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Qu'ils reposent en révolte (S. George)

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Message par Largo Mer 16 Nov 2011 - 13:39

Je crois que certain(e)s (Adeline ?) avaient déjà parlé du film par ici. Il sort aujourd'hui.

Je vous copie-colle discrètement un entretien avec Rancière chez Mediapart en écho au film, pour ceux que ça intéresse :

Jacques Rancière: «Savoir où l'on place l'intolérable dans nos vies»

16 NOVEMBRE 2011 | PAR CARINE FOUTEAU ET JOSEPH CONFAVREUX

À l'occasion de la sortie en salles du film de Sylvain George, Qu'ils reposent en révolte (Des figures de guerre I), sur les migrants de Calais, Mediapart a rencontré Jacques Rancière, qui entretient un dialogue régulier avec le cinéaste.

Auteur de La Mésentente, du Partage du sensible ou encore de La Haine de la démocratie, le philosophe s'intéresse à la manière dont sont montrées des situations ordinaires, de repas, de baignades ou de discussions, pour aboutir à la désignation de ce qu'il nomme l'«intolérable». Une politique migratoire française destructrice qui n'est pourtant qu'un rouage d'un dispositif de contrôle européen et mondial.

Première partie d'un entretien confrontant frontières géographiques et limites de la démocratie.

Des documentaires sur les migrants ou les sans-papiers, il en sort des dizaines chaque année. Qu'est-ce qui vous a intéressé dans le film de Sylvain George, Qu'ils reposent en révolte (Des figures de guerre I), au point de le défendre? Qu'est-ce qui vous apparaît décisif?

Ce qui est intéressant, dans le cas du film de Sylvain George, c'est qu'il s'agit d'un projet en développement, qui, à un moment, arrive à une forme d'achèvement. Il y a eu plusieurs projets de ce film, plusieurs projets d'autres films appartenant à la même constellation, quelquefois je me suis même un peu perdu en route. Ce n'est pas un documentaire, mais le résultat d'un travail de recherche, de présence, de formulation, de formulation qui change. Il se trouve qu'à un moment j'ai été sollicité pour en parler. Je n'ai pas de comparaison avec tous les films qui existent sur les immigrés, mais je pense qu'effectivement il propose une réflexion continue et une élaboration, une mise en forme assez lente qui, je crois, sont spécifiques.

Parlons d'une séquence particulière. Des hommes se brûlent le bout des doigts pour effacer leurs empreintes digitales et empêcher leur expulsion. Cette scène montre comment des parcours singuliers rencontrent une logique d'État, comment une politique nationale et européenne marque les corps eux-mêmes. En même temps, elle décrit la manière dont les migrants contournent cette politique. Ils ne sont pas juste soumis, ils trouvent une solution, quitte à se blesser (visionner la séquence). Que signifie pour vous ce moment?
Au début de la séquence, on voit un Noir en train de tripoter un petit rasoir en plastique et de le passer sur ses pouces. On se demande ce qu'il fait. C'est un élément important dans le film de Sylvain George que de ne pas partir d'une connaissance de la situation qui serait donnée, de ne pas illustrer un discours, mais de partir au ras de l'expérience.

Quelque chose se passe devant ses yeux, devant nos yeux, nous ne savons pas très bien en quoi cela consiste. C'est important dans la dynamique même du film. Il ne s'agit pas d'illustrer une situation scandaleuse. Le film part de situations qui ont l'air relativement ordinaires, de vie quotidienne, de débrouille, pour conduire au moment qui est celui de l'insupportable.

Donc, dans cette scène, il y a ce premier moment un peu énigmatique, puis on passe au moment où l'on voit véritablement ces hommes qui se changent, qui changent leur peau, pour éviter de subir cette loi administrative. Ce double aspect est très fort. On voit le feu, les vis qui sont en train de chauffer dans le feu, ces gros plans sur des doigts, des doigts qui sont devenus comme des espèces de sculpture abstraite.

Une sorte d'équilibre s'établit entre la mutilation des corps et la vision d'une capacité des êtres à se peindre eux-mêmes, à se sculpter, à se tatouer pour échapper à la logique d'identification, comme s'il y avait une double capacité des corps qui était mise en jeu, montrée par ce film, d'un côté cette capacité de voyager, de passer toutes les étapes, de l'autre cette capacité de se transformer eux-mêmes, de trouver une réponse qui est une réponse douloureuse, dite comme douloureuse. En faisant cela, ils disent qu'est-ce qu'on est, qu'est-ce qu'on fait, on est des esclaves, et en même temps ils se donnent les moyens d'échapper à ce marquage des corps, qui est quelque chose comme la marque même de l'esclavage sur les corps.

L'une des forces du film est de donner de la place à des éléments apparemment insignifiants, comme des plans sur des feuillages, des vagues, de la mousse ou de l'écume. Quel est le rôle de ces éléments dans le dispositif du film?

Le film se présente comme un voyage à la fois objectif et subjectif, avec ce côté carnet de route, qui marque la place du cinéaste, de l'investigateur. Il insiste sur le côté matériel et banal des situations. Tout se passe comme si l'intolérable naissait au milieu de toute une série de descriptions de vie quotidienne, des gens qui font leur toilette à un point d'eau. On les voit qui nagent, c'est tourné l'été, il y a un côté assez simple, en un sens jovial, et il y a ces plans qui nous montrent les feuilles, le vent, les conditions climatiques, la mer, avec malgré tout cette pollution, cette écume, cette mousse produite par le mazout.

Entre ces éléments d'une vie normale et la caméra, il y a des grilles qui s'interposent. Tous les éléments d'un décor absolument normal sont réunis. On est au bord de la mer, il y a des bateaux, il y a des mouettes, il y a des vagues, on est à l'été, il y a du feuillage, il y a du vent dans les feuilles, il y a du soleil dans les feuilles, et puis, il y a le moment où s'interpose quelque chose, soit des rails sur lesquels ces gens sont en train de marcher, soit un grillage, cette mer qui est toute proche, il n'y a pas grand espace à traverser, en même temps, elle est comme derrière une barrière, une barrière qui se donne comme infranchissable, qui vient symboliser tout un ordre étatique et interétatique.

Est-ce ce régime d'images, la succession de plans rapprochés et de plans très ouverts, l'usage des ralentis, qui fabrique un mode de pensée permettant aux spectateurs de saisir eux-mêmes ce qui se passe?

