" est "de gauche", allez, simplifions. Hardiment.

La nature, toute seule, perçue par absolument personne, ou du point de vue sans point de vue, de dieu, régie par ses seules lois (sélection, adaptation, prédation, etc), ou maman gaïa, que sais-je, est peut-être "de droite", vilaine, sans cœur, et tout ça. Mais c'est l'homme qui le dit, ça, quand il essaye de penser la nature, quand il bâtit le concept de "nature", quand il ne cesse d'adosser la pensée à l'impensé qui fait penser.

Puis, pour radoter, on dira juste encore: valoriser le vécu, la vie, les sens, l'action purs, contre le langage, la réflexivité, le sens, la pensée, c'est un jeu de et dans le langage. C'est une construction de langage, de pensée. Le plus vieux stéréotype du monde, le plus bateau, et certainement le plus consensuellement rabâché. L'éternel appel aux sens, au réel, qui clôt toute émission de langage (corruptrice, malsaine, impurifiante).

Qu'on soit bourré ou pas bourré. Mais bourré, ça marche encore mieux. Point de vue d'un mec non-bourré, quand il se remémore les non-conversations assommantes, pleines d'évidences indiscutables, qu'il s'est parfois fadées de la part de mecs bourrés, qui touchaient du doigt la vraie vie authentique et voyaient l'invisible dans toute sa pureté. Au nom de la convivialité fraternelle, tu parles. lol.

L'approche dite sensualiste, la valorisation de l'aesthesis pure, pure expérience immédiate des sens, c'est encore un point de vue sur le réel, une problématisation du réel, de toute façon. Qui se dénie, contra-dictoirement (= parler contre la diction). Si la vie était sans mots, sans pensée, pure immanence, on ne se servirait pas des mots pour la dire, l'affirmer.
Or on la dit, on la pense, fut-ce pour affirmer que c'est indicible, impensable, indiscutable (qui sont des mots, rien que des mots).
Parler pour dire qu'on peut pas parler: c'est la tension la plus originaire, le dilemme parménidien, once again, d'où est née la philosophie, n'importe où, il y a quelques milliers d'années. Je dis la "philosophie", je pourrais tout aussi bien dire la peinture, la sculpture, n'importe quoi: une trace. La première main imprimée dans la glaise, etc...

La mystique elle-même, que les mystiques opposent au logos de la philosophie (ou de n'importe quelle forme de discours, articulation), est l'opération d'un travail, d'une transformation - de "soi" (si on est "individualiste" ou plutôt "solipsiste" -il faudrait parvenir à distinguer "individualisme" et "solipsisme": je suis plutôt du genre individualiste, mais je crois ne pas être solipsiste); - ou du "monde" (si on est un peu "partageur", acquis à l'idée qu'on est pas seul au monde). Donc n'est pas donnée à l'état "naturel", "brut". Nulle part, en aucun lieu, fut-il pure intériorité. Un mensonge tenace. Le plus vieux cinoche qu'on se fait à soi-même, à guichets fermés, avant l'apparition des toiles.
Les mystiques, enfin les mystiques du genre bavards pour dire qu'il faut pas causer, "primitivistes", instantanéistes, spontanéistes (pas les penseurs de la mystique, évidemment, les théo-logiens négatifs: ceux qui ont laissé des traces; les autres on sait pas, on sait plus, on s'en tape), y a rien de plus con. Mieux, c'est la définition même de la connerie, de la niaiserie chimiquement pure, si la chimie se préoccupait de la niaiserie. Mais la chimie s'en tape aussi. La possibilité, à la fois d'une île, et de la connerie, la plus universellement recevable, et tirant d'elle-même sa propre gloire.
Sorry pour ce manque de délicatesse, de respect, de gentillesse, celui qui est dû aux vrais mystiques. Comme dit l'autre, on peut être gentil, à l'arrivée.