Je ne sais pas exactement. Le film essaie de découvrir la situation en même temps que les acteurs. Il essaie de la faire découvrir aux spectateurs dans la salle de cinéma en même temps que le réalisateur et que ces gens. Le décor banal, insignifiant, cet univers répétitif qui est celui de la mer, cet univers familier, ce bord de mer, ces campagnes, ces gestes ordinaires, tout cela amène lentement à une perception effective de ce qui se passe. Tout le monde sait ce que c'est que l'immigration, les passeurs, la police, la répression, on est tous prêts à s'indigner. Là, il s'agit de se déplacer. Moins de s'indigner que de regarder ce spectacle du rapport du normal et de l'anormal.

En quoi ce film est-il susceptible de faire bouger les lignes? Y a-t-il une efficacité du cinéma?
Je suis comme beaucoup de spectateurs, qui quand ils ont vu le film de Philippe Lioret, se disent quelle horreur. Certes, cela fait bouger les choses. Finalement, qu'est-ce qui est plus efficace, une probité artistique et politique ou un effet? Un effet produit sur qui?

Une certaine manière de traiter les problèmes peut avoir un effet sur des journalistes, des politiciens qui, tout à coup, se mettent en marche. Mais il peut aussi y avoir une volonté de distance et même d'archaïsme, comme dans le film de Sylvain George, qui fonctionne.

Dans ce film en noir et blanc, qui est fait de manière très ostensible avec des fondus à l'ouverture et à la fermeture, avec de temps en temps un plan à la Dziga Vertov, il y a quelque chose qui se donne comme une proposition de prendre de la distance, d'arriver par une autre voie, à la fois plus contemplative et plus réflexive, vers l'intolérable.

Est-ce que c'est efficace? On n'en sait rien. C'est efficace au sens où cela fait bouger les perceptions. Faire bouger les perceptions d'une espèce de bonne conscience de gauche, d'extrême gauche, anti-raciste, qui aime les immigrés, qui hait la répression, qui se satisfait de tout un discours convenu, c'est difficile et jamais gagné. Mais il faut essayer.

Comment faire pour convaincre au-delà?

Il ne s'agit pas de convaincre au-delà, mais de savoir où l'on place l'intolérable dans nos vies et comment on le déplace vers la question de l'État au lieu de le garder du côté de la sympathie pour les malheureux, de la haine facile contre les salauds de flics. Ce qui est intéressant dans le film, c'est cette perception de l'État comme une instance qui met des grillages, cette perception d'une police relativement calme en fait, qui occupe le terrain, au fond, ce rapport entre un terrain et des manières d'être sur le terrain. En cela, le film s'en prend à une logique d'État, qui est une logique d'État UMP comme d'État socialiste. Cette perception du sensible est difficile à bouger, mais c'est ce qu'il faut continuer à faire.

Sur cette perception sensible, il vous semble important de produire des images qui tranchent avec les images banales et télévisuelles, qui participent de l'acception de l'intolérable?

Il me semble important de casser le consensus, le consensus voulant dire la manière dont normalement des mots se rapportent à des images, dont normalement des situations sont montrées, perçues, analysées ou comprises. Oui, c'est un travail politique. Cela veut dire, pour l'artiste, trouver une voie qui lui soit propre et qu'il soit capable de casser la représentation consensuelle à la fois des malheureux et des salauds.

Pour parler de la politique dont il est question dans ce film, la politique de Nicolas Sarkozy à l'égard des étrangers, est-ce qu'elle vous paraît radicalement nouvelle? Par rapport aux périodes antérieures, s'agit-il d'un changement de nature ou d'un changement d'échelle? Et, par conséquent, le recours à la comparaison avec le passé vous paraît-il pertinent?
La question n'est pas de savoir si ce que fait Sarkozy est différent de ce que faisaient Chirac ou Jospin ou d'autres, mais de comprendre la manière dont se boucle un certain ordre européen et mondial. L'exclusion est une affaire d'État. C'est ce que disent ces gens qui viennent d'Afghanistan dans le film. Il y a trente-cinq armées là-bas, et quand ces migrants arrivent en Europe, on les empêche d'aller où que ce soit.

C'est la conséquence de tout un système, par lequel les États se répartissent les populations à l'échelle mondiale, décident de qui a le droit de se déplacer, où, et comment, avec quel équipement. Le racisme lui-même est une affaire d'État, une affaire interétatique. Ce film nous sort de ces vieilles représentations du racisme comme déchaînement des petits Blancs qui n'aiment pas les Noirs.

La logique d'État a toujours été de surveiller des «flux», de les contrôler et de vouloir les «gérer». Par conséquent, quelle est la spécificité de cette politique sarkozyste?

Le traitement par Nicolas Sarkozy, comme des droites européennes, de la question de l'immigration est un traitement d'abord administratif, matérialisé par des règlements, des systèmes d'identification, des barrières et des gens qui gardent ces barrières.

Comment passe-t-on de cette gestion administrative à l'analyse d'un racisme d'État?

En un sens, on devrait trouver une autre expression que racisme d'État. Si j'ai parlé d'un racisme d'en haut, c'est pour sortir de la représentation habituelle selon laquelle le racisme serait le fait de couches arriérées, en perdition de la population. Non, les systèmes de contrôle, d'exclusion, aujourd'hui, sont des systèmes organisés par l'État et soutenus par une bonne partie de l'intelligentsia éclairée. Je ne plaide pas nécessairement pour qu'on parle de racisme d'État. Peut-être faut-il trouver d'autres mots, d'autres concepts pour désigner ce qui se passe, qui a à voir avec l'organisation des territoires et des identités.

Dans cet «ordre mondial», les logiques d'État ne finissent-elles pas par se dissoudre?

Non, les logiques d'État ne se dissolvent pas, elles se mondialisent, ce n'est pas du tout la même chose. Contrairement à ce qu'on peut nous raconter, on n'assiste pas à la disparition des États-nations, on assiste à un concert des États-nations les plus importants pour organiser les flux. La question, aujourd'hui, n'est plus l'immigration, c'est la circulation. C'est la manière dont se rigidifie le droit de circuler, le rapport entre la circulation des humains et la circulation des capitaux. Cela ne peut pas être pensé au niveau de la politique d'un gouvernement, d'un État. Les États-nations se renforcent dans cette internationalisation même du système des frontières.

Ne se retrouve-t-on pas dans cette situation où les États, n'ayant plus prise sur la circulation des capitaux, reportent leur reste de souveraineté sur la surveillance des personnes?

Les gouvernants sont parties prenantes de cette circulation des capitaux, de cette anarchie généralisée. Et s'ils n'ont pas de prise sur elle, c'est qu'ils y ont intérêt. Effectivement, les États contrôlent ce qui est visiblement contrôlable. Ils mettent des barrages, des barrières là où il est facile d'en mettre.

Pourquoi la gauche, y compris quand elle est dans l'opposition, ne parvient-elle pas à sortir du piège de l'immigration comme «problème» et de ce pseudo-réalisme qui consiste à dire qu'il faut bien expulser malgré tout les sans-papiers?

La gauche, ou ce qu'on appelle la gauche, n'est qu'un organisme destiné à prendre le pouvoir et à gérer les choses telles qu'elles sont actuellement. La gauche présuppose que certains équilibres sont nécessaires ou encore que la population a tel ou tel état d'esprit. Comme la gauche et la droite ont la même description du monde, leurs responsables font les mêmes choix, ils mènent les mêmes politiques.

Est-ce que la gauche peut re-décrire le monde aujourd'hui? Cela me paraît difficile. Les partis sont là pour prendre le pouvoir. Ils ont besoin d'avoir une description du monde assurée, consensuelle, pour s'occuper de leur propre tactique, de leurs petites différences et des moyens à les faire valoir. Je ne pense pas qu'il faille attendre d'eux des changements radicaux. Cela prend trop de temps et demande trop de réflexion. En face, les mouvements que l'on observe, ceux qui essaient de s'opposer à ces descriptions dominantes du monde, sont dans l'urgence. On verra s'ils sont capables de redessiner la carte du possible.

À suivre, dans quelques jours, la suite de l'entretien avec Jacques Rancière sur les déboires actuels de la démocratie et les mouvements d'occupation de l'espace public.
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Message par Invité Lun 28 Nov 2011 - 20:16

je ne sais pas trop si ce régime d'images "avec ce côté carnet de route qui marque la place du cinéaste, de l'investigateur"
amène une distance favorable au sujet du film, en l'occurrence ici sur la vie des migrants de Calais. La forme est évidemment marquante(comme il est dit: succession de plans rapprochés et de plans très ouverts, l'usage des ralentis), mais elle amène aussi un certain flottement qui fait dire à Rancière qu'on comprend peut-être mieux "ce qui se passe au ras de l'expérience":

il y a quelque chose qui se donne comme une proposition de prendre de la distance,
arriver par une autre voie, à la fois plus contemplative et plus réflexive, vers l'intolérable.

Cette idée de "faire bouger les perceptions d'une espèce de bonne conscience de gauche" est très attractive, j'en donnais un exemple récent avec l'échec de programmation du dernier film de Jean-Marie Teno(Lieux saints) dans les réseaux Utopia, et puis un peu aussi à travers une capture du film de Rogosin, Come back Africa.

Qu'ils reposent en révolte (S. George) Capture1

Pour reprendre l'extrait du film de Rogosin(proposé après), il se dit que les Blancs progressistes essaient de sauver l'humanité en partageant une tasse de thé,
et c'est aussi cette sorte de tiédeur ou lenteur de la perception qu'on peut reprocher ici à "qu'ils reposent en révolte" qui rend le film très improbable à faire bouger quoi que ce soit...



Rancière:
Une certaine manière de traiter les problèmes peut avoir un effet sur des journalistes, des politiciens qui, tout à coup, se mettent en marche.

très improbable que des journalistes segmentent de nouvelles façons de voir ou "cassent le consensus" avec une telle approche(qui sont les journalistes dont parle Rancière?), la plupart sont quand même très loin d'avoir envie de regarder les systèmes de contrôle et d'exclusion. Reste, si le film ne prend pas trop de hauteur artistique sur la répression policière, la faim, le froid, la peur, pour "casser la représentation consensuelle à la fois des malheureux et des salauds"...

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Message par Invité Mar 29 Nov 2011 - 13:02

Largo a écrit:Je crois que certain(e)s (Adeline ?) avaient déjà parlé du film par ici...

pas trouvé... c'est où?

Largo a écrit:À suivre, dans quelques jours, la suite de l'entretien avec Jacques Rancière sur les déboires actuels de la démocratie et les mouvements d'occupation de l'espace public.

possible d'avoir la suite, Largo?
ou bien les Spectres parlent aux Spectres?

Qu'ils reposent en révolte (S. George) L%27appel%20du%20spectre

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Message par Borges Mar 29 Nov 2011 - 13:32

j'aime bien ce passage, de l'entretien avec libération; ça nous change de l'idéologie universelle, la dignité des gens, des pauvres, c'est de bosser...peu importe le boulot, le salaire...

La logique représentative était fondée sur le principe aristotélicien qu'un poème était de l'action, était un enchaînement d'événements avec une raison. C'est un principe hiérarchique puisqu'on sait bien qu'il existe deux sortes de vie : il y a des gens qui poursuivent des fins et par conséquent entrent dans une logique d'enchaînement ; et il y a des gens qui vivent au jour le jour et qui participent de la vie sans raison. Cette division soutient tout le régime représentatif. Qu'est-ce qui arrive avec le régime esthétique ? La promotion de toute une série d'états qui viennent nier la barrière même entre agir et être passif. C'est la rêverie de Rousseau qui est reprise par Stendhal lorsque, en prison, Julien Sorel se dit que vrai bonheur du pauvre, c'est de ne rien faire, de rêver. Il y a aussi la pensée du libre jeu chez Kant, chez Schiller, qui continue jusqu'à Chaplin, lequel est l'agité, le nerveux, mais aussi celui sur qui les événements tombent sans cesse, en dehors de toute logique causale traditionnelle. J'essaie de montrer que ce paradoxe est au centre du régime esthétique de l'art et aussi au centre de la problématique de l'émancipation populaire. Au fond, la rupture ce n'est pas de vaincre l'ennemi, c'est de cesser de vivre dans le monde que cet ennemi vous a construit. Ce thème du «ne rien faire», l'art va le découvrir en sortant du régime de l'action et de l'expression pour se concentrer sur des moments où il ne se passe rien. Hegel est un pionnier quand il parle de ces petits mendiants de Murillo, pas du tout parce qu'ils représenteraient la vie du peuple, mais parce qu'ils ne font rien, parce qu'ils sont comme des petits dieux. Il y a une correspondance entre cette espèce de promotion de l'indifférence, de l'indéterminé dans l'art et un mouvement d'émancipation populaire au centre duquel il y a à la fois la conquête du loisir et l'entrée dans un univers où le loisir n'est plus simplement le repos entre deux jours de travail. Et puis on sait que malgré tout, au XIXe siècle, la grande arme privilégiée des travailleurs, c'est la grève, et que le grand mythe est la grève générale. Tous les modèles insurrectionnels, pourtant très importants au XIXe siècle, ont toujours été plus ou moins dépendants d'autre chose, de ce rêve du moment où la société tout entière se met en grève. La grève générale comme insurrection populaire par excellence.

http://www.liberation.fr/livres/01012371957-la-rupture-c-est-de-cesser-de-vivre-dans-le-monde-de-l-ennemi


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Message par Invité Mar 29 Nov 2011 - 13:56

-Parlons d'une séquence particulière. Des hommes se brûlent le bout des doigts pour effacer leurs empreintes digitales et empêcher leur expulsion. Cette scène montre comment des parcours singuliers rencontrent une logique d'État, comment une politique nationale et européenne marque les corps eux-mêmes. En même temps, elle décrit la manière dont les migrants contournent cette politique. Ils ne sont pas juste soumis, ils trouvent une solution, quitte à se blesser. Que signifie pour vous ce moment?