Mais à quoi bon... Si on en a pas causé mille fois, de tout ça, on en a pas causé. C'est important, d'avoir un slimfast, pour nous le rappeler, au cas où on se fourvoierait dans l'écart, la différance, pour dire qu'il faut pas dire, écrire qu'il faut pas écrire, penser qu'il faut pas penser, etc. Un mec qui voit les choses, les ressent, dans leur pure évidence, au lieu d'errer dans l'erreur, la pensée, les mots. C'est enrichissant, très formateur, en plus d'être inédit, très secouant, audacieux, surprenant, inattendu, bouleversant, etc.
La vie c'est la vie. Michel Henry a écrit des milliers de pages sur cette tautologie, donc pourquoi pas. Il aurait pu se taire, mais fallait qu'il le dise... Il aurait pu juste se contenter d'être marathon man, comme slim-fat. C'est "safe", sans danger.

Oui, bon, ça peut aussi donner un truc, une morale, éventuellement, à la Baden-Powell (qui était très à droite: le scoutisme, c'est comme le cinéma, ça peut pas être de gauche) : "tu seras un homme, mon fils". Un truc dans le genre.


breaker a écrit:
jerzy P a écrit:
Toutes les deux minutes, il nous sort sa formule impressionnante, une sorte de toc: "et puis l'actrice est montée en grâce", "la caméra est montée en grâce", "le paysage est monté en grâce", "je suis monté en grâce". Mais monte où tu veux et sur ce que tu veux, mon gars... "Monte là-dessus", comme disait Harold. Prends l'ascenseur céleste, tu monteras plus vite encore.
grand retour du Jerzy défourailleur, là... C'est la grande vague d'Hokusai sur le cinéma de Dumont. Smile
ça vaudrait le coup d'en faire un topic, pour que ce post ne se perde pas dans les brèves du vu/lu/entendu...
L'humanité m'avait bien accroché, mais à la lecture de ce post, j'ai envie de revoir...


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Message par Borges Mer 28 Mar 2012 - 12:41

beau texte, même si M henry c'est tout de même plus qu'une tautologie, ou alors cette tautologie est un vrai problème philosophique, celui de la voix et du phénomène (le visible), de la vie et de l'écriture...

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Message par Invité Mer 28 Mar 2012 - 19:53

Oui, bien sûr. Je le dis régulièrement, d'ailleurs, que le vrai problème philosophique, c'est la tautologie, qui, comme telle, dément déjà l'identité à soi (a-langagière).




En passant, erratum:

"dont Derrida nous montrera peut-être qu'elle n'est pas l'opposé de la raison, mais un affolement lui-même" ---> lire "folie" à la place de "raison".

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Message par Invité Mer 22 Aoû 2012 - 14:21

On peut retirer mes notules sur le Dumont et le Sciamma du blog des Spectres.
Elles sont guères bien transcendantes, mais je considère qu'elles n'ont finalement pas leur place, au fond, dans l'effort d'un collectif dont je ne partage pas 80% (au moins) des analyses.

Je dois encore copier quelques trucs écrits ici plic-ploc sur le forum pour les replacer sur mon blog, puis basta cosi.

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Message par wootsuibrick Mer 22 Aoû 2012 - 15:25

ça serait vraiment très dommage, BIIdeB.
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Message par DB Mer 22 Aoû 2012 - 16:31

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Message par Invité Mer 22 Aoû 2012 - 18:40

T'as quelque chose à dire, humblement, au sujet de ce petit trou dans le ventre qu'on appelle un nombril, le mien en particulier, DB-dont-je-ne-me-souviens-pas-avoir-lu-quelque-part-un-post-intéressant?

Estimes-tu appartenir à un "collectif" quelconque, et lequel? Me force pas à développer la fond de ma pensée, qui macère dans mon vaste nombril, sinon va y avoir une ambiance très festive, here Laughing .


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Message par Invité Mer 22 Aoû 2012 - 19:07

c'est un peu la planète de Mélancholia, non ?

entre les gens timides et les gens arrogants, pas de différence, ils ne se préoccupent que d'eux, B2B.

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Message par Invité Mer 22 Aoû 2012 - 19:12

C'est beau, ça, slimfast, lol.


Permets moi de remplacer le mot "arrogance" par le mot "solitude".

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Message par Invité Mer 22 Aoû 2012 - 19:17

si elle est subie, non voulue, je compatis comme je compatis à toute forme de trouble mental - la mélancolie par exemple.

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