Au début de la séquence, on voit un Noir en train de tripoter un petit rasoir en plastique et de le passer sur ses pouces. On se demande ce qu'il fait. C'est un élément important dans le film de Sylvain George que de ne pas partir d'une connaissance de la situation qui serait donnée, de ne pas illustrer un discours, mais de partir au ras de l'expérience.

Quelque chose se passe devant ses yeux, devant nos yeux, nous ne savons pas très bien en quoi cela consiste. C'est important dans la dynamique même du film. Il ne s'agit pas d'illustrer une situation scandaleuse. Le film part de situations qui ont l'air relativement ordinaires, de vie quotidienne, de débrouille, pour conduire au moment qui est celui de l'insupportable.

Donc, dans cette scène, il y a ce premier moment un peu énigmatique, puis on passe au moment où l'on voit véritablement ces hommes qui se changent, qui changent leur peau, pour éviter de subir cette loi administrative. Ce double aspect est très fort. On voit le feu, les vis qui sont en train de chauffer dans le feu, ces gros plans sur des doigts, des doigts qui sont devenus comme des espèces de sculpture abstraite.

Une sorte d'équilibre s'établit entre la mutilation des corps et la vision d'une capacité des êtres à se peindre eux-mêmes, à se sculpter, à se tatouer pour échapper à la logique d'identification, comme s'il y avait une double capacité des corps qui était mise en jeu, montrée par ce film, d'un côté cette capacité de voyager, de passer toutes les étapes, de l'autre cette capacité de se transformer eux-mêmes, de trouver une réponse qui est une réponse douloureuse, dite comme douloureuse. En faisant cela, ils disent qu'est-ce qu'on est, qu'est-ce qu'on fait, on est des esclaves, et en même temps ils se donnent les moyens d'échapper à ce marquage des corps, qui est quelque chose comme la marque même de l'esclavage sur les corps.

merci de me montrer ça, mais non merci(même si le cinéaste met ici une ambition formelle qui renouvelle le genre, si on peut le dire comme ça)... combien de fois encore, faudra voir des migrants dans des documentaires ou des reportages s'esquinter les doigts pour échapper à l'expulsion? Rancière dit: "des doigts qui sont devenus comme des espèces de sculpture abstraite"(lol, bordel) Et on sait très bien que ça sert à rien, que ça n'arrête pas la loi administrative.

Borges a écrit:j'aime bien ce passage, de l'entretien avec libération; ça nous change de l'idéologie universelle, la dignité des gens, des pauvres, c'est de bosser...peu importe le boulot, le salaire...

La logique représentative était fondée sur le principe aristotélicien qu'un poème était de l'action, était un enchaînement d'événements avec une raison. C'est un principe hiérarchique puisqu'on sait bien qu'il existe deux sortes de vie : il y a des gens qui poursuivent des fins et par conséquent entrent dans une logique d'enchaînement ; et il y a des gens qui vivent au jour le jour et qui participent de la vie sans raison. Cette division soutient tout le régime représentatif. Qu'est-ce qui arrive avec le régime esthétique ? La promotion de toute une série d'états qui viennent nier la barrière même entre agir et être passif. C'est la rêverie de Rousseau qui est reprise par Stendhal lorsque, en prison, Julien Sorel se dit que vrai bonheur du pauvre, c'est de ne rien faire, de rêver. Il y a aussi la pensée du libre jeu chez Kant, chez Schiller, qui continue jusqu'à Chaplin, lequel est l'agité, le nerveux, mais aussi celui sur qui les événements tombent sans cesse, en dehors de toute logique causale traditionnelle. J'essaie de montrer que ce paradoxe est au centre du régime esthétique de l'art et aussi au centre de la problématique de l'émancipation populaire. Au fond, la rupture ce n'est pas de vaincre l'ennemi, c'est de cesser de vivre dans le monde que cet ennemi vous a construit. Ce thème du «ne rien faire», l'art va le découvrir en sortant du régime de l'action et de l'expression pour se concentrer sur des moments où il ne se passe rien. Hegel est un pionnier quand il parle de ces petits mendiants de Murillo, pas du tout parce qu'ils représenteraient la vie du peuple, mais parce qu'ils ne font rien, parce qu'ils sont comme des petits dieux. Il y a une correspondance entre cette espèce de promotion de l'indifférence, de l'indéterminé dans l'art et un mouvement d'émancipation populaire au centre duquel il y a à la fois la conquête du loisir et l'entrée dans un univers où le loisir n'est plus simplement le repos entre deux jours de travail. Et puis on sait que malgré tout, au XIXe siècle, la grande arme privilégiée des travailleurs, c'est la grève, et que le grand mythe est la grève générale. Tous les modèles insurrectionnels, pourtant très importants au XIXe siècle, ont toujours été plus ou moins dépendants d'autre chose, de ce rêve du moment où la société tout entière se met en grève. La grève générale comme insurrection populaire par excellence.

http://www.liberation.fr/livres/01012371957-la-rupture-c-est-de-cesser-de-vivre-dans-le-monde-de-l-ennemi



C'est quand même un vieux bourrin aristocratique, le Rancière, tu trouves pas? Smile

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Message par Invité Mar 29 Nov 2011 - 19:45

il ne s'agit que de rendre à ces êtres la part de splendeur visuelle qui leur revient
http://www.rue89.com/2011/11/22/quils-reposent-en-revolte-sylvain-george-renouvelle-le-cinema-militant-226781
voui... et c'est beau, heureusement qu'on a l'art pour nous sauver de la vérité.
ce film commence à me gonfler...

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Message par Invité Mar 29 Nov 2011 - 20:26

breaker a écrit:
-Parlons d'une séquence particulière. Des hommes se brûlent le bout des doigts pour effacer leurs empreintes digitales et empêcher leur expulsion. Cette scène montre comment des parcours singuliers rencontrent une logique d'État, comment une politique nationale et européenne marque les corps eux-mêmes. En même temps, elle décrit la manière dont les migrants contournent cette politique. Ils ne sont pas juste soumis, ils trouvent une solution, quitte à se blesser. Que signifie pour vous ce moment?

Au début de la séquence, on voit un Noir en train de tripoter un petit rasoir en plastique et de le passer sur ses pouces. On se demande ce qu'il fait. C'est un élément important dans le film de Sylvain George que de ne pas partir d'une connaissance de la situation qui serait donnée, de ne pas illustrer un discours, mais de partir au ras de l'expérience.

Quelque chose se passe devant ses yeux, devant nos yeux, nous ne savons pas très bien en quoi cela consiste. C'est important dans la dynamique même du film. Il ne s'agit pas d'illustrer une situation scandaleuse. Le film part de situations qui ont l'air relativement ordinaires, de vie quotidienne, de débrouille, pour conduire au moment qui est celui de l'insupportable.

Donc, dans cette scène, il y a ce premier moment un peu énigmatique, puis on passe au moment où l'on voit véritablement ces hommes qui se changent, qui changent leur peau, pour éviter de subir cette loi administrative. Ce double aspect est très fort. On voit le feu, les vis qui sont en train de chauffer dans le feu, ces gros plans sur des doigts, des doigts qui sont devenus comme des espèces de sculpture abstraite.

Une sorte d'équilibre s'établit entre la mutilation des corps et la vision d'une capacité des êtres à se peindre eux-mêmes, à se sculpter, à se tatouer pour échapper à la logique d'identification, comme s'il y avait une double capacité des corps qui était mise en jeu, montrée par ce film, d'un côté cette capacité de voyager, de passer toutes les étapes, de l'autre cette capacité de se transformer eux-mêmes, de trouver une réponse qui est une réponse douloureuse, dite comme douloureuse. En faisant cela, ils disent qu'est-ce qu'on est, qu'est-ce qu'on fait, on est des esclaves, et en même temps ils se donnent les moyens d'échapper à ce marquage des corps, qui est quelque chose comme la marque même de l'esclavage sur les corps.

merci de me montrer ça, mais non merci(même si le cinéaste met ici une ambition formelle qui renouvelle le genre, si on peut le dire comme ça)... combien de fois encore, faudra voir des migrants dans des documentaires ou des reportages s'esquinter les doigts pour échapper à l'expulsion? Rancière dit: "des doigts qui sont devenus comme des espèces de sculpture abstraite"(lol, bordel) Et on sait très bien que ça sert à rien, que ça n'arrête pas la loi administrative.


D'un autre côté on ne peut pas disqualifier la représentation de la condition des sans-papiers simplement parce qu'elle n'est pas inédite. Le fait que toutes les solutions possibles paraissent avoir été épuisées est justement une intention politique voulue et assumée par les politiques migratoires en Europe. Pour la droite, vivre ce qui s'est passé en 1996 avec un convergence dentre des Sans Papiers et d'autres revebndicatiosn soiales au niveau française est sans doute repoussoir, qui hélas n'est pas près de se produire.

Je n'avais pas vu le film, mais l'esthétisation du traitement des sans-papiers m'avait un peu agacée en son temps dans "la Blessure" de Nicolas Klotz, et me demande s'il ne faut pas être moins sévère sur le film.
Mais d'un autre côté, on sous-estime en Europe que les Sans-Papiers sont souvent aussi mal perçu dans leur pays d'origine qu'en Europe, pour des raisons apparemment culturellement et économiquement inverses mais en fait symétrique à la xénophobie en Europe : à la fois reproche de la pauvreté, visibilité d'une certaine indétermination de la notion de patriotisme, jalousie de la réussite possible d'un étranger, et peur de voir la logique de survie quotidienne apparaître elle-même comme la réussite, ce sont des contexte culturels différents, mais le même type de rapport politique se détermine. Il y a Africains qui ont conscience des difficultés des Sans-Papiers et ne tiennent pas un discours de stigmatisation ou de prophylaxie, et ont una analyse à la fois "humaniste" (pour aller vite et sans connotation péjorative) et bien structurée économiquement et politiquement, mais leur j'ai l’impression position est politiquement minoritaire exactement de la même manière qu'elle l'est en Europe. C'est pour cela que le discours qui prétend trouver une solution en déléguant le traitement des sans-papiers au pays d'origine est de ce côté là hypocrite. Il y a vraiment un étau qui pèse sur les sans-papiers, mais finalement il est difficile d'en rendre compte sans recourir à la représentation symbolique, et de lui opposer un réalisme qui serait plus politiquement efficace, parce que ce réalisme est nécessaire mais inexistant.

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Message par Invité Mar 29 Nov 2011 - 21:03

Tony le Mort a écrit:
vivre ce qui s'est passé en 1996 avec un convergence dentre des Sans Papiers et d'autres revebndicatiosn soiales au niveau française est sans doute repoussoir, qui hélas n'est pas près de se produire.

euh, bonjour,
est-ce que tu peux faire l'effort de te relire et de reprendre quelques mots ou phrases, parce que j'ai du mal à te suivre...


Tony le Mort a écrit: Il y a vraiment un étau qui pèse sur les sans-papiers, mais finalement il est difficile d'en rendre compte sans recourir à la représentation symbolique, et de lui opposer un réalisme qui serait plus politiquement efficace, parce que ce réalisme est nécessaire mais inexistant.

je reviendrais un peu plus tard là dessus(sur ce que je peux en comprendre)... Neutral

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Message par adeline Mar 29 Nov 2011 - 22:15

Hello ici,

c'était là breaker : https://spectresducinema.1fr1.net/t202p15-jacques-ranciere-sylvain-georges-mardi-5-mai-a-saint-ouen

mais en guise de topic pourri, on fait rarement mieux…

J'attendais beaucoup des films de SG quand j'y suis allée les premières fois, et j'ai toujours été très déçue. Il y a une ambition démesurée, je trouve, les citations, le noir et blanc, le film qui s'étale sur des années, montré à différentes étapes de sa réalisation, avec résidence dans un truc culturel à la mode, rencontres avec un tel et un tel organisé par truc et machin, et finalement, la distribution en salle. Je trouve que c'est trop pour les films qu'il fait. C'est une esthétique que je n'aime pas trop (noire, sombre, la révolte anarcho romantique, morbide), et les films ne me semblent pas sortir de ce cadre, de cette volonté-là. Il filme autrement ce que beaucoup d'autres gens filment aussi, sans que la forme différente arrive à me toucher.

C'est étrange que tu lui reproches d'être mou, tiède, lent dans la perception, car on présente plutôt ses films comme ultra radicaux, tant dans le fond que dans la forme, bruts, coups de poing etc. Il est lié au 9e collectif de sans-papiers de Paris, qui est le plus radical et le plus anarchiste dans sa lutte.

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Message par Invité Mer 30 Nov 2011 - 4:09

adeline a écrit:
C'est étrange que tu lui reproches d'être mou, tiède, lent dans la perception, car on présente plutôt ses films comme ultra radicaux, tant dans le fond que dans la forme, bruts, coups de poing etc. Il est lié au 9e collectif de sans-papiers de Paris, qui est le plus radical et le plus anarchiste dans sa lutte.

salut Adeline,
la radicalisation de la forme ici amène une distance sur la vie des migrants, qui me semble-t-il ne doit pas être aussi sensitive avec tous ces plans de nature que filme Sylvain George, mais j'en sais rien après tout. Quand un gars attend son moment pour se jeter sous l'essieu d'un camion et voir ensuite ce même camion réaccélérer avec des cahots inquiétants, peut-être que le cinéaste aurait dû aller chercher aussi cette vision-là à quelques centimètres du sol dans une vitesse folle et un bruit d'enfer, pour accompagner son autre vision du film qui rend aux êtres toute leur splendeur visuelle et que pour le coup je trouve "tiède" parce qu'elle n'en assimile plus du tout les dangers de cette vie "au ras de l'expérience" comme dit Rancière. Je ne vois pas trop quand même tout ce qui peut orienter toute cette joliesse, même s'il y a une nécéssité évidente à filmer les migrants de cette façon et non dans un trash nauséeux. Encore une fois, je ne rejette pas le film, mais ce que je peux en lire ça et là ne m'aide pas beaucoup à l'aimer...

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Message par Invité Mer 30 Nov 2011 - 9:32

en fait la proposition du film offre "à travers la « figure » du migrant un processus d'émancipation":
À l'espaces agencé, discipliné, sécuritaire, s'oppose un espace mouvant caractérisé par un autre type de distribution : une distribution « nomadique », sans enclos mesure, dans laquelle les hommes se distribuent dans un espace ouvert, illimité, ou du moins sans limite précise. Il s'agit d’un mouvement d’émancipation, de libération, continu, toujours recommencé, et qui déborde en permanence les structures et cadres de pensée établis. Ce qui compte, ce n’est plus l’assignation de périmètres fixes mais le mouvement les rapports (discordants) entre les êtres et les choses.
C'est donc le sens que l'on peut lire dans la structure du film, mais aussi les images et les citations qui encadrent le film. Un film contre les sociétés mythiques, fermées, réifiées, où les individus sont réduits à l'état de vie nue ou « corps-nègre »; pour les sociétés qui se débordent en permanence, ouvertes à l'inconnu qui nous accueille, et dans lesquelles se re-définissent de façon continuelle des corps-impossibles, irréductibles et inassimilables.
http://quilsreposentenrevolte.com/SITE_OFFICIEL/ECRIT_ENTRETIEN.html

Donc ça c'est la proposition du film, fantasmée à quel point?, c'est un peu le débat, si cette distance-là est valable... J'en appelle évidemment à ceux qui ont une puissance intellectuelle autre pour en débattre(Borges, Jerzy, Tony le mort..).
Aussi j'ignorais tout à fait ce projet jusqu'à ce week-end, et le nom de Sylvain George.
3 ans pour faire son film?, dans les habitats de Villa Médicis?
On pourrait bien citer quelques exemples pour mieux comprendre en quoi ce film "renouvelle" la figure du migrant, de Chaplin à America America de Kazan...

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Message par Borges Mer 30 Nov 2011 - 9:35

breaker a écrit:C'est quand même un vieux bourrin aristocratique, le Rancière, tu trouves pas? Smile

salut breaker; comme toi, j'ai jamais été très épaté par sa lecture, défense, d'une certaine forme d'"esthétisation" (déjà très sensible dans sa lecture de "en avant, jeunesse) de la pauvreté, de la domination, avec l'idée que cela permet d'échapper à l'identification sociale, empirique, des êtres, qui est la norme générale et dominante, que cela soit sous la forme de la comédie (cf intouchables) ou du drame social; il faut affirmer la liberté esthétique, et politique des êtres, refuser l'identification et la reconnaissance dans l'image des principes de la vision, et division sociale (c'est un peu ce qu'il reproche à bourdieu, de nous donner un portrait sociologique de la représentation bourgeoise des dominés : " ils sont insensibles à la grande culture, grossiers, incultes; ils préfèrent E W and fire au divin mozart ") mais parfois tout cela n'arrive à rien, ne produit rien;

identifier et esthétiser, les deux trucs m'ennuient; ok, tout le monde a un sens esthétique, tout le monde est "kantien" en un sens, et il ne faut pas séparer la politique de l'esthétique... ok, les prolétaires c'est pas la distinction de bourdieu, mais c'est pour cela que représenter leur conditions réelles d'existence de manière esthétique produit un art émancipateur;

parfois on a le sentiment que rancière a une idée assez religieuse de la pauvreté;

(pq un charlot n'est plus possible, une détermination esthétique et politique (générique) de l'humanité dans une forme "dominée"?)


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Message par Borges Mer 30 Nov 2011 - 9:40

"Un travail indispensable, qui porte très haut une certaine idée des droits et des devoirs du cinéma.(Nicole Brenez )

droits et devoirs du cinéma?
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Message par Borges Mer 30 Nov 2011 - 9:42


À l'espaces agencé, discipliné, sécuritaire, s'oppose un espace mouvant caractérisé par un autre type de distribution : une distribution « nomadique », sans enclos mesure, dans laquelle les hommes se distribuent dans un espace ouvert, illimité, ou du moins sans limite précise. Il s'agit d’un mouvement d’émancipation, de libération, continu, toujours recommencé, et qui déborde en permanence les structures et cadres de pensée établis. Ce qui compte, ce n’est plus l’assignation de périmètres fixes mais le mouvement les rapports (discordants) entre les êtres et les choses.
C'est donc le sens que l'on peut lire dans la structure du film, mais aussi les images et les citations qui encadrent le film. Un film contre les sociétés mythiques, fermées, réifiées, où les individus sont réduits à l'état de vie nue ou « corps-nègre »; pour les sociétés qui se débordent en permanence, ouvertes à l'inconnu qui nous accueille, et dans lesquelles se re-définissent de façon continuelle des corps-impossibles, irréductibles et inassimilables.
http://quilsreposentenrevolte.com/SITE_OFFICIEL/ECRIT_ENTRETIEN.html
on dirait un pastiche de la pensée de rancière...

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Message par Invité Mer 30 Nov 2011 - 10:49

Borges a écrit:
"Un travail indispensable, qui porte très haut une certaine idée des droits et des devoirs du cinéma.(Nicole Brenez )

droits et devoirs du cinéma?

voui, le cinéma c'est comme de signer un contrat de Revenu de Solidarité Active, t'as des droits et des devoirs... et c'est peut-être les mêmes tacherons qui président aux commissions d'acceptation du cinéma.

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Message par Invité Mer 30 Nov 2011 - 12:26

une série d'archives sur Jacques Rancière, si ça vous dit de prolonger ce topic:
- "Les écarts du cinéma" (8 pages) (Ce texte est le discours de réception prononcé par Jacques Rancière à l'occasion de la remise du prix Maurizio Grande pour son livre La Fable cinématographique)
Des archives Cahiers du Cinéma:
- Les mots de l'histoire du cinéma (Cahiers n°496) (7 pages)
- De la difficulté d'être un personnage de cinéma (Cahiers n°529) (3 pages)
- Le cinéma comme la peinture? (Cahiers n°531) (3 pages)
- Et le cinéma continue (Cahiers n°542) (3 pages)
- La politique des auteurs, ce qu'il en reste (Cahiers n°559) (3 pages)
- Entretien avec Jacques Rancière (Cahiers n°567) (8 pages)
Spoiler:

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Message par adeline Mer 30 Nov 2011 - 18:59

Ah breaker, c'est top ça, merci à toi ! Mais je n'arrive pas à ouvrir le lien…

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Message par Invité Mer 30 Nov 2011 - 19:01

alors en haut à droite tu as un petit décompte de 5 secondes il me semble, quand tu as cliqué sur le lien... Au mieux tu fais un copier/coller du lien en question et tu l'ouvres ailleurs que sur forumactif parce que c'est forumactif qui t'impose de passer par des annonces publicitaires avant d'avoir un accès... ça va?

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Message par adeline Mer 30 Nov 2011 - 19:39

désolé non, en fait c'est vraiment le lien brut http://www.megaupload.com/?d=R5MT1BLN que mon navigateur ne peut pas ouvrir.

Lorsque je lis, en le parcourant rapidement, l'entretien d'Ind. sur le site de rue 89, j'ai l'impression de lire quelque chose que tout le monde, y compris moi, dit et redit depuis des années. Ce n'est pas vraiment une critique, mais plutôt une manière de dire que le discours sur le film, tiré de Rancière, n'est pas quelque chose de nouveau.
Et puis ce genre de prose
Les corps sont nimbés dans une lumière céleste qui en fait des anges, ou se trouvent plongés dans la noirceur de la nuit à travers laquelle resplendissent ça et là quelques éclats de lumière qui sont autant d'étincelles d'espérance. […] rendre à ces êtres la part de splendeur visuelle qui leur revient, que le film devienne un lieu de refuge, un abri pour la mémoire des morts et pour ceux dont les cris se perdent dans les landes désertées de Calais.

c'est vraiment trop lyrique et tout à fait horrible.

Dans mon souvenir des fils de SG, il manque quelque chose d'important lorsqu'on parle de rendre visible des vies et des gens, c'est les personnes, les êtres, les personnages. Disons que je me souviens de formes, de gestes, de corps, de mouvements, de cris, mais pas de personnes (mais j'ai vu le film il y a très longtemps). On me dira que c'est justement ça l'idée, sortir des logiques d'identification traditionnelles par l'esthétique. Faudrait que je revois le film avant de continuer cette piste-là.

C'est faire du cinéma le moyen d'une rédemption visuelle qui rende à ces êtres la possibilité d'une parole choisie et d'une image voulue.

La rédemption visuelle, il faut la chercher loin quand même, à moins qu'on découvre que ces "êtres" ont gravement péché. Quant à la parole choisie et l'image voulue, c'est une grande question, mais c'est comme l'idée de "donner la caméra aux ouvriers", c'est un truc qui trouve vite sa limite.

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Message par Invité Jeu 1 Déc 2011 - 8:56

je regardais un peu cette liste, je connais pas les noms à part celui de Burdeau, y'a des gens bien là-dedans?:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Pensionnaire_de_la_Villa_M%C3%A9dicis

en fait Sylvain George est logé au 104 et non à Villa Médicis:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cent_Quatre_%28%C3%A9tablissement_culturel%29
c'est bien ça le 104, c'est mieux le 9-3?


sinon vous connaissez ce court de Méliès?


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Message par Borges Jeu 1 Déc 2011 - 9:07

Qu'ils reposent en révolte (S. George) QRER_3-2a015

Le combat du film et la lutte pour sa sortie rentrent dans la même logique. Sylvain George filme les êtres sans nom et sans visage, privés de parole comme d’image et voués aux Limbes de l’histoire : les migrants. Son projet a pour seul but de donner une visibilité à cet invisible, et sous une forme qui esquive, dialectise et subvertit les formes de visibilité dominantes, les images spécieuses, les formes classiques de la compassion, du misérabilisme et de la victimisation.
http://www.independencia.fr/revue/spip.php?page=article-impression&id_article=424

-notons que ce sont les mêmes arguments qui font la promotion d'"intouchables"; des arguments de fer, pas de compassion...ce sont des arguments et des valeurs dominantes, ceux des vainqueurs, des maîtres, ceux de ce milliardaire en chaise roulante, qui ne veut surtout pas de pitié, et qui est allé dans la banlieue trouver un être sans pitié, pour le faire rire, et terroriser ceux qui l'embêtent; quelle est donc ici la révolution du regard de SG? tout le monde est contre la victimisation...la compassion...demandez à sarkozy... à je sais pas qui, aux banquiers, aux flics... mais en même temps, quelques êtres sont constitués en victimes absolues d'un tort absolu (cf les fiction du mal, et rancière)...les victimes des terroristes, par exemple, des délinquants sexuels... ou je sais pas, toutes ces victimes qui permettent de fonder une action sans pitié, sans compassion...s'il ne faut pas avoir de pitié pour SG, et les gars d'indépendants, il n'en faut pas plus du côté des chefs de la police, des ministre de l'intérieur...le plus marrant, c'est que le discours de nos amis, petits indépendants, ce qui explique la dureté du ton, allie le refus de la compassion à une rhétorique chrétienne, catholique...(rédemption, limbes...lumières, anges....) rédemption, c'est un mot de Krakauer, mais chez lui c'était tout le réel, la réalité matérielle, qui devait par le cinéma être "rédempté"; ici, c'est presque l'inverse, la rédemption s'effectue par une matérialisation de l'humanité de ces êtres...comme ils disent...il faut arracher ces êtes à leur statut de victimes pour en faire de la matière d'une expérience esthétique, la matière d'un discours critiques, ou les sans nom du champ cinéma se font un nom, se rendent visible... tout cela n'est pas très joli, au fond, et révèle l'impossibilité de ce type de cinéma; le cinéma ne peut rien; les sans-papiers n'ont pas pour vocation de transformer leur doigts brulés en statue...

on refuse la compassion; mais en même temps on est toujours du côté du don, donc de l'inégalité...ils y a ceux qui donnent, et ceux qui reçoivent... "donner une visibilité à cet invisible" "donner une visibilité"... joli partage...



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Message par Borges Jeu 1 Déc 2011 - 9:52

Etalonné en noir et blanc, le film compose une dialectique de l’ombre et de la lumière qui dit le drame de ces êtres et celui de l’histoire. Les corps sont nimbés dans une lumière céleste qui en fait des anges, ou se trouvent plongés dans la noirceur de la nuit à travers laquelle resplendissent ça et là quelques éclats de lumière qui sont autant d’étincelles d’espérance.
http://www.independencia.fr/revue/spip.php?page=article-impression&id_article=424

voyons ce partage, très courageux, et novateur, une vraie révolution dans la pensée pensante et indépendante :d'un côté le noir, de l'autre le blanc, et bien entendu toutes les valeurs positives, ici, sont situées du côté de la lumière, sont lumineuses, et peut-être même blanche; on peut parier que le mec qui a écrit ça, et comme on dit, plutôt blanc, brillant, et lumineux; un être de lumière; dialectique du noir et du blanc, de la lutte des ténèbres et de la lumière, ça va pas chercher loin en terme de pensée, et très loin en terme de cinéma...

ça sent vraiment le christianisme le plus enfantin; c'est pas très adroit, le gars nous parle d'"espérance", anges et tout le cinéma, pour tirer ces pauvres gars de leur noirceur...surtout si on note le paradoxe qu'en général, ils sont pas chrétiens...

enfin, on pense comme on peut..

"espérance", pas "espoir", comme dans le beau livre de sarkozy,

je sais pas si SG partage cette conception sarkoziste du cinéma, du réel, et de sa rédemption, par les frères lumières (frères, ici, doit s'entendre comme dans l'expression "frère jean"...)


Le cinéma n’a guère d’autre impact politique que cette faible force messianique :





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Message par Invité Jeu 1 Déc 2011 - 10:08

merci Borges, très bons commentaires, ça me va parfaitement.

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Message par Invité Jeu 1 Déc 2011 - 13:08

En même temps vu de l'extérieur sans avoir vu le film vos réserves intègrent parfaitement le fait qu'il y a un genre "film formaliste sur les Sans-Papiers" ou "film formaliste dont l'objet est l'humanité menacée", parce que c'est le seul objet sur lequel vous vous prononcez.

Je pense pas que ce qui apparaît comme de l'humanisme suplicien soit forcément une lâcheté de la part du réalisateur, ils ont peut-être plutôt un discours politique et esthétique qui avait une force dans les années 90 mais dont les créateurs ne s'aperçoivent pas qu'elle a trop mal vieillie pour être relayée en dehors du cinéma et est maintenant facile à contrer par la droite.J'ai un peu le même problème avec la représentation d'une humanité spontanément transeuropéenne dans un film comme "Vers le Sud" de van der Keuken (1982), pourtant c'est un film intéressant et légitime, dont les interviews restent en mémoire.

Ce n'est pas tout à fait la même chose de reprocher à quelqu'un de se tromper et de lui reprocher d'être battu, la complaisance et l'auto-apitoiement ne sont il est vrai possible que dans le second cas.

Bon sans doute que le niveau politique du film est encore plus en dessous qu' "Un Film Comme les Autres" de Godard-Gorin (précieux mais hypocrite car il filme la récupération idéologique du gauchisme en faisant semblant d'y croire, c'est la neutralité non-assumée du film qui le rend intéressant)

Mais en sortant le terme "conception sarkozienne du cinéma, du réel, de l'étranger etc..." vous donnez à Sarkozy une essence qu'il ne demande même pas. L'univers de Sarkozy n'est pas inédit, la position de pouvoir du nouveau riche au sein de la droite, on le trouve toute entière dans "Splendeur et Misères des Courtinsanes", c'est plutôtsur son trop grand âge qu'il faudrait l'attaquer. La référence de son action ne se place pas après l'émergence d'une sensibilité républicaine et démocratique vers les années 1890-1914 (minoritaire, difficilement victorieuse dans l'affaire Dreyfus, consciente à la fois de son pouvoir et de la fragilité de ses acquis), dans une volonté de la refermer mais avant, comme si elle n'avait pas été décisive. Le "sarkozysme" c'est une réaction politique avant d'être un phénomène ontologique. Avez-vous conscience que le travestissement de la signification des mots par la politique, et le populisme est particulier, lui préexiste et lui survivra? Placez-vous la notion de "victoire politique" à l'extérieur ou au sein de ce travestissement?

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Message par Invité Jeu 1 Déc 2011 - 20:50

Borges a écrit:ils y a ceux qui donnent, et ceux qui reçoivent... "donner une visibilité à cet invisible" "donner une visibilité"... joli partage...
ça me rappelle David Yon tout en dérives jusqu'à Marseille... i est parti du forum, David, et poste même pùs sa newslettre?
désolé mais en ce moment je dois absolument sacrifier un agneau par jour avec mon régime drastique cortisone. J'ai déjà bouffé Lumumba et Fast and Furious.
Je viens d'emprunter un super bouquin, c'est les supers voyages d'Antoine de Maximy, tous auréolés d'un certain angélisme faut bien le dire, son projet entier tient à rendre toute leur splendeur aux êtres, c'est un monstre fascinant le Maximy qui se reproduit plutôt bien d'une façon ou d'une autre, certainement en filiation avec les anges de Qu'ils reposent en révolte... hum...
Par exemple sur les Belges il dit: "J'aime bien la Belgique, les Belges ont en eux une vraie gentilesse."(i a pas croisé Jerzy)
Les deux pages sur la Belgique, ça donne envie, on sent bien toute la splendeur du projet:

http://dk1.ti1ca.com/get/90.29.197.243/1t0fk7ty/2.jpg
http://dk1.ti1ca.com/get/90.29.197.243/gpe6ndc6/3.jpg

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